CA Poitiers, 1re ch., 23 janvier 2024, n° 22/00504
POITIERS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Generali Assurances Iard (SA)
Défendeur :
Amorim Top Séries France (Sté), Distillerie Vinet-Delpech (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Monge
Conseillers :
Mme Verrier, M. Orsini
Avocats :
Me Gallet, Me Bellaiche, Me Michot, Me Sonnier Poquillon
PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La société Sodiliège, désormais dénommée Amorim Top Series France, fabrique et vend des bouchons. Certains sont destinés aux bouteilles de spiritueux. Elle est assurée auprès de la société Generali France.
Elle est en relation d'affaires depuis plusieurs années avec la société Vinet-Delpech à laquelle elle a vendu courant 2014 des bouchons pour l'embouteillage de lots de brandy destinés à l'exportation, principalement en Chine.
Soutenant que des bouchons livrés avaient été défectueux, la société Vinet-Delpech a assigné la société Sodiliège devant le juge des référés du tribunal de commerce de Saintes. Par ordonnance du 22 juin 2015, [Y] [L] a été commis en qualité d'expert. Par ordonnance du 28 septembre 2015, les opérations d'expertise ont été étendues à la société portugaise Sercor, fournisseur du liège et à la société Lusitania son assureur. Le rapport d'expertise est en date du 10 avril 2016.
Par acte du 1er août 2017, la société Vinet-Delpech a assigné la société Sodiliège devant le tribunal de commerce de Saintes. Elle a demandé paiement à titre de dommages et intérêts de la somme de 90.641,69 € en réparation du préjudice subi en raison de la défectuosité des bouchons livrés.
Se fondant sur les stipulations de ses conditions générales de vente selon elle connues et acceptées par la demanderesse, la société Sodiliège a soulevé l'incompétence du tribunal de commerce de Saintes au profit de celui d'Angoulême.
Au fond, elle a conclu au rejet des demandes formées à son encontre aux motifs que ni les vices cachés allégués, ni le préjudice qui en serait résulté n'étaient prouvés. Subsidiairement, elle s'est prévalue de la clause limitative de garantie stipulée aux conditions générales de vente.
La société Generali Assurances Iard est intervenue volontairement à l'instance. Elle a soulevé l'incompétence du tribunal de commerce de Saintes au profit de celui d'Angoulême et conclu au rejet des demandes formées à l'encontre de son assurée, aux motifs que les vices allégués n'étaient pas établis.
Par jugement du 6 janvier 2022, le tribunal de commerce de Saintes a statué en ces termes :
« Donne acte à la COMPAGNIE GENERALI de son intervention volontaire à la procédure, ès-qualités d'assureur de la SAS SODILIEGE,
Condamne solidairement la SAS SODILIEGE et son assureur GENERALI à payer, à la Société VINET DELPECH la somme de 27 111,95 euros, en réparation des préjudices liés au défaut des bouchons,
Condamne solidairement la Société SODILIEGE et GENERALI à payer à la Société VINET DELPECH une somme de 14 392,94 euros, en réparation des préjudices liés aux dommages immatériels pour atteinte à l'image,
Condamne solidairement la défenderesse et son assureur GENERALI à payer à la Société VINET DELPECH la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Déboute la Société SODILIEGE de ses demandes,
Déboute la Société GENERALI de ses demandes,
Condamne solidairement les Sociétés SODILIEGE et GENERALI aux entiers dépens et frais de l'instance, liquidés à la somme de 66.70 euros dont 11.12 euros de TVA ».
Il a rejeté :
- l'exception d'incompétence soulevée, les conditions générales de vente de la société Sodiliège n'ayant pas été expressément acceptées par la demanderesse;
- les demandes relatives aux bouchons 46 à crans n'ayant pas fait l'objet des opérations d'expertise.
Il a considéré que ;
- le diamètre insuffisant des bouchons TP 34 en regard des spécifications de la société Vinet-Delpech avait été à l'origine des débordements constatés ;
- la colle utilisée était à l'origine des défauts des bouchons New 51 affectant 5 % des bouchons livrés.
Il a évalué à 27.111,95 € le préjudice matériel subi et à 14.392,94 € le préjudice immatériel subi, constitué des avantages financiers qui avaient dû être consentis aux clients pour les conserver.
Il a rejeté la demande d'indemnisation d'une perte de clientèle.
Il a écarté les clauses d'exclusion de garantie stipulées au contrat d'assurance, non formelles et limitées au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances. Il a en conséquence retenu que la société Generali devait sa garantie.
Il a considéré que les éléments d'information relatifs à un litige opposant la demanderesse à la société Dtf ayant vendu un filtre tangentiel n'établissaient pas une double indemnisation d'un même préjudice.
Par déclaration reçue au greffe le 23 février 2022, la société Generali Assurances Iard a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 7 septembre 2023, elle a demandé de :
Vu les articles 325 et suivants du code de procédure civile,
Vu les articles 1641 et suivants du code civil,
Vu l'article 1315 (devenu 1353) du code civil et 6 et 9 du code de procédure civile,
Vu la note en délibéré du 13 novembre 2018,
[...]
CONFIRMER le jugement en ce qu'il a jugé recevable l'intervention volontaire de la Compagnie GENERALI, sans aucune reconnaissance de garantie, ni acceptation du bien-fondé des réclamations formées à l'encontre de son assuré, la société SODILIEGE,
Sur le fond et l'action en garantie des vices cachés,
Sur les bouchons 46 à crans,
- CONFIRMER le jugement en ce qu'il a écarté toute réclamation au titre des bouchons 46 à crans, faute de démonstration d'un défaut les affectant en l'absence de constat contradictoire,
En conséquence,
- REJETER les demandes formées au titre des bouchons 46 à crans soit la somme de 21.719,07 euros, aucun constat contradictoire n'ayant été réalisé,
Sur les bouchons TP 34 et New 51,
- INFIRMER le jugement en ce qu'il a jugé que les désordres affectant les bouteilles équipées de bouchons TP 34 et New 51 étaient imputables à la société SODILIEGE.
En conséquence,
- JUGER que la société VINET-DELPECH ne démontre pas l'existence d'un vice caché des bouchons NEW 51 et TP 34,
- DEBOUTER la société VINET-DELPECH de ses demandes formées à l'encontre de la société SODILIEGE,
A titre subsidiaire,
- INFIRMER le jugement en ce qu'il a retenu que 100 % des conséquences des désordres allégués sur les bouchons devaient être indemnisés,
En conséquence,
- LIMITER l'indemnisation au taux de désordres constatés soit :
o 83 % pour les bouchons TP 34,
o 5 % pour les bouchons NEW 51 36/38,
A titre subsidiaire, sur les préjudices,
- INFIRMER le Tribunal en ce qu'il a accueilli les demandes de la société VINET-DELPECH,
- INFIRMER le jugement en ce qu'il a déclaré les conditions générales de la société SODILIEGE inopposables,
- JUGER que la société VINET-DELPECH ne démontre par l'existence de ses préjudices,
- REJETER les demandes de la société VINET-DELPECH au titre des frais d'expédition, avoirs, rabais octroyés, les frais d'hébergement, d'avion et de voyage, les frais de transports et les frais de kiosque, par application des conditions générales de vente de la société SODILIEGE,
- Plus généralement, REJETER l'ensemble des demandes formées par la société VINET-DELPECH, comme étant insuffisamment justifiées,
- A titre plus subsidiaire,
- CONFIRMER le jugement en ce qu'il a écarté l'indemnisation de la société VINET-DELPECH au titre du cout de remplacement des produits et de la perte de clientèle,
A titre infiniment subsidiaire, sur la garantie,
- INFIRMER le jugement en ce qu'il a jugé que la clause de reprise de prestation n'était ni formelle ni limitée et jugé que la garantie de GENERALI devait porter sur le remboursement des bouchons prétendument défectueux et des coûts d'achat de bouchons de remplacement (3.468 euros), soit la somme de 43.681,31 €,
en conséquence,
- REJETER toute demande de garantie au titre du remboursement des bouchons (39.719,56 euros + 493 euros) et du cout d'achat des bouchons de remplacement (3.468 euros), à savoir la somme de 43.681,31 euros,
- CONFIRMER le jugement en ce qu'il a fait application des limites de la garantie des frais de dépose/repose, mais l'INFIRMER sur le montant retenu,
en conséquence,
- JUGER que les frais de voyage, de rapatriement, et de déplacement à hauteur de 30.717,44 euros constitue, sous réserve de la démonstration d'une opération de dépose/repose, des frais de dépose/repose garantie dans la limite du plafond de 75.000 euros et sous déduction d'une franchise de 15.000 euros.
- CONFIRMER le jugement en ce qu'il a fait application des limites des dommages immatériels non consécutifs mais l'INFIRMER sur le montant retenu,
- JUGER que les autres demandes constituent des dommages immatériels non consécutifs garantis dans la limite du plafond de 200.000 euros et sous déduction d'une franchise de 15.000 euros,
- FAIRE APPLICATION des limites et exclusions du contrat d'assurance,
En toute hypothèse,
- CONDAMNER la société VINET-DELPECH au paiement de la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile,
- CONDAMNER la société VINET-DELPECH au paiement des entiers dépens.
Elle a fait observer que les réclamations de la société Vinet-Delpech portaient indistinctement sur les trois types de bouchons litigieux alors même que l'expert judiciaire n'en avait examiné que deux.
Elle a conclu au rejet des prétentions formées relatives aux bouchons 46 à crans sur lesquels les opérations d'expertise n'avaient pas porté.
S'agissant des bouchons TP 34, elle a soutenu que :
- les désordres les ayant affectés n'étaient pas établis, l'absence d'étanchéité des bouteilles ayant eu pour cause une température excessive des bouteilles pendant leur transport vers la Chine, ayant fait monter le brandy dans le col de la bouteille ;
- seuls 83 % des bouteilles avaient été affectés ;
- l'expertise avait établi que le liège ne s'était pas rétracté ;
- la faute incombait à la société Vinet-Delpech qui avait choisi d'utiliser des bouchons d'un diamètre insuffisant en regard de celui de l'embouchure des bouteilles.
S'agissant des bouchons New 51, elle a soutenu que le rapport d'expertise n'avait pas caractérisé les causes du débordement. Elle a ajouté que:
- le vice allégué n'était pas caché mais pouvait constituer un défaut de conformité, non allégué ;
- la destination des bouteilles lui était inconnue ;
- les conditions du transport étaient à l'origine du sinistre ;
- le décollement des têtes de bouchons constaté par l'expert avait été de 5 % de l'échantillon analysé (7 sur 144 bouteilles).
Elle a contesté les préjudices allégués, dont la preuve n'avait selon elle pas été rapportée. Elle a exposé qu'il n'était pas établi que les lots de bouteilles objet de la demande d'indemnisation comportaient ces bouchons et que les deux courriels en chinois produits étaient d'une force probante insuffisante. Elle a ajouté qu'il ne pouvait pas être demandé le remboursement du prix des bouchons et le coût de leur remplacement.
Elle a soutenu que :
- les conditions générales de vente de son assurée étaient opposables à la société Vinet-Delpech, notamment la clause limitative d'indemnisation ;
- le bon d'expédition de bouteilles et les factures de transport étaient sans lien avec les bouchons vendus ;
- la société Vinet-Delpech n'établissait pas que les rabais ou avantages commerciaux consentis aux clients chinois étaient en lien avec les défauts allégués des bouchons, de même que les frais de déplacement supportés ;
- la société Vinet-Delpech n'établissait pas que ces préjudices étaient en lien avec les bouchons et non avec les dépôts blanchâtres attribués aux défauts du filtre tangentiel objet d'un autre litige ;
- cette société pourrait ainsi être indemnisée deux fois d'un même préjudice.
Elle s'est prévalue de la limite de garantie stipulée, excluant la prise en charge de la prestation de son assurée. Elle a ajouté que cette garantie était limitée aux dommages causés par le produit ou la prestation, mais non celui causé à ceux-ci. Elle a soutenu la validité d'une telle clause, d'un caractère formel et limité.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 8 septembre 2023, la société Vinet-Delpech a demandé de :
Vu les articles 1641 et suivants du code civil.
DECLARER GENERALI mal fondée en son appel, l'en débouter.
DECLARER SODILIÈGE mal fondée en son appel incident, l'en débouter.
ET, SUR L'APPEL INCIDENT DE VINET-DELPECH :
DECLARER la DISTILLERIE VINET-DELPECH bien fondée en son appel incident et le recevoir,
Y faisant droit :
RÉFORMER partiellement le jugement de première instance, en ce qu'il a limité la condamnation solidaire de la société SODILIEGE et de son assureur GENERALI au montant de 27 111,95 € à titre de dommages en réparation des préjudices liés au défaut des bouchons ;
RÉFORMER partiellement le jugement de première instance, en ce qu'il a limité la condamnation solidaire de la société SODILIEGE et de son assureur GENERALI au montant de de 14 392,94 € en réparation des préjudices liés aux dommages immatériels pour perte d'image ;
Statuant à nouveau,
CONDAMNER solidairement l'appelante GENERALI et la société SODILIEGE à payer à VINET-DELPECH la somme de 106.678,93 €, à titre d'indemnisation pour les pertes et dommages résultant des défauts cachés affectant les bouchons vendus.
CONDAMNER solidairement l'appelante GENERALI et la société SODILIEGE à payer, à la demanderesse, une somme de 40.000 €, à titre d'indemnité pour les dommages subis pour atteinte à l'image et la perte de clientèle.
Et à titre subsidiaire,
CONDAMNER solidairement l'appelante GENERALI et la société SODILIEGE à payer à VINET-DELPECH la somme de 84.699,19 €, à titre d'indemnisation pour les pertes et dommages résultant des défauts cachés affectant les bouchons vendus.
CONDAMNER solidairement l'appelante GENERALI et la société SODILIEGE à payer, à la demanderesse, une somme de 40.000 €, à titre d'indemnité pour les dommages subis pour atteinte à l'image et la perte de clientèle.
En tout état de cause :
DEBOUTER GENERALI et la société SODILIEGE de toutes demandes, fins et conclusions ;
CONDAMNER solidairement GENERALI et la société SODILIEGE à payer, à la demanderesse, la somme de 5.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNER solidairement GENERALI et la société SODILIEGE aux entiers dépens, en ce compris tous les frais d'expertise.
Elle a maintenu que les plaintes de ses clients chinois liées aux défauts ayant affecté les bouchons l'avaient conduite à supporter les frais supplémentaires suivants :
- 39.719,56 € correspondant au coût d'achat des bouchons défectueux ;
- 3.468,75 € correspondant au coût d'achat de bouchons de remplacement ;
- 3.605,49 € correspondant au coût d'expédition en Chine de bouchons de remplacement ;
- 5.285,48 € correspondant à l'avoir consenti à un client ;
- 6.489,67 € correspondant aux frais de train, d'avion, d'hôtel et de traduction supportés pour se rendre en Chine reboucher les bouteilles d'un client ;
- 826,20 € correspondant au rabais octroyé à ce client sur la commande de remplacement ;
- 4.778,02 € correspondant au coût de rapatriement en France d'un conteneur;
- 1.829,30 € correspondant aux frais d'expédition d'une commande de remplacement ;
- 8.281,26 € correspondant à l'avoir consenti à un client ;
- 4.026,12 € correspondant aux frais d'avion exposés pour se rendre en Chine procéder au rebouchage des bouteilles d'un client ;
- 1.404 € correspondant aux frais d'hébergement supportés ;
- 829,32 €, 493 € et 142,58 € correspondant aux frais de transport des bouchons de remplacement ;
- 276,10 € correspondant à des frais de transport supportés en Chine pour se rendre chez un client ;
- 1.509,09 € et 2.744,90 € correspondant aux frais de transport de bouteilles en Chine pour le rebouchage de bouteille et aux frais de main-d'œuvre y relatifs;
- 2.074 € correspondant au coût de l'avion pour un second voyage en Chine afin de reboucher des bouteilles ;
- 1.008,85 € correspondant aux frais d'expédition en Chine des bouchons de remplacement ;
- 1.850 € correspondant aux frais du kiosque devant être occupé avec un client à une exposition ;
Soit un total de 90.641,69 €.
Elle a ajouté avoir subi une grave atteinte à son image auprès de sa clientèle chinoise.
Elle a maintenu que le rapport d'expertise avait établi un diamètre insuffisant des bouchons TP 34 et un défaut de collage des bouchons New 51.
Selon elle, sa renonciation en raison de son coût à un recours à l'encontre de la société Dtf, fournisseur d'un filtre tangentiel, était sans incidence sur son droit à indemnisation des conséquences dommageables des défauts ayant affecté les bouchons.
Elle a exclu l'application de la clause attributive de juridiction dont se prévalait la société Sodiliège, non acceptée, rappelant que la facture au dos de laquelle figuraient les conditions générales de vente avait été émise postérieurement à la formation du contrat. Elle a ajouté que cette société avait accepté la compétence du tribunal de commerce de Saintes à l'occasion de la procédure de référé expertise.
Elle a en outre demandé le remboursement du coût d'achat des bouchons défectueux.
Elle a estimé à 40.000 € la réparation de l'atteinte à son image étant résulté des défauts ayant affecté les bouchons.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 6 septembre 2023, la société Sodiliège a demandé de :
SUR l'EXCEPTION D'INCOMPETENCE :
Vu l'article 48 du Code de procédure civile,
Vu la clause attributive de compétence des conditions générales de vente SODILIEGE,
INFIRMER LE JUGEMENT ENTREPRIS en ce qu'il a retenu sa compétence au profit du Tribunal de commerce d'Angoulême,
EN CONSEQUENCE, renvoyer l'affaire devant la Cour d'appel de Bordeaux.
SUR LE FOND :
Vu les articles 1641 et suivants du Code civil,
Vu l'article 1315 du Code civil,
Vu l'article L. 113-1 du Code des assurances,
CONFIRMER LE JUGEMENT ENTREPRIS EN CE QU'IL A :
- Rejeté les demandes au titre des bouchons « 46 à cran »,
- Ecarté la limitation de garantie invoquée par GENERALI, sauf à préciser dans le dispositif que GENERALI sera condamnée à relever et garantir la société SODILIEGE de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre,
L'INFIRMER POUR LE SURPLUS ET, STATUANT A NOUVEAU :
A TITRE PRINCIPAL :
CONSTATER que la société VINET-DELPECH n'apporte pas la démonstration de vices cachés qui affecteraient les bouchons qui lui ont été vendus par la société SODILIEGE et qu'elle n'établit pas davantage le lien de causalité entre ces défauts allégués et le préjudice invoqué.
DEBOUTER en conséquence la société VINET-DELPECH de l'intégralité de ses demandes et de toutes demandes plus amples.
A TITRE SUBSIDIAIRE :
CONSTATER le jeu de la clause limitative de garantie et l'absence de justification pertinente de son préjudice par la société VINET-DELPECH.RAMENER les prétentions financières de la société VINET-DELPECH à de plus justes proportions et raisonnablement à l'euro symbolique.
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
CONDAMNER la compagnie GENERALI à relever et garantir la société SODILIEGE de l'ensemble des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre.
CONDAMNER la société VINET-DELPECH à verser à la société SODILIEGE la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
CONDAMNER la société VINET-DELPECH aux entiers dépens de première instance et d'appel, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
Elle s'est prévalue de la clause d'attribution de compétence stipulée à ses conditions générales de vente dont la société Vinet-Delpech, avec laquelle elle était en relation d'affaires depuis plusieurs années, avait eu connaissance.
Au fond, elle a soutenu que :
- la preuve des vices allégués n'était pas rapportée ;
- le vice affectant les bouchons TP 34 était apparent, le diamètre des bouchons étant visible ;
- ces bouchons remis lors de l'expertise étaient conformes aux termes de la commande ;
- les débordements trouvaient leur cause dans les conditions de transport des bouteilles, transport qui ne lui incombait pas et dont elle n'avait pas été prévenue ;
- l'expert n'avait pas déterminé les causes des désordres ayant pu affecter les bouchons New 51 ;
- la température atteinte lors du transport avait fait monter le niveau du liquide dans les bouteilles, ainsi mis au contact des bouchons.
Elle a contesté l'évaluation de son préjudice faite par la société Vinet-Delpech aux motifs que :
- cette société ne pouvait pas à la fois demander le remboursement du prix des bouchons et le paiement de leur coût de remplacement ;
- les bouchons défectueux avaient été remplacés gracieusement ;
- les conditions générales de vente, connues de la société Vinet-Delpech et valables entre professionnels, limitaient l'indemnisation du cocontractant au remplacement ou au remboursement des fournitures, ce qui avait été effectué;
- le lien entre les préjudices allégués et les défauts supposés des bouchons n'était pas établi ;
- l'expert n'avait, sur les échantillons présentés, relevé que 5 % de bouchons New 51 présentant des défauts de collage et 83 % de bouchons TP 34 d'un diamètre réduit ;
- devait être pris en considération le litige opposant la société Vinet-Delpech à la société Dtf afin de ne pas procéder à la double évaluation d'un même préjudice.
Elle a maintenu que la société Generali n'était pas fondée à se prévaloir de la clause d'exclusion de garantie stipulée, cette clause, au surplus ambiguë, privant de sa substance la garantie souscrite. Elle a ajouté que cette clause n'excluait pas expressément la demande de remboursement des produits prétendument défectueux. Elle a constaté que l'assureur ne contestait pas sa garantie s'agissant des frais de transport, de rapatriement et déplacement, des frais de pose et de dépose et des dommages immatériels.
L'ordonnance de clôture est du 16 octobre 2023.
Motivation
MOTIFS DE LA DÉCISION
A - SUR LA COMPETENCE TERRITORIALE
L'article L. 100-3 du code de commerce dispose que : A l'égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu'il n'en soit autrement disposé par la loi.
L'article 42 alinéa 1er du code de procédure civile dispose que : La juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur.
L'article 46 du même code précise notamment que :
Le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur :
- en matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l'exécution de la prestation de service.
L'article 48 du code de procédure civile dispose que : « Toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu'elle n'ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu'elle n'ait été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée ».
La société Sodiliège se prévaut de la clause attributive de compétence au tribunal de commerce d'Angoulême, insérée dans ses conditions générales de vente.
Il lui appartient de rapporter la preuve, par tous moyens, que les conditions générales de vente ont été portées à la connaissance de la société Vinet-Delpech et que celle-ci les avait acceptées en passant commande.
La société Sodiliège a produit une attestation en date du 16 janvier 2018 du gérant de la société Altiude&Co de La Rochelle qui atteste que : « nous avons fait imprimer chez notre imprimeur le papier à lettre de la société Sodiliège. La papier à lettre étant imprimé avec les conditions générales de vente au verso ».
La société Sodiliège n'a pas produit les originaux des bons de commande et de livraison. Les copies produites, sur deux feuilles, n'établissent pas que les conditions générales de vente figuraient au verso de ces documents et avaient été acceptées par la société Vinet-Delpech après qu'elle en avait eu pris connaissance.
Elle ne justifie par ailleurs pas de documents contractuels antérieurs ayant stipulé une telle clause que la société Vinet-Delpech aurait acceptée.
Elle n'est dès lors pas fondée à se prévaloir de cette clause.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu la compétence du tribunal de commerce de Saintes.
Il y sera toutefois ajouté de ce chef, le rejet de l'exception d'incompétence développé dans les motifs n'ayant pas été repris dans le dispositif du jugement.
B - SUR LES BOUCHONS
La société Vinet Delpech fonde ses prétentions sur l'article 1641 du code civil qui dispose que :
« Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ».
Trois modèles de bouchons sont incriminés : 46 à crans, TP 34 et New 51.
1 - sur les bouchons 46 à crans
Aucune investigation n'a été menée sur les bouchons 46 à crans. Leur défectuosité n'est pas démontrée.
2 - sur les bouchons TP 34
L'expert judiciaire a en page 6 de son rapport indiqué avoir prélevé 12 caisses du lot Hogo Poeup « Paillarde » en carton de six bouteilles de 1,5 litre. Il a précisé en pages 7 que les bouteilles du lot « Paillarde » étaient fermées avec des bouchons TP 34.
Le bon de commande en date du 21 novembre 2013 porte sur 20.000 bouchons :
TETE PLAST A CRANS NOIRE D34,
Liège tech. 29/22.7 (Pail.1.5L/Normde 3L),
Référence Fournisseur ART1941,
L'expert judiciaire a indiqué en page 8 de son rapport que :
« J'ai constaté avec les parties présentes que le bouchon TP 34 utilisé pour la fermeture des bouteilles s'était rétracté de façon importante, il était nettement plus étroit que le col de la bouteille et se séparait de celui-ci sans aucune résistance. Nous n'avons pas remarqué de trace de coulure sur les bouteilles, celles-ci étant stockées debout. (Des tests d'étanchéités seront réalisés ultérieurement en laboratoire.)
Sur les caisses que nous avons examinées nous avons constaté 60 rétractations de liège sur 72 bouteilles ce qui fait 83 % de perte (pourcentage inacceptable pour une commercialisation) ».
L'expert a prélevé en vue de tests en laboratoire trois caisses "Paillarde", 3 caisses Xo, 1 poche de bouchons TP 34 et une poche de bouchons New 51, vingt bouteilles de 1,5 litre, 10 carafes Cerf et 10 carafes Hogo Poeup Xo.
Il a conclu en ces termes son rapport d'expertise :
« Echantillons XOEXTRA OLD BRANDY HOGO POEUP 1,5 L(rétractation des bouchons)
Les analyses réalisées et les observations faites nous permettent de constater pour les bouteilles PAILLARDE DISCO blanches Vetri blancheV de 150 cl, que le diamètre interne du col des bouteilles au débouchage est conforme aux normes de la fiche technique remise par le Socié éte VINET-DELPECH (voir pièces annexes).
Le niveau de centilisation de 150 ml de brandy dans des bouteilles est inférieur à la norme. Le niveau de remplissage effectif des bouteilles est proche ou inférieur à la norme.
Les dimensions des bouchons neufs sont conformes aux spécifications de la fiche technique remise par la société SODILlEGE (voir pièces annexes).
L'absence de tenue des bouchons est en rapport avec :
1°-Un serrage insuffisant entre le diamètre des bouchons et le diamètre de l'embouchure des bouteilles.
- Le diamètre des bouchons destinés à des bouteilles au diamètre de 21,5 mm aurait du être au moins de 23mm.
(pages 9et10 du rapport)
Les bouchons concernés sont en liège aggloméré qui est un matériau plastique et non élastique. C'est-à-dire que le retour élastique est faible après une compression longue. L'aggloméré prend le diamètre du col dans lequel il est introduit et le conserve. Les essais montrent que cette évolution est déjà sensible en 10 jours.
2°-La cause de la présence de brandy sous les bouchons est une montée en température des bouteilles.(pages 5,6, 7 et 8 du rapport).
Il est connu que les températures atteintes dans les containeurs varient considérablement en fonction de la position des bouteilles à l'intérieur du containeur. La température monte plus au milieu du containeur qu'en périphérie où il existe une large variation des températures diurnes et nocturnes.
Etude des corps neufs destinés à la fabrication des bouchons à tête noir remis par la Sociéte SERCOR.
Les deux lots sont différents. Le dimensionnel des bouchons du lot EMB-8941 est inférieur à celui du lot EMB-8907. (pages 12 et 13 du rapport) ».
S'agissant de ces bouchons TP 34, [S] [V] du laboratoire Cevaqoe, sapiteur, a indiqué en page 8 de sa note, au paragraphe observations, notamment que :
« Sur ces bouteilles, on observe que :
[...]
- le couple d`extraction des bouchons en place sur les bouteilles est très faible,
- les diamètres internes de l`embouchure des bouteilles mesurés sont tous inclus dans l`intervalle de 21,5 + 0,5mm défini par le plan VETRI de la bouteille PAILLARDE DISCO,
[...].
- le diamètre des bouchons au débouchage est légèrement inférieur au diamètre interne du col des bouteilles,
- la différence de diamètre des corps aggloméré des bouchons au débouchage puis après séchage est faible.
- le diamètre des bouchons usagés après séchage est inférieur de 1.1 à 1.9 mm au nominal de 22.7mm ».
En page 32 de sa note, ce sapiteur a conclu en ces termes au paragraphe « interprétation et commentaires généraux » :
2.1 GÉNÉRALITÉ SUR [Localité 9] AGGLOMÉRÉ :
Le liège aggloméré est un matériau plastique et non élastique. C'est-à-dire que le retour élastique est faible après une compression longue. L'aggloméré prend le diamètre du col dans lequel il est introduit et le conserve.
Les essais montrent que cette évolution est déjà sensible en 10 jours.
2.2. ÉCHANTILLONS XO EXTRA OLD BRANDY HOGO POEUP 1,5 L :
Rétractation des bouchons
Les 12 bouteilles obturées avec un bouchon à tête noire :
Le couple d`extraction des bouchons est très faible. L’absence de tenue des bouchons dans le col des bouteilles est confirmée.
Les bouchons à têtes noires en place sur les bouteilles :
Le diamètre des bouchons à l`extraction est conforme à celui attendu dans le temps avec un nominal de 22.7mm placé dans un col de diamètre 21l .5mm.
Les corps agglomérés se sont normalement moulés sur le diamètre interne du col des bouteilles.
Les bouchons à têtes noires neufs
Les bouchons échantillons correspondent parfaitement aux spécifications pour les caractéristiques M, et Q.
Les corps de bouchons à tête noire :
Les corps du lot EMB89(07 correspondent parfaitement aux spécifications.
Les corps du lot EMB8941 présentent des caractéristiques dimensionnelles légèrement inférieures aux spécifications.
Conclusion :
Il n’est pas mis en évidence de rétractation anormale du corps en micro granulés aggloméré des bouchons.
Le diamètre de serrage théorique des bouchons est de 1.2 mm (22.7-21,5mm) hors tolérance. Au maximum du cumul des tolérances des bouteilles (+0,5mm) et des bouchons '0,3mm) le serrage pourrait descendre à 0,4mm seulement (22.4-20,0mm).
[...]
L'absence de tenue des bouchons est en rapport avec :
- un rapport diamétral insuffisant entre le diamètre des bouchons et le diamètre de l'embouchure des bouteilles,
- la présence de brandy entre le corps aggloméré des bouchons et le verre des bouteilles qui constitue le fait générateur de 1'absence de tenue des bouchons.
Le diamètre des bouchons destinés à des bouteilles au diamètre d'entrée de 21.5mm aurait dû être au moins de 23mm. Néanmoins, on constate lors des essais que le couple d'extraction est beaucoup plus élevé lorsque le corps des bouchons reste sec.
La cause de la présence de brandy sous les bouchons est une montée en température des bouteilles.
Ces développements caractérisent la conformité des bouchons à la commande.
Leur défaillance a pour cause, non un vice propre de la chose, mais les conditions de transport des bouteilles. Le niveau de liquide est, sous l'effet de températures élevées, monté dans le col des bouteilles. Le brandy s'est inséré entre le verre de la bouteille et le bouchons qui, d'un diamètre insuffisant, n'ont alors plus rempli leur office.
La société Vinet-Delpech n'est pour ces motifs pas fondée à soutenir que les bouchons TP34 étaient atteints d'un vice au sens de l'article 1641 du code civil.
Le jugement sera en conséquence infirmé de ce chef.
3 - sur les bouchons New 51
a - sur un vice.
L'expert judiciaire a indiqué en page 6 de son rapport avoir prélevé 12 caisses du lot Hogo Poeup Xo en carton de 12 bouteilles de 0,70 litre.
Il a précisé en même page que les bouteilles du lot Xo étaient fermées avec des bouchons New 51.
Il a indiqué en page 6 que :
« J'ai constaté avec les parties présentes que les têtes de bouchons NEW 51 utilisé pour la fermeture des bouteilles HOGO POEUP se décollaient sans qu'il n'y ait besoin de faire une traction d'aucune sorte. Je n'ai pas remarqué lors du retrait du sleeve que du liquide s'était déposé entre de le sleeve et la tête de bouchon. Sur les caisses que nous avons examinées nous avons constaté 7 décollements de tête sur 144 bouteilles ce qui fait environ 5 % de perte (pourcentage trop élevé pour une commercialisation) ».
Il a ajouté en page 10 de son rapport que :
ECHANTILLONS X0 EXTRAT OLD BRANDY HOG0 POEP 0,7L (décollement des têtes),
Les analyses réalisées et les observations faites nous permettent de constater pour les carafes DECANTER LILI 70 blanches ESTAL de 75 cl que le diamètre interne du col des bouteilles au débouchage est conforme aux normes de la fiche technique remise par la Sociéte VlNET- DELPECH (voir pièces annexes).
Les dimensions des bouchons neufs sont conformes aux spécifications de la fiche technique remise par la société SODILIEGE SPE 369 (voir pièces annexes).
Il est mis en évidence un décollement des têtes des bouchons des corps avec une fréquence de l'ordre de 25 % sur les bouchons testés ce qui n'est pas acceptable du point de vue industriel et commercial (N à peine 1 %).
Ce décollement se manifeste différemment. Sur certains bouchons les têtes se détachent très facilement des corps et sur d'autres il permet néanmoins le débouchage sans séparation de la tête du corps. Des décollements apparaissent après le débouchage lors de la mesure du moment de rupture de l'aggloméré/décollement des têtes.
Le décollement des têtes est en rapport avec un défaut de collage des têtes de bouchons.
Ce défaut de collage n'est pas en rapport avec :
Une absence de colle : la colle a été bien distribuée, s'agissant d'une colle holt melt si la température est insuffisante la colle ne se distribue pas.
Une incompatibilité de la colle avec le corps : la colle est adhérente sur le corps.
Une dissolution de la colle avec le brandy.
Ce défaut de collage peut-être en rapport avec :
Une insuffisance du volume de colle délivré : après le décollement des têtes, il apparait que la forme de la colle sèche correspond aux creux de la tête qui étaient donc parfaitement remplis, mais la colle est absente dans les cannelures intérieures de la tête plastique. (Rapport page 23)
L’état hétérogène de la colle dont la masse est constellée de bulles (rapport page 23).
Un séchage prématuré de la colle entre le dépôt au sommet du corps et la pose de la tête plastique.
Le sapiteur a indiqué en page 33 de sa note que :
2.3. ÉCHANTILLONS X0 EXTRA OLD BRANDY HOG0 POEUP 0,7 L :
Décollement des têtes des bouchons
Les 12 bouteilles obturées avec un bouchon à tête dorée :
Le diamètre interne des bouteilles correspond au nominal.
Le diamètre de serrage théorique des bouchons est de 2.0 mm entre le diamètre nominal des bouchons de 25.0 mm et le diamètre du col des bouteilles à l`embouchure de 23mm.
Les bouchons à tête or en glace sur les bouteilles :
Aucune tête ne s`est décollée lors de la mesure du couple d'extraction des bouchons des bouteilles en l`état d'origine.
Des têtes se sont décollées lors de la mesure du moment de rupture de l’aggloméré/décollement des têtes.
Les corps de bouchons à tête dorée :
Les corps des 2 lots correspondent parfaitement aux spécifications dimensionnelles et de masse de la fiche technique SPE-369.
Les bouchons à tête dorée neufs,
Les bouchons échantillons correspondent parfaitement aux spécifications de la fiche technique SPE-369 pour les caractéristiques mesurées M. N et Q.
Ce sapiteur a conclu en ces termes :
Il est mis en évidence un décollement des têtes des bouchons des corps avec une fréquence de l`ordre de 25 %.
Ce décollement se manifeste différemment. Sur certains bouchons les têtes se détachent très facilement des corps et sur d'autres il permet néanmoins le débouchage sans séparation de la tête du corps. Des décollements apparaissent après le débouchage lors de la mesure du moment de rupture de l`aggloméré/décollement des têtes.
Le décollement des têtes est en rapport avec un défaut de collage des têtes des bouchons.
Le surplus de sa conclusion a été repris par l'expert.
Maître [R] [I], huissier de justice associé à [Localité 8] avait sur la requête de la société Vinet-Delpech constaté que : « Sur 150 bouteilles testées, j'ai noté 20 bouchons dont la capsule dorée se décolle du bouchon en liège », soit 13,33 %.
Ces bouchons sont affectés d'un vice en ce que leur tête se décolle.
2 - sur l'apparence du vice
Ce vice, qui n'apparaît qu'avec la manipulation des bouchons, n'était pas apparent à la date de leur vente.
3 - sur l'impropriété à destination
Ces bouchons assurent l'étanchéité de la bouteille. Toutefois, le décollage de la tête du bouchon rend celui-ci impropre à l'usage auquel il est destiné, puisque devant être manipulé pour déboucher puis reboucher la bouteille.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
C - SUR LE PRÉJUDICE
La société Vinet-Delpech peut solliciter l'indemnisation du préjudice étant résulté du vice ayant affecté les bouchons New 51.
1 - sur le préjudice matériel
a - en lien avec les livraisons effectuées en Chine
1 - sur la livraison effectuée au profit de la société Shenzen Fuqun Trading Company Ltd
La société Vinet-Delpech justifie avoir consenti à la société Shenzen Hong-Kong Cheung Scm Co Ltd sa cliente, en raison de la défectuosité des bouchons New 51, un avoir n° AVR1400007 en date du 29 juillet 2014 d'un montant de 5.285,48 € à valoir sur une facture FAC1300662, relative à la livraison qui avait été effectuée au profit de la société Shenzen Fuqun Trading Company Ltd.
Elle justifie s'être rendue en Chine pour reboucher les bouteilles dont les bouchons étaient défaillants. Il résulte des factures produites, certaines établies en monnaie étrangère, que la société Vinet-Delpech a exposé des frais de déplacement d'un montant de 6.489,67 €.
La société Vinet-Delpech n'établit pas que la remise d'un montant de 826,20 € consentie à la société Shenzen Hong-Kong Cheung Scm Co Ltd a pour cause les difficultés rencontrées avec les bouchons et qu'elle n'est pas qu'un geste commercial.
La société Vinet-Delpech est à ce titre fondée à demander paiement de la somme de 11.775,15 €.
2 - en lien avec la livraison effectuée au profit de la société Shenzen G9 Wine import and export corporation
La société Vinet-Delpech a produit la facture n° 882053 en date du 8 septembre de la société Balguerie, de "retour Brandy", soit 1.550 cartons. Elle est pour ces motifs fondée à demander paiement de la somme de 4.778,02 €.
La commande de remplacement de 1534 colis a été adressée au client chinois pour un coût de 1.829,30 €, selon facture n° 878398 en date du 3 juillet 2014 de la société Balguerie précitée.
La société Vinet-Delpech a consenti un avoir n° AVR1400019 sur une facture n° FAC140419 au client Guanghou Atomobile Tradind Co Ltd, pour une livraison à la société Shenzen G9 Wine import & export corporation. Cet avoir serait lié à une réclamation du client rappelée en ces termes : « customer complaint on 2014-11-21 see attached the reclamation ». La réclamation n'a pas été jointe à cet avoir. Il résulte toutefois des circonstances de temps que cet avoir n'a été émis qu'en considération des décollements des têtes des bouchons. La société Vinet-Delpech est dès lors fondée à demander paiement du montant de cet avoir, de 8.281,26 €.
La société Vinet-Delpech est pour ces motifs fondée à demander paiement de la somme de 14.888,58 €.
3 - en lien avec la commande du client Guangzhou Goaoboalong
Les pièces 24 et 25 produites par la société Vinet-Delpech pour justifier des réclamations adressées et de ses prétentions ont été émises par une société Zhongshan Stla Wines limited company.
La facture proforma en date du 10 mars 2015 de la société précitée a trait au remplacement de bouchons de : « 3086 bottles Golden Diamond Brandy XO 70cl, 4473 bottles Marquis de Laiman Brandu XO 70cl ant 240 bottles Saint Chevalier Brandy XO 1.5 L ».
Les bouteilles de 70 cl sont fermées avec des bouchons New 51.
Les frais de déplacement en Chine afin de reboucher les bouteilles sont justifiés, pour un montant de 2074 € (factures Mauriac Voyages en date des 22 et 30 janvier et 2015.
Les frais d'expédition en Chine de bouchons sont d'un montant de 873,10 € (facture Amc logistics worldwide en date du 1er septembre 2015).
La société Vinet-Delpech a produit la facture proforma ayant pour objet d'une part le remplacement des bouchons ''Stoppers changing", d'autre part le transport incluant le chargement et le déchargement des lots de bouteilles ("unloading and loading & transportation round trip beetween Guangzhou ans Zhongshan for 7 7799 bottles"). Les frais de transport se limitent à 2.600 Rmb, soit au cours actuel de cette devise 338 € (2.600 x 0,13).
La société Vinet-Delpech ne justifie que par affirmation que sa participation en 2015 au salon des vins et spiritueux de Chengdu a eu pour cause les difficultés rencontrées avec les bouchons des bouteilles et non sa promotion commerciale en vue de développer sa présence sur le marché chinois.
La société Vinet-Delpech est pour ces motifs fondée à solliciter paiement de la somme de 3.285,10 €.
4 - récapitulatif
La société Vinet-Delpech est fondée à solliciter paiement de la somme de 29.948.83 € (11.775,15 + 14.888,58 + 3285,10).
b - sur le prix des bouchons
Une facture de la société Sodiliège en date du 28 novembre 2012 a porté sur la livraison de bouchons New 51, au prix hors taxes de 5.000 €.
Le bon en date du 10 janvier 2014 établi par la société Vinet-Delpech a porté sur 10.000 bouchons New 51, au prix unitaire hors taxes de 1 €. Le bon de livraison et la facture afférente sont en date du 28 janvier 2014.
Un autre bon de commande 10.000 bouchons au prix hors taxes unitaires de 1 € est en date du 24 janvier 2024. Le bon de livraison et la facture afférente sont en date du 28 janvier 2014.
Une facture est en date du 2 juillet 2014, d'un montant hors taxes de 10.000 € portant sur la fourniture de 10.000 bouchons New 51.
Les factures de la société Vinet-Delpech émises à l'égard de ses clients chinois, en date des 30 mars, 11 avril, 24 juin, 4 et 7 juillet 2014 ont porté sur 56.184 bouteilles susceptibles d'avoir été équipées de bouchons New 51.
Le nombre exact de bouteilles concernées par la difficulté n'a pas été précisé, ni leur date d'embouteillage, ni les lots de bouchons utilisés.
Il convient au vu de ces éléments de considérer que les bouchons livrés en janvier 2014 sont concernés par ces décollements. 20.000 bouchons ont été livrés.
Ainsi que précédemment rappelé, le sapiteur que s'était adjoint l'expert a constaté : 'un décollement des têtes des bouchons des corps avec une fréquence de l`ordre de 25%.
La société Vinet-Delpech est dès lors fondée à demander payement de la somme hors taxes de 5.000 € (20.000 x 25 %).
Par courriel en date du 16 octobre 2014, la société Sodiliège ([email protected]) avait indiqué à la société Vinet-Delpech que :
« Pour le paiement de la facture concernant les bouchons 51 or L.27/27.5 naturel, je vous confirme que Sodilège prend en charge les bouchons et les prestations de reconditionnement de vos produits.
Madame [H] [E] fera le suivi comptable de tous ([Courriel 7]),
Merci de mettre en copie systématiquement [Courriel 6]),
Je compte sur vous pour ne pas trop m'en rajouter ».
Les demandes chiffrées de la société Vinet-Delpech n'ont pas été produites. La société Sodiliège ne justifie pas des paiements effectués en exécution de cet engagement.
2 - sur le préjudice immatériel
a - sur une perte de clientèle
La société Vinet-Delpech ne justifie pas autrement que par affirmation que des clients chinois se sont détournés des produits qu'elle commercialise.
b - sur une atteinte à l'image
La lettre de réclamation en date du 7 juillet 2014, dans sa version traduite du chinois, fait apparaître le mécontentement de certains clients.
Les réclamations auxquelles la société Vinet-Delpech a dû faire face ont, quand bien même aurait-elle été diligente pour y apporter réponse, dégradé l'image de cette société auprès de certains de ses clients chinois.
Ce préjudice sera réparé par l'attribution de la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts.
3 - récapitulatif
La société Vinet-Delpech est fondée à solliciter paiement à titre de dommages et intérêts des sommes de :
- 34.948,83 € en réparation de son préjudice matériel ;
- 15.000 € en réparation de son préjudice immatériel.
Aucun élément des débats ne permet de retenir que ce préjudice serait susceptible d'être indemnisé deux fois en raison du litige opposant ou ayant opposé la société Vinet-Delpech à la société Dtf lui ayant vendu un filtre tangentiel.
Pour les mêmes motifs que précédemment, la clause limitative de responsabilité insérée aux conditions générales de vente de la société Sodiliège, non portées à la connaissance de la société Vinet-Delpech, ne peut être opposée à cette dernière
C - SUR LA GARANTIE DE LA SOCIÉTÉ GENERALI
L'article 1964 ancien du code civil dans sa version applicable à la date du litige dispose que :
« Le contrat aléatoire est une convention réciproque dont les effets, quant aux avantages et aux pertes, soit pour toutes les parties, soit pour l'une ou plusieurs d'entre elles, dépendent d'un événement incertain.
Tels sont :
Le contrat d'assurance ».
L'article 1108 alinéa 2 du code civil dispose désormais que le contrat: « est aléatoire lorsque les parties acceptent de faire dépendre les effets du contrat, quant aux avantages et aux pertes qui en résulteront, d'un événement incertain ».
Le contrat d'assurance est un contrat aléatoire.
L'article L. 113-1 alinéa 1er du code des assurances dispose que : « Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police ».
Une clause d'exclusion n'est pas :
- formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite une interprétation ;
- limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire.
Les conditions générales du contrat d'assurance souscrit par la société Sodiliège ont été produites aux débats. Il n'est pas contesté que celles-ci (version GA3E21A - janvier 2007) trouvent application au cas d'espèce.
L'introduction de ces conditions générales stipule que :
« Le présent contrat de Responsabilité Civile est établi suivant le principe dit:
GARANTIE TOUT SAUF
C'est-à-dire que tous dommages entrant dans le cadre des activités déclarées aux Dispositions Particulières sont garantis, à la seule exception de ceux exclus par le contrat ».
En page 1à 14, il a notamment été stipulé que :
CE QUE NOUS GARANTISSONS
Les conséquences pécuniaires de votre Responsabilité Civile lorsqu'elle est recherchée en raison de dommages corporels*, matériels* et/ou immatériels* causés à autrui (1), y compris à vos clients, du fait des activités de l'entreprise déclarées aux Dispositions Particulières, sous réserves des exclusions prévues au contrat.
[...]
CE QUI EST EXCLU
EXCLUSIONS TOUJOURS APPLICABLES :
[...]
3. Les conséquences dommageables et frais suivants :
[...]
« Les frais que vous ou toute autre personne avez engagés. Lorsqu’ils ont pour objet :
- le remboursement, le remplacement. La réparation, la mise au point, le parachèvement, l'installation des produits ou travaux :
> exécutés par vous, vos sous-traitants ou toute personne agissant pour votre compte,
> et qui se sont révélés défectueux, même si la défectuosité ne concerne qu'une de leurs composantes ou parties,
Qu’il s'agisse de frais correspondant à votre prestation initiale ou de ceux qui se révèlent nécessaires à l'exécution de votre obligation de fournir une prestation exempte de vice ou défectuosités, y compris du fait d'une résolution, annulation ou rupture des contrats que vous avez conclu.
- les études et recherches qui se révèlent nécessaires en vue de remédier à une défectuosité de vos produits, y compris lorsqu'ils se révèlent simplement impropres à leur destination ».
Il résulte clairement de ces stipulations que l'assureur ne garantit pas la prestation convenue par l'assurée avec un client. Accorder une telle garantie ôterait tout aléa au contrat souscrit.
Cette exclusion est limitée à la prestation convenue et aux frais à engager pour que celle-ci soit réalisée conformément aux stipulations contractuelles. Cette clause n'anéantit pas la garantie due par l'assureur, ni ne la réduit au point de la rendre dérisoire.
Cette clause d'exclusion de garantie est dès lors formelle et limitée au sens des dispositions précitées.
La société Generali n'est pour ces motifs pas tenue de garantir la société Sodiliège des condamnations prononcées à son encontre en raison de bouchons New 51 défectueux.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
SUR LES DÉPENS
La charge des dépens de première instance incombe à la seule société Sodiliège.
La charge des dépens d'appel lui incombe de même.
SUR LES DEMANDES PRÉSENTÉES SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE
Le premier juge a équitablement apprécié l'indemnité due sur ce fondement par la société Sodiliège à la société Vinet-Delpech.
Le jugement sera pour les motifs qui précèdent infirmer en ce qu'il a condamné sur ce fondement la société Generali.
Il serait par ailleurs inéquitable et préjudiciable aux droits de la société Generali et de la société Vinet-Delpech de laisser à leur charge les sommes exposées par elles et non comprises dans les dépens d'appel. Il sera pour ce motif fait droit à leurs demandes formées de ce chef pour les montants ci-après précisés.
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement du 6 janvier 2022 du tribunal de commerce de Saintes sauf en ce qu'il :
« Donne acte à la COMPAGNIE GENERALI de son intervention volontaire à la procédure, ès- qualités d'assureur de la SAS SODILIEGE,
Condamne...la défenderesse à payer à la Société VINET DELPECH la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Déboute la Société SODILIEGE de ses demandes,
Condamne...la Société SODILIEGE.... aux entiers dépens et frais de l'instance, liquidés à la somme de 66.70 euros dont 11.12 euros de TVA » ;
et statuant à nouveau de ces chefs infirmation,
REJETTE l'exception d'incompétence territoriale soutenue par la société Sodiliège, désormais dénommée Amorim Top Series France ;
CONDAMNE la société Sodiliège désormais dénommée Amorim Top Series France à payer à titre de dommages et intérêts à la société Vinet-Delpech les sommes de :
- 34.948,83 € en réparation de son préjudice matériel ;
- 15.000 € en réparation de son préjudice immatériel ;
REJETTE la demande de la société Vinet-Delpech d'indemnisation de sa perte de clientèle ;
REJETTE les demandes formées à l'encontre de la société Generali Assurances Iard ;
CONDAMNE la société Sodiliège désormais dénommée Amorim Top Series France aux dépens d'appel ;
CONDAMNE la société Sodiliège désormais dénommée Amorim Top Series France à payer en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile les sommes de :
- 2.000 € à la société Generali Assurances Iard ;
- 2.500 € à la société Vinet-Delpech.