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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 1, 24 janvier 2024, n° 23/09086

PARIS

Arrêt

Autre

PARTIES

Défendeur :

Double Check (SELAS), Mia Prod (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Douillet

Conseillers :

Mme Barutel, Mme Bohée

Avocats :

Me Boccon Gibod, Me Iteanu, Me Hervey-Chupin, Me Fellous

T. com. Paris, 8e ch., du 17 mai 2023, n…

17 mai 2023

EXPOSE DU LITIGE

Par jugement du 13 septembre 2022, le tribunal de commerce de Marseille a notamment, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- déclaré que la Sarl Agence de Diffusion de Produits, la Srl Colorpack, la Sas Spray Couleur, et la Sas Colorpack France ont ensemble commis des agissements constitutifs de concurrence déloyale et de parasitisme économique à l'égard de la Sas Sinto ;

- déclaré la Sas Sinto recevable en ses demandes formées à l'encontre de la Sarl Agence de Diffusion de Produits et de la Srl Colorpack ;

- condamné in solidum la Sarl Agence de Diffusion de Produits, la Srl Colorpack, la Sas Spray Couleur et la Sas Colorpack France à payer à la Sas Sinto les sommes de :

- 50.000 € au titre du préjudice moral ;

- 518.834 € au titre du préjudice matériel ;

- débouté la Sas Sinto de sa demande de publication du jugement et de ses demandes formées au titre du préjudice d'image et de la procédure abusive de la Sarl Agence de Diffusion de Produits ;

- déclaré d'office la Srl Colorpack irrecevable en son appel en garantie diligenté à l'encontre de M. [U] [P] ;

- débouté la Srl Colorpack de son appel en garantie formé à l'encontre de la Sarl Agence de Diffusion de Produits, de la Sas Spray Couleur et de la Sas Colorpack France ; 

- débouté la Sarl Agence de Diffusion de Produits de ses demandes reconventionnelles ;

- déclaré valable la clause 14 du contrat d'agent commercial liant la Sarl Agence de Diffusion de Produits et la Sas Sinto ;

- condamné conjointement la Sarl Agence de Diffusion de Produits, la Srl Colorpack, la Sas Spray Couleur et la Sas Colorpack France à payer à la Sas Sinto la somme de 30.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné conjointement la Sarl Agence de Diffusion de Produits, la Srl Colorpack, la Sas Spray Couleur et la Sas Colorpack France aux dépens ;

- rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins, et conclusions contraires aux dispositions du présent jugement.

Par acte du 7 octobre 2022, la Srl Colorpack a interjeté appel du jugement.

Par jugement du 10 janvier 2023 du tribunal de commerce de Vienne, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'encontre de la Sarl Agence de Diffusion de Produits, la Selarl Alliance MJ ayant été nommée ès qualité de liquidateur.

Par jugement du 19 janvier 2023 du tribunal de commerce de Gap, la procédure de sauvegarde prononcée à l'égard de la Sas Spray Couleur a été convertie en liquidation judiciaire.

Par conclusions d'incident enregistrées par voie dématérialisée le 3 avril 2023, puis reprises par conclusions enregistrées le 17 novembre 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens, la Sas Sinto a saisi le conseiller de la mise en état d'une demande radiation pour absence d'exécution de la décision déférée sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile, et sollicite la condamnation de la Srl Colorpack au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, dont distraction au profit de la Selarl Lexavoue [Localité 7].

Au visa de l'article 524 du code de procédure civile, elle fait valoir que :

- la société appelante n'a pas exécuté la décision frappée d'appel et a attendu près d'un an pour effectuer un premier virement, lequel est incomplet ;

- alors que la Sas Colorpack France, dirigée par la Srl Colorpack, et également débitrice solidaire des condamnations, a cédé son unique fonds de commerce, elle a fait opposition à sa propre opération pour rendre ce prix de cession indisponible, empêchant ainsi l'effet attributif de la saisie pratiquée ;

- l'ouverture d'une procédure collective au bénéfice de la Sarl Agence de Diffusion de Produits n'est pas de nature à faire échec à la demande de radiation à l'encontre de l'appel formé par la Srl Colorpack ; d'autre part, la justification du non-paiement par un intimé n'est pas de nature à justifier le non-paiement de l'appelant ;

- la radiation s'impose d'autant plus que les condamnations prononcées reposent sur des comportements volontairement fautifs et dissimulés ayant généré des bénéfices sur une longue période à leurs auteurs ;

- aucune conséquence manifestement excessive que serait susceptible d'entraîner l'exécution de la décision n'est démontrée ;

Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 1er décembre 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens, la Srl Colorpack demande au conseiller de la mise en état :

- rejeter la demande de radiation de la Sas Sinto ;

- juger qu'elle est bien fondée à poursuivre son appel ;

- constater que le jugement entrepris du 13 septembre 2022 est en cours d'exécution ;

- condamner la Sas Sinto au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la Sas Sinto aux dépens.

Au visa des articles 524 et de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et du citoyen, elle réplique :

- avoir exécuté, par le règlement de la somme de 152.708,50 €, l'intégralité de sa part de condamnation, le reste étant dû par la Sarl Agence de Diffusion de Produits, la Sas Spray Couleur, et la Sas Colorpack France, ce paiement constituant une volonté non équivoque de déférer la décision attaquée ;

- la Sas Sinto lui fait grief de l'absence d'exécution intégrale de la condamnation susvisée, tout en contrevenant au paiement de sommes complémentaires, n'ayant pas validé le projet de répartition amiable du séquestre ;

- elle ne peut pas décider d'exécuter à la place de la Sas Colorpack France, laquelle n'est pas son associée mais son client ;

- la situation de ses codébiteurs s'est dégradée depuis le jugement, de sorte qu'elle n'a aujourd'hui pas la certitude de pouvoir être remboursée des sommes qu'elle aura avancé pour leur compte ; de surcroît, elle a cédé son fonds de commerce depuis le 29 septembre 2022, de sorte qu'elle n'a plus aucun client en France depuis lors ; dès lors, l'exécution provisoire des condamnations entraînerait des conséquences irréversibles.

Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 21 juillet 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens, la Selarl Alliance Mj, ès qualité de liquidateur de la Sarl Agence de Diffusion des Produits, demande au conseiller de la mise en état de :

- débouter la Sas Sinto de sa demande de radiation à l'encontre de la Selarl Alliance MJ, ès qualité de liquidateur judiciaire de la Sarl Agence de Diffusion des Produits ;

- réserver les dépens.

Elle fait valoir être dans l'impossibilité de de régler une créance antérieure à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire.

MOTIFS

- Sur la demande de radiation sur le fondement des dispositions de l'article 524 du code de procédure civile

Aux termes de l'article 524 du code de procédure civile, lorsque l'exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d'appel, décider, à la demande de l'intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l'article 521, à moins qu'il lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision.

En l'espèce, il n'est pas contesté que la Srl Colopack n'a pas exécuté intégralement la décision déférée. Une somme de 152.708,50 € a déjà été recouvrée par le biais d'un versement intervenu le 30 août 2023, laquelle correspond au quart du montant de la condamnation en principal, au quart du montant de la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre la somme due au titre de l'article 700 auquel elle a été condamnée au titre de l'ordonnance rendue le 19 juin 2023, par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

La Srl Colorpack soutient que ce paiement constitue une volonté non équivoque de déférer à la décision attaquée.

Il est à observer qu'outre le fait qu'elle n'avance pas être dans l'impossibilité d'exécuter la décision, elle maintient, ainsi qu'il ressort du courrier relatif à la distribution amiable du prix séquestré (pièce n° 10), une opposition sur le reste du prix de cession du fonds de commerce de la Sas Colorpack France, à hauteur de 77.291,50 €.

Toutefois, une telle opposition ne peut lui être reprochée, alors qu'il ressort de ce même courrier que l'ensemble des créanciers n'ont pas validé le projet d'accord de répartition amiable, et que la somme séquestrée ne permet ainsi pas de désintéresser l'ensemble des créanciers.

S'il est exact que la condamnation prononcée par le jugement entrepris est une condamnation in solidum, permettant à la Sas Sinto de récupérer la totalité de sa créance auprès d'une seule de ces sociétés, le paiement d'une partie de la somme à laquelle l'appelante a été condamnée solidairement constitue une exécution partielle suffisante d'une condamnation prononcée solidairement lorsque les parties qui n'ont pas exécuté justifient de difficultés financières.

Or, à cet égard, la Sarl Agence de Diffusion de Produits, et la Sas Spray Couleur ont été placées en liquidation judiciaire par décisions des 10 et 19 janvier 2023, tandis que la Sas Colorpack France a cédé son fonds de commerce.

Ces éléments, conjugués à l'attestation comptable produite (pièce n° 9), qui, en l'absence de tout autre élément comptable produite, dont il ressort, vaut comme un élément de preuve parmi d'autres, constituent un faisceau d'indices suffisant à établir les conséquences manifestement excessives que le paiement de l'intégralité de la condamnation entrainerait pour la Srl Colorpack. L'expert-comptable atteste ainsi à ce titre que le paiement intégral de la condamnation « aurait un impact irréversible sur la stabilité économique et financière de l'entreprise, pouvant conduire à un état de cessation des paiements ».

Il sera rappelé qu'il n'appartient pas au conseiller de la mise en état de se prononcer sur une disproportion éventuelle des sommes mises à la charge de la société appelante, s'agissant d'une appréciation de fond, et que celle-ci ne saurait en tout état de cause justifier une absence d'exécution de la condamnation.

Au surplus, si l'article 524, institué dans un but de célérité, afin de constituer une protection pour le créancier, d'éviter les appels dilatoires et assurer une bonne administration de la justice, ne restreint pas l'accès du justiciable à la cour et n'est pas contraire à la Convention Européenne de droits de l'Homme, la radiation au motif d'une carence des codébiteurs constituerait en l'espèce une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge.

Dans de telles conditions, la demande de l'intimée tendant à voir prononcer la radiation de l'affaire, et ce sur le fondement des dispositions de l'article 524 précité, sera rejetée.

La demande de la Selarl Alliance MJ, ès qualité de liquidateur judiciaire de la Sarl Agence de Diffusion des Produits, tendant à voir débouter la Sas Sinto de sa demande de radiation à son encontre est sans objet, s'agissant d'une demande de radiation de l'appel formé par la Srl Colorpack.

- Sur les demandes accessoires,

La procédure de radiation fondée sur les dispositions de l'article 524 du code de procédure civile visant à obtenir une mesure d'administration judiciaire, il n'y a pas lieu de statuer sur les dépens et sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LE MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT,

Statuant publiquement et contradictoirement, par mesure d'administration judiciaire,

Déboute la Sas Sinto de sa demande de radiation de l'affaire inscrite au rôle sous le numéro 22-13333 sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs autres demandes.