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Décisions

Cass. 1re civ., 12 décembre 1995, n° 93-15.492

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

Rennes, du 18 mars 1993

18 mars 1993

Attendu que la société Le Guillou, assignée en janvier 1987 devant un tribunal administratif par le maître de l'ouvrage en raison de malfaçons affectant, notamment, les revêtements extérieurs d'un ouvrage public qu'elle avait construit entre 1977 et 1982, a, en juillet 1987, assigné à son tour devant un tribunal de grande instance la société La Mosaïque, qui avait fourni les carreaux utilisés pour le revêtement ; que, par assignation délivrée le 8 décembre 1987, la société La Mosaïque a appelé en garantie son assureur, la société Allianz ; qu'une exception d'incompétence en faveur de la juridiction consulaire ayant été soulevée, la société Le Guillou a assigné, le 8 janvier 1988, aux mêmes fins la société La Mosaïque devant le tribunal de commerce, puis s'est désistée, le 21 juin 1988, de son action devant le tribunal de grande instance ; qu'enfin, le 2 mars 1990, la société La Mosaïque a fait délivrer une nouvelle assignation en garantie contre la société Allianz devant le tribunal de commerce ; que l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, a retenu la responsabilité de la société La Mosaïque et l'a condamnée à indemniser la société Le Guillou, ainsi que son assureur subrogé, la compagnie Générale accidents ; qu'il a, en outre, condamné également la compagnie Allianz, mais déclaré prescrite l'action en garantie de la société La Mosaïque contre son assureur ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches du pourvoi de la société La Mosaïque : (sans intérêt) ;

Sur les trois moyens réunis du pourvoi de la société Allianz :

Attendu, d'abord, que l'action directe de la victime contre l'assureur peut être formée par voie de conclusions, même si ce dernier a été appelé en la cause par une autre partie, et que la cour d'appel a constaté que la société Le Guillou et son assureur, la société Générale accidents, demandaient la condamnation de la société Allianz " dans le cadre de l'action directe " ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel, statuant par motifs propres ou adoptés, a constaté que le fait dommageable imputable à la société La Mosaïque, à savoir la livraison de carreaux affectés d'un vice caché, était intervenu pendant la période de validité de la police ; qu'elle en a exactement déduit, sans encourir les griefs du deuxième moyen, que la société Allianz ne pouvait refuser sa garantie à raison d'une suspension de la police survenue postérieurement et d'une clause du contrat assimilant le sinistre à sa déclaration pendant la période de validité de la police ;

Attendu qu'enfin la société Allianz n'a pas soutenu que la police comportait une clause de limitation de sa garantie à un montant inférieur aux demandes dont elle faisait l'objet ; que, nouveau et mélangé de fait et de droit, le troisième moyen est donc irrecevable ;

Et attendu que le pourvoi de la société Allianz présente un caractère abusif ;

Mais sur le second moyen du pourvoi de la société La Mosaïque :

Vu les articles 2244, 2246 et 2247 du Code civil ;

Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que l'effet interruptif de la prescription résultant d'une action en justice se prolonge jusqu'à ce que le litige trouve sa solution ; qu'aux termes du deuxième, la citation en justice, donnée même devant un juge incompétent, interrompt la prescription, et que, selon le troisième, cette interruption ne devient non avenue que si le désistement du demandeur porte sur le fond même du droit ;

Attendu que pour déclarer prescrite l'action en garantie de la société La Mosaïque contre son assureur, la cour d'appel a estimé que la procédure engagée devant le tribunal de grande instance de Nantes n'avait pu interrompre la prescription, que ces actions étaient éteintes par le désistement de la société Le Guillou, que les exceptions à l'article 2247 du Code civil ne pouvaient jouer et qu'une nouvelle assignation aurait dû être régularisée avant le 8 décembre 1989 ;

Attendu, cependant, qu'en application de l'article 2246 du Code civil, qui ne distingue pas suivant que la citation concerne l'action principale ou l'action en garantie, l'assignation délivrée le 8 décembre 1987 à la société Allianz sur la demande de la société La Mosaïque avait pour effet d'interrompre la prescription, alors même que l'affaire était portée devant un juge incompétent ; que le désistement de l'instance fait par un autre demandeur, la société Le Guillou, en raison de l'incompétence du tribunal de grande instance et de la saisine du tribunal de commerce pour le même litige ne pouvait rendre l'interruption de prescription non avenue, et que l'effet interruptif de cette prescription se prolongeait jusqu'à ce que le litige trouve sa solution ;

D'où il suit qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté l'action en garantie de la société La Mosaïque contre son assureur, l'arrêt rendu le 18 mars 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers

MET hors de cause la compagnie Générale accidents et la société Le Guillou.