CA Amiens, ch. économique, 25 janvier 2024, n° 22/01951
AMIENS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
SCI CMN (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Grevin
Conseillers :
Mme Leroy-Richard, Mme Dubaele
Avocats :
Me Lefevre, Me Guyot, Me Penot, Me Mutelet
Suivant acte sous seing privé à effet du 1er novembre 1998 Mme [D] [S] veuve [Z] a donné à bail à loyer professionnel à la SCI CMN Locations II venant aux droits de la Caisse de Crédit Mutuel des locaux sis [Adresse 1] et à l'angle de la [Adresse 10] cadastrés AK [Cadastre 3] à [Localité 12] pour une durée de 18 années.
Suivant acte sous seing privé en date du 31 octobre 2007 il a été procédé au renouvellement de ce bail pour une durée de neuf années moyennant un loyer annuel de 38604 euros hors taxes et charges avec clause d'échelle mobile, les parties ayant décidé de soumettre le bail au champ d'application du décret du 30 septembre 1953 par extension conventionnelle, le bailleur renonçant à invoquer le défaut d'exploitation commerciale lors du renouvellement du bail.
Par acte d'huissier en date du 29 février 2016 le bailleur a signifié au preneur un congé avec offre de renouvellement du bail pour une durée de neuf ans à effet au 1er novembre 2016 moyennant un loyer de 71500 euros par an hors taxes et charges.
La SCI CMN ayant par acte extrajudiciaire du 26 avril 2016 signifié son refus du nouveau loyer, par mémoire notifié le 25 mai 2016 Mme [S] a sollicité la fixation du loyer à un montant annuel de 71000 euros hors charges et hors taxes.
Par exploit d'huissier en date du 1er juillet 2016 Mme [S] a fait assigner la SCI CMN devant le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Soissons.
Par jugement avant dire droit en date du 29 septembre 2017 le juge des loyers commerciaux a ordonné une mesure d'expertise afin de déterminer la valeur locative de l'immeuble et le montant du loyer renouvelé.
Le rapport d'expertise a été déposé le 26 février 2020.
Par jugement du juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Soissons en date du 11 février 2022 le loyer du bail renouvelé à compter du 1er novembre 2016 a été fixé à la somme de 57866 euros hors taxes et hors charges, la SCI CMN a été condamnée au paiement du loyer renouvelé avec effet rétroactif outre les intérêts au taux légal produits par l'arriéré de loyer résultant de cette fixation et ce à compter du 1er novembre 2016 et pour chacun des termes échus.
La capitalisation des intérêts sur l'arriéré de loyer a été ordonnée, les autres demandes étant rejetées et la SCI CMN étant condamnée à payer à Mme [S] la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du juge des tutelles du tribunal judiciaire de Versailles en date du 3 janvier 2022 Mme [S] a été placée sous une mesure de tutelle , Mme [F] [L] et M. [H] [K] étant désignés en qualité de tuteurs.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 21 avril 2022 la SCI CMN a interjeté appel du jugement du juge des loyers commerciaux.
Aux termes de ses dernières conclusions remises le 31 août 2023 la SCI CMN demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau de fixer le loyer renouvelé à la somme de 41266 euros au plus au 1er novembre 2016, de débouter Mme [S] de toute demande en condamnation, de la condamner au paiement des frais d'expertise et aux entiers dépens de première instance et d'appel outre une somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de leurs conclusions remises le 9 mai 2023, Mme [F] [L] et M. [H] [K] agissant en qualité de tuteurs de Mme [D] [S] veuve [Z], intimée, demandent que leur intervention volontaire soit déclarée recevable et demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris excepté sur le montant du loyer renouvelé dont ils ont sollicité la fixation à un montant de 73340 euros hors taxes et hors charges.
Ils ont sollicité la condamnation de la SCI CMN aux entiers dépens de première instance en ce compris les frais d'expertise ou à titre subsidiaire le partage de ces dépens par moitié entre les parties et la condamnation de la SCI CMN au paiement d'une somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel et sa condamnation au paiement des entiers dépens d'appel dont distraction au profit de maître Guyot.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 octobre 2023.
SUR CE
Mme [S] ayant été placée sous une mesure de tutelle le 3 janvier 2022 elle doit être représentée par ses tuteurs qui sont ainsi intervenus volontairement à la procédure d'appel.
Sur le plafonnement
Le premier juge a rappelé que l'usage des lieux doit s'apprécier prioritairement à partir de la destination contractuelle, l'affectation matérielle des lieux n'étant que subsidiaire et a retenu que la clause du bail relative à la destination de celui-ci comporte deux alinéas et que le second ne constitue pas une dérogation générale car il dérive clairement du premier et constitue un élargissement de ce premier alinéa et introduit une conception extensive des activités à usage de banque et assurance.
Il a cependant considéré en se référant à l'organigramme du groupe que l'ensemble des activités dépendant d'organismes se rattachant au Crédit Mutuel étaient nécessairement placées dans la dépendance du respect du premier alinéa et sont censées s'inscrire dans des activités à usage de banque et assurance.
Il a interprété la clause comme signifiant que sous réserve d'exercer l'activité de banque et assurance la caisse de Crédit Mutuel peut proposer des produits ou services des organismes concernés mais non se substituer à eux pour exercer leurs activités.
Il a retenu de surcroît qu'il n'était nullement démontré que l'activité exercée dans les locaux pouvait être de nature commerciale et non à usage exclusif de bureaux.
Il a considéré qu'il convenait de faire application de l'article R145-11 du code de commerce.
La SCI CMN soutient à titre principal que les locaux ne sont pas à usage exclusif de bureaux et ne peuvent donc bénéficier du statut dérogatoire de ces locaux selon lequel en application de l'article R 145-11 du code de commerce le prix de bail des locaux à usage exclusif de bureaux est fixé par référence au prix pratiqué pour des locaux équivalents sauf à être corrigé en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.
Elle fait valoir que le bail détermine la destination des locaux par trois clauses relatives à la désignation des locaux , à l'occupation des locaux et à la cession du bail mais que le premier juge ne s'est pas intéressé à la désignation des locaux qui sont destinés aux termes du bail à un usage commercial, destination initiale lors de la prise à bail en 1988 et s'est arrêté sur l'activité que le preneur avait l'intention d'exercer dans les locaux à savoir toutes activités de banque et d'assurance du Crédit Mutuel.
Elle soutient que cependant le bail autorise le Crédit Mutuel à diffuser les produits ou recevoir dans les locaux les services inhérents aux activités d'organismes se rattachant directement ou indirectement au Crédit Mutuel.
Elle en déduit que par cette clause le bailleur a donné toute liberté au preneur d'exercer dans les locaux les activités que le Crédit Mutuel pouvait par l'intermédiaire de filiales ou sociétés apparentées entreprendre et donc à toutes activités commerciales les locaux étant désignés comme étant destinés à un usage commercial
Elle reproche encore au premier juge de ne pas avoir considéré que la clause de cession du bail était une clause de cession tous commerces alors qu'elle permet la cession sans que le cessionnaire soit le successeur du preneur dans son activité et n'interdit pas la cession du bail à un cessionnaire d'un tout autre commerce, les locaux étant destinés à un usage commercial de vente, la taille des baies vitrées favorisant une activité de vente avec manipulation de marchandises et ne restreint pas le preneur à y exercer une activité de bureau.
La SCI CMN en déduit que le bail est soumis au plafonnement dès lors que les facteurs locaux de commercialité ne sont pas significativement améliorés.
Les intimés soutiennent que les locaux contractuellement à usage de banque et assurance doivent voir leur loyer fixé à la valeur locative en application de l'article L 145-11 du code de commerce.
Ils soutiennent que la jurisprudence soumet les activités de banque et d'assurance aux dispositions applicables aux locaux à usage exclusif de bureaux et que l'activité essentielle d'ordre comptable, administratif ou juridique de la banque n'est pas affectée par la réception de la clientèle.
Ils rappellent ainsi que le caractère de local à usage exclusif de bureaux s'apprécie à partir de la destination contractuelle du bail et non de son utilisation effective et font valoir qu'en l'espèce la destination contractuelle du bail est liée à toutes activités à usage de banque et assurance du Crédit Mutuel , le preneur étant autorisé à mettre les locaux à disposition de cette banque pour diffuser les produits ou recevoir dans les locaux les services inhérents aux activités dépendant d'organismes se rattachant directement ou indirectement au Crédit Mutuel et que de surcroît leur utilisation est conforme à la destination contractuelle.
Ils précisent que si la désignation contractuelle des locaux mentionne un usage commercial c'est uniquement par opposition aux locaux à usage d'habitation et que l'article R145-11 du code de commerce s'applique aux locaux à usage d'agence bancaire même s'il s'agit de locaux en pied d'immeuble comportant des vitrines et accueillant du public dès lors que l'activité exercée est de nature administrative ou intellectuelle et n'implique pas la manipulation de marchandises, la diffusion de produits d'assurance, la vente de titres, l'octroi de crédit de consommation ne constituant pas des ventes de marchandises au sens de la jurisprudence.
Ils contestent que la clause de destination du bail permette de développer n'importe quelle activité commerciale et rappellent à ce titre que la clause s'explique par le fait que le bail est consenti à une SCI et énumère en conséquence les activités autorisées et en second lieu une autorisation de mise à disposition par la SCI des locaux à la banque pour exercer ces activités qu'elle-même ne pourrait exercer.
Ils font valoir que cette clause accorde au preneur la faculté de proposer des prestations de banque et d'assurance par différentes entités de son groupe mais ne lui donne pas l'autorisation d'exercer des activités dérogeant à l'usage exclusif de banque et assurance.
Ils contestent également l'assertion selon laquelle le bail serait librement cessible et donc un bail tout commerce.
Ils font valoir à ce titre que la clause du bail prévoit que le preneur ne pourra céder le présent bail ni sous-louer en tout ou partie sauf accord expresse et par écrit du bailleur mais que les conventions qui tendent à interdire au locataire de céder son droit au bail ou ses droits à l'acquéreur de son fond de commerce étant nulles, seule la cession du droit au bail pour l'exercice d'une autre activité peut être prohibée par le contrat et l'autorisation du bailleur est totalement discrétionnaire. Ils font valoir qu'ainsi le bail interdit au locataire toute cession sauf à un successeur dans le commerce qui doit donc être l'acquéreur du fonds de commerce du locataire cédant.
En application de l'article L 145-33 du code de commerce le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative et à défaut d'accord cette valeur est déterminée d'après les caractéristiques du local considéré, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, les facteurs locaux de commercialité et les prix couramment pratiqués dans le voisinage..
Cependant aux termes de l'article L145-34 du code de commerce à moins d'une modification notable de l'un de ces éléments le taux de variation du loyer renouvelé si la durée du bail n'est pas supérieure à neuf ans ne peut excéder la variation intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires.
Toutefois selon l'article R 145-11 du code de commerce le prix du bail des locaux à usage exclusif de bureaux n'est pas plafonné et est fixé par référence aux prix pratiqués pour des locaux équivalents sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.
Pour déterminer si l'article R145-11 du code de commerce a vocation à s'appliquer et donc si l'on est en présence d'un local à usage exclusif de bureaux permettant au bailleur de déplafonner le loyer lors du renouvellement, il est essentiel de se référer à la destination contractuelle du local loué telle qu'elle découle de la commune intention des parties.
Il est rarement précisé que l'activité autorisée est une activité exclusive de bureau mais il est plus souvent visé une activité précise.
Celle-ci pour être une activité à usage de bureau doit être intellectuelle soit administrative, comptable financière ou juridique par opposition aux opérations supposant une manipulation de marchandises.
En l'espèce la clause de destination indique que le preneur devra exercer dans les lieux loués toutes activités à usage de banque et assurance du crédit Mutuel, le preneur étant dès à présent autorisé à mettre les locaux loués à la disposition de la Caisse de Crédit mutuel de [Localité 12], pour diffuser les produits ou recevoir dans les locaux les services inhérent aux activités dépendant d'organismes se rattachant directement ou indirectement au Crédit Mutuel.
Cette clause ne saurait être interprétée seule sans référence aux autres clauses du contrat et à la qualité des cocontractants.
Il a été rappelé que le bail initial à loyer professionnel qui n'est pas produit aux débats était conclu directement avec la caisse de Crédit Mutuel.
En l'espèce le bail renouvelé, nouveau bail à effet au 1er novembre 2017 bénéficie à une SCI en qualité de preneur .
Une SCI n'exerce pas d'activité commerciale et cependant les parties ont entendu soumettre leur contrat de bail au statut dérogatoire des baux commerciaux.
C'est à l'aune de ces particularités qu'il convient d'interpréter la clause de destination mais également au regard des énonciations du bail qui indiquent que le preneur bénéficie de la propriété commerciale même s'il n'exploite pas de fonds de commerce, le bailleur renonçant à invoquer un défaut d'exploitation commerciale.
Dès lors loin de permettre l'exercice de toutes activités commerciales, et notamment d'activités supposant la manipulation de marchandises la clause énonce en premier lieu que le preneur ne peut exercer dans les lieux loués que toutes activités à usage de banque et assurance et compte tenu de la nature du preneur, société civile, il est autorisé pour ce faire à mettre les locaux loués à la disposition de la Caisse de Crédit mutuel pour diffuser les produits et recevoir les services inhérents aux activités dépendant d'organismes se rattachant au Crédit Mutuel.
Ne sont ainsi visées que des activités liées à la diffusion ou la réception des produits ou des services émanants d'organismes directement rattachés au Crédit Mutuel et donc à l'activité bancaire de celui-ci.
La commune intention des parties est donc bien de n'affecter les locaux qu'à l'usage de banque et assurance.
Or l'activité de banque et assurance est considérée de manière constante comme une activité à usage exclusif de bureaux nonobstant la réception d'une clientèle dès lors que le local ne sert ni au dépôt ni à la livraison de marchandises.
La référence dans le descriptif des locaux d'une occupation à usage commercial est effectuée uniquement pour différencier au sein d'un immeuble pouvant être à usage d'habitation les locaux donnés à bail commercial étant observé que la description fait état notamment d'un premier étage composé de deux appartements comportant tous les équipements, cuisine cabinet de toilette et salle à manger, d'un local à usage d'habitation.
Enfin s'agissant de la clause de cession du bail seule peut faire échec au déplafonnement une clause autorisant la cession ou la sous-location pour tous commerces qui est alors incompatible avec l'usage exclusif de bureaux et ce même s'il est prévu une autorisation du bailleur ou lorsqu'elle apporte des limites quant aux activités pouvant être exercées.
En l'espèce la clause relative à la cession du bail prévoit simplement que le preneur ne pourra céder le présent bail ou le sous-louer en tout ou partie sauf accord exprès et par écrit du bailleur.
Cette clause n'autorise aucunement la cession pour tous commerces ou pour une activité autre que la banque ou l'assurance mais exactement l'inverse puisqu'elle interdit la cession du bail sans autorisation du bailleur.
Au demeurant comme l'a justement relevé le premier juge la cession d'un bail commercial opère transmission des obligations en découlant et en l'espèce tout cessionnaire se devra de respecter la clause de destination selon laquelle ne peuvent être exercées dans les lieux que toutes activités à usage de banque et assurance du Crédit Mutuel de surcroît.
Il résulte ainsi de la commune intention des parties d'affecter les locaux loués à l'usage exclusif de banque et assurance soit à un usage exclusif de bureaux et le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a fait application de l'article R 145-11 du code de commerce.
Sur le montant du loyer renouvelé
Pour fixer le loyer du bail renouvelé le premier juge a retenu la dégradation de la commercialité en centre ville mais l'immersion des locaux dans un secteur demeurant attrayant et a retenu une moyenne de 258,66 euros du m² pour le rez-de-chaussée et le sous-sol d'une surface de 169,43 m² et a retenu la valeur locative définie par l'expert pour l'étage soit 90 euros le m² pour une surface de 156 m².
La SCI CMN soutient que l'augmentation du loyer par le juge des loyers représente une progression de 50% sur neuf ans soit 5,5 % par an alors qu'au cours de la même décennie le centre ville de [Localité 12] a connu une perte de valeur commerciale inquiétante.
Elle conteste la pertinence des références sur lesquelles l'expert s'est fondé estimant que deux d'entre elles sont trop anciennes ( Bred et scalbert Dupont dont les loyers ont été arrêtés en 2008) et devaient être écartées ou bien être complétées par le loyer annuel du Crédit mutuel en 2007.
Elle considère que le loyer doit être fixé soit à partir de références de l'année de renouvellement un an avant et un an après soit 2016 et 2017 soit en recherchant le loyer tendanciel sur la durée et doit alors prendre des références dans un spectre temporel plus large avant et après .
Elle soutient qu'il est davantage pertinent de prendre en compte des références à des loyers de banque de centre ville de villes de même taille dans la région qui présentent un niveau de prix similaire plutôt que des loyers de commerce de prêt-à-porter ou d'optique ou portant sur de plus petites surfaces.
Elle conteste ainsi la note Colomer produite par les intimés au motif qu'elle présente un échantillon de loyers non représentatifs.
Les intimés soutiennent que les locaux situés en centre ville de [Localité 12] donnent sur une petite place et jouissent d'une très bonne visibilité sur la [Adresse 11] qui est l'artère commerciale principale de [Localité 12].
Ils font valoir que certaines références de boutiques retenues par l'expert sont pertinentes car elles concernent des locaux situés dans la même rue et pour des activités identiques mais sont anciennes et que les deux références datant de l'année du renouvellement sont liées à des boutiques de prêt-à-porter.
Ils font valoir que depuis 2014 la ville de [Localité 12] met en oeuvre une politique de redynamisation de l'activité commerciale.
Ils contestent les références retenues par les appelants qui sont situées dans d'autres villes éloignées de [Localité 12] et deux fois moins peuplées sans qu'au demeurant soient produits les baux et précisées les années de prise d'effet.
Ils font valoir que la note d'expert par eux versée contredit la tendance baissière dénoncée par les appelants .
S'agissant des références retenues par l'expert ils demandent que deux soient écartées celle relative à la Société générale dès lors que le bail est conclu entre deux sociétés du même groupe et celle de la Matmut dès lors qu'elle est située à plus de 500 mères des lieux loués.
Ils reprochent à l'expert d'avoir fait la moyenne arithmétique des références alors que toutes ne se valent pas et d'avoir retenu la référence Matmut pourtant située dans une artère nettement moins commerçante en l'affectant d'un coefficient 3.
En application de l'article R 145-11 du code de commerce le prix du bail est fixé par référence aux prix pratiqués pour des locaux équivalents sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.
Les surfaces utiles des locaux retenues par l'expert ne sont pas contestées par les parties et s'établissent donc à 165,25 m² pour le rez-de-chaussée et 54 m² pour le sous-sol et enfin 156,01 m² pour le premier étage soit un total de 375,26 m².
Toutefois l'expert a exercé une pondération en fonction de la configuration des locaux et de l'intérêt des différentes zones portant la surface de comparaison à 325,43 m² et 169,43 m² pour le rez-de-chaussée et le sous-sol et 156 m² pour l'étage. Cette pondération n'est pas davantage contestée.
Seul est contesté le prix unitaire retenu par l'expert tant pour le rez-de-chaussée et le sous-sol que pour le premier étage, les références ayant permis de le définir et la méthode d'évaluation par moyenne.
L'expert a relevé 17 références locatives et fait état d'un marché très hétérogène sur le centre ville de [Localité 12] mais également d'une tendance baissière du loyer des surfaces commerciales intra-muros sur les cinq dernières années.
L'expert a retenu quatre références qu'il a estimé se rapporter à des locaux abritant des activités de banque et d'assurance, des surfaces et une localisation proches des locaux à évaluer.
Elles concernent des locaux abritant des activités de banque et assurance au contraire de l'expertise produite par les intimés qui concerne uniquement des commerces et non pas des locaux à usage de bureaux.
Elles sont situées à proximité des locaux de la SCI CMN et ont les surfaces les plus proches bien qu'inférieures
Toutefois deux sont particulièrement anciennes le renouvellement du bail datant de 2008 et 2009.
L'expert a logiquement écarté les sept premières références qui outre le fait qu'elles ne concernent pas la même activité ont des surfaces bien inférieures ce qui a permis d'éviter de prendre en compte l'effet bonbonnière et ce même si deux d'entre elles étaient contemporaines du renouvellement.
Il a également écarté à juste titre les deux dernières références dont les particularités , bail dérogatoire , surfaces réduites et localisation ne permettaient pas d'en faire des références pertinentes pour le rez-de-chaussée et le sous-sol.
La première référence retenue par l'expert concerne une nouvelle location avec droit au bail pour une activité d'assurance située dans un secteur un peu plus éloigné mais proche de la cathédrale et de la [Adresse 9] et datant de 2009 mais pour une surface moindre.
Les deux références suivantes concernent des renouvellements de baux anciens datant de fin 2008 et début 2010 mais la même zone d'activité et la même activité et si pour l'une d'elles le bailleur et le preneur font partie du même groupe ce fait est contrebalancé par le fait que le local plus important ne dispose pas de vitrine et est surélevé d'une dizaine de marches par rapport à la chaussée.
Enfin la dernière référence retenue par l'expert concerne également un renouvellement au mois d'avril 2010, la même activité d'agence bancaire mais une surface plus réduite.
Les références produites par les intimés ne concernent que des locaux certes situés à proximité des références retenues par l'expert mais ayant une activité bien différente et de petites surfaces pour la plupart, le loyer retenu étant en outre majoré du droit au bail.
Si elles ne sont pas retenues elle permettent en les comparant aux références relevées par l'expert de constater une relative stabilité des valeurs locatives permettant de relativiser l'ancienneté de certaines références.
Au regard de ces différents éléments retenus, des différentes caractéristiques des baux comparés , il convient de considérer que même obtenu en effectuant une moyenne le prix fixé par l'expert à la somme de 301,50 euros le m² pour le rez-de-chaussée et le sous-sol est cohérent comparé aux références retenues et doit être entériné.
S'agissant du premier étage accessible directement depuis les parties communes d'une surface retenue de 156 m² à usage de bureaux et compte tenu de l'emplacement, de la qualité des bureaux de beaux volumes et avec une belle hauteur sous plafond l'évaluation de l'expert sera également retenue.
Il convient en conséquence d'infirmer la décision entreprise et de fixer le montant du loyer renouvelé à la somme de 65123 euros dont 51083 euros pour le rez-de-chaussée et le sous-sol.
Le jugement entrepris sera confirmé en ses autres dispositions non contestées.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SCI CMN à payer les entiers dépens de première instance en ce compris les frais d'expertise et l'a condamnée au paiement d'une somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il y a lieu de condamner la SCI CMN au paiement des dépens d'appel dont ditsraction au profit de maître Guyot et de la condamner à payer aux tuteurs ès qualités la somme de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens exposés à hauteur d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition de la décision au greffe,
Reçoit Mme [F] [L] et M. [H] [K] en leur intervention ;
Confirme la décision entreprise excepté sur le montant du loyer renouvelé ;
Statuant à nouveau sur ce chef,
Fixe à la somme de 65123 euros HT par an hors charges et hors taxes le loyer du bail renouvelé à compter du 1er novembre 2016 concernant les locaux sis [Adresse 1] et à l'angle de la [Adresse 10] à [Localité 12] cadastré AK [Cadastre 3] comportant une partie en sous-sol pour 54m², la totalité du rez-de-chaussée et le premier étage comportant deux appartements ;
Y ajoutant,
Condamne la SCI CMN aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de maître Guyot;
Condamne la SCI CMN à payer à Mme [D] [S] veuve [Z] représentée par ses tuteurs Mme [F] [L] et M. [H] [K] la somme de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens exposés à hauteur d'appel.