Cass. 2e civ., 16 décembre 2021, n° 20-18.237
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 18 juin 2020), par jugement du 14 mai 2018, un conseil de prud'hommes a condamné la société Siem services (la société) à payer à M. [I] diverses sommes au titre d'une clause de non-concurrence et d'une indemnité compensatrice de congés payés.
2. La société a interjeté appel.
3. Par ordonnance du 9 mai 2019, le conseiller de la mise en état a prononcé l'irrecevabilité des conclusions de M. [I] notifiées le 11 décembre 2018.
4. La cour d'appel a statué sans audience en application de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, modifiée par l'ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. M. [I] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de renvoi, d'infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Mâcon le 14 mai 2018 en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de dire qu'il a violé la clause de non-concurrence contenue dans son contrat de travail, de le condamner à verser à la société la somme de 21 305,40 euros au titre de la violation de la clause de non-concurrence et de le condamner aux dépens de première instance et d'appel, alors « qu'à l'exception des procédures en référé, des procédures accélérées au fond et des procédures dans lesquelles le juge doit statuer dans un délai déterminé, les parties disposent d'un délai de quinze jours pour s'opposer à la procédure sans audience, auquel cas la cour d'appel a l'obligation de renvoyer à une audience publique afin d'assurer l'exercice du droit à un débat oral et public ; qu'il résulte de l'arrêt que la clôture a été ordonnée le 16 avril 2020 et l'affaire retenue le 14 mai 2020, dans les conditions fixées par l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 (i.e sans audience), et mise en délibéré au 18 juin 2020 ; qu'il résulte encore de l'arrêt qu'après avoir été informé de la mise en application de l'article 8 précité, le conseil de M. [I] a sollicité, par courrier du 22 avril 2020, le renvoi de l'affaire pour plaider ; qu'en refusant le renvoi à une audience de débat, quand elle constatait pourtant l'opposition à la procédure sans audience en raison de la demande de renvoi et que le droit à des débats oraux ne pouvait être refusé pour la raison inopérante que les conclusions de M. [I] avaient été déclarées irrecevables par ordonnance du conseiller de la mise en état du 9 mai 2019 et qu'il ne pouvait faire valoir aucun moyen de défense oralement, la cour d'appel a violé l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 et privé M. [I] de son droit à un procès équitable, violant l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, modifiée par l'ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020 :
6. La faculté d'accepter ou de refuser le renvoi d'une affaire fixée pour être plaidée, relève du pouvoir discrétionnaire du juge, dès lors que les parties ont été mises en mesure d'exercer leur droit à un débat oral (Ass. plén., 24 novembre 1989, pourvoi n° 88-18.188, Bull. 1989, Ass. plén. n° 3).
7. L'organisation d'une audience devant une juridiction civile est une garantie légale des exigences constitutionnelles des droits de la défense et du droit à un procès équitable (Cons. Constit., 19 novembre 2020, n° 2020-866 QPC).
8. Selon le texte susvisé, hors les procédures d'urgence, le juge peut, sur son initiative, statuer sans audience en l'absence d'opposition des parties qui en ont été informées par tout moyen.
9. Il en résulte que le droit de s'opposer à la décision du juge de statuer sans audience appartient à toute partie.
10. Pour rejeter la demande de renvoi de M. [I], l'arrêt retient qu'après avoir été informé de la mise en application de l'article 8 de l'ordonnance du 25 mars 2020, le conseil de M. [I], par lettre du 22 avril 2020, a sollicité le renvoi de l'affaire afin de pouvoir plaider, le conseil de la société Siem services ne s'étant pas associé à cette demande, et que le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions de M. [I], faute pour l'intimé d'avoir respecté les délais prescrits par l'article 909 du code de procédure civile, et que, dès lors, le conseil de M. [I] ne pouvait faire valoir aucun moyen de défense oralement.
11. En statuant ainsi, alors que l'intimé dont les conclusions ont été déclarées irrecevables, n'est pas privé du droit de s'opposer à la décision de statuer sans audience, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société Siem services aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Siem services et la condamne à payer à M. [I] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille vingt et un.