CA Douai, 2e ch. sect. 1, 18 janvier 2024, n° 23/02347
DOUAI
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Heppner Société de Transport (SAS)
Défendeur :
Scan Global Logistics (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Gilles
Conseillers :
Mme Mimiague, Mme Vanhove
Avocats :
Me Le Roy, Me Hercot, Me Callede, Me Bertin, Me Laurent, Me Druesne
EXPOSÉ DU LITIGE
Invoquant des actes de concurrence déloyale par la société Scan Global Logistics, la société Heppner Société de Transports (ci-après Heppner) a déposé le 17 octobre 2022 une requête auprès du président du tribunal de commerce de Lille Métropole aux fins de voir ordonner une mesure d'instruction sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 26 octobre 2022. La mesure a été exécutée le 23 novembre 2022 par la SELARL Gobert Plassy-Szypula et associés, commissaire de justice, et les pièces collectées placées sous séquestre.
Le 14 décembre 2022 la société Scan Global Logistics a assigné en référé la requérante ainsi que la société de commissaire de justice ayant exécuté la mesure ordonnée pour demander la rétractation de l'ordonnance.
M. [M] [N], ancien salarié de la société Heppner, est intervenu volontairement à l'instance.
Par ordonnance du 11 mai 2023, le président du tribunal de commerce de Lille Métropole a :
- jugé recevable l'intervention volontaire de M. [N],
- dit et jugé qu'il existe un procès engagé et que dès lors, les mesures d'instruction au titre de l'article 145 du code de procédure civile ne pouvaient être ordonnées,
- ordonné la rétractation de l'ordonnance du 26 octobre 2022 et la destruction immédiate par la SELARL Gobert Plassy-Szypula de tous les documents en sa possession, documents nés de l'exécution de l'ordonnance,
- ordonné qu'il soit dressé procès-verbal des modalités de suppression ou de destruction et ce aux frais de la société Heppner,
- interdit à la SELARL Gobert Plassy-Szypula de transmettre à la société Heppner les éléments recueillis le 23 novembre 2022 à l'occasion de l'exécution de l'ordonnance,
- débouté la société Heppner et M. [N] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- condamné la société Heppner à payer à la société Scan Global Logistics la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Heppner aux entiers dépens taxés et liquidés à la somme de 74,63 euros en ce qui concerne les frais de greffe.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 22 mai 2023, la société Heppner a relevé appel du jugement aux fins d'annulation ou de réformation, déférant à la cour l'ensemble de ses chefs.
Par ordonnance 13 juillet 2023 le magistrat délégué par le premier président de cette cour a ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire de l'ordonnance du 11 mai 2023 à l'exception de l'interdiction faite à l'huissier de justice de transmettre à la société Heppner les éléments recueillis le 23 novembre 2022 à l'occasion de l'exécution de l'ordonnance du 26 octobre 2022.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 27 septembre 2023, la société Heppner demande à la cour de :
- infirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a jugé recevable l'intervention de M. [N],
Statuant à nouveau,
- constater que la mesure a été ordonnée avant que le procès décrit dans la requête, qui a justifié la mesure ordonnée, ne soit introduit,
- constater que la mesure ordonnée repose sur un motif légitime d'établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige,
- constater que les circonstances telles qu'exposées dans la requête justifiaient qu'il soit dérogé au principe du contradictoire,
- constater que la mesure ordonnée par l'ordonnance du 27 octobre 2022 est légalement admissible,
En conséquence,
- débouter la société Scan Global Logistics de ses demandes,
- débouter M. [N] de l'ensemble de ses demandes,
- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du 27 octobre 2022,
- ordonner la communication ou la production à la société Heppner de tous les éléments recueillis par l'huissier instrumentaire lors de l'exécution de l'ordonnance le 23 novembre 2022 et conservés jusqu'alors en séquestre,
À titre subsidiaire,
- ordonner la rétractation partielle de l'ordonnance du 27 octobre 2022 en ce qu'elle pourrait permettre de collecter des preuves en soutien de la demande reconventionnelle envisagée par la société Heppner contre M. [N] dans le cadre de la procédure prud'homale introduite par ce dernier au titre de la violation de l'engagement de non-sollicitation de certains clients d'Heppner,
- en conséquence, exclure des documents recueillis les correspondances envoyées et/ou reçues par M. [N] entre le 5 janvier 2021 et le 5 janvier 2022 comportant l'un des mots-clés suivants : "Domoti", "Valduness", "Anios", "Scell it" et "Futur home",
- confirmer l'ordonnance du 27 octobre 2022 pour le surplus,
- ordonner la communication la production à la société Heppner de tous les éléments recueillis par l'huissier instrumentaire lors de l'exécution de l'ordonnance le 23 novembre 2022 et conservés jusqu'alors en séquestre exclusion faite des correspondances envoyées et/ou reçues par M. [N] entre le 5 janvier 2021 et le 5 janvier 2022 comportant l'un des mots-clés suivants : : "Domoti", "Valduness", "Anios", "Scell it" et "Futur home",
En toute hypothèse,
- condamner la société Scan Global Logistics à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 12 septembre 2023, la société Scan Global Logistics demande à la cour de :
A titre principal,
- confirmer l'ordonnance du 11 mai 2023,
- en tout état de cause, ordonner la rétractation de l'ordonnance du 26 octobre 2022,
- ordonner à la SELARL Gobert Plassy-Szypula et associés, désignée séquestre, de supprimer ou détruire définitivement l'ensemble des éléments recueillis le 23 novembre 2023 à l'occasion de l'exécution de l'ordonnance du 26 octobre 2022,
- ordonner qu'il soit dressé procès-verbal des modalités de suppression ou de destruction et ce aux frais de la société Heppner,
- interdire à la SELARL Gobert Plassy-Szypula et associés de transmettre à la société Heppner les éléments recueillis le 23 novembre 2022,
- débouter la société Heppner de toutes ses demandes,
À titre subsidiaire,
- ordonner la modification de l'ordonnance du 26 octobre 2022,
- ordonner à la SELARL Gobert Plassy-Szypula et associés de ne remettre que les éléments compris entre le 5 janvier 2021 et le 5 janvier 2022 (copies de documents, copies de supports informatiques et/ou tout autre produit) qui comporteront de façon cumulative les mots clés suivants (tant en majuscules qu'en minuscules) :
- [N] et Heppner,
- [N] et Domoti,
- [N] et Valdunes,
- [N] et Laboratoires Anios,
- [N] et Scell It,
- [N] et Futur Home,
- lui ordonner définitivement de supprimer ou détruire tous les autres documents recueillis le 23 novembre 2022 et ordonner qu'il soit dressé procès-verbal des modalités de suppression ou de destruction et ce, aux frais de la société Heppner,
- lui interdire de transmettre à la société Heppner les éléments recueillis le 23 novembre 2022 qui ne comporteraient pas de façon cumulative ces mots clés,
- condamner la société Heppner au paiement d'une somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens de l'instance.
Aux termes de ses conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 25 juillet 2023 M. [N] demande à la cour de :
À titre principal,
- confirmer l'ordonnance du 11 mai 2023,
- ordonner la rétraction de l'ordonnance du 26 octobre 2022,
- ordonner la SELARL Gobert Plassy-Szypula et associés de supprimer ou détruire définitivement l'ensemble des éléments recueillis le 23 novembre 2023 à l'occasion de l'exécution de l'ordonnance du 26 octobre 2022 et ordonner qu'il soit dressé procès-verbal des modalités de suppression ou de destruction et ce aux frais de la société Heppner,
- lui interdire de transmettre à la société Heppner les éléments recueillis le 23 novembre 2022,
- débouter la société Heppner de toutes ses demandes,
Subsidiairement,
- ordonner la modification de l'ordonnance du 26 octobre 2022,
- ordonner à la SELARL Gobert Plassy-Szypula et associés de ne remettre que les éléments compris entre le 5 janvier 2021 et le 5 janvier 2022 (copies de documents, copies de supports informatiques et/ou tout autre produit) qui comporteront de façon cumulative les mots clés suivants (tant en majuscules qu'en minuscules) :
- [N] et Heppner,
- [N] et Domoti,
- [N] et Valdunes,
- [N] et Laboratoires Anios,
- [N] et Scell It,
- [N] et Futur Home,
- lui ordonner de définitivement supprimer ou détruire tous les autres documents recueillis le 23 novembre 2022 et ordonner qu'il soit dressé procès-verbal des modalités de suppression ou de destruction et ce, aux frais de la société Heppner,
- lui interdire de transmettre à la société Heppner les éléments recueillis le 23 novembre 2022 qui ne comporteraient pas de façon cumulative ces mots clés,
En tout état de cause,
- condamner la société Heppner au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers frais et dépens de l'instance.
La déclaration d'appel et les premières conclusions des parties constituées ont été signifiées à la SELARL Gobert Plassy-Szypula et associés par acte d'huissier de justice remis à personne habilitées et celle-ci n'a pas constitué avocat.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.
La clôture de l'instruction est intervenue le 4 octobre 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoiries du 11 octobre suivant.
MOTIFS
A titre liminaire, la cour constate qu'il y a lieu de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a déclaré recevable l'intervention de M. [N], aucune partie ne sollicitant la réformation de ce chef de l'ordonnance.
Il convient en outre de relever que si la société Heppner évoque dans ses conclusions une ordonnance sur requête rendue le 27 octobre 2022, il s'agit manifestement d'une erreur matérielle et ses demandes portent sur l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Lille le 26 octobre 2022 suite à sa requête en date du 17 octobre 2022.
Selon l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. L'article 493 prévoit que l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse.
La société Heppner invoquait dans sa requête initiale des actes de concurrence déloyale par débauchage systématique de ses salariés de son agence lilloise, entraînant une désorganisation de l'entreprise et un accès direct à l'ensemble de sa clientèle, et le démarchage de ses clients, reprochant à la société Scan Global Logistics de se rendre complice de la violation de la clause de non-sollicitation à laquelle était tenue l'un de ses anciens salariés, M. [N], et disait envisager une action en responsabilité contre la société Scan Global Logistics.
L'ordonnance sur requête a fait droit à sa demande et ordonné les mesures suivantes :
- rechercher, extraire et conserver copie par tout moyen dans les serveurs informatiques et/ou portes informatiques et ordinateurs portables au siège social de la société Scan Global Logistics (à [Localité 5]) de l'ensemble des correspondances électroniques (y inclus : arborescence, messageries professionnelles et personnelles), l'ensemble des correspondances électroniques envoyées et/ou reçues par tout employé, salarié, prestataire et/ou dirigeant de la société Scan Global Logistics entre le 1er décembre 2020 et la date d'exécution de la mesure, comportant l'un ou plusieurs des mots clés suivants, tant en majuscules qu'en minuscules : [N], [Z], [J], [I], [A], [P], [E], [L], [S], [W], [D], Heppner, Domoti, [T], Valdunes, Anios, Neu Process, Scell It, Futur Home, Horse Pilot,
- se faire remettre les bulletins de salaires, les déclarations préalables à l'embauche, les lettres d'embauche et les contrats de travail de M. [N], Mme [Z]-[J], Mme[I], M. [A] et tout autre ancien salarié d'Heppner ayant rejoint les effectifs de la société Scan Global Logistics dont le nom serait révélé au mandataire qui instrumentera par Scan Global Logistics.
En premier lieu, la société Scan Global Logistics et M. [N] soutiennent que les dispositions de l'article 145 ne pouvaient trouver application dans la mesure où une instance était déjà en cours, à la date de la requête, devant le conseil de prud'hommes de Lille, saisi par M. [N] aux fins de voir requalifier sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse et portant sur le même litige. Le premier juge a considéré que, dans la mesure où la société Heppner avait formé une demande reconventionnelle devant le conseil de prud'hommes, par conclusions déposées au mois de juin 2022, préalablement à la requête fondée sur l'article 145, motivée principalement par le non-respect par M. [N] de son engagement contractuel de non-sollicitation, également invoqué contre la société Scan Global Logistics comme fait constitutif d'un déploiement commercial pouvant être jugé déloyal, qu'un procès au fond était engagé sur la même problématique empêchant toute demande de mesure sur le fondement de l'article 145.
Toutefois, l'instance relative à la violation par M. [N] de l'engagement de non-sollicitation de clientèles signé lors de son départ de la société Heppner le 20 janvier 2021 ne concerne pas le même litige en vue duquel la société Heppner sollicite la mesure d'instruction critiquée qui porte sur des actes de concurrence déloyale et une complicité dans la violation de la clause de non-sollicitation, reprochés à la société Scan Global Logistics, et constitue une action en responsabilité civile contre cette société. Le rapport étroit entre l'objet de l'instance en cours devant le conseil de prud'hommes et la mesure d'instruction ne suffit pas à faire obstacle à l'application de l'article 145. Ni l'intervention de M. [N] dans le cadre de cette procédure de référé, ni la remise de l'acte de signification de l'ordonnance sur requête à celui-ci, comme personne habilitée à recevoir l'acte destiné à la société Scan Global Logistics, n'ont pour effet de rendre le litige invoqué par la société Heppner et l'opposant à la société Scan Global Logistics identique à celui qui l'oppose à M. [N] devant le conseil de prud'hommes, et ce, quand bien même elle invoque dans les deux litiges un préjudice résultant d'une perte de chiffre d'affaire et la mesure d'instruction sollicitée porte sur la messagerie personnelle des salariés.
Dès lors que l'instance au fond ouverte devant le conseil de prud'hommes ne concerne pas le même litige, elle ne constitue pas un obstacle à une mesure d'instruction in futurum.
Par ailleurs, pour s'opposer à la mesure d'instruction, la société Scan Global Logistics invoque le principe jurisprudentiel en vertu duquel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui (estoppel), considérant qu'elle ne peut soutenir devant le conseil de prud'hommes détenir les éléments démontrant la violation par M. [N] de la clause de non-sollicitation et qu'il serait l'auteur avec la société Scan Global Logistics d'actes débauchages et de détournement de clientèle et soutenir à l'appui de sa requête qu'il serait nécessaire d'obtenir des éléments de preuve pour démontrer les même faits et agir contre la société Scan Global Logistics. Toutefois, cette dernière ne peut se prévaloir de la position tenue par la société Heppner dans l'instance l'opposant à M. [N] pour soutenir qu'elle se serait contredite à son détriment. Le moyen est en conséquence inopérant.
S'agissant du motif légitime invoqué par la requérante, il ressort des éléments communiqués que trois salariés de la société Heppner, dont M. [N], qui a signé un engagement de non sollicitation de clientèle, le 5 janvier 2021, au moment de son départ, ont démissionné en 2020 et 2021 pour des départs au mois de mars ou avril 2021 et ont été embauchés à des fonctions analogues au mois d'avril 2021 par la société Scan Global Logistics, immatriculée le 1er avril 2021, et que cinq autres salariés ont par la suite démissionné, deux qui ont été ensuite embauchés par la société Scan Global Logistics, dont l'un immédiatement après son départ au mois de juillet 2022.
Ces éléments constituent des indices sérieux et précis rendant plausible un débauchage massif de salariés susceptible de constituer des actes de concurrence déloyale permettant, à eux seuls, de caractériser un motif légitime à voir ordonner une mesure d'instruction destinée à recueillir d'autres éléments de preuve relatifs à des actes de concurrence déloyale.
Par ailleurs, la cour constate que la requête justifiait légitimement la dérogation au principe de la contradiction par la nécessité dans un tel contexte d'éviter une déperdition des preuves, compte tenu notamment de la nature des éléments demandés et du caractère d'extranéité de la société Scan Global Logistics (ayant pour président une société située au Danemark), étant relevé que celle-ci, en soutenant l'absence de motif à déroger au principe du contradictoire, se borne à soutenir que la société pourrait obtenir d'autres éléments de preuve, qui n'ont cependant pas vocation à remplacer ceux demandés dans la requête, et qu'une communication spontanée de sa part était possible.
Enfin, la cour constate que les mesures d'investigations étaient circonscrites dans le temps et dans leur objet, en ce qu'elles ne portaient que sur une période limitée allant du 1er décembre 2020, postérieurement à la lettre de démission de M. [N], jusqu'à la date d'exécution de la mesure, soit, selon les termes de l'ordonnance, dans les soixante jours à compter de la saisine de l'huissier instrumentaire devant intervenir dans les deux mois à compter de l'ordonnance, ce qui est proportionné au regard la dernière date d'embauche d'un ancien salarié de la société Heppner, le 11 juillet 2022 (M. [A]), et en ce que le juge a limité l'objet de la mission à la recherche d'informations sur les anciens salariés de la société Heppner et sur les clients qui pourrait être communs aux deux sociétés, même s'il n'a pas limité la liste à ceux qui sont visés dans l'accord de non-sollicitation signé avec M. [N], et en désignant de manière précise et délimités les documents relatifs à l'emploi des salariés qui devaient être communiqués.
La cour relève toutefois que la mission inclut les recherches dans les matériels informatiques de la société Scan Global Logistics comprenant les 'messageries personnelles' sans autre précision ni limite, alors qu'aucun élément ne permet de considérer que ce soit proportionné de permettre un accès aux boîtes personnelles de toute personne reliée à l'entreprise en violation du principe du secret des correspondances.
Ainsi, les mesures d'instruction apparaissent proportionnées et nécessaires à l'objectif poursuivi, et légalement admissibles au sens de l'article 145, à l'exception de la recherche de correspondance sur des messageries personnelles, les messages venant d'une messagerie personnelle et arrivant sur une boîte professionnelle pouvant en revanche être appréhendés.
Il convient en conséquence d'infirmer la décision déférée en ce qu'elle a ordonné la rétractation de l'ordonnance du 26 octobre 2022, de rejeter la demande de rétractation et de confirmer ladite ordonnance, sauf à modifier l'étendue de la mesure d'instruction en excluant la recherche de correspondances sur des messageries personnelle.
Sur les demandes accessoires,
Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile, il convient d'infirmer le jugement s'agissant des dépens et de l'indemnité de procédure mise à la charge de la société Heppner, de mettre les dépens de première instance et d'appel à la charge de la société Scan Global Logistics et d'allouer à l'appelante la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Réforme l'ordonnance de référé du 11 mai 2023 sauf en ce qu'elle a jugé recevable l'intervention volontaire de M. [M] [N] ;
Rejette la demande tendant à voir rétracter l'ordonnance sur requête rendue par le président du tribunal de commerce de Lille le 27 octobre 2022 ;
Confirme l'ordonnance sur requête rendue par le président du tribunal de commerce de Lille le 27 octobre 2022 sauf en ce qu'elle autorise la recherche, l'extraction et la conservation, sur des messageries personnelles, de l'ensemble des correspondances électroniques envoyées et/ou reçues par tout employé, salarié, prestataire et/ou dirigeant de la société Scan Global Logistics ;
Ordonne à la SCP Gobert Plassy-Szypula et associés, commissaire de justice, de retirer toutes les pièces collectées lors de l'exécution de la mesure le 23 novembre 2023 sur une messagerie électronique personnelle (ce qui ne concerne pas les correspondances provenant d'une messagerie personnelle réceptionnée sur une messagerie professionnelle concernée par la mesure) ;
Ordonne à la SCP Gobert Plassy-Szypula et associés de communiquer à la société Heppner Société de Transports tous les éléments recueillis lors de l'exécution de l'ordonnance à l'exclusion des correspondances collectées sur une messagerie électronique personnelle ;
Condamne la société Scan Global Logistics aux dépens de première instance et d'appel ;
Condamne la société Scan Global Logistics à payer à la société Heppner Société de Transports la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.