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Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. civ., 11 janvier 2024, n° 21/02801

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Mma Iard (SA)

Défendeur :

Groupama Centre Atlantique, Riello France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Poirel

Conseillers :

Mme Vallee, M. Breard

Avocats :

Me Champeaux, Me Kremers, Me Maillot, Me Puybaraud, Me Puybaraud, Me Piot-Mouny

TJ Libourne; du 8 avr. 2021; N° 17/00715

8 avril 2021

Mme [B] [H] et M. [I] [S] sont locataires d'une longère appartenant à Mme [N] [E] depuis septembre 2012. Cette longère est voisine de l'immeuble occupé par Mme [U] [G], fille de Mme [E].

Mme [E] et Mme [G] sont assurées auprès de la SA MMA IARD au titre du risque habitation.

Les consorts [H]-[S] sont assurés auprès de la société MAIF au titre du risque habitation.

Au cours du dernier trimestre de 2014 et premier trimestre de 2015, M. [L] [P], artisan plombier chauffagiste, assuré auprès de la société Groupama Centre Atlantique (ci-après Groupama), a vendu et posé un brûleur de marque Riello sur la chaudière située dans le local chaufferie de Mme [G].

Le 20 mars 2015, un incendie est survenu entraînant la destruction du lieu d'habitation des consorts [H]-[S], ainsi qu'une partie de celle de Mme [G].

Par ordonnance de référé du 18 juin 2015, M. [D] a été désigné en qualité d'expert judiciaire pour déterminer notamment les causes et circonstances de l'incendie du 20 mars 2015.

Par ordonnance du 03 décembre 2015, les opérations d'expertise ont été rendues communes et opposables à :

- la SA Riello France, fabricant du brûleur modèle 40 millénium,

- M. [P], artisan plombier chauffagiste

- la société Groupama, assureur de M. [P].

La société MMA expose qu'un accord sur le montant des dommages et intérêts a été conclu entre les compagnies d'assurance et accepté par Mme [G] et Mme [E].

Le 14 décembre 2016, M. [D] a déposé son rapport d'expertise définitif.

Par acte d'huissier du 11 juillet 2017, les consorts [H]-[S] et la société MAIF ont fait assigner la société Riello France devant le tribunal de grande instance de Libourne aux fins de voir reconnaître la défectuosité du produit de la société Riello France et d'obtenir sa condamnation au paiement de dommages et intérêts.

Par acte d'huissier du 12 juillet 2018, la société MMA IARD a fait assigner M. [P] et la société Groupama devant le tribunal de grande instance de Libourne aux fins, notamment, de voir reconnaître la responsabilité de M. [P] et d'obtenir le remboursement des sommes versées par la société MMA IARD.

Ces deux procédures ont fait l'objet d'une jonction.

Par acte d'huissier du 28 septembre 2018, la société Groupama et M. [P] ont fait dénoncer cette procédure à la société Riello France et l'ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Libourne aux fins d'obtenir la jonction des deux procédures.

Par jugement contradictoire du 08 avril 2021, le tribunal judiciaire de Libourne a :

- condamné la société Riello France à payer à la société MAIF la somme de 20 500 euros correspondant à l'indemnité versée à ses assurés,

- condamné la société Riello France à payer à Mme [H] et M. [S] la somme de 5 141 euros correspondant au solde laissé à leur charge au titre du préjudice subi du fait du sinistre du 20 mars 2015,

- débouté la société MMA de l'intégralité de ses demandes,

- condamné la société Riello France à payer à Mme [H] et. M. [S] d'une part et à la société MAIF d'autre part la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné solidairement la société MMA et Riello France à payer à M. [P] d'une part et à la société Groupama d'autre part la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté les demandes plus amples ou contraires

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné solidairement la société Riello France et la société MMA IARD aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

La société MMA IARD a relevé appel de ce jugement par déclaration du 14 mai 2021 et par conclusions déposées le 27 juillet 2022, elle demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondée la société MMA dans l'ensemble de ses prétentions,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société MMA de ses demandes et, statuant à nouveau :

A titre principal,

- juger que la responsabilité décennale de M. [P] est engagée pour l'incendie du bien de Mme [E] imputable aux travaux entrepris par M. [P] sur la chaudière de l'habitation,

- en conséquence, condamner in solidum M. [P] et son assureur décennal la société Groupama au paiement de la somme de 286 159 euros TTC en remboursement des sommes versées par la société MMA à Mme [G] et Mme [E] en réparation des préjudices subis du fait de l'incendie,

A titre subsidiaire,

- juger que M. [P] a manqué à son obligation de résultat dans la réalisation des travaux sur la chaudière de Mme [G], de nature à engager sa responsabilité contractuelle,

- juger que la société Riello France engage sa responsabilité sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux à l'égard de la société MMA,

- en conséquence, condamner in solidum M. [P] et son assureur la société Groupama ou, à titre subsidiaire, la société Riello France, au paiement de la somme de 286 159 euros TTC en remboursement des sommes versées par la société MMA à Mme [E] et [G] en réparation des préjudices subis du fait de l'incendie,

En tout état de cause,

- condamner in solidum M. [P] et la société Groupama ou, à titre subsidiaire, la société Riello France, à payer à la société MMA la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens dont distraction faite au profit de Me Loïc Champeaux représentant la SCP Maateis,

-débouter toute partie d'une quelconque demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de la société MMA.

Par conclusions déposées le 30 juin 2022, la société Riello France demande à la cour de :

- déclarer l'appel limité de la société MMA recevable mais mal fondé,

- en conséquence, confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Libourne en ce qu'il a débouté MMA de ses demandes,

A titre subsidiaire,

- dans l'hypothèse où la cour qualifie d'ouvrage les travaux réalisés par M. [P], juger que le défaut allégué du brûleur ne constitue pas une cause étrangère en application du dernier alinéa de l'article 1792 du code civil,

- débouter en conséquence la société Groupama, en tant qu'assureur décennal de M. [P], de sa demande de garantie contre la société Riello,

- juger que la société MMA n'a formé aucune demande envers la société Riello en première instance,

- déclarer irrecevable la demande nouvelle formée en appel par la société MMA contre la société Riello en paiement de la somme de 286 159 euros,

- déclarer l'appel incident de la société Riello France recevable et bien fondé,

A titre principal,

- juger que la preuve certaine d'un défaut intrinsèque du brûleur de marque Riello installé chez Mme [G] n'a pas été rapportée,

- juger que M. [D] n'a pas exclu la présence d'une fuite sur le circuit hydraulique,

- juger que la preuve du lien de causalité entre le défaut allégué du brûleur de marque

Riello installé chez Mme [G] et le dommage n'a pas été rapportée,

- juger que la cuve à fuel a disparu, que M. [D] n'a pas demandé le rapport d'intervention des pompiers et que les essais et constatations sur le brûleur neuf sont inopérants,

- juger que la responsabilité de la société Riello France ne peut pas être retenue,

- en conséquence, infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Libourne en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Riello,

- débouter toutes les parties de leurs demandes formées à l'encontre de la société Riello,

A titre subsidiaire,

- juger que la cause du sinistre du 20 mars 2015 est indéterminée, ainsi que cela a été indiqué dans le rapport du cabinet Texa, expert d'assurance de la MAIF,

- juger que le rapport d'expertise de M. [D] ainsi que ses opérations d'expertise sont critiquables et ne permettent pas, en l'absence de preuve d'un défaut intrinsèque du brûleur installé chez Mme [G], de retenir la responsabilité de la société Riello France,

- en conséquence, infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Libourne en ce qu'il a retenu la responsabilité de la Riello France,

- débouter toutes les parties de leurs demandes formées à l'encontre de la société Riello France,

En tout état de cause,

- condamner la société MMA au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société MMA aux entiers dépens de première instance et d'appel, ce compris les frais d'expertise.

Par conclusions déposées le 08 décembre 2021, M. [P] et la société Groupama Centre Atlantique demandent à la cour de :

- juger la société MMA recevable mais mal fondée en toutes ses demandes,

A titre principal,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Libourne le 8 avril 2021,

En conséquence,

- débouter la société MMA de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de M. [P] et de la société Groupama,

A titre subsidiaire,

- condamner la société Riello France à relever indemne M. [P] et la société Groupama de l'ensemble des condamnations qui seraient prononcées à leur encontre,

En tout état de cause,

- condamner la partie succombante à verser à M. [P] et la société Groupama la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers frais et dépens, en ce compris les frais et dépens de première instance et les frais d'expertise et dont distraction pour ceux de la présente procédure au profit de la SELARL Cabinet Caporale Maillot Blatt, avocats à la cour, sur le fondement des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'affaire a été fixée à l'audience rapporteur du 06 novembre 2023.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 23 octobre 2023.

Motivation

MOTIFS DE LA DÉCISION

La décision n'est pas remise en cause en ce qu'elle a statué sur l'indemnisation de Mme [H] et M. [S] et de leur assureur, la MAIF, par la société Riello.

I Sur la responsabilité de M. [P].

La société appelante, la société MMA Iard assureur de Mesdames [E] et [G], se prévalant de l'article 1792 alinéa 1er du code civil, avance que le désordre objet du présent litige est de nature décennale dans la mesure où la maison de Mme [G] a été détruite dans l'incendie.

Elle estime que les éléments dissociables en lien avec le chauffage relèvent de cette garantie lorsque leur dysfonctionnement ou leur mise en œuvre défectueuse porte atteinte à la destination de l'ouvrage dans son entier.

Elle observe que le rapport d'expertise retient que l'origine de l'incendie survenu le 20 mars 2015 se situe dans le brûleur pour chaudière mis en service lors du mois d'octobre 2014 par M. [P] et facturé le 21 octobre suivant.

Elle réfute qu'il n'existe pas de louage d'ouvrage au sens de l'article 1710 du code civil en ce que la prestation réalisée n'est pas la seule fourniture d'une pièce, mais également son installation sur la chaudière, permettant l'application de l'article 1792 du même code.

A défaut, elle entend que la responsabilité contractuelle de M. [P] soit retenue sur le fondement de l'article 1147 du code civil du fait d'un manquement par l'intéressé à son obligation de résultat.

Elle souligne en ce sens que l'installateur est tenu d'une telle obligation à propos du fonctionnement de la chose fournie et mise en place par ses soins, ayant la totale maîtrise de la chaudière dans le cas d'espèce et n'établissant pas la preuve d'une cause étrangère.

Elle considère que la décision attaquée a fait une mauvaise application de ce texte en ne retenant qu'une obligation d'entretien à l'égard de M. [P], alors que celui-ci est tenu d'une obligation de sécurité.

Ainsi, suite à l'incendie entraîné par la pièce défectueuse, elle argue de ce l'intéressé n'a pas offert la sécurité escomptée au maître de l'ouvrage, quitte pour celui-ci à solliciter son relevé indemne par son fournisseur sur le terrain des produits défectueux.

***

En vertu de l'article 1792 alinéa 1er du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

L'article 1147 applicable du code civil énonce que 'Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part'.

La cour constate en premier lieu que l'intervention de M. [P] a consisté à remplacer le brûleur fioul de la chaudière de Mme [G] (pièces 1 et 2 de l'appelante).

Néanmoins, cette prestation ne saurait consister en l'incorporation d'un équipement au sein d'un immeuble, puisqu'elle ne portait que sur une pièce de celui-ci.

Il s'ensuit que, comme l'a exactement retenu le jugement attaqué, les dispositions de l'article 1792 alinéa 1er du code civil ne s'appliquent pas au présent litige.

De même, il est exact que la société MMA Iard ne saurait invoquer la responsabilité de M. [P], n'étant que subrogée dans les droits de son assurée, Mme [G], laquelle n'avait aucun lien contractuel avec le plombier chauffagiste intervenu chez sa voisine.

Il résulte de ce seul constat que les demandes de l'appelante à l'égard de M. [P] et de son assureur, la société Groupama Centre Atlantique, devront être rejetées et la décision en date du 8 avril 2021 confirmée de ce chef.

II Sur la demande de la société MMA Iard à l'encontre de la société Riello France.

La société appelante s'oppose à ce que ses demandes à l'encontre de la société Riello France soient déclarées irrecevables au regard de l'article 564 du code de procédure civile.

Elle indique que cette irrecevabilité n'est pas formulée au dispositif des demandes de cette partie, alors qu'il s'agit d'une exigence de l'article 954 du code de procédure civile.

Sur le fond, rappelant les dispositions de l'article 565 du même code, elle expose développer son argumentation dans l'unique but d'obtenir le remboursement des sommes versées au titre de ses garanties d'assurance au profit de Mmes [E] et [G]. Elle précise que le double degré de juridiction est respecté dans la mesure où la société Riello France a été mise à même de se défendre sur l'ensemble des motifs ayant permis de retenir sa responsabilité en première instance.

Elle observe en ce sens que les mêmes éléments sont soumis aux débats et que la société adverse reprend son argumentation de première instance à son encontre.

Sur le fond, au visa des articles 1386-1 et suivants devenus 1245 du code civil, elle considère que la société Riello France a engagé sa responsabilité en sa qualité de fabriquant du brûleur installé, du fait de la défectuosité de cette pièce.

Elle note que l'expert judiciaire a retenu cette responsabilité de manière affirmative et non au titre d'une simple hypothèse, ayant écarté les autres origines possibles de l'incendie objet du litige.

Elle dénie toute portée à l'argumentation technique du fabriquant, à défaut pour celle ci d'avoir été débattue contradictoirement ou soumise au sachant désigné par le tribunal. En outre, elle remarque que si des fuites de carburant en provenance de la cuve du chauffage ne pouvaient être écartées, le sachant a en revanche exclu que celles-ci soient l'origine du départ de feu.

***

L'article 564 du code de procédure civile prévoit 'A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait'.

L'article 565 du même code ajoute que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

Il résulte de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Il apparaît à la lecture du dispositif des conclusions de la société Riello France que celle-ci entend qu'il soit jugé 'que MMA n'a formé aucune demande envers Riello en première instance' et que soit déclarée 'irrecevable la demande nouvelle formée en appel par MMA contre Riello en paiement de la somme de 286.159 €'.

Il s'ensuit que le moyen tiré de l'article 564 du code de procédure civile a été régulièrement soulevé par la société Riello France lors de ses conclusions.

S'agissant de ce chef de demande, il sera relevé qu'il n'est pas remis en cause par la société MMA Iard qu'elle n'avait formulé aucune demande à l'encontre de la société Riello France devant le tribunal judiciaire de Libourne, comme en atteste ses dernières conclusions devant cette juridiction (pièce n°30 de l'appelante).

Or, comme le soutient exactement la société Riello France, faute d'identité de partie, la société MMA Iard ne saurait affirmer que cette demande tend aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges, de sorte que cette demande constitue bien à l'égard de la société Riello France une demande nouvelle en appel.

C'est pourquoi, cette demande sera déclarée irrecevable.

III Sur l'appel incident de la société Riello France.

La société Riello France remet en cause que la défectuosité intrinsèque du brûleur ait été établie, à défaut pour l'expert judiciaire d'en avoir apporté la preuve de cet élément.

Elle met en avant le fait que M. [D] a émis des suppositions à partir d'un brûleur neuf et non sur celui installé chez Mme [G] et que le lien de causalité entre le défaut allégué du brûleur et le dommage n'est pas établi.

Elle affirme en ce sens qu'aucun défaut n'a été décelé, remarquant que celui faisant l'objet du présent litige n'a pas été envoyé à un laboratoire spécialisé, disant que son état dégradé ne faisait pas obstacle à une telle mesure, alors qu'il aurait pu être indiqué s'il existait un point d'ignition sur cet élément.

Elle dénonce le fait que l'expert n'a fait qu'émettre des hypothèses, que la fuite sur le circuit hydraulique envisagée par ce sachant peut avoir été à l'origine de l'incendie, d'autant que la cuve à fioul n'a pas pu être examinée pendant les opérations d'expertise, celle-ci ayant été déblayée. En outre, elle soutient qu'il n'est pas rapporté la preuve d'une fuite sur un vérin et donc que la thèse de l'expert n'est pas établie.

Elle note que les flexibles d'alimentation du système de chauffage étaient toujours en place suite à l'incendie, mais que ceux-ci n'ont fait l'objet d'aucune expertise, alors que si le point d'ignition avait été au niveau du brûleur, ceux-ci auraient fondu et qu'il est impossible qu'ils soient responsables de la présence de fuel sur le sol.

Elle estime qu'en l'absence d'élément contraire, aucune rupture de la conduite interne des flexibles ne pouvait être retenue, tant par M. [D] que par les premiers juges.

Elle relève enfin que les tests sur le brûleur neuf et la platine de connexion du module de gestion n'ont révélé aucune anomalie ou défectuosité.

Elle en déduit que la cause de l'incendie est indéterminée

En effet, elle souligne que l'origine tenant au congélateur présent dans la même pièce a été écartée sans que cet élément fasse l'objet d'un examen en laboratoire, afin de déterminer s'il existait ou non un point d'ignition dessus.

Elle indique que cet équipement contenait un isolant en mousse de polyuréthanne qui aurait pu produire les fumées fortement carbonées constatées et se situait sur le foyer initial de l'incendie.

Elle s'étonne encore de l'absence de communication à l'expert judiciaire des photographies prises par les experts amiables désignés par les compagnies d'assurances dès le lendemain de l'incendie. Elle en tire comme conséquence la partialité de l'expert qui n'a pas sollicité ces documents, alors qu'ils reflétaient l'état des lieux plusieurs mois avant son intervention, ce que l'intéressé n'a pu établir, notamment au titre des flexibles d'alimentation du brûleur qui étaient toujours en place après l'incendie.

Elle note par ailleurs que la serrure du local de chaufferie n'était plus sur la porte lors de l'expertise et que celle-ci a donc être forcée et qu'un acte de malveillance aurait pu être commis, en l'absence de rapport d'intervention des pompiers communiqué à l'expert.

Elle s'oppose encore à ce que l'origine électrique de l'incendie ait été écartée par l'expert, alors qu'il a été constaté des fils de cuivre électriques présentant des signes de fusion, alors que le tableau électrique n'était pas conforme et a supporté une surcharge.

De même, elle observe que la citerne de fuel est impliquée, mais qu'aucun élément quant au cheminement de la conduite de cet élément vers la chaudière n'est établi, pas davantage que la planéité du sol qui aurait pu avoir une incidence sur l'écoulement du fuel après le début de l'incendie.

Elle argue en outre de ce que le sinistre peut avoir pris naissance au niveau des étagères de la pièce par réaction chimique, hypothèse qui n'a pas été examinée.

Elle entend enfin que les procès-verbaux du 27 juin 2016 signés par les autres parties au titre des réunions organisées par les experts d'assurance lui soient déclarés inopposables, faute d'avoir participé à 4 réunions et de l'avoir signé.

***

L'article 1386-1 devenu 1245 du code civil mentionne que 'Le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime'.

Les parties ne contestent pas que l'incendie a pris naissance et s'est développé dans la pièce servant de chaufferie à Mme [G].

S'agissant de l'hypothèse d'une naissance de l'incendie par réaction chimique, il n'a pas été relevé dans les décombres par l'expert de produit lui permettant d'étayer cette hypothèse. Cet élément est suffisant par lui-même pour écarter cette hypothèse, contrairement à ce qu'indique la société Riello France.

Il n'est pas davantage remis en cause le fait que le côté droit de la chaudière où se trouvait le brûleur présente des stigmates d'une très forte montée en température, la carcasse du brûleur en fonte d'aluminium ayant en partie fondu, de même que les fils de cuivre présentant des fusions multiples se trouvant à proximité, alors que le côté gauche de la chaudière n'a pas subi une température supérieure à 200°C.

Du fait du positionnement des marques de fusion, l'expert confirme que seule la présence de fuel répandu sur le sol peut générer une telle énergie thermique.

Sur la question de l'origine du sinistre, il est constaté par l'expert judiciaire que si l'installation électrique n'était pas aux normes, la fusion des conducteurs en cuivre est une conséquence de l'incendie et non sa cause, du fait du parcours des fils qui n'ont pas fondu à l'endroit où ils entrent dans la pièce, mais seulement au niveau de la chaudière. De même, aucun stigmate d'arc électrique n'a été constaté.

Ces constatations permettent d'écarter cette origine électrique, en l'absence d'énergie nécessaire à proximité d'un comburant pour expliquer le sinistre.

M. [D] a également examiné l'hypothèse d'une ignition du fait du congélateur, mais note que celui-ci ne présente qu'une énergie de combustion faible et un pouvoir de transmission du feu peu conséquent. Or, celle-ci ne pouvait selon ses dires permettre d'atteindre le brûleur qui se trouvait à environ 50 centimètres. Il est noté que cet élément était toujours sur place, faisant partie des prélèvements conservés.

Dès lors, cette cause ne saurait être retenue, celle-ci n'étant pas suffisante pour expliquer la combustion subie, qui en outre est passée par le brûleur.

Sur l'acte malveillant, il n'existe pas d'élément matériel permettant l'existence d'un tel acte, la seule présence au sol de la serrure de la porte, qui peut également résulter soit de l'incendie, soit de l'intervention des pompiers sur les lieux, ne pouvant être considéré comme un indice.

L'expert judiciaire, en ce qu'il retient 4 éléments pour générer l'incendie constaté, soit une combustion, un comburant, une énergie d'activation en quantité suffisante et la présence de radicaux libres, en déduit que seul le brûleur de la chaudière présente les éléments nécessaires à une ignition.

Il met également en avant le fait qu'un tel brûleur n'est pas exempt de défaillance et qu'il présentait en outre une absence de protection électrique propre, étant relevé que celle constituée par le disjoncteur du tableau électrique était supérieure à celle que pouvait supporter cet élément.

De surcroît, l'expert, en ce qu'il a écarté les critiques faites, notamment quant à des investigations supplémentaires sur le brûleur en cause, du fait de sa dégradation, ou sur le congélateur, dont le rôle a été écarté par d'autres motifs, a répondu aux chefs de sa mission.

De même, sur la question des photographies, il n'est pas établi qu'il en ait existé d'autres que les 9 versées aux débats, dont il résulte du rapport que non seulement elles ont été examinées par l'expert judiciaire, mais que ce dernier les a écartées comme n'apportant pas d'information fiable sur l'origine de l'ignition.

Enfin, contrairement à ce que soutient la société Riello France, M. [D] n'a pas retenu le sectionnement des flexibles d'alimentation de chaudière comme ayant permis l'expansion de l'incendie, mais la rupture par combustion de la conduite interne en polymère.

C'est pourquoi, au vu de l'ensemble de ces éléments, tout comme l'ont fait justement l'expert et les premiers juges, il est établi que l'incendie survenu le 20 mars 2015 est survenu du fait d'un dysfonctionnement du brûleur et la société Briello France, en sa qualité de fabriquant de cet élément, a en conséquence engagé sa responsabilité.

La décision attaquée sera donc confirmée de ce chef.

IV Sur les demandes annexes.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

En l'espèce, l'équité commande que la société MMA Iard et la société Riello France soient condamnées in solidum à verser à la société Groupama Centre Atlantique et à M. [P], ensemble, la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de l'article 696 alinéa premier du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. Sur ce fondement, la société MMA Iard et la société Riello France, qui succombent au principal, supporteront in solidum la charge des dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, dont distraction au profit de la Selarl Cabinet Caporale Maillot Blatt, avocats, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La Cour,

DÉCLARE irrecevable la demande faite par la société MMA IARD à l'encontre de la société Riello France en application de l'article 1386-1 devenu 1245 du code civil ;

CONFIRME la décision rendue par le tribunal judiciaire de Libourne le 8 avril 2021 ;

Y ajoutant,

CONDAMNE in solidum la société MMA Iard et la société Riello France à verser à la société Groupama Centre Atlantique et à M. [P], ensemble, la somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum la société MMA Iard et la société Riello France aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, dont distraction au profit de la Selarl Cabinet Caporale Maillot Blatt.

Le présent arrêt a été signé par Madame Paule POIREL, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.