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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 25 janvier 2024, n° 22/14414

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Les Impériaux (SARL)

Défendeur :

Prolactine France (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Gérard

Conseillers :

Mme Combrie, Mme Vincent

Avocats :

Me Imperatore, Me Joly, Me Blanc

T. com. Toulon, du 19 oct. 2022, n° 2020…

19 octobre 2022

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon acte sous signatures privées du 1er juillet 2017, la SARL Prolactine France a confié à la SARL Les Impériaux un mandat d'agent commercial pour la commercialisation de ses différentes gammes de produits laitiers à titre exclusif sur un secteur géographique composé des départements 04 ' 05 ' 06 ' 07 ' 11 ' 13 ' 20 ' 26 ' 30 ' 34 ' 66 ' 83 ' 84 pour la clientèle de la GMS, grossistes, cash, petits commerces, RHF.

Le contrat, conclu pour une durée indéterminée, pouvait être résilié par l'une ou l'autre des parties moyennant un préavis de 3 mois, négociable et rappelait qu'en cas de résiliation du mandat non justifiée par une faute grave de l'agent commercial, celui-ci avait droit à une indemnité compensatrice du préjudice subi calculée sur la base des commissions perçues ou estimées pendant une durée de 2 ans, hors commissions du portefeuille fourni par le mandant à l'annexe 3.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 mai 2020, la SARL Prolactine France a notifié à la SARL Les Impériaux la résiliation immédiate du contrat d'agent commercial, sans indemnité compensatrice du préavis et sans indemnité légale de cessation du mandat.

La SARL Les Impériaux a fait assigner la SARL Prolactine France devant le tribunal de commerce de Toulon pour la voir condamner à lui verser l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité légale de cessation de mandat.

Par jugement du 19 octobre 2022, le tribunal de commerce de Toulon s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Marseille sur le fondement de l'article L.442-1 du code de commerce.

La SARL Les Impériaux a interjeté appel par déclaration du 28 octobre 2022.

Par ordonnance du 3 novembre 2022, elle a été autorisée à faire assigner à jour fixe la SARL Prolactine France en application de l'article 84 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées et déposées le 28 octobre 2022, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la SARL Les Impériaux demande à la cour de :

sur la compétence :

vu l'article l134-12 du code de commerce,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu d'office son incompétence,

statuant à nouveau,

- dire et juger que les conséquences de la résiliation du mandat d'agence commerciale confié à la société Les Impériaux ne relèvent pas des dispositions de l'article L. 442-1 du code de commerce,

en conséquence,

- dire et juger que sur le fondement de l'article 46 du code de procédure civile, le tribunal de commerce de Toulon était compétent pour connaître territorialement des demandes indemnitaires de la société Les Impériaux ;

sur le fond :

- vu les articles 88 et 568 du code de procédure civile, dire et juger qu'il est de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive et en conséquence évoquer le fond du dossier ;

- vu les articles L. 134-11 et L. 134-12 du code de commerce, condamner la société Prolactine France à régler à la société Les Impériaux les indemnités suivantes, outre intérêts de droit à compter de l'assignation :

- 7.372,30 € TTC au titre de l'indemnité compensatrice de préavis inexécuté ;

- 49.188 € au titre de l'indemnité légale de cessation de mandat ;

- vu l'article 700 du code de procédure civile, condamner la société Prolactine France à régler à la société Les Impériaux la somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Lexavoue sur ses offres de droit.

Par conclusions notifiées et déposées le 10 février 2023, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la SARL Prolactine France demande à la cour de :

vu l'article L. 442-1 du code de commerce,

vu le jugement rendu par le tribunal de commerce de Toulon le 19 octobre 2022,

- confirmer le jugement rendu le 19 octobre 2022 par le tribunal de commerce de Toulon en toutes ses dispositions,

- sur l'appel et le double degré de juridiction : si par extraordinaire la cour ne devait pas confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Toulon le 19 octobre 2022, il lui est demandé de :

- débouter la société Les Impériaux de sa demande tendant à voir évoquer le fond du dossier afin de lui donner une solution définitive en cause d'appel,

- sur le fond : si par extraordinaire la cour devait faire droit à la demande de la société Les Impériaux tendant à voir « évoquer l'entier dossier de façon à statuer définitivement sur ses demandes indemnitaires », il lui est demandé de :

vu l'article L. 134-13 du code de commerce,

vu l'article 7 du contrat d'agent commercial,

vu l'ensemble des pièces versées aux débats,

à titre principal :

- juger que la société Les Impériaux a commis des manquements graves et répétés à son obligation de tenir compte de la politique commerciale de la société Prolactine France et à son obligation de loyauté,

en conséquence :

- valider la résiliation du contrat telle qu'effectuée par la société Prolactine France,

- juger que la situation découlant des fautes commises par la société Les Impériaux justifient la rupture immédiate, sans préavis, du contrat d'agent commercial conclu le 1er juillet 2017,

- juger que la société Prolactine France n'a pas à verser à la société Les Impériaux d'indemnité de préavis,

- juger que la société Prolactine France n'a pas à verser d'indemnité légale de cessation de mandat à la société Les Impériaux,

- à titre subsidiaire : si par extraordinaire la cour devait considérer comme fautive la résiliation immédiate du contrat d'agent commercial, conclu entre la société Prolactine France et la société Les Impériaux il lui demandé de :

- réduire le montant de l'indemnité compensatrice de préavis inexécuté à la somme de 5.168,01 €,

- réduire le montant de l'indemnité de cessation de mandat à la somme de 7.102,27 €,

en tout état de cause :

- débouter la société Les Impériaux de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société Les Impériaux à verser à la société Prolactine France la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Les Impériaux aux dépens.

MOTIFS

La SARL Les Impériaux fait valoir que c'est à tort que les premiers juges ont relevé d'office leur incompétence sur le fondement de l'article L. 442-1 du code de commerce alors que ces dispositions ne sont pas applicables à la résiliation du mandat d'un agent commercial, que le tribunal de commerce de Toulon est bien compétent s'agissant de la juridiction du lieu d'exécution de la prestation de service qui s'exerce, selon une jurisprudence constante, au lieu de son domicile professionnel.

Elle fait valoir que la décision déférée ayant considérablement retardé l'issue du litige et le règlement des indemnités qui lui sont dues, il est d'une bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive. Elle sollicite l'évocation par la cour de l'entier dossier en application des articles 88 et 568 du code de procédure civile.

La SARL Prolactine France adopte les motifs du jugement déféré et s'oppose à la demande d'évocation au regard de son droit à bénéficier d'un double degré de juridiction.

L'article L. 442-1 II du code de commerce ne s'applique pas lors de la cessation des relations ayant existé entre un agent commercial et son mandant pour lesquelles la durée de préavis qui doit être respectée est fixée par l'article L. 134-11 du code de commerce en fonction du nombre d'années d'exécution du contrat.

Il en résulte que c'est à tort que le tribunal de commerce de Toulon a jugé les dispositions de l'article L. 442-1du code de commerce applicables, au surplus d'office sans avoir invité les parties à s'expliquer sur ce moyen relevé d'office.

Le jugement déféré est infirmé en toutes ses dispositions.

En application de l'article 46 du code de procédure civile, le demandeur peut saisir à son choix, en matière contractuelle, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, la juridiction du lieu de de l'exécution de la prestation de service.

En l'espèce le litige porte sur l'existence d'une faute grave commise lors de l'exécution de la prestation de service ayant conduit à la rupture du mandant d'intérêt commun. En matière de contrat d'agence commerciale, le lieu d'exécution de la prestation de service s'entend de celui du siège social de la SARL Les Impériaux où elle centralisait ses activités pour le compte de la SARL Prolactine France.

Il en résulte que le tribunal de commerce de Toulon était bien compétent pour connaitre de la demande formée par la SARL Les Impériaux.

Il n'y a pas lieu de priver la SARL Prolactine France d'un double degré de juridiction et par conséquent d'évoquer l'entier litige.

La SARL Prolactine France, qui succombe, est condamnée aux dépens et au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Toulon du 19 octobre 2022,

Statuant à nouveau,

Dit que le tribunal de commerce de Toulon est compétent pour connaitre des demandes de la SARL Les Impériaux à l'encontre de la SARL Prolactine France formées dans l'assignation délivrée le 8 septembre 2020,

Renvoie l'affaire au tribunal de commerce de Toulon,

Dit n'y avoir lieu à évocation du litige,

Condamne la SARL Prolactine France aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SARL Prolactine France à payer à la SARL les Impériaux la somme de 3 000 euros.