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Décisions

Cass. com., 20 janvier 2001, n° 97-16.019

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

Mme Tric

Avocat général :

M. Jobard

Avocat :

SCP de Chaisemartin et Courjon

Paris, 5e ch., sect. C, du 23 mai 1997

23 mai 1997

Attendu, selon l'arrêt déféré, que, par convention du 1er avril 1970, la Société financière et charbonnière (la SOFICHAR) s'est portée caution solidaire des distributeurs de produits des Houillères de Bassins (les Houillères), aux droits desquelles viennent les Charbonnages de France, moyennant une commission de cautionnement invariable versée mensuellement par les Houillères et calculée à partir du montant TTC des ventes réalisées aux négociants garantis ; que pour limiter les effets du risque pris par la caution, il a été crée en 1977 un fonds financier alimenté par la fourniture par les Houillères d'un pourcentage sur les ventes réalisées et des boni que la SOFICHAR lui devait au titre du contrat initial ; que le 1er avril 1984, un avenant a réduit la commission de la SOFICHAR et a affecté la différence au fonds ; que, le 27 janvier 1993, les Houillères et les Charbonnages de France ont mis fin au contrat et que les Charbonnages de France ont demandé la restitution du montant du fonds ; que les négociants, les sociétés Thion et compagnie et autres sont intervenues volontairement en cause d'appel ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que la société SOFICHAR reproche à l'arrêt d'avoir dit que les Houillères sont propriétaires "indivisaires" des sommes et titres constituant le fonds de garantie litigieux, y compris dans la partie de ce fonds alimentée par des commissions de garantie ajoutées par les Houillères aux montants TTC des factures aux négociants acheteurs de charbon en vue de rémunérer le cautionnement collectif fourni par la SOFICHAR, alors, selon le moyen :

1 / que les déclarations d'une partie quant aux droits de propriété d'une autre dans une correspondance ou un avenant ne constituent pas un aveu, lequel ne peut avoir pour objet qu'un point de fait ; qu'en se fondant essentiellement sur la reconnaissance par la SOFICHAR dans divers documents d'un droit de propriété des Houillères sur le fonds de garantie et en déclarant qu'en conséquence "devient inopérante" l'argumentation de la SOFICHAR recherchant la propriété des sommes constituant ce fonds selon leur origine, la cour d'appel a violé l'article 1354 du Code civil ;

2 / que, dans ses conclusions laissées sans réponse, la SOFICHAR faisait valoir que tant en 1977 qu'en 1984, elle n'avait pu s'opposer à la demande de reconnaissance par les Houillères de leur propriété sur le fonds de garantie qui n'était intervenue que sous la menace de résiliation de la convention de 1970 qui lui aurait fait perdre l'essentiel de sa clientèle ; qu'elle invoquait à cet égard le jugement infirmé, le Tribunal ayant admis à propos de la diminution du montant de la commission de la SOFICHAR imposée par l'avenant du 1er avril 1984 en même temps que la reconnaissance de la propriété, que la SOFICHAR n'avait pu "s'opposer à une telle décision, compte tenu de son état de dépendance économique vis-à-vis de ses cocontractants" ; qu'en omettant de répondre à ces conclusions, qui étaient pertinentes dès lors qu'elles tendaient à priver de tout effet la reconnaissance retenue par la cour d'appel, celle-ci a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / qu'en se bornant à énoncer, de manière inexactement surabondante, que la SOFICHAR "ne démontre en rien l'existence d'un mandat qu'elle aurait confié aux Charbonnages de France ou aux Houillères aux fins" d'obtenir la perception pour son compte des sommes constituant le fonds, sans procéder à l'analyse de l'économie réelle de l'accord des parties quant à la création de ce fonds, dont SOFICHAR démontrait qu'il ne pouvait correspondre qu'à un mandat dès lors que les sommes prélevées sur les acquéreurs ne constituaient pas un supplément de prix du charbon puisqu'elles étaient calculées au prorata des factures de fournitures TVA comprise, étaient expressément qualifiées de "commissions" et étaient destinées à rémunérer le cautionnement collectif assuré par la SOFICHAR, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que loin de ne se fonder que sur l'aveu de la SOFICHAR pour retenir la propriété sur le fonds des Houillères, l'arrêt analysant l'économie des accords, relève que, selon le contrat, les fonds sont versés par elles et ne constituent pas une rémunération de la SOFICHAR, que l'avenant du 1er avril 1984 rappelle que chacun des bassins est propriétaire indivis du fonds au prorata de ses versements et que la SOFICHAR a toujours fait figurer les sommes au passif de son bilan et au crédit d'un compte ouvert au nom des Charbonnages de France tandis que la SOFICHAR, qui ne produit aucun élément permettant de donner crédit à ses allégations, était un établissement financier spécialisé et averti des incidences chiffrées de ses accords ou des conventions qu'elle pouvait conclure sans émettre de réserves ; qu'ainsi, la cour d'appel a légalement justifié sa décision sans violer les dispositions visées au moyen ; que celui-ci n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen, pris en deux branches :

Attendu que la société SOFICHAR reproche encore à l'arrêt d'avoir infirmé le jugement qui avait condamné les Charbonnages de France à lui verser la somme de 4 093 493 francs avec intérêts au taux légal à compter du 1er avril 1995 correspondant à la diminution de sa commission imposée par les Houillères au profit du fonds de garantie puis des dites Houillères par avenant du 1er avril 1984, alors, selon le moyen :

1 / que, dans ses conclusions laissées sans réponse, la SOFICHAR se prévalait, à titre subsidiaire, de ce que le tribunal de commerce avait admis que la diminution de commission de la SOFICHAR à partir du 1er avril 1984 avait été imposée en raison du "rapport de force" en faveur des Houillères, la SOFICHAR ne pouvant "s'opposer à une telle décision, compte tenu de son état de dépendance économique vis à vis de ses cocontractants" ; qu'en se bornant, pour infirmer le jugement sur ce point, à énoncer que la société SOFICHAR "ne fournit aucun élément permettant de donner crédit à ses allégations", la cour d'appel a omis de répondre aux conclusions de la société SOFICHAR qui se prévalait des constatations du jugement infirmé, violant ainsi l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / qu'en donnant effet à l'avenant du 1er avril 1984 en ce qu'il réduisait la partie de la commission directement destinée à SOFICHAR sans aucune diminution de la garantie en constituant la contrepartie, de sorte que ce transfert et cette réduction étaient dépourvus de cause, ce que le tribunal avait retenu en relevant que cet avenant constituait un "enrichissement sans cause" des Houillères, la cour d'appel a violé l'article 1131 du Code civil ;

Mais attendu qu'écartant les allégations de rapports de force et de dépendance économique non prouvées, l'arrêt fait application de l'avenant liant les parties ; qu'ainsi la cour d'appel a justifié sa décision ; que le moyen est sans fondement ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa première branche, du pourvoi formé par les sociétés Thion et compagnie et autres :

Vu les articles 326 et 783 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que les demandes en intervention volontaire sont recevables, même après l'ordonnance de clôture, sauf au juge, si l'intervention risque de retarder à l'excès le jugement sur le fond, à statuer d'abord sur la cause principale ;

Attendu qu'en déclarant irrecevable l'intervention des sociétés Thion et autres en raison de son dépôt quelques jours avant l'ordonnance de clôture, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi formé par la société SOFICHAR ;

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 mai 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.