CA Bordeaux, 2e ch. civ., 18 janvier 2024, n° 21/00388
BORDEAUX
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
T
Défendeur :
Automobile (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Boudy
Conseillers :
M. Desalbres, M. Figerou
Avocat :
Me Saint-Martin
La Société par Actions Simplifiées Unipersonnelle Le Phoenix (la SASU Le Phoenix, dont le gérant est Monsieur [F] [L], a acquis le 16 juillet 2018 auprès de la Société par Actions Simplifiées Automobile [P] 17 (la SAS Automobile [P] 17), un véhicule d'occasion de marque Land-Rover, immatriculé [Immatriculation 4] et affichant un kilométrage de 12440, moyennant le prix de 84 800 euros TTC financé par la reprise d'un véhicule Mercedes au prix de 75 000 euros et un versement au comptant de 9 800 euros.
L'automobile a été livrée le 23 juillet 2018.
Le 03 août 2018, M. [F] [L] a fait valoir la présence de défauts qu'il n'avait pas perçus auparavant concernant notamment des rayures sur le toit, les portières, les jantes et les plastiques intérieurs.
Une solution amiable a été trouvée par les deux parties consistant en un remplacement du véhicule par un autre de marque identique modèle Velar immatriculé EZ'077'TM, au prix TTC de 95 600 euros, duquel a été déduit la valeur du premier pour 84 600 euros, soit avec un abattement de 200 euros pour tenir compte d'une utilisation de 2578 km.
M. [F] [L] a versé la somme complémentaire de 11 000 euros par chèque de banque daté du 16 août 2018.
Le second véhicule devait être mis à sa disposition à son retour de congés au mois d'août 2018. M. [F] [L] a conservé l'usage du premier véhicule avec lequel il s'est rendu en Tunisie.
À son retour, M. [F] [L] a considéré que ce second véhicule ne comportait pas deux options : 'ATCP' d'une valeur de 298 euros et lumières configurables d'une valeur de 260 euros que la SAS Automobile [P] 17 s'est alors engagée à installer.
Dès le premier usage, le moteur du véhicule a subi une avarie que la SAS Automobile [P] 17 s'est engagée à réparer en s'engageant également à remplacer les jantes d'origine par le modèle souhaité en 22 pouces repeint en noir satiné.
Le 30 août 2018, la SAS Automobile [P] 17 s'est également engagée à rectifier le défaut de peinture du toit ainsi qu'à installer les options complémentaires promises.
Dans l'attente des réparations et de l'installation des options, le premier véhicule [Immatriculation 4] a été laissé à disposition de la SASU le Phoenix.
Le constructeur a fait savoir que les options litigieuses ne pouvaient pas être ajoutées sur le modèle vendu pour des raisons techniques.
La SASU le Phoenix a alors demandé la reprise de ce second véhicule s'est concrétisée le 5 septembre 2018 contre remboursement de la somme de 85 600 euros au lieu de la somme de 95 800 euros déboursée pour son acquisition.
Au mois d'octobre 2018, M. [T] s'est porté acquéreur du premier véhicule Land Rover immatriculé [Immatriculation 4] moyennant le prix de 79 000 euros.
Le représentant de la SASU le Phoenix a rencontré M. [T] et lui a fait part des désagréments qu'il avait connus lors de l'acquisition de l'automobile.
La SASU le Phoenix et M. [T] ont alors demandé à la SAS Automobile [P] 17, par lettre du 11 janvier 2019, une indemnisation de 20 000 euros et l'annulation de la dernière vente de 79 000 euros conclue avec M. [T].
Le 19 mars 2019, La SASU le Phoenix et M. [T] ont également saisi le procureur de la République du tribunal judiciaire de Bordeaux du chef d'escroquerie de faux et usage de faux et de pratiques commerciales trompeuses.
Suivant un acte d'huissier du 9 avril 2019, la SASU le Phoenix et M. [T] ont assigné la SAS Automobile [P] 17 devant le tribunal de grande instance de bordeaux.
Par jugement du 05 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- débouté la SASU le Phoenix de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la SAS Automobile [P] 17,
- débouté M. [T] de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la SAS Automobile [P] 17,
-débouté chacune des parties de leurs demandes plus amples ou contraires et notamment celles formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné solidairement la SASU le Phoenix et M. [T] aux dépens de l'instance.
M. [T] a relevé appel de cette décision le 22 janvier 2021.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 21 avril 2021, M. [T] demande à la cour, sur le fondement des articles 1104, 1137, 1130 et 1112-1 du code civil et des articles L121-1 et L121-2 du code de la consommation :
- de réformer la décision déférée en ce qu'elle l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens, et statuant à nouveau de ces chefs,
à titre principal,
- de dire et de juger que la société Automobile [P] 17 a commis un dol à son préjudice,
à titre subsidiaire,
- de dire de juger que la société Automobile [P] 17 a commis un manquement à l'obligation de délivrance conforme,
très subsidiairement,
- de dire et juger que son consentement à l'achat du véhicule type Velar [Immatriculation 4] a été vicié par erreur,
en tout état de cause,
- d'annuler la vente conclue le 11/10/2018 avec la SAS Automobile [P] 17 portant sur un véhicule land rover Velar D300 immatriculé [Immatriculation 4],
- de condamner la SAS Automobile [P] 17 à lui restituer la totalité du prix de vente, soit 79 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation,
- de dire et de juger que la restitution de ce prix précédera la reprise par la SAS Automobile [P] 17 du véhicule,
- de condamner la SAS Automobile [P] 17 au paiement des sommes de :
- 5 000 euros au titre de son préjudice moral,
- 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure en première instance,
- 4 000 euros pour la procédure d'appel,
- de condamner la société Automobile [P] 17 aux entiers dépens de première instance et d'appel,
- de débouter la société Automobile [P] 17 de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.
Il fait notamment valoir que :
- selon l'article 1137 du code civil, il incombe au plaideur qui s'estime victime d'un dol de démontrer, un élément matériel, consistant soit en un acte positif, soit en une dissimulation; un élément intentionnel, il doit être établi que l'auteur de la manœuvre ou réticence a agi avec l'intention de tromper son cocontractant, qui peut être déduite des éléments de la cause si elle n'est pas explicitement exprimée; la provocation d'une erreur dans l'esprit de la victime. Le dol est sanctionné soit par la nullité de la convention qui s'en trouve affectée, soit par des dommages et intérêts, soit une combinaison de deux. Ces conditions sont en l'espèce satisfaites. De plus, d'après l'article 1139 du code civil, l'erreur qui résulte de la valeur est toujours excusable. Dès lors, il ne peut pas lui être opposé le fait que l'erreur provoquée dans son esprit n'aurait pas été déterminante de son consentement,
- les manœuvres dolosives dont il a fait l'objet lui ont causé un préjudice moral qu'il convient d'indemniser,
- la vente doit être annulée pour défaut de délivrance conforme sur le fondement de l'article 1604 du code civil. Le vendeur a l'obligation de délivrer à l'acheteur une chose conforme aux prévisions du contrat. La violation de cette obligation permet à l'acquéreur d'exiger soit son exécution en nature, soit des dommages et intérêts compensant le préjudice subi. Ce manquement ne peut être réparé par une exécution en nature et en toute hypothèse, il entend se prévaloir de son droit à obtenir des indemnités, compensant les préjudices subis. L'annulation et la restitution de son prix s'impose,
- sur le fondement 1132 du code civil, il été induit en erreur sur une qualité essentielle du véhicule qu'il ne pouvait connaître au moyen d'un simple examen visuel. En lui taisant ces informations, et le véritable historique du véhicule litigieux, la société Automobile [P] 17 a manifestement manqué à son obligation précontractuelle d'information. Son consentement a été vicié.
La SAS Automobile [P] 17 a constitué avocat le 16 février 2021 mais n'a pas conclu.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 05 décembre 2023.
Motivation
MOTIVATION
En application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.
Sur l'annulation de la vente
Il résulte des dispositions de l'article 1130 du code civil que l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné et l'erreur de droit ou de fait, à moins qu'elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant.
L'article 1132 du Code civil dispose que l'erreur de droit ou de fait, à moins qu'elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant.
L'article 1137 du Code civil énonce que le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.
Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.
Aux termes de l'article 1604 du Code civil, tout vendeur d'une chose est tenu d'une obligation de délivrance conforme.
Le formulaire utilisé lors de la commande par M. [T] du véhicule de marque Land Rover modèle Velar est un imprimé utilisé pour la vente de véhicules neufs, l'en-tête le précisant expressément.
Ce document rempli par le vendeur spécifie cependant plus loin de manière très claire qu'il s'agit d'un véhicule de direction/démonstration (sigle VD).
L'acquéreur estime que cette dernière dénomination est volontairement mensongère dans la mesure où trois propriétaires successifs ont en réalité précédemment détenu cette automobile.
Cependant, il n'existe pas de définition d'un véhicule de direction/démonstration sur le plan juridique, notamment en droit de la consommation.
Comme l'appelant l'admet lui-même dans ses dernières conclusions, cette dénomination adoptée par les sociétés commerciales correspond à une automobile précédemment utilisée 'par les préposés' de la concession ce qui signifie dès lors qu'il avait pleinement connaissance, lors de la conclusion de la vente à son profit, que plusieurs utilisateurs différents avaient été amenés à en prendre le volant.
Par définition, il s'agit donc dans tous les cas d'un véhicule dit d'occasion.
Il doit être observé que l'acquéreur a disposé, au regard des indications figurant dans le bon de commande, des informations nécessaires au moment de la vente, s'agissant notamment de la date de sa première immatriculation, en l'occurrence le 08 août 2017 et du kilométrage parcouru depuis lors (18914). Il était donc pleinement en capacité d'appréhender les caractéristiques exactes de l'engin et d'apporter son consentement en pleine connaissance de cause.
Comme l'observe à raison le tribunal, M. [T] n'apporte aucun élément pour établir que la mention VD a été déterminante de son achat et surtout qu'elle a été de nature à entraîner un surcoût lors de l'achat alors que la valorisation d'un véhicule procède de sa date de mise en circulation, du modèle, de ses équipements et du kilométrage.
De même, l'inadéquation entre l'indication 'bon de commande véhicule neuf' figurant sur l'imprimé remis à l'appelant et celle de VD, qui se retrouve également sur la facture, ne peut constituer une manœuvre dolosive de la part du vendeur mais une simple erreur dans le choix du formulaire.
L'acquéreur ne démontre pas également avoir été victime d'une erreur sur le véhicule et ses spécificités. L'automobile qui lui a été livrée apparaît totalement conforme sur le plan mécanique, technique ainsi qu'au niveau des options à celui qui a été commandé.
Enfin, il sera observé que la plainte pénale déposée à l'encontre de la SAS Automobile [P] 17 a fait l'objet d'une décision de classement sans suite, le ministère public n'ayant pas relevé d'intention délictueuse du vendeur.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient de confirmer le jugement entrepris ayant rejeté la demande d'annulation de la vente et ses prétentions indemnitaires.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'une ou l'autre des parties, tant au stade de la première instance qu'en cause d'appel, le versement d'une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
- Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 05 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Bordeaux ;
Y ajoutant ;
- Rejette la demande présentée par M. [Z] [T] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne M. [Z] [T] au paiement des dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jacques BOUDY, président, et par Madame Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.