CA Versailles, ch. com. 3-1, 25 janvier 2024, n° 21/03236
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Société Générale Immobilier Patrimonial (SAS)
Défendeur :
L
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Thomas
Conseillers :
Mme Gautron-Audic, Mme Meurant
Avocats :
Me Hongre-Boyeldieu, Me Joubert, Me Riglet, Me Dontot, Me Pruvost
La société Primaxia, aujourd'hui dénommée Société Générale Immobilier Patrimonial, ci-après dénommée SGIP, est spécialisée dans l'investissement immobilier neuf. Son activité consiste à commercialiser des biens immobiliers pour le compte de promoteurs, notamment de la société Sogeprom.
A cette fin, elle a fait appel à des mandataires, dits conseillers immobiliers agréés Primaxia, ci-après dénommés CIAP, personnes physiques ou morales.
Par acte sous seing privé du 10 mars 2008, la société Primaxia a consenti à la société Alter Ego Invest, ci-après dénommée la société Alter Ego, dirigée par M. [G] [L], un mandat commercial pour une durée d'une année, renouvelable par tacite reconduction, portant sur la vente de programmes immobiliers et ce avec la qualité de CIAP.
La société Primaxia a mis fin à ce mandat par courrier du 9 décembre 2008 en raison d'une conjoncture économique défavorable.
Par acte sous seing privé du 1er février 2009 à effet au 1er mars 2009, la société Primaxia a consenti à la société Alter Ego un nouveau mandat commercial dans les mêmes conditions que le précédent. Ce contrat faisait référence à l'accord de partenariat conclu par la société Primaxia avec la Société Générale, aux termes duquel cette dernière devait adresser au mandataire des clients intéressés par un investissement dans le secteur de l'immobilier neuf.
Par un avenant du 1er février 2009 à effet au 1er mars 2009, la société Alter Ego a été autorisée à 'élargir la commercialisation de certains programmes aux clients apportés par le mandataire'.
A la fin de l'année 2017, la société Primaxia a décidé de modifier son réseau de distribution et d'internaliser la commercialisation des programmes immobiliers.
Par deux lettres recommandées avec accusé de réception du 20 avril 2018, la société Primaxia a notifié à la société Alter Ego la rupture des mandats commerciaux des 10 mars 2008 et 1er février 2009, à effet, respectivement, au 9 mars 2019 et 31 janvier 2019.
Par courriers des 20 juillet et 11 septembre 2018, la société Alter Ego a réclamé à la société Primaxia le paiement de l'indemnité compensatrice prévue par l'article L. 134-12 du code de commerce, ainsi que le bénéfice du 'droit de suite' contractuellement prévu.
La demande relative à l'indemnité compensatrice est demeurée vaine, dès lors que la société Primaxia, par courrier du 20 septembre 2018 a contesté à la société Alter Ego le bénéfice du statut d'agent commercial.
Par acte d'huissier en date du 11 décembre 2019, la société Alter Ego et M. [L] ont fait assigner la société SGIP, venant aux droits de la société Primaxia, devant le tribunal de commerce de Nanterre.
Par jugement du 7 avril 2021, le tribunal de commerce de Nanterre a :
- Dit irrecevable la pièce n° 10 produite par la société Alter Ego Invest et M. [L] et l'a écartée des débats ;
- Débouté la Société Générale Immobilier Patrimonial de sa demande de dire que le statut d'agent commercial fixé par les articles L. 134-1 et suivants du code de commerce n'était pas applicable à la société Alter Ego Invest ;
- Condamné la Société Générale Immobilier Patrimonial à payer à la société Alter Ego Invest la somme de 300.000 € à titre d'indemnité compensatrice en application des dispositions de l'article L. 134-2 du code de commerce, avec intérêts au taux de l'intérêt légal à compter du 11 décembre 2019 ;
- Débouté la société Alter Ego Invest et M. [L] de leur demande de dommages et intérêts formée, au bénéfice de cette société, à l'encontre de la société Générale Immobilier Patrimonial ;
- Condamné la Société Générale Immobilier Patrimonial à payer à la société Alter Ego Invest et M. [L] la somme globale de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Ordonné l'exécution provisoire du jugement ;
- Condamné la Société Générale Immobilier Patrimonial aux dépens de l'instance.
Par déclaration du 19 mai 2021, la SGIP a interjeté appel du jugement.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusion notifiées le 18 septembre 2023, la SGIP demande à la cour de :
- Infirmer le jugement rendu le 7 avril 2021 par le tribunal de commerce de Nanterre en ce qu'il a :
- Débouté la société par actions simplifiée Société Générale Immobilier Patrimonial - précédemment dénommée Primaxia - de sa demande de dire que le statut d'agent commercial fixé par les articles L.134-1 et suivants du code de commerce n'était pas applicable à la société à responsabilité limitée à associé unique Alter Ego Invest ;
- Condamné la société par actions simplifiée Société Générale Immobilier Patrimonial - précédemment dénommée Primaxia - à payer à la société à responsabilité limitée à associé unique Alter Ego Invest la somme de 300.000 € à titre d'indemnité compensatrice en application des dispositions de l'article L. 134-2 du code de commerce avec intérêts au taux de l'intérêt légal à compter du 11 décembre 2019 ;
-Condamné la société par actions simplifiée Société Générale Immobilier Patrimonial - précédemment dénommée Primaxia - à payer à la société à responsabilité limitée à associé unique Alter Ego Invest et à M. [L] la somme globale de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Ordonné l'exécution provisoire du jugement ;
- Condamné la société par actions simplifiée Société Générale Immobilier Patrimonial - précédemment dénommée Primaxia - aux dépens de l'instance ;
- Confirmer le jugement rendu le 7 avril 2021 par le tribunal de commerce de Nanterre en ce qu'il a :
- Déclaré irrecevable la pièce n° 10 produite par la société à responsabilité limitée à associé unique et M. [L] et l'a écartée des débats ;
- Débouté la société à responsabilité limitée à associé unique Alter Ego Invest et M. [L] de leur demande de dommages et intérêts formée, au bénéfice de cette société, à l'encontre de la société par actions simplifiée Société Générale Immobilier Patrimonial - précédemment dénommée Primaxia ;
En conséquence et statuant à nouveau,
À titre liminaire,
- Déclarer irrecevable la pièce adverse n°10 ;
À titre principal,
- Juger que le statut d'agent commercial prévu aux articles L. 134-1 et suivants du code de commerce n'est pas applicable à la société Alter Ego Invest dans l'exercice de sa mission de commercialisation des programmes immobiliers pour le compte de la Société Générale Immobilier Patrimonial ;
- Juger que l'exercice de cette activité de commercialisation est soumis aux dispositions de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970 ;
- Juger que la Société Générale Immobilier Patrimonial n'a commis aucun dol ni aucune fraude lors de la conclusion du contrat de mandat du 1er mars 2009 ;
À titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour considérait que la Société Générale Immobilier Patrimonial a commis un dol lors de la conclusion du contrat de mandat du 1er mars 2009,
- Juger que le préjudice de la société Alter Ego Invest ne peut consister en l'octroi d'une indemnité équivalente à celle octroyée par le statut d'agent commercial prévu aux articles L. 134-1 et suivants du code de commerce ;
- Constater que l'action de la société Alter Ego Invest est prescrite ;
En conséquence,
- Débouter la société Alter Ego Invest de l'ensemble de ses demandes, en ce compris sa demande de paiement d'une indemnité de rupture d'un montant de 372.980 € et d'une indemnité d'un montant de 108.585 € au titre de la réparation du préjudice découlant de la perte du chiffre d'affaires pour l'année 2018 ;
À titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour considérait que l'activité de la société Alter Ego Invest relevait du statut d'agent commercial prévu par le code de commerce,
- Juger que le montant de l'indemnité de rupture due par la Société Générale Immobilier Patrimonial à la société Alter Ego Invest ne peut être supérieur à six mois de commissions calculées sur la moyenne des trois dernières années d'exécution du contrat de mandat ;
En tout état de cause,
- Condamner la société Alter Ego Invest au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société Alter Ego Invest aux entiers dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 31 octobre 2023, la société Alter Ego et M. [L] demandent à la cour de :
- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 7 avril 2021 en ce qu'il :
- Déboute la société par actions simplifiée Société Générale Immobilier Patrimonial - précédemment dénommée Primaxia - de sa demande de dire que le statut d'agent commercial fixé par les articles L.134-1 et suivants du code de commerce n'était pas applicable à la société à responsabilité limitée à associé unique Alter Ego Invest, (...) ;
- Condamne la société par actions simplifiée Société Générale Immobilier Patrimonial - précédemment dénommée Primaxia - à payer à la société à responsabilité limitée à associé unique Alter Ego Invest et à M. [L] la somme globale de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Ordonne l'exécution provisoire du jugement ;
- Condamne la société par actions simplifiée Société Générale Immobilier Patrimonial - précédemment dénommée Primaxia - aux dépens de l'instance ;
- Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 7 avril 2021 en ce qu'il :
- Dit irrecevable la pièce n°10 produite par la société à responsabilité limitée à associé unique Alter Ego Invest et M. [L] et l'écarte des débats, (...) ;
- Condamne la société par actions simplifiée Société Générale Immobilier Patrimonial - précédemment dénommée Primaxia - à payer à la société à responsabilité limitée à associé unique Alter Ego Invest la somme de 300.000 € à titre d'indemnité compensatrice en application des dispositions de l'article L. 134-12 du code de commerce, avec intérêts au taux de l'intérêt légal à compter du 11 décembre 2019 ;
- Déboute la société à responsabilité limitée à associé unique Alter Ego Invest et M. [L] de leurs demandes de dommages et intérêts formée, au bénéfice de cette société, à l'encontre de la société par actions simplifiée Société Générale Immobilier Patrimonial - précédemment dénommée Primaxia ;
En conséquence, et statuant à nouveau,
À titre liminaire,
- Déclarer recevable l'enregistrement communiqué par les demandeurs sous la numérotation de pièce n°10 ;
À titre principal,
- Juger que la société Alter Ego Invest pouvait être mandatée par la Société Générale Immobilier Patrimonial à négocier, s'entremettre, ou s'engager pour son compte ;
- Juger qu'en conséquence de ce mandat et du fait qu'elle n'était pas salariée de la Société Générale Immobilier Patrimonial, la société Alter Ego Invest bénéficie des dispositions du Chapitre IV du Titre III du Livre Ier du code de commerce ;
- Condamner la Société Générale Immobilier Patrimonial à verser à la société Alter Ego Invest une indemnité de 369.080 € au titre de la rupture, à l'initiative de Société Générale Immobilier Patrimonial, du contrat d'agent commercial conclu entre elles, assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2018, date de mise en demeure ;
- Condamner la Société Générale Immobilier Patrimonial à verser à la société Alter Ego Invest la somme de 114.435 € au titre de la réparation du préjudice découlant de la perte de chiffre d'affaires pour l'année 2018, assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2018, date de mise en demeure ;
À titre subsidiaire,
- Juger que la Société Générale Immobilier Patrimonial a obtenu le consentement de la société Alter Ego Invest au contrat du 1er mars 2009 par des manœuvres dolosives ;
- Condamner la Société Générale Immobilier Patrimonial à verser à la société Alter Ego Invest une somme de 369.080 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle lui a occasionné de ce fait, assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2018, date de mise en demeure ;
- Condamner la Société Générale Immobilier Patrimonial à verser à la société Alter Ego Invest la somme de 114.435 € au titre de la réparation du préjudice découlant de la perte de chiffre d'affaires pour l'année 2018, assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2018, date de mise en demeure ;
À titre infiniment subsidiaire,
- Juger que la conclusion par la Société Générale Immobilier Patrimonial des contrats l'ayant liée à la société Alter Ego Invest constitue une fraude aux dispositions de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 dite loi Hoguet ;
- Juger que la société Alter Ego Invest est légitime à obtenir l'indemnité de rupture de contrat à laquelle un négociateur immobilier aurait eu droit dans sa situation, ou à défaut, restituer aux faits leur juste qualification en jugeant que M. [L], gérant de la société Alter Ego Invest était négociateur immobilier bénéficiant du statut de l'agent commercial ;
- Condamner la Société Générale Immobilier Patrimonial à verser à la société Alter Ego Invest, ou à défaut à M. [L], une indemnité de 369.080 € au titre de la rupture, à l'initiative de la Société Générale Immobilier Patrimonial, des contrats d'agent commercial ayant existé entre eux, assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2018, date de mise en demeure ;
- Condamner la Société Générale Immobilier Patrimonial à verser à la société Alter Ego Invest la somme de 114.435 € au titre de la réparation du préjudice découlant de la perte de chiffre d'affaires pour l'année 2018, assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2018, date de mise en demeure ;
En toute hypothèse,
- Dire que l'ensemble portera intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation ;
- Débouter la Société Générale Immobilier Patrimonial de toutes ses demandes, fins, conclusions, plus amples ou contraires ;
- Condamner la Société Générale Immobilier Patrimonial à verser à la société Alter Ego Invest et à M. [L] une somme de 15.000 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la présente procédure d'appel, ainsi qu'à supporter les entiers dépens de la présente instance, dont distraction au profit de Maître Oriane Dontot, JRF & Associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 mai 2023. Elle a été révoquée, puis à nouveau prononcée le 9 novembre 2023.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit par l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur l'irrecevabilité de la pièce n°10 communiquée par les intimés
La SGIP demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a écarté des débats l'enregistrement de la conférence téléphonique du 22 mars 2018. Elle rappelle que l'enregistrement d'une communication téléphonique réalisé à l'insu de l'auteur des propos tenus constitue un procédé déloyal rendant irrecevable sa production à titre de preuve. L'appelante conteste le caractère public de la réunion, soutenant que l'enregistrement concerne une conférence téléphonique privée entre elle et les CIAP.
Les intimés répondent que l'enregistrement porte sur une conférence téléphonique réunissant une soixantaine de personnes revêtant, du choix de la société Primaxia, un caractère public. Elles considèrent donc que leur pièce n°10 est recevable.
*****
Les intimés se prévalent aux termes de leurs écritures de la retranscription de l'enregistrement de la conférence téléphonique qui s'est tenue le 22 mars 2018 entre la société Primaxia et les CIAP, au cours de laquelle la résiliation des mandats leur a été annoncée.
Comme le rappelle justement la SGIP, l'enregistrement d'une communication téléphonique réalisé à l'insu de l'auteur des propos tenus constitue un procédé déloyal. Alors que de nombreux autres CIAP, dont certains ont d'ailleurs engagé une procédure à l'encontre de la SGIP, ont participé à cette conférence téléphonique et étaient susceptibles de témoigner de la teneur des échanges à cette occasion, le droit à la preuve ne justifiait pas en l'espèce la production d'un élément obtenu de manière déloyale. La conférence téléphonique n'était pas publique, contrairement à ce que prétendent les intimés, puisque limitée aux CIAP conviés à y participer. Dans ces conditions, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable la pièce n° 10 litigieuse.
Sur l'application du statut d'agent commercial
La SGIP rappelle que le statut d'agent commercial n'est, selon l'alinéa 2 de l'article L. 134-1 précité, pas applicable en cas de dispositions législatives particulières régissant la mission de l'agent. Elle indique que les dispositions de la loi Hoguet réglementent de manière spécifique l'activité d'intermédiaire en matière immobilière et qu'elles excluent donc l'application du statut de l'agent commercial aux agents immobiliers.
Elle indique que si l'article 4 de la loi Hoguet offre la possibilité aux agents immobiliers de recourir aux services de collaborateurs chargés de négocier, s'entremettre ou s'engager pour leur compte, l'activité de ces collaborateurs est également soumise à la loi Hoguet. Elle soutient que la dérogation introduite par la loi du 13 juillet 2006 à l'article 4 précité, permettant aux collaborateurs non salariés de bénéficier du statut d'agent commercial, doit être conjuguée avec le décret d'application de la loi Hoguet du 20 juillet 1972 et ne peut dès lors bénéficier qu'aux seuls négociateurs immobiliers personnes physiques.
La SGIP explique que :
- les négociateurs immobiliers personnes physiques sont seuls susceptibles d'obtenir l'attestation d'habilitation visée par l'article 4 de la loi Hoguet, dès lors que le contrôle du bulletin n° 2 du casier judiciaire prévu à l'article 3, II du décret du 20 juillet 1972, auquel renvoie l'article 9 du même décret, qui ne vise, depuis le décret du 19 juin 2015, que les personnes physiques, n'est pas possible pour les personnes morales ;
- le ministère de la justice, la Cour de cassation et le Conseil d'Etat ont confirmé que les personnes morales n'étaient pas susceptibles d'être titulaires de la carte professionnelle habilitant les négociateurs immobiliers ;
- l'habilitation visée à l'article 4 de la loi Hoguet, qui autorise une personne à exercer l'activité réglementée visée à l'article 1 de ladite loi, se distingue du simple mandat qui confère au mandataire le pouvoir de représentation du mandant au nom et pour le compte duquel il peut agir ; que le négociateur habilité par un titulaire de la carte professionnelle ne correspond donc pas simplement au négociateur mandaté par le titulaire de la carte professionnelle ; qu'au regard des termes employés par l'article 4 de la loi Hoguet, il semble que seule l'attestation visée à l'article 9 du décret du 20 juillet 1972 puisse permettre une habilitation au sens de cet article.
La SGIP expose que néanmoins, cette stricte limitation du champ d'application de l'article 4 de la loi du 2 janvier 1970 n'empêche pas l'agent immobilier de recourir aux services de collaborateurs non-salariés personnes morales ; que ces personnes morales, qui ne sont pas en mesure de bénéficier d'une attestation d'habilitation, ne peuvent se prévaloir du statut d'agent commercial et sont soumises aux dispositions impératives de la loi Hoguet.
La SGIP conteste l'application conventionnelle du statut d'agent commercial. Elle soutient que les dispositions de la loi Hoguet constituent des dispositions d'ordre public auxquelles il n'est pas possible de déroger conventionnellement et qu'en tout état de cause, les stipulations du mandat n'établissent pas que les parties ont voulu, de manière certaine et non équivoque, appliquer le statut d'agent commercial par dérogation aux dispositions de la loi Hoguet.
La société Alter Ego et M. [L] répondent que le contrat, rédigé par la société Primaxia, a été expressément soumis aux dispositions des articles L. 134-1 et suivants du code de commerce régissant le statut des agents commerciaux. Ils ajoutent que le fonctionnement du réseau de la société Primaxia reposait sur des agents commerciaux. Ils soutiennent qu'une personne morale titulaire de la carte professionnelle de transaction immobilière peut tout à fait être habilitée par un mandant également titulaire de cette carte pour négocier, s'entremettre ou s'engager pour son compte, et ainsi bénéficier du statut d'agent commercial, dès lors que l'article 4 de la loi Hoguet prévoit une application inconditionnelle du statut d'agent commercial à toute personne habilitée par un titulaire de la carte professionnelle à négocier, s'entremettre ou s'engager pour le compte de ce dernier ; que l'application de ce statut d'agent commercial aux personnes habilitées au sens de l'article 4 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 ne nécessite donc aucune autre condition. Ils ajoutent que l'article 1 de la loi Hoguet prévoit que les dispositions de ladite loi s'appliquent " aux personnes morales ou physiques qui, d'une manière habituelle, se livrent ou prêtent leur concours, même à titre accessoire, aux opérations portant sur les biens d'autrui et relatives à : 1° L'achat, la vente, la recherche, l'échange, la location ou sous-location, saisonnière ou non, en nu ou en meublé d'immeubles bâtis ou non bâtis ; ' " ; que l'article 3 précise que," Les activités visées à l'article 1er ne peuvent être exercées que par les personnes physiques ou morales titulaires d'une carte professionnelle ['] " ; que l'article 4 précise que le titulaire de la carte professionnelle peut habiliter " toute personne " à négocier, s'entremettre, ou s'engager pour son compte et que dans ce cas, le statut d'agent commercial est applicable ; que l'article 9 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 qui impose à la personne physique habilitée de justifier de la qualité et de l'étendue de ses pouvoirs par la production d'une attestation préfectorale ne concerne pas les personnes morales et qu'il ne peut être déduit de ces dispositions que les personnes morales ne peuvent être habilitées par le titulaire d'une carte professionnelle. Les intimés estiment en outre que cet article 9 ne traite pas du cas spécifique de la personne morale recevant mandat d'un titulaire de la carte professionnelle, qui est elle-même titulaire de cette carte et n'a pas besoin d'une attestation préfectorale spécifique pour exécuter ce mandat ; que la délivrance de la carte professionnelle de transaction immobilière suppose que le titulaire remplisse des critères stricts, listés à l'article 3 de la loi Hoguet, qui dispose par ailleurs que la carte n'est délivrée aux personnes morales que si leurs représentants légaux remplissent ces conditions ; qu'aux termes de l'article 4 une personne morale titulaire d'une carte professionnelle peut habiliter une autre personne morale elle-même titulaire d'une carte professionnelle sans autre condition, cette habilitation ne devant pas émaner d'une autorité à la différence de l'attestation d'habilitation des personnes physiques délivrée par la Chambre de commerce et d'industrie. Enfin, la société Alter Ego et M. [L] se prévalent de l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 17 mai 2023 qui confirme l'application du statut de l'agent commercial à la personne morale titulaire de la carte professionnelle.
*****
Selon l'article L. 134-1 du code de commerce, l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux.
L'application du statut d'agent commercial ne dépend pas de la volonté exprimée par les parties dans le contrat mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée.
Il résulte de la combinaison des articles L. 134-1 du code de commerce, 4, alinéas 1 et 2, de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce et 9 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 fixant les conditions d'application de cette loi que le titulaire de la carte professionnelle prévue à l'article 3 de la loi précitée a la possibilité d'habiliter une personne à négocier, s'entremettre ou s'engager pour son compte, si celle-ci justifie de l'attestation visée à l'article 9 du décret précité ou si celle-ci est elle-même titulaire de la carte professionnelle et que le statut des agents commerciaux lui est alors applicable.
Il n'est pas contesté que la société Alter Ego est titulaire de la carte professionnelle l'autorisant à réaliser des transactions sur immeubles et fonds de commerce, de sorte que le statut des agents commerciaux peut lui être appliqué.
La SGIP soutient que la société Alter Ego ne disposait d'aucun pouvoir de prospection et de négociation comme le requièrent pourtant les dispositions de l'article L. 134-1 précité. L'appelante explique d'une part, que la clientèle lui était apportée par les banques partenaires et que le catalogue des programmes immobiliers était mis à sa disposition par la société Primaxia et d'autre part, que les conditions de vente et les tarifs étaient fixés par le mandant.
Les intimés répondent qu'en application de l'article 3 de la directive européenne n°86-653 du 18 décembre 1986, le pouvoir de négociation de l'agent commercial existe en présence même d'instructions du mandant, notamment sur les prix ; que l'article L. 134-1 du code de commerce, issu de la transposition de cette directive n'implique pas nécessairement que le mandataire ait la possibilité de modifier les prix fixés par le mandant, mais qu'il ait effectué une série de démarches en vue de parvenir à la conclusion de l'affaire, ce qui était le cas en l'espèce, puisqu'il s'agissait de sélectionner, parmi l'offre de biens, celui qui était le plus susceptible de correspondre aux besoins et aux intérêts du prospect. Les intimés ajoutent que la société Alter Ego avait aussi un rôle de formation et d'accompagnement des conseillers bancaires et des conseillers en gestion de patrimoine afin que ces derniers soient en mesure d'identifier des clients potentiels en matière immobilière. Enfin, les intimés rappellent que la société Alter Ego était libre de démarcher d'autres prospects que ceux qui lui étaient adressés par la société Primaxia et qu'elle a concrétisé des ventes dans ce cadre, confirmant ainsi son pouvoir de prospection.
S'agissant du pouvoir de prospection, le contrat conclu par les parties stipule que ' le mandant charge le mandataire de négocier pour son compte avec les clients qu'elle lui adressera la vente des programmes immobiliers qui lui est confiée '. Toutefois, le contrat prévoit également que ' le mandataire négocie les ventes des programmes immobiliers qui lui sont confiés avec les candidats acquéreurs qui lui sont adressés par le mandant et procède à la recherche d'acheteurs pour le compte de ce dernier '. En outre, aux termes de l'avenant du 1er février 2009, la société Alter Ego a été autorisée par la société Primaxia à ' élargir la commercialisation de certains programmes aux clients apportés par le mandataire '.
Au surplus, la mission de prospection ayant pour objet d'apporter de nouveaux clients au mandant, la cour constate que les intimés justifient en pièce n°47 et 48 des supports de réunions organisées les 8 septembre 2015 et 12 septembre 2016 par la société Primaxia pour les CIAP, dont il ressort que la mission de ces derniers est ainsi définie :
« Votre mission :
Intervenir dans les réunions Hebdo des UC, agences
Faire le point avec chaque CGP des contacts en cours (')
Proposer des animations en UC ( clients pri/pro)
Remonter au DR toutes les difficultés rencontrées en DEC ».
Il est également précisé que :
« Pour rappel :
(...)
Objectif pour chaque CIAP pour ce dernier trimestre :
- 2 interventions réseau et une conférence clients par DEC
- Former tous les nouveaux CGP de son secteur
- Descendre les portefeuilles des CC PRO et BG de son secteur pour détecter les prospects éligibles ... ».
Or, les intimés produisent en pièces n° 49 et 57 plusieurs mails démontrant la participation de M. [L] à différentes réunions avec les conseillers en gestion de patrimoine (CGP) et/ou des clients des agences bancaires de la Société Générale. Il en va ainsi notamment :
- des emails échangés le 8 janvier 2016 à propos d'une intervention en UC le 29 janvier 2016 ;
- des courriels des 1er et 8 février 2016 évoquant la participation de M. [L] à des journées sur le thème du patrimoine organisées par la Société Générale, dont l'objectif est ainsi défini : ' Le principe de cette journée est de faire connaître auprès de nos clients et prospects nos partenariats Primaxia, S2G ainsi que Sogecap pour la partie défiscalisation PRO ...' ;
- du mail du 1er mars 2016 de M. [L] confirmant sa participation à une réunion au sein d'une agence bancaire ;
- du courriel du 10 octobre 2016 par lequel M. [L] explique avoir visité différentes agences bancaires de la Société Générale et avoir rencontré plusieurs collaborateurs, en précisant : ' j'espère que ces différents entretiens donneront lieu à de nouveaux RDV Primaxia et bien entendu beaucoup de nouvelles réservations !!! ';
- du courriel du 21 septembre 2016 par lequel Mme [E], conseillère en gestion de patrimoine, remercie M. [L] de son intervention auprès de collaborateurs de la Société Générale.
Les intimés communiquent également en pièce n° 50 un support de présentation réalisé pour l'intervention de M. [L] lors d'une 'réunion DEC [Localité 6]' le 5 février 2015.
Si comme le soutient la SGIP, les conseillers en gestion de patrimoine ne sont certes pas des prospects, néanmoins, il est constant qu'en application du contrat, la société Alter Ego avait pour mission de réaliser des ventes de biens immobiliers avec les clients que ces conseillers devaient lui adresser. Il est indéniable qu'en intervenant auprès des conseillers en gestion de patrimoine, la société Alter Ego a contribué activement à la recherche et au développement de la clientèle de la société Primaxia, devenue SGIP. Au surplus, comme indiqué précédemment, la société Alter Ego établit avoir participé à des réunions directement avec les clients des banques partenaires (cf notamment le courriel du 8 avril 2016 en pièce n° 49).
En outre, les intimés justifient en pièce n°51 de la participation de M. [L] à plusieurs ventes privées organisées par 'Philippides Pragma Montpellier' et en pièces n° 31 et 32, de deux factures de commissions de 5 % HT du montant de la vente, ce pourcentage correspondant aux ventes réalisées au profit de clients tiers n'ayant pas été présentés par les CGP. Il s'agit des factures n° 17.008 du 13 avril 2017 et 19.0153 du 14 mars 2019 relatives aux ventes conclues avec les consorts [P] et [I].
Dans ces conditions, il ne peut être contesté que la société Alter Ego disposait d'un pouvoir de prospection.
Concernant le pouvoir de négociation, comme rappelé précédemment, l'article 2 du contrat conclu par les parties le 1er août 2011 stipule que 'le mandataire négocie les ventes des programmes immobiliers qui lui sont confiés avec les candidats acquéreurs qui lui sont adressés par le mandant et procède à la recherche d'acheteurs pour le compte de ce dernier'.
Les intimés produisent en pièce n°55 divers mails démontrant que M. [L] s'est efforcé d'obtenir au profit de ses clients la suppression des frais de notaire ou de dossier (cf notamment les courriels des 12 janvier et 22 septembre 2016), ou encore certains aménagements, comme l'installation d'un placard (cf un autre courriel du 22 septembre 2016). L'email du 3 juin 2016 établit que M. [L] négociait également le montant de sa commission afin de favoriser la conclusion de la vente.
Au surplus, il ressort du guide du CIAP et il n'est pas discuté que la société Alter Ego avait pour mission de présenter aux prospects l'offre immobilière de la société Primaxia, de sélectionner au sein de ce panel de biens immobiliers, celui ou ceux correspondant le mieux à la situation et aux attentes des investisseurs sur les plans financier et fiscal, puis de convaincre les clients potentiels de conclure la vente. Alors que la faculté de modifier les conditions des contrats et/ou les prix n'est pas indispensable à la caractérisation du pouvoir de négociation, il apparaît en l'espèce que la société Alter Ego disposait effectivement d'un tel pouvoir dans le but de développer la clientèle de la société Primaxia.
En conséquence et par confirmation du jugement, il doit être considéré que le statut d'agent commercial est applicable à la société Alter Ego.
Sur l'indemnisation consécutive à la rupture du contrat d'agent commercial
La SGIP conteste le quantum de la demande de dommages et intérêts, indiquant que l'usage consistant à évaluer l'indemnité de cessation de contrat à deux années de commissions brutes et acquises évaluées sur la moyenne des trois dernières années d'exécution du mandat, ne lie pas le juge et qu'elle ne saurait excéder 6 mois au regard du caractère particulièrement avantageux du contrat de mandat ayant permis à la société Alter Ego de bénéficier de la clientèle apportée par la société Primaxia. L'appelante ajoute que les opérations immobilières conclues n'avaient pas vocation à se renouveler avec les mêmes clients.
Les intimés répondent que le droit à indemnisation est d'ordre public en application de l'article L.134-12 du code de commerce et que l'indemnité est habituellement et de longue date, évaluée par la jurisprudence à une somme équivalente à deux années de commissions brutes, ce qui correspond à une juste évaluation du dommage au regard notamment du travail de fond qu'elle a accompli pour former les équipes des agences bancaires, du travail de prospection accompli et de la durée de la relation contractuelle.
*****
En application de l'article L. 134-12 du code de commerce, l'agent commercial a droit, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.
Il est d'usage que cette indemnité soit évaluée sur la base de deux années de commissions brutes calculées à partir de la moyenne des trois dernières années d'exécution du contrat.
L'indemnité prévue à l'article L. 134-12 du code de commerce a pour objet la réparation du préjudice qui résulte, pour l'agent commercial, de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune.
La SGIP soutient que la société Alter Ego n'a ni prospecté, ni fidélisé de clientèle pour la société Primaxia, compte tenu de l'apport de clientèle et de la nature des biens proposés.
Cependant, pour les motifs précités, le CIAP a usé de son pouvoir de prospection afin de développer la clientèle de la société Primaxia, qui doit être distinguée de celle des agences bancaires. Si les clients de la société Primaxia étaient effectivement ceux des agences bancaires, il n'en demeure pas moins que par son action de prospection, soit par l'intermédiaire des conseillers en gestion de patrimoine, soit directement auprès des clients des agences bancaires, la société Alter Ego a contribué au développement de la clientèle de la société Primaxia. Par ailleurs, la notion de fidélisation de la clientèle doit, en l'espèce, être appréhendée par rapport au marché particulier de l'investissement immobilier neuf. Il doit en outre être souligné qu'à l'occasion des ventes, le CIAP devait proposer aux candidats acquéreurs un prêt immobilier émis par la Société Générale, contribuant ainsi à la fidélisation de la clientèle du groupe auquel appartient la SGIP, anciennement dénommée Primaxia. Enfin, il ne peut être contesté que du fait de la rupture du mandat, la société Alter Ego n'a plus été en mesure de bénéficier des prospects provenant des agences bancaires de la Société Générale, banque partenaire de la SGIP.
Néanmoins, il ne peut être occulté que le partenariat existant entre la société Primaxia et la banque Société Générale, a facilité le travail de prospection, puisqu'une grande part de cette tâche a été effectuée par le CIAP auprès des CGP, professionnels, titulaires de portefeuilles clients, et non directement auprès de tous les clients des agences bancaires.
Il ressort des bilans et diverses factures non contestée produits par les intimés que le montant total du chiffre d'affaires réalisé par la société Alter Ego s'est élevé à la somme non discutée de 553.620 €, soit un montant moyen annuel de 184.540 €.
Compte tenu de ces éléments et des circonstances de l'espèce, notamment de la durée de la relation contractuelle, il convient d'allouer à la société Alter Ego une indemnité compensatrice d'un montant de 210.000 €. Compte tenu de son caractère indemnitaire, cette somme produira intérêts à compter du 7 avril 2021, date du jugement déféré qui sera infirmé sur ces points.
Sur la perte de chiffre d'affaires invoquée par la société Alter Ego
Les intimés font valoir qu'indépendamment du préjudice lié à la rupture de la relation contractuelle, le comportement de la société Primaxia a causé à la société Alter Ego une perte de chiffre d'affaires particulièrement conséquente en 2018 dès lors que la société Primaxia a négligé sa relation commerciale avec elle à la suite de la notification de la rupture du contrat. Elles ajoutent qu'en cours d'année 2018, la société Primaxia a délibérément complexifié les procédures de signature des contrats de réservation en sollicitant de multiples pièces, se déchargeant ainsi sur elle de ses obligations réglementaires à cet égard, et en ne permettant plus un accès direct par intranet aux biens commercialisés.
La SGIP conteste tout manquement. Elle explique avoir, en 2018, élargi l'offre de programmes immobiliers et donc l'offre de lots à la vente. Elle conteste avoir soumis les CIAP à des demandes supplémentaires de pièces, soutenant qu'en raison des évolutions réglementaires en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, il leur était seulement demandé de questionner les clients avec lesquels ils étaient en relation directe. La SGIP indique que le référencement de nouveaux salariés de la société Primaxia auprès des agences des banques partenaires n'a été mis en place, dans chacun des secteurs concernés, qu'au terme des contrats de mandat conclus avec les CIAP et qu'il a été clairement exposé aux conseillers en gestion de patrimoine de ces différentes agences bancaires la nécessité de poursuivre leur collaboration avec les différents CIAP référencés jusqu'au terme de leur mandat. La SGIP affirme ainsi que jusqu'au terme de son mandat, la société Alter Ego n'a été mise en concurrence avec aucun nouveau salarié de la société Primaxia.
*****
S'agissant de la complexification des procédures, la cour constate que les intimés ne justifient pas avoir dû, au cours de l'année 2018 et dans le cadre de l'enregistrement d'une réservation, fournir des documents supplémentaires, aucun élément de preuve ne permettant de corroborer ces dires qui sont contestés par la SGIP.
Par ailleurs, les intimés ne démontrent pas que l'accès aux biens commercialisés était plus compliqué en 2018, ni que cet élément a eu un impact sur le nombre de ventes conclues. Ils n'établissent pas davantage que la demande, formulée par la société Primaxia par mail du 24 mai 2018, de contacter directement le promoteur pour obtenir l'état du permis de construire lorsque la fiche d'analyse mentionne qu'il est en cours d'instruction ou non purgé est nouvelle.
En revanche, il ressort des bilans et factures produits par les intimés que la société Alter Ego a réalisé un chiffre d'affaires dans le cadre de son activité avec la SGIP de 244.676 € en 2016, de 200.694 € en 2017 et de 108.250 € en 2018, ces chiffres n'étant pas discutés par l'appelante. Il apparaît ainsi que le montant des commissions perçues en 2018 a accusé une baisse importante de presque 50% par rapport à la moyenne des deux années précédentes.
Néanmoins, comme l'ont relevé les premiers juges, le chiffre d'affaires total de la société Alter Ego en 2018 s'élève à la somme de 437.772 €. Compte tenu de cet élément et alors que le CIAP ne justifie ni de la réduction invoquée du nombre de prospects adressés par les conseillers en gestion de patrimoine, ni avoir interpellé la société Primaxia sur ce point, il apparaît que le lien de causalité entre la baisse du chiffre d'affaires réalisé grâce aux ventes Primaxia et la faute reprochée à cette dernière n'est pas établie. Le jugement déféré sera par conséquent confirmé en ce qu'il a débouté la société Alter Ego de sa demande indemnitaire au titre de la perte de chiffre d'affaires.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Compte tenu de la solution du litige, le jugement entrepris sera confirmé des chefs des dépens et des frais irrépétibles.
Par ailleurs, la SGIP qui succombe à titre principal, supportera les dépens d'appel dont distraction et sera condamnée à payer à la société Alter Ego et à M. [L] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement entrepris, sauf en celles de ses dispositions relatives au quantum de l'indemnité compensatrice et au point de départ des intérêts,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Condamne la Société Générale Immobilier Patrimonial à payer à la société Alter Ego Invest la somme de 210.000 € à titre d'indemnité compensatrice, avec intérêts au taux légal à compter du 7 avril 2021 ;
Condamne la Société Générale Immobilier Patrimonial aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître Oriane Dontot, JRF & Associés ;
Condamne la Société Générale Immobilier Patrimonial à payer à la société Alter Ego Invest et à M. [G] [L] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Bérangère MEURANT, Conseiller pour le Président empêché, et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.