CA Versailles, ch. com. 3-1, 25 janvier 2024, n° 21/03798
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Société Générale Immobilier Patrimonial (SAS)
Défendeur :
H
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Thomas
Conseillers :
Mme Gautron-Audic, Mme Meurant
Avocats :
Me Hongre-Boyeldieu, Me Joubert, Me Riglet
La société Primaxia, aujourd'hui dénommée Société Générale Immobilier Patrimonial, ci-après dénommée SGIP, est spécialisée dans l'investissement immobilier neuf. Son activité consiste à commercialiser des biens immobiliers pour le compte de promoteurs, notamment de la société Sogeprom.
A cette fin, elle a fait appel à des mandataires, dits conseillers immobiliers agréés Primaxia, ci-après dénommés CIAP, personnes physiques ou morales.
Par acte sous seing privé du 3 janvier 2010, à effet au 15 février 2010, la société Primaxia a consenti à la société Cap'Immobilier Idf, ci-après dénommée la société Cap'Immobilier, dirigée par M. [M] [H], un mandat commercial pour une durée d'une année renouvelable par tacite reconduction, portant sur la vente de programmes immobiliers. Ce contrat faisait référence à l'accord de partenariat conclu par la société Primaxia avec la Société Générale, aux termes duquel cette dernière devait adresser au mandataire des clients intéressés par un investissement dans le secteur de l'immobilier neuf.
Un avenant au contrat a été signé le 2 février 2010, prenant également effet à compter du 15 février 2010, élargissant le champ d'application du mandat aux clients apportés par la société Cap'Immobilier.
Par acte sous seing privé du 1er janvier 2013, un second contrat de mandat a été consenti par la société Primaxia à la société Cap'Immobilier, pour une nouvelle durée d'une année, renouvelable également par tacite reconduction, faisant cette fois référence à l'accord de partenariat conclu par la société Primaxia avec le Crédit du Nord dans les mêmes termes que ceux précités.
A la fin de l'année 2017, la société Primaxia a décidé de modifier son réseau de distribution et d'internaliser la commercialisation des programmes immobiliers.
Par deux courriers recommandés du 20 avril 2018, la société Primaxia a notifié à la société Cap'Immobilier la rupture des mandats à effet au 14 octobre 2019 pour le contrat du 3 janvier 2010 et du 31 décembre 2018 pour le contrat du 1er janvier 2013.
Par courriers des 30 juin et 3 août 2018, la société Cap'Immobilier a dénoncé auprès de la société Primaxia une exécution déloyale des mandats et réclamé le paiement de l'indemnité compensatrice prévue par l'article L. 134-12 du code de commerce.
La demande est demeurée vaine, dès lors que la société Primaxia, par courriers des 20 juillet, 22 août 2018 et 11 décembre 2019, a contesté toute déloyauté et dénié à la société Cap'Immobilier le bénéfice du statut d'agent commercial.
Par acte d'huissier du 11 décembre 2019, la société Cap'Immobilier et M. [H] ont assigné la SGIP devant le tribunal de commerce de Nanterre.
Par jugement du 2 juin 2021, le tribunal de commerce de Nanterre a :
- Dit irrecevable la pièce n°9 produite par la SARL à associé unique Cap'Immobilier et M. [H] et l'a écartée des débats ;
- Débouté la SAS Société Générale Immobilier Patrimonial, précédemment dénommée Primaxia, de sa demande de dire que le statut d'agent commercial fixé par les articles L. 134-1 et suivants du code de commerce n'était pas applicable à la SARL à associé unique Cap'Immobilier ;
- Condamné la SAS Société Générale Immobilier Patrimonial, précédemment dénommée Primaxia, à payer à la SARL à associé unique Cap'Immobilier la somme de 200.000 € à titre d'indemnité compensatrice en application des dispositions de l'article L. 134-2 du code de commerce, avec intérêts au taux de l'intérêt légal à compter du 11 décembre 2019 ;
- Débouté la SARL à associé unique Cap'Immobilier et M. [H] de leurs autres demandes de dommages et intérêts formées au bénéfice de la SARL à associé unique Cap Immobilier à l'encontre de la SAS Société Générale Immobilier Patrimonial, précédemment dénommée Primaxia ;
- Condamné la SAS Société Générale Immobilier Patrimonial, précédemment dénommée Primaxia, à payer à la SARL à associé unique Cap'Immobilier et à M. [H] la somme globale de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Ordonné l'exécution provisoire du jugement ;
- Condamné la SAS Société Générale Immobilier Patrimonial, précédemment dénommée Primaxia, aux dépens de l'instance.
Par déclaration du 15 juin 2021, la Société Générale Immobilier Patrimonial, anciennement dénommée Primaxia, a interjeté appel de ce jugement.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 15 septembre 2023, la SGIP demande à la cour de :
- Infirmer le jugement rendu le 2 juin 2021 par le tribunal de commerce de Nanterre en ce qu'il :
- Déboute la SAS Société Générale Immobilier Patrimonial, précédemment dénommée Primaxia, de sa demande de dire que le statut d'agent commercial fixé par les articles L. 134-1 et suivants du code de commerce n'était pas applicable à la SARL à associé unique Cap'Immobilier ;
- Condamne la SAS Société Générale Immobilier Patrimonial, précédemment dénommée Primaxia, à payer à la SARL à associé unique Cap'Immobilier la somme de 200.000 € à titre d'indemnité compensatrice en application des dispositions de l'article L. 134-2 du code de commerce avec intérêts au taux de l'intérêt légal à compter du 11 décembre 2019 ;
- Condamne la SAS Société Générale Immobilier Patrimonial, précédemment dénommée Primaxia, à payer à la SARL à associé unique Cap'Immobilier et à M. [H] la somme globale de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Ordonne l'exécution provisoire du jugement ;
- Condamne la SAS Société Générale Immobilier Patrimonial, précédemment dénommée Primaxia, aux dépens de l'instance ;
- Confirmer le jugement rendu le 2 juin 2021 par le tribunal de commerce de Nanterre en ce qu'il :
- Dit irrecevable la pièce n°9 produite par la SARL à associé unique Cap'Immobilier et M. [H] et l'écarte des débats ;
- Déboute la SARL à associé unique Cap'Immobilier et M. [H] de leurs autres demandes de dommages et intérêts formées au bénéfice de la SARL à associé unique Cap'Immobilier à l'encontre de la SAS Société Générale Immobilier Patrimonial, précédemment dénommée Primaxia ;
En conséquence et statuant à nouveau,
À titre liminaire,
- Déclarer irrecevable la pièce adverse n°9 ;
À titre principal,
- Juger que l'exercice de cette activité de commercialisation est soumis aux dispositions de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970 ;
- Juger que la société Cap'Immobilier Idf en sa qualité de personne morale ne bénéficie pas de la dérogation instituée par la loi n°2006-872 du 13 juillet 2006 au profit des seules personnes physiques ;
- Juger en conséquence que l'activité de la société Cap'Immobilier Idf relève du statut des agents immobiliers qui est exclusif des agents commerciaux ;
- Juger que la société Primaxia, aujourd'hui dénommée la Société Générale Immobilier Patrimonial, n'a commis aucun dol ni aucune fraude lors de la conclusion des contrats de mandat des 3 février 2010 et 1er janvier 2013 ;
À titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour considérait que la Société Générale Immobilier Patrimonial, a commis un dol lors de la conclusion des contrats de mandat des 3 février 2010 et 1er janvier 2013,
- Juger que le préjudice de la société Cap'Immobilier Idf ne peut consister en l'octroi d'une indemnité équivalente à celle octroyée par le statut d'agent commercial prévu aux articles L. 134-1 et suivants du code de commerce ;
- Constater que l'action de la société Cap'Immobilier Idf est prescrite ;
En conséquence,
- Débouter la société Cap'Immobilier Idf de l'ensemble de ses demandes, en ce compris sa demande de paiement d'une indemnité de rupture d'un montant de 252.880,09 €, d'une indemnité de 41.000 € au titre de la réparation du préjudice découlant de la perte du chiffre d'affaires pour l'année 2018 et d'une indemnité de 80.000 € au titre de la réparation du préjudice découlant du comportement de la Société Générale Immobilier Patrimonial dans le cadre de l'annulation du programme immobilier « Reflets » à [Localité 11] ;
À titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour considérait que l'activité de la société Cap'Immobilier Idf relevait du statut d'agent commercial prévu par le code de commerce,
- Juger que le montant de l'indemnité de rupture due par la Société Générale Immobilier Patrimonial à la société Cap'Immobilier Idf ne peut être supérieur à six mois de commissions calculées sur la moyenne des trois dernières années d'exécution du contrat de mandat ;
En tout état de cause,
- Condamner la société Cap'Immobilier Idf au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société Cap'Immobilier Idf aux entiers dépens.
Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 31 octobre 2023, la société Cap'Immobilier et M. [H] demandent à la cour de :
- Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 2 juin 2021 en ce qu'il :
- Dit irrecevable la pièce n°9 produite par la SARL à associé unique Cap'Immobilier et M. [H] et l'écarte des débats, (') ;
- Condamne la SAS Société Générale Immobilier Patrimonial, précédemment dénommée Primaxia, à payer à la SARL à associé unique Cap'Immobilier la somme de 200.000 € à titre d'indemnité compensatrice en application des dispositions de l'article L. 134-2 du code de commerce, avec intérêts au taux de l'intérêt légal à compter du 11 décembre 2019 ;
- Déboute la SARL à associé unique Cap'Immobilier et M. [H] de leurs autres demandes de dommages et intérêts formées au bénéfice de la SARL à associé unique Cap'Immobilier à l'encontre de la SAS Société Générale Immobilier Patrimonial, précédemment dénommée Primaxia ;
- Condamne la SAS Société Générale Immobilier Patrimonial, précédemment dénommée Primaxia, à payer à la SARL à associé unique Cap'Immobilier et à M. [H] la somme globale de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 2 juin 2021 en ce qu'il :
- Déboute la SAS Société Générale Immobilier Patrimonial, précédemment dénommée Primaxia, de sa demande de dire que le statut d'agent commercial fixé par les articles L. 134-1 et suivants du code de commerce n'était pas applicable à la SARL à associé unique Cap'Immobilier, (') ;
- Ordonne l'exécution provisoire du jugement ;
- Condamne la SAS Société Générale Immobilier Patrimonial, précédemment dénommée Primaxia, aux dépens de l'instance ;
En conséquence, et statuant à nouveau,
À titre liminaire,
- Déclarer recevable l'enregistrement communiqué par les demandeurs sous la numérotation de pièce n°9 ;
À titre principal,
- Juger que la société Cap'Immobilier Idf pouvait être mandatée par la Société Générale Immobilier Patrimonial à négocier, s'entremettre, ou s'engager pour son compte ;
- Juger qu'en conséquence de ce mandat et du fait qu'elle n'était pas salariée de la Société Générale Immobilier Patrimonial, la société Cap'Immobilier Idf bénéficie des dispositions du Chapitre IV du Titre III du Livre Ier du code de commerce ;
- Condamner la Société Générale Immobilier Patrimonial à verser à la société Cap'Immobilier Idf une indemnité de 252.880,09 € au titre de la rupture, à l'initiative de Société Générale Immobilier Patrimonial, des contrats d'agent commercial conclus entre elles, assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2018, date de mise en demeure ;
- Condamner la Société Générale Immobilier Patrimonial à verser à la société Cap'Immobilier Idf la somme de 41.000 € au titre de la réparation du préjudice découlant de la perte de chiffre d'affaires pour l'année 2018, assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2018, date de mise en demeure ;
- Condamner la Société Générale Immobilier Patrimonial à verser à la société Cap'Immobilier Idf la somme de 80.000 € au titre de la réparation du préjudice découlant du comportement de la Société Générale Immobilier Patrimonial dans le cadre de l'annulation du programme immobilier « Reflets » à [Localité 11], assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2018, date de mise en demeure ;
À titre subsidiaire,
- Juger que la Société Générale Immobilier Patrimonial a obtenu le consentement de la société Cap'Immobilier Idf au contrat du 3 janvier 2010 et son avenant du 2 février 2010, comme du contrat du 3 janvier 2013 par des manœuvres dolosives ;
- Condamner la Société Générale Immobilier Patrimonial à verser à la société Cap'Immobilier Idf la somme de 252.880,09 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle lui a occasionné de ce fait, assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2018, date de mise en demeure ;
- Condamner la Société Générale Immobilier Patrimonial à verser à la société Cap'Immobilier Idf la somme de 41.000 € au titre de la réparation du préjudice découlant de la perte de chiffre d'affaires pour l'année 2018, assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2018, date de mise en demeure ;
- Condamner la Société Générale Immobilier Patrimonial à verser à la société Cap'Immobilier Idf la somme de 80.000 € au titre de la réparation du préjudice découlant du comportement de la Société Générale Immobilier Patrimonial dans le cadre de l'annulation du programme immobilier « Reflets » à [Localité 11], assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2018, date de mise en demeure ;
À titre infiniment subsidiaire,
- Juger que la conclusion par la Société Générale Immobilier Patrimonial des contrats l'ayant liée à la société Cap'Immobilier Idf constitue une fraude aux dispositions de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 dite loi Hoguet ;
- Juger que la société Cap'Immobilier Idf est légitime à obtenir les indemnités de rupture des contrats auxquelles un négociateur immobilier aurait eu droit dans sa situation, ou à défaut, restituer aux faits leur juste qualification en jugeant que M. [H], gérant de la société Cap'Immobilier Idf était négociateur immobilier bénéficiant du statut de l'agent commercial ;
- Condamner la Société Générale Immobilier Patrimonial à verser à la Société Cap'Immobilier Idf, ou à défaut à M. [H], une indemnité de 252.880,09 € au titre de la rupture, à l'initiative de la société Société Générale Immobilier Patrimonial, des contrats d'agent commercial ayant existé entre eux, assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2018, date de mise en demeure ;
- Condamner la Scoiété Générale Immobilier Patrimonial à verser à la société Cap'Immobilier Idf la somme de 41.000 € au titre de la réparation du préjudice découlant de la perte de chiffre d'affaires pour l'année 2018, assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2018, date de mise en demeure ;
- Condamner la Société Générale Immobilier Patrimonial à verser à la société Cap'Immobilier Idf la somme de 80.000 € au titre de la réparation du préjudice découlant du comportement de la Société Générale Immobilier Patrimonial dans le cadre de l'annulation du programme immobilier « Reflets » à [Localité 11], assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2018, date de mise en demeure ;
En toute hypothèse,
- Débouter la Société Générale Immobilier Patrimonial de toutes ses demandes, fins, conclusions plus amples ou contraires aux présentes ;
- Condamner la Société Générale Immobilier Patrimonial à verser à la Société Cap'Immobilier Idf et à M. [H] une somme de 15.000 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile s'agissant de la première instance, ainsi qu'à supporter les entiers dépens de première instance ;
- Condamner la Société Générale Immobilier Patrimonial à verser à la société Cap'Immobilier Idf et à M. [H] une somme de 15.000 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile s'agissant de la procédure d'appel, ainsi qu'à supporter les entiers dépens de la procédure d'appel, dont distraction au profit de Maître Oriane Dontot, JRF & Associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 mai 2023. Elle a été révoquée, puis à nouveau prononcée le 9 novembre 2023.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit par l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur l'irrecevabilité de la pièce n° 9 communiquée par les intimés
La SGIP demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a écarté des débats l'enregistrement de la conférence téléphonique du 22 mars 2018. Elle rappelle que l'enregistrement d'une communication téléphonique réalisé à l'insu de l'auteur des propos tenus constitue un procédé déloyal rendant irrecevable sa production à titre de preuve. L'appelante conteste le caractère public de la réunion, soutenant que l'enregistrement concerne une conférence téléphonique privée entre elle et les CIAP.
Les intimés répondent que l'enregistrement porte sur une conférence téléphonique réunissant une soixantaine de personnes revêtant, du choix de la société Primaxia, un caractère public. Elles considèrent donc que leur pièce n° 9 est recevable.
*****
Les intimés se prévalent aux termes de leurs écritures de la retranscription de l'enregistrement de la conférence téléphonique qui s'est tenue le 22 mars 2018 entre la société Primaxia et les CIAP, au cours de laquelle la résiliation des mandats leur a été annoncée.
Comme le rappelle justement la SGIP, l'enregistrement d'une communication téléphonique réalisé à l'insu de l'auteur des propos tenus constitue un procédé déloyal. Alors que de nombreux autres CIAP, dont certains ont d'ailleurs engagé une procédure à l'encontre de la SGIP, ont participé à cette conférence téléphonique et étaient susceptibles de témoigner de la teneur des échanges à cette occasion, le droit à la preuve ne justifiait pas en l'espèce la production d'un élément obtenu de manière déloyale. La conférence téléphonique n'était pas publique, contrairement à ce que prétendent les intimés, puisque limitée aux CIAP conviés à y participer. Dans ces conditions, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable la pièce n°9 litigieuse.
Sur l'application du statut d'agent commercial
La SGIP rappelle que le statut d'agent commercial n'est, selon l'alinéa 2 de l'article L.134-1 précité, pas applicable en cas de dispositions législatives particulières régissant la mission de l'agent. Elle indique que les dispositions de la loi Hoguet réglementent de manière spécifique l'activité d'intermédiaire en matière immobilière et qu'elles excluent donc l'application du statut de l'agent commercial aux agents immobiliers.
L'appelante indique que si l'article 4 de la loi Hoguet offre la possibilité aux agents immobiliers de recourir aux services de collaborateurs chargés de négocier, s'entremettre ou s'engager pour leur compte, l'activité de ces collaborateurs est également soumise à la loi Hoguet. Elle soutient que la dérogation introduite par la loi du 13 juillet 2006 à l'article 4 précité, permettant aux collaborateurs non salariés de bénéficier du statut d'agent commercial, doit être conjuguée avec le décret d'application de la loi Hoguet du 20 juillet 1972 et ne peut dès lors bénéficier qu'aux seuls négociateurs immobiliers personnes physiques.
La SGIP explique que :
- les négociateurs immobiliers personnes physiques sont seuls susceptibles d'obtenir l'attestation d'habilitation visée par l'article 4 de la loi Hoguet, dès lors que le contrôle du bulletin n°2 du casier judiciaire prévu à l'article 3, II du décret du 20 juillet 1972, auquel renvoie l'article 9 du même décret, qui ne vise, depuis le décret du 19 juin 2015, que les personnes physiques, n'est pas possible pour les personnes morales ;
- le ministère de la justice, la Cour de cassation et le Conseil d'Etat ont confirmé que les personnes morales n'étaient pas susceptibles d'être titulaires de la carte professionnelle habilitant les négociateurs immobiliers ;
- l'habilitation visée à l'article 4 de la loi Hoguet, qui autorise une personne à exercer l'activité réglementée visée à l'article 1 de ladite loi, se distingue du simple mandat qui confère au mandataire le pouvoir de représentation du mandant au nom et pour le compte duquel il peut agir ; que le négociateur habilité par un titulaire de la carte professionnelle ne correspond donc pas simplement au négociateur mandaté par le titulaire de la carte professionnelle ; qu'au regard des termes employés par l'article 4 de la loi Hoguet, il semble que seule l'attestation visée à l'article 9 du décret du 20 juillet 1972 puisse permettre une habilitation au sens de cet article.
La SGIP expose que néanmoins, cette stricte limitation du champ d'application de l'article 4 de la loi du 2 janvier 1970 n'empêche pas l'agent immobilier de recourir aux services de collaborateurs non-salariés personnes morales ; que ces personnes morales, qui ne sont pas en mesure de bénéficier d'une attestation d'habilitation, ne peuvent se prévaloir du statut d'agent commercial et sont soumises aux dispositions impératives de la loi Hoguet.
La SGIP conteste l'application conventionnelle du statut d'agent commercial. Elle soutient que les dispositions de la loi Hoguet constituent des dispositions d'ordre public auxquelles il n'est pas possible de déroger conventionnellement et qu'en tout état de cause, les stipulations du mandat n'établissent pas que les parties ont voulu, de manière certaine et non équivoque, appliquer le statut d'agent commercial par dérogation aux dispositions de la loi Hoguet.
La société Cap'Immobilier et M. [H] répondent que le contrat, rédigé par la société Primaxia, a été expressément soumis aux dispositions des articles L. 134-1 et suivants du code de commerce régissant le statut des agents commerciaux. Ils ajoutent que le fonctionnement du réseau de la société Primaxia reposait sur des agents commerciaux. Ils soutiennent qu'une personne morale titulaire de la carte professionnelle de transaction immobilière peut tout à fait être habilitée par un mandant également titulaire de cette carte pour négocier, s'entremettre ou s'engager pour son compte, et ainsi bénéficier du statut d'agent commercial, dès lors que l'article 4 de la loi Hoguet prévoit une application inconditionnelle du statut d'agent commercial à toute personne habilitée par un titulaire de la carte professionnelle à négocier, s'entremettre ou s'engager pour le compte de ce dernier ; que l'application de ce statut d'agent commercial aux personnes habilitées au sens de l'article 4 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 ne nécessite donc aucune autre condition. Ils ajoutent que l'article 1 de la loi Hoguet prévoit que les dispositions de ladite loi s'appliquent " aux personnes morales ou physiques qui, d'une manière habituelle, se livrent ou prêtent leur concours, même à titre accessoire, aux opérations portant sur les biens d'autrui et relatives à : 1° L'achat, la vente, la recherche, l'échange, la location ou sous-location, saisonnière ou non, en nu ou en meublé d'immeubles bâtis ou non bâtis ; ' " ; que l'article 3 précise que," Les activités visées à l'article 1er ne peuvent être exercées que par les personnes physiques ou morales titulaires d'une carte professionnelle ['] " ; que l'article 4 précise que le titulaire de la carte professionnelle peut habiliter " toute personne " à négocier, s'entremettre, ou s'engager pour son compte et que dans ce cas, le statut d'agent commercial est applicable ; que l'article 9 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 qui impose à la personne physique habilitée de justifier de la qualité et de l'étendue de ses pouvoirs par la production d'une attestation préfectorale ne concerne pas les personnes morales et qu'il ne peut être déduit de ces dispositions que les personnes morales ne peuvent être habilitées par le titulaire d'une carte professionnelle. Les intimés estiment en outre que cet article 9 ne traite pas du cas spécifique de la personne morale recevant mandat d'un titulaire de la carte professionnelle, qui est elle-même titulaire de cette carte et n'a pas besoin d'une attestation préfectorale spécifique pour exécuter ce mandat ; que la délivrance de la carte professionnelle de transaction immobilière suppose que le titulaire remplisse des critères stricts, listés à l'article 3 de la loi Hoguet, qui dispose par ailleurs que la carte n'est délivrée aux personnes morales que si leurs représentants légaux remplissent ces conditions ; qu'aux termes de l'article 4 une personne morale titulaire d'une carte professionnelle peut habiliter une autre personne morale elle-même titulaire d'une carte professionnelle sans autre condition , cette habilitation ne devant pas émaner d'une autorité à la différence de l'attestation d'habilitation des personnes physiques délivrée par la Chambre de commerce et d'industrie. Enfin, la société Cap'Immobilier et M. [H] se prévalent de l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 17 mai 2023 qui confirme l'application du statut de l'agent commercial à la personne morale titulaire de la carte professionnelle.
*****
Selon l'article L. 134-1 du code de commerce, l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux.
L'application du statut d'agent commercial ne dépend pas de la volonté exprimée par les parties dans le contrat mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée.
Il résulte de la combinaison des articles L. 134-1 du code de commerce, 4, alinéas 1 et 2, de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce et 9 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 fixant les conditions d'application de cette loi que le titulaire de la carte professionnelle prévue à l'article 3 de la loi précitée a la possibilité d'habiliter une personne à négocier, s'entremettre ou s'engager pour son compte, si celle-ci justifie de l'attestation visée à l'article 9 du décret précité ou si celle-ci est elle-même titulaire de la carte professionnelle et que le statut des agents commerciaux lui est alors applicable.
Il n'est pas contesté que la société Cap'Immobilier est titulaire de la carte professionnelle l'autorisant à réaliser des transactions sur immeubles et fonds de commerce, de sorte que le statut des agents commerciaux peut lui être appliqué.
La SGIP soutient que la société Cap'Immobilier ne disposait d'aucun pouvoir de prospection et de négociation comme le requièrent pourtant les dispositions de l'article L. 134-1 précité. L'appelante explique d'une part, que la clientèle lui était apportée par les banques partenaires et que le catalogue des programmes immobiliers était mis à sa disposition par la société Primaxia et d'autre part, que les conditions de vente et les tarifs étaient fixés par le mandant.
Les intimés répondent qu'en application de l'article 3 de la directive européenne n° 86-653 du 18 décembre 1986, le pouvoir de négociation de l'agent commercial existe en présence même d'instructions du mandant, notamment sur les prix ; que l'article L. 134-1 du code de commerce, issu de la transposition de cette directive n'implique pas nécessairement que le mandataire ait la possibilité de modifier les prix fixés par le mandant, mais qu'il ait effectué une série de démarches en vue de parvenir à la conclusion de l'affaire, ce qui était le cas en l'espèce, puisqu'il s'agissait de sélectionner, parmi l'offre de biens, celui qui était le plus susceptible de correspondre aux besoins et aux intérêts du prospect. Les intimés ajoutent que la société Cap'Immobilier avait aussi un rôle de formation et d'accompagnement des conseillers bancaires et des conseillers en gestion de patrimoine afin que ces derniers soient en mesure d'identifier des clients potentiels en matière immobilière. Enfin, les intimés rappellent que la société Cap'Immobilier était libre de démarcher d'autres prospects que ceux qui lui étaient adressés par la société Primaxia et qu'elle a concrétisé des ventes dans ce cadre, confirmant ainsi son pouvoir de prospection.
S'agissant du pouvoir de prospection, les contrats conclus par les parties stipulent que ' le mandant charge le mandataire de négocier pour son compte avec les clients qu'elle lui adressera la vente des programmes immobiliers qui lui est confiée '. Toutefois, les contrats prévoit également que ' En fonction de l'offre disponible, le mandant pourra autoriser le mandataire à présenter aussi l'offre du mandant à sa propre clientèle', que ' le mandataire négocie les ventes des programmes immobiliers qui lui sont confiés avec les candidats acquéreurs qui lui sont adressés par le mandant et procède à la recherche d'acheteurs pour le compte de ce dernier ' et que 'Le mandataire n'a ni secteur spécialement attribué, ni catégorie de clientèle particulière. Il peut donc prospecter auprès de toute personne et sur tout le territoire national'. En outre, aux termes de l'avenant du 2 février 2010, la société Cap'Immobilier a été autorisée par la société Primaxia à ' élargir la commercialisation de certains programmes aux clients apportés par le mandataire '.
Au surplus, la mission de prospection ayant pour objet d'apporter de nouveaux clients au mandant, la cour constate que les intimés justifient en pièce n°40 et 41 des supports de réunions organisées les 8 septembre 2015 et 12 septembre 2016 par la société Primaxia pour les CIAP, dont il ressort que la mission de ces derniers est ainsi définie :
« Votre mission :
Intervenir dans les réunions Hebdo des UC, agences
Faire le point avec chaque CGP des contacts en cours (')
Proposer des animations en UC ( clients pri/pro)
Remonter au DR toutes les difficultés rencontrées en DEC ».
Il est également précisé que :
« Pour rappel :
(...)
Objectif pour chaque CIAP pour ce dernier trimestre :
- 2 interventions réseau et une conférence clients par DEC
- Former tous les nouveaux CGP de son secteur
- Descendre les portefeuilles des CC PRO et BG de son secteur pour détecter les prospects éligibles ... ».
Si, comme le soutient la SGIP, les conseillers en gestion de patrimoine ne sont certes pas des prospects, néanmoins, il est constant qu'en application du contrat, la société Cap'Immobilier avait pour mission de réaliser des ventes de biens immobiliers avec les clients que ces conseillers devaient lui adresser. Il est indéniable qu'en intervenant auprès des conseillers en gestion de patrimoine, la société Cap'Immobilier a contribué activement à la recherche et au développement de la clientèle de la société Primaxia, devenue SGIP.
En outre, les intimés justifient en pièce n° 27 d'au moins deux factures de commissions de 5 % HT du montant de la vente, ce pourcentage correspondant aux ventes réalisées au profit de clients tiers n'ayant pas été présentés par les CGP. Il s'agit des factures n° 2017-01 375 du 17 janvier 2017 et n°2019-04 423 du 19 avril 2019 relatives aux ventes conclues avec les consorts [L] et [V].
Dans ces conditions, il ne peut être contesté que la société Cap'Immobilier disposait d'un pouvoir de prospection.
Concernant le pouvoir de négociation, comme rappelé précédemment, les contrats conclus par les parties stipulent que 'le mandataire négocie les ventes des programmes immobiliers qui lui sont confiés avec les candidats acquéreurs qui lui sont adressés par le mandant et procède à la recherche d'acheteurs pour le compte de ce dernier'.
Au surplus, il ressort des guides du CIAP et il n'est pas discuté que la société Cap'Immobilier avait pour mission de présenter aux prospects l'offre immobilière de la société Primaxia, de sélectionner au sein de ce panel de biens immobiliers, celui ou ceux correspondant le mieux à la situation et aux attentes des investisseurs sur les plans financier et fiscal, puis de convaincre les clients potentiels de conclure la vente. Alors que la faculté de modifier les conditions des contrats et/ou les prix n'est pas indispensable à la caractérisation du pouvoir de négociation, il apparaît en l'espèce que la société Cap'Immobilier disposait effectivement d'un tel pouvoir dans le but de développer la clientèle de la société Primaxia.
En conséquence et par confirmation du jugement, il doit être considéré que le statut d'agent commercial est applicable à la société Cap'Immobilier.
Sur l'indemnisation consécutive à la rupture du contrat d'agent commercial
La SGIP conteste le quantum de la demande de dommages et intérêts, indiquant que l'usage consistant à évaluer l'indemnité de cessation de contrat à deux années de commissions brutes et acquises évaluées sur la moyenne des trois dernières années d'exécution du mandat, ne lie pas le juge et qu'elle ne saurait excéder 6 mois au regard du caractère particulièrement avantageux du contrat de mandat ayant permis à la société Cap'Immobilier de bénéficier de la clientèle apportée par la société Primaxia. L'appelante ajoute que les opérations immobilières conclues n'avaient pas vocation à se renouveler avec les mêmes clients.
Les intimés répondent que le droit à indemnisation est d'ordre public en application de l'article L.134-12 du code de commerce et que l'indemnité est habituellement et de longue date, évaluée par la jurisprudence à une somme équivalente à deux années de commissions brutes, ce qui correspond à une juste évaluation du dommage au regard notamment du travail de fond qu'elle a accompli pour former les équipes des agences bancaires, du travail de prospection accompli et de la durée de la relation contractuelle.
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En application de l'article L. 134-12 du code de commerce, l'agent commercial a droit, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.
Il est d'usage que cette indemnité soit évaluée sur la base de deux années de commissions brutes calculées à partir de la moyenne des trois dernières années d'exécution du contrat.
L'indemnité prévue à l'article L. 134-12 du code de commerce a pour objet la réparation du préjudice qui résulte, pour l'agent commercial, de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune.
La SGIP soutient que la société Cap'Immobilier n'a ni prospecté, ni fidélisé de clientèle pour la société Primaxia, compte tenu de l'apport de clientèle et de la nature des biens proposés.
Cependant, pour les motifs précités, le CIAP a usé de son pouvoir de prospection afin de développer la clientèle de la société Primaxia, qui doit être distinguée de celle des agences bancaires. Si les clients de la société Primaxia étaient effectivement ceux des agences bancaires, il n'en demeure pas moins que par son action de prospection, soit par l'intermédiaire des conseillers en gestion de patrimoine, soit directement auprès des clients des agences bancaires, la société Cap'Immobilier a contribué au développement de la clientèle de la société Primaxia. Par ailleurs, la notion de fidélisation de la clientèle doit, en l'espèce, être appréhendée par rapport au marché particulier de l'investissement immobilier neuf. Il doit en outre être souligné qu'à l'occasion des ventes, le CIAP devait proposer aux candidats acquéreurs un prêt immobilier émis par la Société Générale, contribuant ainsi à la fidélisation de la clientèle du groupe auquel appartient la SGIP, anciennement dénommée Primaxia. Enfin, il ne peut être contesté que du fait de la rupture du mandat, la société Cap'Immobilier n'a plus été en mesure de bénéficier des prospects provenant des agences bancaires de la Société Générale et du Crédit du Nord, banques partenaires de la SGIP.
Néanmoins, il ne peut être occulté que le partenariat existant entre la société Primaxia et les banques Société Générale et Crédit du Nord, a facilité le travail de prospection, puisqu'une grande part de cette tâche a été effectuée par le CIAP auprès des CGP, professionnels, titulaires de portefeuilles clients, et non directement auprès de tous les clients des agences bancaires.
Il ressort des bilans et diverses factures produits par les intimés que le montant total du chiffre d'affaires réalisé par la société Cap'Immobilier s'est élevé à la somme non discutée de 361.772 €, soit un montant moyen annuel de 120.590 €.
La SGIP conteste ce montant. Elle se prévaut d'une attestation de son commissaire aux comptes du 28 février 2022 aux termes de laquelle le chiffre d'affaires de la société Cap'Immobilier pour la période courant du 15 février 2016 au 14 février 2019 s'est élevé à la somme de 346.507,62 €. Cependant, en application de l'article 6 des deux contrats de mandat, les honoraires ne sont dus qu'après la signature de l'acte authentique de vente. Le montant invoqué par la SGIP ne tient manifestement pas compte des factures émises postérieurement au 28 janvier 2019 (date de la dernière facture comptabilisée), mais se rapportant à des ventes conclues avant l'expiration du contrat. L'examen des factures non contestées produites par la société Cap'Immobilier en pièce n°25 permet de constater que diverses factures émises postérieurement à l'expiration du préavis concernent des contrats de réservation signés pendant la période d'exécution des contrats de mandat. Dans ces conditions, il convient de retenir, comme indiqué précédemment, un chiffre d'affaires de 361.772 € au cours des 3 années précédant l'expiration des contrats, soit une moyenne annuelle de 120.590 €.
Compte tenu de ces éléments et des circonstances de l'espèce, notamment de la durée de la relation contractuelle, il convient d'allouer à la société Cap'Immobilier une indemnité compensatrice d'un montant de 120.000 €. Compte tenu de son caractère indemnitaire, cette somme produira intérêts à compter du 2 juin 2021, date du jugement déféré qui sera infirmé sur ces points.
Sur la perte de chiffre d'affaires invoquée par la société Cap'Immobilier
Les intimés font valoir qu'indépendamment du préjudice lié à la rupture de la relation contractuelle, le comportement de la société Primaxia a causé à la société Cap'Immobilier une perte de chiffre d'affaires particulièrement conséquente en 2018 dès lors que la société Primaxia, après avoir reçu sa demande de paiement de l'indemnité compensatrice, lui a retiré trois directions d'exploitation commerciales (les DEC de [Localité 8], [Localité 7] et [Localité 10]), qui représentaient la quasi-totalité de son activité, vidant ainsi les contrats de leur substance. Les intimés indiquent avoir interpellé la société Primaxia sur ce point en vain. Ils réclament 41.000 € de dommages et intérêts représentant la perte de chiffre d'affaires consécutive au comportement du mandant.
La SGIP répond qu'aux termes des contrats, aucun secteur géographique n'avait été attribué à la société Cap'Immobilier et que les secteurs de [Localité 8], [Localité 7] et [Localité 10] lui ont été proposés, et non imposés, afin de susciter de nouvelles opportunités commerciales. Elle explique que par courrier du 30 juin 2018, M. [H] s'est plaint d'un périmètre d'activité trop large, de sorte qu'elle l'a restreint aux secteurs bancaires les plus proches de son nouveau domicile. Elle indique qu'à la suite d'un rapprochement, les parties ont convenu d'un référencement auprès de la Direction d'exploitation commerciale de [Localité 12].
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Comme le soutient la SGIP, il ressort du courrier du conseil de la société Cap'Immobilier du 30 juin 2018 que cette dernière a reproché à la société Primaxia l'attribution d'un secteur d'intervention trop important : 'C'est ainsi que lui ont été progressivement imposés, en plus des secteurs d'[Localité 7], de [Localité 10] et de [Localité 8], 4 régions au centre de [Localité 9] (qui lui ont été retirés deux ans après) et le Loiret pour le Crédit du Nord, et enfin depuis septembre 2017 celui de la DEC de [Localité 5] Boucle de la Marne, le contraignant à effectuer au minimum 35.000 km en voiture par an et à travailler 6 jours sur 7 et ce en dépit de ses protestations'.
La SGIP justifie avoir répondu le 20 juillet 2018 que 'la proposition d'adjonction de nouveaux secteurs ne constitue qu'une opportunité d'effectuer des nouvelles ventes et donc de percevoir une rémunération plus importante. Toutefois, compte tenu de ces informations et en particulier du récent changement de domicile de M. [H] et du souhait de ce dernier de centrer son activité dans le secteur géographique de son nouveau domicile, la société Primaxia lui propose donc une réduction de son secteur d'intervention et de ne référencer qu'auprès des agences bancaires situées dans le secteur de l'actuelle direction d'exploitation commerciale de [Localité 5] Boucle de la Marne et ce, à compter du mois de septembre 2018".
Le conseil de M. [H] n'a pas contesté ces éléments dans son courrier en réponse du 3 août 2018 qui se contente d'affirmer que chaque agent commercial se voit attribuer un secteur géographique déterminé.
Il ressort du courrier de la SGIP du 20 septembre 2018, qu'à la suite de plusieurs échanges, les parties ont convenu de 'référencer la société Cap'Immobilier auprès de la DEC de [Localité 12] (ex-[Localité 5] Boucle de la Marne) contenant 26 agences bancaires, ainsi qu'auprès des DEC d'[Localité 7], de [Localité 10] et de [Localité 8] s'agissant des clients ayant déjà traité avec ce CIAP'.
La cour constate que les termes de ce courrier n'ont pas été remis en cause par le conseil des intimés à l'occasion de sa lettre du 11 décembre 2019.
Il résulte de ces éléments que la faute reprochée à la SGIP n'est pas caractérisée, le mandant n'ayant nullement retiré à la société Cap'Immoblier les directions d'exploitation commerciales de [Localité 8], [Localité 7] et [Localité 10] en réaction à sa demande de paiement de l'indemnité compensatrice.
Le jugement déféré sera par conséquent confirmé en ce qu'il a débouté la société Cap'Immobilier de sa demande indemnitaire au titre de la perte de chiffre d'affaires.
Sur la demande indemnitaire au titre de l'annulation du programme Reflets
Les intimés font valoir qu'en 2017, la société Primaxia a demandé à la société Cap'Immobilier de démarcher des clients pour un nouveau programme immobilier intitulé Reflets ; qu'elle est parvenue à la signature de 12 contrats de réservation devant lui rapporter 122.748 € de commissions, alors que le programme a été annulé sans que la SGIP ne l'en avertisse. Les intimés réclament 80.000 € de dommages et intérêts.
La SGIP répond que l'annulation du programme ne lui est pas imputable, dès lors qu'elle est consécutive à l'existence de vices affectant le permis de construire.
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Comme le rappelle la SGIP, aux termes des contrats, la commission due à l'agent commercial n'est payée qu'à la régularisation de l'acte authentique.
Les intimés communiquent en pièce n°37 les contrats de réservation que la société Cap'Immobilier avait fait signer sur le programme immobilier Reflets.
S'ils reprochent à la SGIP de ne pas les avoir informés de l'annulation du programme, la cour constate qu'ils ne communiquent aucun élément de preuve concernant la date de cette annulation et celle à laquelle la SGIP en a été avisée, de sorte que la faute invoquée n'apparaît pas démontrée. Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé en ce qu'il a débouté les intimés de leur demande indemnitaire.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Compte tenu de la solution du litige, le jugement entrepris sera confirmé des chefs des dépens et des frais irrépétibles.
Par ailleurs, la SGIP qui succombe à titre principal, supportera les dépens d'appel, dont distraction, et sera condamnée à payer à la société Cap'Immobilier et à M. [H] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement entrepris, sauf en celles de ses dispositions relatives au quantum de l'indemnité compensatrice et au point de départ des intérêts,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Condamne la Société Générale Immobilier Patrimonial à payer à la société Cap'Immobilier IDF la somme de 120.000 € à titre d'indemnité compensatrice, avec intérêts au taux légal à compter du 2 juin 2021 ;
Condamne la Société Générale Immobilier Patrimonial aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître Oriane Dontot, JRF & Associés ;
Condamne la Société Générale Immobilier Patrimonial à payer à la société Cap'Immobilier IDF et à M. [M] [H] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Bérangère MEURANT, Conseiller pour le Président empêché, et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.