CA Rennes, 5e ch., 24 janvier 2024, n° 21/00914
RENNES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Enedis (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Le Champion
Conseillers :
Mme Parent, Mme Hauet
Avocats :
Me Castres, Me Asselin, Me Laurent
L'EARL de Kerveret a pour activité agricole la production de lait. Son exploitation est située au lieu-dit [Adresse 3] à [Localité 1].
Soutenant avoir été confrontée à la présence de courants électriques parasites au niveau du sol ayant eu un impact sur l'état du cheptel et sur la production laitière, l'EARL de Kerveret a saisi le juge des référés près du tribunal de grande instance de Brest, lequel, par décision du 21 novembre 2016, a ordonné une expertise judiciaire confiée à M. [C], expert en électricité, et Mme [R], expert vétérinaire.
Les experts ont déposé leurs rapports en l'état les 5 et 7 novembre 2018.
Suivant exploit d'huissier en date du 13 mai 2019, l'EARL de Kerveret, aux droits de laquelle se présente le Gaec [E], a fait assigner la société Enedis devant le tribunal judiciaire de Brest.
Par jugement en date du 16 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Brest a :
- déclaré irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par la société Enedis,
- déclaré la société Enedis entièrement responsable du préjudice subi par l'EARL de Kerveret, aux droits de laquelle se présente le Gaec [E] au titre des courants vagabonds ayant provoqué des mammites des vaches laitières et une surmortalité du cheptel entre 2014 et 2016,
- condamné la société Enedis à verser au Gaec [E], venant aux droits de l'EARL de Kerveret, la somme de 10 000 euros à titre de provision à valoir sur son préjudice,
- condamné la société Enedis à verser au Gaec [E] une somme de
2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Et avant dire droit,
- ordonné un complément d'expertise confié au docteur [J] [R], avec pour mission d'évaluer le montant des préjudices subis par le Gaec [E], venant aux droits de l'Earl de Kerveret (coût des mammites, perte de lait associé au traitement de sous production de lait des vaches atteintes de mammites cliniques et sub-cliniques, pertes financières dues à la mortalité des vaches, frais vétérinaires...),
- dit que l'expert pourra s'adjoindre tout spécialiste de son choix, à charge pour lui d'en informer préalablement le magistrat chargé du contrôle des expertises et de joindre l'avis du sapiteur à son rapport ; dit que si le sapiteur n'a pas pu réaliser ses opérations de manière contradictoire, son avis devra être immédiatement communiqué aux parties par l'expert,
- dit que l'expert devra communiquer un pré-rapport aux parties en leur impartissant un délai raisonnable pour la production de leurs dires écrits auxquels il devra répondre dans son rapport définitif,
- dit qu'en cas d'empêchement, l'expert sera remplacé par ordonnance sur requête du juge chargé du contrôle des expertises,
- fixé à 3 000 euros le montant de la somme à consigner par le demandeur avant le 16 janvier 2021 au régisseur d'avances et de recettes du tribunal judiciaire de Brest et dit qu'à défaut de consignation dans le délai et selon les modalités ci dessus mentionnées et sauf prorogation de délai sollicitée en temps utile, la désignation de l'expert sera caduque,
- dit que l'expert devra déposer son rapport au greffe au plus tard le 30 avril
2021,
- fait injonction au Gaec [E] venant aux droits de l'Earl de Kerveret de conclure après dépôt du rapport d'expertise pour le 29 juin 202,
- ordonné l'exécution provisoire,
- réservé les dépens.
Le 9 février 2021, la société Enedis a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 16 novembre 2023, elle demande à la cour de :
- la déclarer recevable et fonder en son appel,
Y faisant droit,
- infirmer la décision entreprise et, statuant à nouveau,
- dire et juger qu'elle n'a pas engagé sa responsabilité du fait des produits défectueux,
- débouter le Gaec [E] de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires,
A titre subsidiaire,
- l'exonérer de son éventuelle responsabilité en raison de la faute du Gaec [E] à l'origine du dommage,
- si par extraordinaire, certains postes de préjudices étaient retenus et mis à sa charge, limiter les postes de préjudice comme suit :
* 872,72 euros pour le surcoût des frais vétérinaires,
* un pourcentage (représentant la perte de chance) de la somme de 7 181 euros au titre du lait prétendument jeté et non vendu,
* un pourcentage (représentant la perte de chance) de la somme de 8 747 euros au titre du lait prétendument non produit,
* 955,07 euros par tête pour les vaches en sur-réforme et en surmortalité,
* un pourcentage (représentant la perte de chance) de la somme de 22 307 euros dont le résultat se verra lui-même déduit de 38,7% en raison des pénalités autres que protéiniques au titre de la dépréciation du lait,
En tout état de cause,
- condamner le Gaec [E] à lui payer la somme de 7 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le Gaec [E] aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés par la SCP Leclercq & Castres, avocats près la cour d'appel de Rennes, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 18 octobre 2023, le Gaec [E] demande à la cour de :
- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a :
* déclaré la société Enedis responsable du préjudice subi par elle à la suite des surtensions électriques constatées dans l'exploitation,
* condamné la société Enedis à lui payer une provision d' un montant de
10 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices,
* condamné la société Enedis à lui payer une somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles,
Et en conséquence,
- condamner la société Enedis à lui payer la somme de 81 311 euros en réparation de ses préjudices se détaillant comme suit :
* 1 289 euros au titre des frais de santé,
* 8 423 euros au titre du préjudice économique lié au lait non vendu en raison des traitements antibiotiques des mammites,
* 20 780 euros au titre du préjudice économique lié au lait non produit par les vaches soumises à une situation de stress,
* 12 974 euros au titre du préjudice économique liée à la sur-réforme et à la
dépréciation des vaches réformées,
* 15 808 euros au titre du préjudice économique lié à la sur mortalité des vaches,
* 22 037 euros au titre du préjudice économique lié à la dépréciation de la valeur de vente du lait commercialisé,
- débouter la société Enedis de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires,
- condamner la société Enedis à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel,
- condamner la société Enedis aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 26 octobre 2023.
Motivation
MOTIFS DE LA DÉCISION
- Sur la responsabilité d'Enedis
La société Enedis soutient que le défaut du réseau électrique sous sa concession n'est pas établi ni le lien de causalité entre le réseau Enedis et les dommages allégués par le GAEC [E].
Elle expose que l'expertise judiciaire s'est déroulée deux ans après l'apparition des désordres invoqués par le GAEC [E] et n'a pas été à son terme en raison de l'absence de consignation par ce dernier de la provision complémentaire sollicitée par l'expert, ce qui ne lui a pas permis de faire valoir ses observations sur les avis techniques des experts.
Elle critique l'expertise judiciaire réalisée par M. [C] qui, selon elle, ne fait état d'aucune certitude mais simplement de probabilités tirées de raccourcis, d'erreurs techniques, d'interprétations malheureuses voire d'un procès d'intention à son égard notamment de la part du CRIIREM (Centre de Recherches et d'Informations Indépendant sur les Rayonnements ElectroMagnétiques) désigné comme sapiteur. Elle conteste tout abaissement volontaire du transit des lignes électriques lors de l'expertise judiciaire. Elle se fonde sur la note technique du cabinet Naudet pour critiquer l'expertise.
S'agissant du lien de causalité, elle reproche à l'expert et notamment au rapport du docteur [R] d'avoir comparé l'élevage du GAEC [E] avec les élevages bretons au lieu d'avoir comparé les références de l'élevage en cause avant et après sinistre. Elle critique également le fait que l'expertise est incomplète en ce que le docteur [R] n'a pas recherché d'autres causes pouvant se trouver notamment dans l'eau et la nourriture et dans les conditions sanitaires et phytosanitaires au sein du cheptel.
Elle considère que la coïncidence temporelle retenue par le jugement est insuffisante pour caractériser le lien de causalité entre les courants vagabonds et les mammites des vaches.
La société Enedis ajoute, à titre subsidiaire, que même en cas de défaut de produit, l'installation privative du GAEC [E] n'était pas conforme à la norme NF C 15-100 et a donc causé son propre dommage de sorte que la faute du GAEC [E] est exonératoire de toute responsabilité de sa part.
A titre infiniment subsidiaire, elle demande de limiter l'indemnisation des préjudices sollicités par le GAEC [E] en leur montant.
Le GAEC [E] rétorque que les conclusions des deux experts, M. [C] et Mme [R], sont concordantes en ce qu'elles ont retenu la défectuosité du produit mais également le lien de causalité avec les dommages sur son cheptel. Il conteste le fait que l'expert vétérinaire n'a pas examiné les autres causes possibles et soutient qu'au contraire, elle les a exclues. Il sollicite la confirmation du jugement.
Il sollicite la réparation de son préjudice à hauteur d'une somme globale de 81 311 euros en se fondant sur le rapport d'expertise du docteur [R] qui a déposé son rapport sur l'évaluation du préjudice le 10 octobre 2022 suite au complément d'expertise ordonné par le jugement entrepris pour évaluer le montant des préjudices subis par le GAEC [E], disposition sur laquelle la société Enedis n'a pas interjeté appel.
Le GAEC [E] conteste avoir commis la moindre faute exonératoire de la responsabilité de la société Enedis en arguant que si son installation n'était pas conforme à la norme NF C15 100, l'expert a formellement exclu tous effets néfastes aux animaux.
Aux termes des dispositions de l'article 1245 du code civil, le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime.
Aux termes des dispositions de l'article 1245-2 du code civil, l'électricité est considérée comme un produit.
Selon les dispositions de l'article 1245-3 du même code, un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre.
La victime doit prouver, outre l'existence d'un dommage, le défaut du produit et un lien de causalité entre le défaut et le dommage. Le producteur doit établir un fait exonératoire prévu par les articles 1245-10 et 1245-12 du code civil pour s'exonérer de sa responsabilité.
Il est constant que les experts judiciaires, M. [C] et Mme [R], ont déposé leur rapport en l'état faute de consignation supplémentaire de la part du GAEC [E] suite à la demande de provision complémentaire de la part des experts. Le GAEC [E] avait versé une consignation de 14 500 euros. Ce rapport a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion des parties.
Mme [R] a constaté une détérioration de l'état du troupeau laitier exploité par l'EARL de Kerveret, aux droits de laquelle vient le GAEC [E], avec la présence de mammites cliniques et des pertes élevées de vaches adultes, ce qui n'est pas contesté par l'appelante.
Mme [R] a considéré que ces anomalies pouvaient être liées à un stress du cheptel occasionné par la présence de courants vagabonds dans son environnement. Elle a indiqué que la contribution des courants parasites mesurés par M. [B] aux troubles de santé lui paraissait réel, que les tensions mesurées étaient de nature à gêner les vaches et à altérer leur santé. Elle relève que les anomalies de santé constatées diminuaient rapidement suite à l'intervention de la société Enedis sur le réseau.
M. [C] a conclu que la plus forte probabilité sur l'origine des courants vagabonds les plus élevés est qu'ils proviennent du réseau Enedis en avril 2016. Il a relevé les multiples interventions de la société Enedis sur le réseau (7 au total du 14 avril 2016 au 27 avril 2016). Il a constaté sur le poteau référencé T1 H12 ALM 10 Kerzabis que le câble de terre avait été sectionné et qu'il manquait un tronçon d'environ 10 cm et que le même câble de terre du poteau n°3 sur la ligne 380V menant à l'exploitation avait été déconnecté et que le courant dans le câble était de 0mA. Il en déduit que le réseau Enedis avait été modifié avant l'expertise pour, selon toute vraisemblance, éloigner les courants de défauts de l'exploitation agricole. Ce constat a été confirmé par le rapport établi par son sapiteur, le CRIIREM le 27 février 2018 qui a procédé à des mesures dans le cadre de l'expertise judiciaire et qui a relevé que le transit sur le réseau électrique était particulièrement bas.
L'expert a pris connaissance des comptes-rendus d'intervention Enedis, produits par celle-ci dans son dire du 4 juillet 2017, ce qui démontre qu'elle a pu faire valoir ses arguments, et a relevé un défaut au niveau poste 2929P0007 à 3 ampères le 21 avril 2016 puis 200mA le 26 avril 2016. Il en déduit que des courants vagabonds étaient bien présents sur le réseau en avril 2016 à des niveaux bien supérieurs à ce que des animaux peuvent supporter mais il n'a pu déterminer leurs dates d'apparition. Il précise que le seuil dans le cas particulier des vaches laitières de perception modéré va jusqu'à 6 milliampères et il est considéré comme sévère au-delà, seuil à partir duquel des baisses production sont observées.
Si l'expertise a été réalisée deux ans après l'apparition de ces courants vagabonds, il n'en demeure pas moins que l'expert s'est basé sur les comptes-rendus d'intervention de la société Enedis pour son rapport étant précisé que celle-ci n'avait pas communiqué de relevés antérieurs au 21 avril 2016 alors qu'il est constant qu'elle est intervenue à 7 reprises entre le 14 et le 27 avril 2016. Le rapport, bien que déposé en l'état, n'en est pas moins accompli de manière argumentée au vu des éléments qu'il a constatés mais également de ceux qui lui ont été fournis par les parties. La société Enedis reproche à l'expert et plus particulièrement au CRIIREM de lui faire des procès d'intention mais force est de constater que la société Enedis ne démontre pas l'absence d'objectivité systématique du CRIIREM à son égard. La production d'un article émanant du site fournisseur d'électricité non daté et un article d'un site dénommé contrepoints de 2017 sur le fait que le CRIIREM serait en lutte contre les ondes électromagnétiques et les compteurs Linky est insuffisant à remettre en cause les relevés réalisés par cet organisme en l'espèce.
Le rapport de M. [C] concluant à l'existence de courants vagabonds est corroboré par l'intervention de M. [B], électricien qui a mesuré 140 millivolts présents entre le sol et les masses métalliques puis après l'intervention de la société Enedis, il a relevé une chute de la tension à 20 millivolts présents. La société Enedis critique ces mesures mais si elles ont été réalisées avant l'expertise judiciaire, il n'en demeure pas moins que les parties ont pu en avoir connaissance lors de l'expertise et ainsi les discuter contradictoirement.
La société Enedis soutient que l'expert a commis des erreurs techniques en se fondant sur une note technique du cabinet Naudet mais il convient de relever que le courant mesuré à 3 ampères le 21 avril 2016 résulte du compte-rendu d'intervention de la société Enedis de sorte qu'il ne peut être reproché à l'expert d'avoir commis une erreur technique ou une mauvaise interprétation sur cette mesure. Il en est de même de la mesure du même poste à 200 milliampères suite au compte-rendu d'intervention de la société Enedis le 26 avril 2016. L'expert a pu déduire, des mesures figurant dans les comptes-rendus d'intervention de l'appelante, que les seuils atteints par le réseau Enedis pouvait allait de 3 ampères à 200 milliampères. Par ailleurs, les défauts d'isolement mis en exergue sur le réseau Enedis ont été mesurés à proximité immédiate des bâtiments d'exploitation.
S'agissant de l'abaissement du transi, il a été constaté par l'expert après avoir eu connaissance des mesures prises par son sapiteur et sur ses propres constatations portant sur le fait que le câble de terre avait été sectionné et auquel il manquait un tronçon d'environ 10 cm. Ces constatations sont objectives et circonstanciées.
Les deux experts s'accordent sur le fait que les courants vagabonds constatés provenant du réseau Enedis sont de nature à causer des anomalies au cheptel et le docteur [R] a constaté que la situation détériorée du cheptel s'est terminée en avril 2016 après les interventions de la société Enedis et que de mai 2016 à juin 2017, la situation du cheptel est revenue à la normale.
Contrairement à ce que soutient la société Enedis, le docteur [R] a examiné d'autres paramètres que les courants vagabonds et les a écartés après les avoir examinés. Le GAEC [E] justifie de l'excellente qualité de l'eau et du fourrage en avril 2016 en produisant l'attestation du vétérinaire qui a été adressé à l'expert. Par ailleurs, l'expert date la fin des anomalies en mai 2016 après avoir examiné la période de mai 2016 à juin 2017 soit après les 7 interventions de la société Enedis entre le 14 et le 27 avril 2016 de sorte que le lien de causalité entre les courants vagabonds et les anomalies présentées par le cheptel est établi de part les conclusions des expertises et la chronologie.
S'agissant de l'installation électrique du GAEC [E], si l'expert a relevé qu'il n'était pas aux normes, il a néanmoins formellement exclu que ce manquement soit à l'origine des courants vagabonds d'une intensité susceptible de causer des anomalies au cheptel. L'expert a constaté que les mesures effectuées sur l'installation privative étaient inférieures à 6 milliampères et donc au seuil susceptible de gêner le troupeau. La société Enedis échoue à démontrer l'existence d'un fait exonératoire de sa responsabilité.
Le jugement, qui a considéré que la dégradation de l'état sanitaire du cheptel du GAEC [E] venant aux droits de l'EARL De Kerveret résulte de courants vagabonds en provenance du réseau électrique de la société Enedis et qui déclaré celle-ci responsable des préjudices subis, sera confirmé.
S'agissant du montant du préjudice subi, le GAEC [E] se fonde sur le rapport d'expertise du docteur [R] déposé le 10 octobre 2022 pour solliciter les sommes suivantes :
- sur les frais vétérinaires : l'expert a chiffré à une somme de 1 289 euros HT, somme qui sera retenue. Il n'y a pas lieu de limiter cette somme à celle proposée la société Enedis à 875,52 euros dont la méthode a été en partie appliquée par l'expert.
- sur le lait jeté en raison des vaches en traitement : la société Enedis conteste cette perte or l'expert a précisé que le lait issu de vaches en traitement de mammites c'est-à-dire du lait contenant des antibiotiques, est impropre à la consommation pour les humains et pour les veaux de sorte qu'il convient de retenir ce préjudice. La méthode de calcul et les chiffres calculés ne sont pas contestés de sorte que le montant proposé par l'expert à hauteur de 8 423 euros sera retenu. Il n'y a pas lieu de limiter ce poste de préjudice à une simple perte de chance, l'expert ayant caractérisé la réalité du préjudice subi qui doit être réparé intégralement.
- sur le lait non produit par les vaches : l'expert précise sa méthode de calcul qui n'est pas contestée de manière probante par l'appelante de sorte qu'il convient de retenir la somme proposée par l'expert à hauteur de 20 780 euros pour ce poste de préjudice. Il n'y a pas lieu de limiter ce poste de préjudice à une simple perte de chance, l'expert ayant caractérisé la réalité du préjudice subi qui doit être réparé intégralement.
- sur la surmortalité : l'expert a précisément calculé le nombre de vaches mortes en surmortalité et a retenu la valeur moyenne de 1 216 euros proposée par la société Enedis de sorte que la somme de 15 808 euros sera retenue.
- sur les pertes de recettes liées à la sur-réforme des vaches : il convient de retenir la somme proposée par l'expert qui a calculé ces pertes de recettes en retenant la valeur de 1 216 euros proposée par la société Enedis soit une somme de 12 974 euros.
- sur les pertes économiques liées aux pénalités qualité : la cour entend retenir la somme de 22 037 euros qui correspond à la perte sur la recette du lait d'octobre 2014 à septembre 2017 en raison de la dépréciation de la valeur du lait commercialisée à cause d'un taux de cellule très élevé et un taux protéique anormalement bas, tous deux, conséquences directes du stress électrique subi par les vaches du troupeau entre octobre 2014 et avril 2016 et ses effets à moyens termes de la dégradation de la santé mamelle de mai 2016 à septembre 2017. Il n'y a pas lieu de limiter ce poste de préjudice à une simple perte de chance, l'expert ayant caractérisé la réalité du préjudice subi qui doit être réparé intégralement.
soit une somme globale de 81 311 euros de laquelle il sera déduit la provision de 10 000 euros allouée au GAEC [E] par le jugement.
- Sur les frais irrépétibles et les dépens
Succombant en son appel, la société Enedis sera condamnée à verser la somme de 3 000 euros au GAEC [E] au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens d'appel. Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
Statuant dans les limites de l'appel,
Confirme le jugement entrepris ;
Y ajoutant,
Condamne la société Enedis à verser au GAEC [E], venant aux droits de l'EARL De Kervret, la somme de 81 311 euros en réparation de ses préjudices se détaillant comme suit :
- 1 289 euros au titre des frais de santé,
- 8 423 euros au titre du préjudice économique lié au lait non vendu en raison des traitements antibiotiques des mammites,
- 20 780 euros au titre du préjudice économique lié au lait non produit par les vaches soumises à une situation de stress,
- 12 974 euros au titre du préjudice économique lié à la sur-réforme et à la
dépréciation des vaches réformées,
- 15 808 euros au titre du préjudice économique lié à la sur mortalité des vaches,
- 22 037 euros au titre du préjudice économique lié à la dépréciation de la valeur de vente du lait commercialisé, sauf à déduire la somme de 10 000 euros allouée à titre de provision au GAEC [E] par le jugement du tribunal judiciaire de Brest en date du 16 décembre 2020 ;
Déboute la société Enedis de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
Condamne la société Enedis à verser à GAEC [E], venant aux droits de l'EARL De Kervret, la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ;
Condamne la société Enedis aux dépens d'appel.