Livv
Décisions

CA Nîmes, 4e ch. com., 26 janvier 2024, n° 22/02156

NÎMES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Les Quatre D (SCI)

Défendeur :

Meline (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Codol

Conseillers :

Mme Ougier, Mme Vareilles

Avocats :

Me Autric, Me Luce, Me Vajou, Me Bouvier

TJ Nîmes, du 29 avr. 2022, n° 20/03788

29 avril 2022

Par acte authentique du 9 février 1993, la SCI Les Quatre D a consenti un bail commercial à Madame [E] portant sur un local d'une superficie de 110 m² situé au rez-de-chaussée d'une maison à usage d'habitation et de commerce sise à [Localité 4]. Suivant acte authentique du 10 février 2003, la SCI Les Quatre D a renouvelé le bail commercial. Par acte du 4 août 2010, la société bailleresse a fait signifier à la société Univers Parfum le renouvellement du bail.

Le 10 août 2018, la société Univers Parfum a cédé son fonds de commerce à la société Meline aux fins d'exploitation d'un commerce de parfumerie et de produits de beauté.

A la suite de sa prise de possession des lieux, la société Meline s'est plainte de désordres consistant en des venues d'eau et une humidité ambiante du local commercial.

Par exploit du 3 décembre 2018, la société Meline a fait assigner la société Les Quatre D devant le juge de référés du tribunal de grande instance de Nîmes afin de voir ordonner une expertise. Par ordonnance du 23 janvier 2019, le juge des référés a fait droit à la demande de la société Méline et a commis à cet effet Monsieur [S] en qualité d'expert judiciaire.

Le 24 mai 2019, l'expert judiciaire a déposé son rapport.

Par exploit du 23 février 2020, la S.A.S. Meline a fait assigner la SCI Les Quatre D devant le juge des référés aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 15 972 euros à titre de provision à valoir sur les travaux de remise en état des lieux et la somme de 5 000 euros au titre de la provision à valoir sur le préjudice commercial d'exploitation subi, la somme de 2 872 euros correspondant aux frais et honoraires de l'expert judiciaire désigné et la somme de 3 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 24 juin 2020, le juge des référés a jugé ne pas avoir lieu à référé au motif que la société Les Quatre D aurait fait réaliser les travaux relatifs à la ventilation du local commercial et accepté le devis relatif à l'étanchéité de la toiture.

Par exploit du 5 août 2020, la S.A.S. Méline a fait assigner la SCI Les Quatre D devant le tribunal judiciaire de Nîmes aux fins de la voir condamner à entreprendre les travaux détaillés par l'expert judiciaire, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, à lui payer la somme de 100 000 euros en indemnisation des préjudices de jouissance de l'exploitation et à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code procédure civile, outre les frais et dépens de l'instance.

Par acte du 5 février 2021, la société Les Quatre D a fait délivrer à la société Meline un commandement de payer les loyers dus depuis le mois de mai 2020 et visant la clause résolutoire.

Par exploit du 4 mars 2021, la S.A.S. Meline a fait assigner la société Les Quatre D devant le tribunal judiciaire de Nîmes aux fins principales de voir annuler ce commandement de payer.

Par ordonnance du 16 septembre 2021, les instances ont été jointes.

Par jugement du 29 avril 2022, le tribunal judiciaire de Nîmes a :

-Dit que la SCI Les Quatre D a manqué à ses obligations contractuelles de bailleur ;

-Dit que les manquements contractuels de la SCI Les Quatre D à ses obligations de bailleur sont à l'origine des préjudices subis par la SAS Meline ;

-Dit que les manquements contractuels de la SCI Les Quatre D à ses obligations contractuelles justifient la suspension par la SAS Meline de son obligation de payer les loyers depuis le mois de mai 2020 jusqu'à la réalisation par la SCI Les Quatre D de l'intégralité des travaux préconisés par l'expert judiciaire [W] dans son rapport du 24 mai 2019 afin de mettre fin aux désordres affectant le local commercial ;

-Dit que le commandement de payer les loyers délivré le 05 février 2021 à l'encontre de la SAS Meline par la SCI Les Quatre D a été délivré de mauvaise foi par cette dernière ;

-Annulé le commandement de payer les loyers délivré le 05 février 2021 à l'encontre de la SAS Meline par la SCI Les Quatre D ;

-Condamné la SCI Les Quatre D à réaliser dans le délai de six mois à compter de la signification du présent jugement, les travaux de remise en état préconisés par l'expert judiciaire afin de mettre fin aux désordres affectant le local loué à savoir :

La reprise des enduits en façade (reprise de l'étanchéité du balconnet R+1 en résine et reprise gouttière EP)

L'installation d'un système de VMC prenant l'ai frais côté boulevard Gambetta (aspiration dans le magasin et faux plafond et rejet en toiture)

La mise en œuvre d'un déshumidificateur temporaire

Les travaux d'embellissement des plafonds

-Dit qu'à défaut de réalisation de l'intégralité des travaux décrits ci-dessus dans le délai susvisé, la SCI Les Quatre D sera condamnée à payer à la SAS Meline une astreinte de 500 euros par jour de retard pendant une période de 10 mois au-delà de laquelle il sera à nouveau statué en tant que de besoin par la juridiction de céans ;

-Autorisé la SAS Meline à consigner les loyers dus à la SCI Les Quatre D entre les mains de M. Le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats du barreau de Thonon les Bains jusqu'à la réalisation de l'intégralité des travaux en état du local permettant la reprise de l'exploitation du fonds de commerce par la SAS Meline ;

Et avant dire droit,

-Ordonné une mesure d'expertise judiciaire comptable confiée à Mme [K] [I]

Laquelle aura pour mission de : Chiffrer le préjudicie d'exploitation subi par la SAS Meline en raison des désordres engendrés par le non-respect par la SCI Les Quatre D de ses obligations contractuelles en distinguant

La période comprise entre le 09 août 2018 jusqu'au mois de mars 2020

La période comprise entre le mois de mai 2020 jusqu'à la fin de la réalisation de la totalité des travaux de réparation à la charge de la bailleresse préconisés par l'expert [W] dans son rapport du 24 mai 2019

Donner au tribunal tous éléments utiles à la résolution du litige ;

-Dit que l'expert judiciaire après avoir répondu aux dires éventuels formulés par les parties dans le délai qu'il leur aura imparti, devra déposer son rapport au plus tard le 31 janvier 2023 ;

-Ordonné à la SAS Meline de consigner à la régie d'avances et de recettes du tribunal judiciaire de Nîmes au plus tard le 2 juin 2022 une provision de 2 500 euros à valoir sur la rémunération de l'expert judiciaire ;

-Dit qu'à défaut de consignation de la totalité de la provision susvisée dans le délai indiqué ci-dessus, la désignation de l'expert sera caduque ;

-Ordonné aux parties de remettre à l'expert judiciaire tous documents qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission ;

-Désigné le juge en charge du contrôle des expertises judiciaires au sein du tribunal judiciaire de Nîmes aux fins d'assurer le contrôle des opérations d'expertises et de procéder le cas échéant d'office ou sur requête de l'une ou l'autre des parties au remplacement de l'expert ;

-Sursis à statuer sur les autres demandes ;

-Renvoyé le dossier à l'audience de mise en état du 9 mars 2023 à 8h30 ;

-Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement ;

-Réservé les dépens.

Le 24 juin 2022, la S.C.I. Les Quatre D a interjeté appel de ce jugement aux fins de le voir en toutes ses dispositions, à l'exception de ce qu'il a ordonné avant dire droit une mesure d'expertise judiciaire comptable.

***

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, l'appelante demande à la cour, au visa du bail commercial, des articles 1103, 1219, 1240, 1241, 1303, 1719 et suivants du code civil, de l'article L. 145-1 du code de commerce, de :

-Recevoir la SCI Les 4 D en son appel ;

-Infirmer en sa totalité le jugement rendu le 29 avril 2022 ;

Sur la réalisation des travaux,

-Constater que la SAS Meline a arrêté sans raison toute activité commerciale ;

-Constater que la SAS Meline a repris toute activité commerciale dans les locaux commerciaux ;

-Dire que la SCI Les 4 D a réalisé l'ensemble des travaux préconisés par l'expert judiciaire ;

-Dire en conséquence que la SCI Les 4 respecte son obligation d'entretien ;

-Dire que la SAS Meline interdit à la SCI Les 4 D d'entrer dans les lieux, et qu'elle se soustrait à une obligation essentielle contenue dans le contrat de bail ;

-Dire que la SCI Les 4 D se trouve être dans l'impossibilité de réaliser les travaux dans le local commercial ;

-Faire droit aux demandes reconventionnelles

En conséquence

Sur l'arriéré de loyers,

condamner la SAS MELINE sera condamnée au paiement des loyers courus sur la période du mois de mars au mois de décembre 2020, soit la somme de 5 775,83€, outre intérêts et frais.

Sur le contrôle des locaux commerciaux,

de voir condamner la SAS MELINE, de laisser la libre entrée des locaux commerciaux au bailleur, afin de procéder au contrôle des locaux et effectuer éventuellement les travaux de rafraichissement à l'intérieur des locaux commerciaux,

condamner la SAS Meline de justifier, les démarches entreprises auprès de son assureur.

Le tout sous bénéfice d'astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision.

Sur la perte d'exploitation,

-Dire que la SAS Meline ne justifie nullement d'une inexécution suffisamment grave du la SCI Le 4 D ;

-Dire que la SAS Meline ne rapporte pas la preuve de la perte d'exploitation ;

-En conséquence débouter la SAS Meline de sa demande en réparation concernant la perte d'exploitation commerciale ;

-Débouter la SAS Meline de sa demande ;

-Faire droit à la demande reconventionnelle de la SCI Les 4 D aux fins de condamnation de la SAS Meline au paiement de dommages et intérêts pour demande abusive ;

En conséquence,

-Condamner la SCI Les 4 D au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

-Condamner la SAS Meline à la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait valoir qu'elle a réalisé les travaux de ventilation, de toiture et de façade et qu'elle en rapporte la preuve. Elle a donc respecté son obligation de délivrance et d'entretien et si elle n'a pas terminé certains travaux, c'est en raison de la faute du preneur qui n'a pas permis l'accès à l'intérieur des locaux. La bailleresse soutient dès lors être en droit de réclamer l'arriéré de loyers et conteste l'existence de tout trouble de jouissance et d'un préjudice économique subi par le preneur, précisant que l'expertise-comptable n'est pas arrivée à terme.

***

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, l'intimée demande à la cour, au visa des articles 1103 et suivants nouveaux, 1719 et suivants du code civil, du rapport d'expertise de Monsieur [S] du 24 mai 2019, de :

-Confirmer le jugement du Tribunal Judiciaire de Nîmes du 29 avril 2022 en ce qu'il a :

Dit que la SCI Les Quatre D a manqué à ses obligations contractuelles de bailleur

Dit que les manquements contractuels de la SCI Les Quatre D à ses obligations de bailleur sont à l'origine des préjudices subis par la SAS Meline

Dit que les manquements contractuels de la SCI Les Quatre D à ses obligations contractuelles justifient la suspension par la SAS Meline de son obligation de payer les loyers depuis le mois de mai 2020 jusqu'à la réalisation par la SCI Les Quatre D de l'intégralité des travaux préconisés par l'expert judiciaire [W] dans son rapport du 24 mai 2019 afin de mettre fin aux désordres affectant le local commercial

Dit que le commandement de payer les loyers délivré le 05 février 2021 à l'encontre de la SAS Meline par la SCI Les Quatre D a été délivré de mauvaise foi par cette dernière

Annulé le commandement de payer les loyers délivré le 05 février 2021 à l'encontre de la SAS Meline par la SCI Les Quatre D

Autorisé la SAS MELINE à consigner les loyers dus à la SCI LES QUATRE D entre les mains de M. Le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats du barreau de Thonon les Bains jusqu'à la réalisation de l'intégralité des travaux en état du local permettant la reprise de l'exploitation du fonds de commerce par la SAS Meline

Et avant dire droit

Ordonné une mesure d'expertise judiciaire comptable confiée à Mme [K] [I]

Laquelle aura pour mission de : Chiffrer le préjudicie d'exploitation subi par la SAS Meline en raison des désordres engendrés par le non-respect par la SCI Les Quatre D de ses obligations contractuelles en distinguant

La période comprise entre le 09 août 2018 jusqu'au mois de mars 2020

La période comprise entre le mois de mai 2020 jusqu'à la fin de la réalisation de la totalité des travaux de réparation à la charge de la bailleresse préconisés par l'expert [W] dans son rapport du 24 mai 2019

Sursis à statuer sur les autres demandes.

-Débouter la SCI Les Quatre D de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires.

-Juger que la SCI Les Quatre D a manqué à ses obligations fondamentales d'entretenir la chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée, de délivrer la chose en bon état de réparations de toutes espèces et d'entreprendre toutes les réparations pouvant devenir nécessaires pendant la durée du bail.

-Juger que compte-tenu des désordres affectant le local loué à la SAS Meline, ceux-ci ont rendu ledit local impropre à sa destination dans la mesure où le fonctionnement de la parfumerie a été fortement perturbé vis-à-vis des clients et des employés.

-Juger que la SCI Les Quatre D n'est pas sans savoir que compte tenu de ces désordres rendant le local loué impropre à son usage, la SAS Meline a, pour des raisons d'hygiène et de sécurité, été contrainte de cesser provisoirement l'exploitation de son fonds de commerce et ce, du mois de mai 2020 au 1er décembre 2021 ;

-Juger que la SCI Les Quatre D n'a entrepris les travaux de remise en état préconisés par l'expert judiciaire aux termes de son rapport du 24 mai 2019 qu'au cours de l'année 2021.

-Juger que la SCI Meline n'a pu reprendre l'exploitation de fonds de commerce qu'au 1er décembre 2021

En conséquence,

-Débouter la SCI Les Quatre D de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Au soutien de ses prétentions, l'intimée expose que l'expert judiciaire a préconisé la réalisation de divers travaux de nature à remédier à l'entrée d'eau de pluie, l'absence totale de ventilation, la présence de moisissures à l'intérieur, les infiltrations en plafond de la salle de vente. Elle admet que certains travaux ont été achevés en mars 2021 mais pas les travaux d'embellissement du plafond qui n'ont été terminés qu'au mois de novembre 2021, de sorte qu'elle a pu reprendre l'exploitation de son fonds le 1er décembre 2021. Elle fait valoir que ces travaux ont débuté tardivement, après le 13 mai 2020 et qu'elle a subi de nouveaux désordres en mars et mai 2020. Elle soutient avoir subi un préjudice d'exploitation parce qu'elle a subi les désordres décrits par l'expert et a dû cesser son activité depuis le mois de mai 2020 jusqu'au 1er décembre 2021. Elle invoque également le bénéfice de l'exception d'inexécution en demandant à être dispensée du paiement de tout loyer entre mai 2020 et novembre 2020 inclus. Elle prétend que le commandement de payer est nul en ce qu'il a été délivré de mauvaise foi et en toute hypothèse, demande l'octroi de délais de paiement pour s'acquitter de l'arriéré de loyers.

***

Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

DISCUSSION

Sur l'obligation de délivrance :

L'article 1719 du code civil dispose : «Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :

1 De délivrer au preneur la chose louée (')

2 D'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ;

3 D'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ;

4 D'assurer également la permanence et la qualité des plantations ».

En application de l'article 1720 du code civil, « le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce.

Il doit y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives. »

Ainsi les articles 1719 et 1720 du code civil font peser sur le bailleur une obligation de délivrance : le bien loué doit être mis à disposition du locataire à la date convenue, dans un état conforme à la destination convenue. En cours de bail, il doit entretenir le bien loué et ainsi veiller à ce que la chose soit toujours en état de servir à l'usage prévu et doit s'abstenir de toute action pouvant troubler la jouissance du preneur. Cette obligation de délivrance est l'obligation principale du bailleur. S'agissant d'un bail commercial, il appartient au bailleur de mettre et donc de maintenir le locataire dans des conditions lui permettant d'exploiter les locaux mis à disposition conformément à leur destination contractuelle. Le locataire doit pouvoir jouir paisiblement des lieux loués pendant toute la durée du bail.

En l'espèce, l'expert judiciaire, qui s'est rendu sur les lieux le 22 février 2019 et a déposé son rapport en mai 209, constate : « lorsqu'on rentre dans les lieux, des odeurs nauséabondes vous saisissent ». Il relève une entrée d'eau de pluie par la façade Est qui corrode les armatures du béton et pénètre dans le local du rez-de-chaussée, une absence de VMC, une forte odeur nauséabonde due à l'absence de ventilation et de déshumidificateur, des vitres tachées de moisissure pour les mêmes raisons, des infiltrations en plafond causées par des dégâts des eaux provenant des étages supérieurs.

L'expert judiciaire énonce que les désordres relevés rendent l'immeuble impropre à sa destination dans la mesure où le fonctionnement de la parfumerie est fortement perturbé vis-à-vis des clients et des employés.

Il préconise la reprise des enduits de façade, l'installation d'un système de VMC, la mise en œuvre d'un déshumidificateur temporaire et des travaux d'embellissement du plafond.

Le 12 mai 2020, un huissier constatait encore une forte odeur d'humidité et une inondation provenant du plafond.

L'appelante soutient avoir effectué les travaux de la VMC les 20 et 21 août 2019, pour une mise en service au 21 août 2019, la facture étant établie le 28 septembre 2019, de la toiture courant 2020 (facture du 22 juin 2020) et de rénovation de la façade en décembre 2020. Il prétend avoir trouvé porte close le 23 juillet 2020 lorsqu'il a voulu livrer le déshumidificateur (pièce 22 de l'intimée ' courrier du 24 juillet 2020 de la bailleresse).

Il ressort d'un constat d'huissier du 11 mars 2021 que seul demeurait en suspens les travaux d'embellissement du plafond puisque l'huissier, requis par la bailleresse, a constaté que la peinture du plafond était craquelée et présentait des traces d'humidité (auréoles jaunâtres).

En tout état de cause, le preneur admet dans ses écritures que « les travaux se sont achevés au cours du mois de novembre 2021 et que la SAS MELINE a pu reprendre l'exploitation de son fonds au sein des locaux de la SCI LES QUATRE D qu'au 1er décembre 2021 ». S'il n'est pas justifié des travaux d'embellissement du plafond, l'exploitation des lieux loués a pu effectivement reprendre, comme l'atteste un constat d'huissier des 3 et 10 mai 2022.

Dans ces conditions, les dispositions suivantes du jugement :

« -Condamné la SCI Les Quatre D à réaliser dans le délai de six mois à compter de la signification du présent jugement, les travaux de remise en état préconisés par l'expert judiciaire afin de mettre fin aux désordres affectant le local loué à savoir :

La reprise des enduits en façade (reprise de l'étanchéité du balconnet R+1 en résine et reprise gouttière EP)

L'installation d'un système de VMC prenant l'ai frais côté boulevard Gambetta (aspiration dans le magasin et faux plafond et rejet en toiture)

La mise en œuvre d'un déshumidificateur temporaire

-Dit qu'à défaut de réalisation de l'intégralité des travaux décrits ci-dessus dans le délai susvisé, la SCI Les Quatre D sera condamnée à payer à la SAS Meline une astreinte de 500 euros par jour de retard pendant une période de 10 mois au-delà de laquelle il sera à nouveau statué en tant que de besoin par la juridiction de céans ; «

N'ont plus de raisons d'être et doivent être infirmées. Au demeurant, le preneur écrit lui-même, au dernier paragraphe de la page 13 de ses conclusions « qu'une telle condamnation n'a plus d'objet ».

A défaut de justification de la réalisation des travaux d'embellissement du plafond, la condamnation de reprise de ce désordre sous astreinte sera confirmée.

Sur l'exception d'inexécution :

Il résulte des constatations de l'expert que la bailleresse n'a pas permis au preneur d'exploiter les locaux mis à sa disposition conformément à leur destination contractuelle. En effet, l'odeur nauséabonde du local était de nature à faire fuir la clientèle et l'humidité prégnante était de nature à affecter la santé des personnes y travaillant. Le constat d'huissier du 12 mai 2020 fait état d'une inondation provenant du plafond avec un goutte-à-goutte s'infiltrant via les emplacements recevant les spots, de produits à la vente et de matériel dégradés par les entrées d'eau.

Le preneur se trouvait donc dans l'impossibilité d'exploiter les lieux rendus insalubres par cette humidité permanente.

Dans ce contexte, le commandement de payer du 5 février 2021, mentionnant la clause résolutoire et visant l'article L.145-41 du code de commerce, qui porte sur les loyers dus de mai à décembre 2020, a été délivré de mauvaise foi. En effet, la bailleresse reconnaît elle-même que les travaux ' hors embellissement des plafonds - ont été terminés en décembre 2020. Elle avait connaissance des conclusions de l'expert judiciaire qui mentionnait un local impropre à sa destination et elle était assignée en exécution des travaux préconisés par l'expert devant le tribunal judiciaire depuis le mois d'août 2020. Il ressort de ses propres écritures que le devis de réfection de la toiture a été accepté avec mission au mois de mars 2020 et les travaux n'étaient manifestement pas terminés en mai 2020 eu égard au dégât des eaux constatés par l'huissier de justice et la facturation ultérieure. Si la bailleresse fait état à juste titre des lenteurs causées par les autorisations administratives nécessaires à la rénovation de façade, il demeure que pendant ce temps, la façade était infiltrée par les eaux de pluie et ce, jusqu'en décembre 2020, date de réalisation des travaux de réfection de cette façade.

Par conséquent, le preneur est en droit de se prévaloir d'une inexécution de son obligation à paiement des loyers en raison d'une inexécution de l'obligation de délivrance et d'entretien par la bailleresse.

Ainsi, le commandement de payer est dépourvu de tout effet, mais non nul. Dès lors, le preneur ne peut être condamné au paiement de la somme de de 5 775,83€, outre intérêts et frais alors qu'il était dans l'impossibilité de jouir des lieux loués de mars à décembre 2020.

Le preneur sera par contre débouté de sa demande en dispense de tout paiement de loyer de janvier à novembre 2021. A cette date, il restait en suspens les travaux d'embellissement du plafond qui n'empêchaient pas d'user le bien loué conformément à sa destination contractuelle, le dommage étant essentiellement esthétique.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

Sur le préjudice du preneur :

Il n'a pas été interjeté appel, principal ou incident de la disposition relative à l'organisation d'une expertise judiciaire sur le préjudice. L'appréciation du préjudice subi par le preneur n'est donc pas dévolu à la cour.

Sur les frais de l'instance :

Le preneur reçoit partiellement satisfaction, de sorte que l'abus de procédure n'est pas démontré.

La bailleresse, qui a exécuté les travaux lui incombant en cours de procédure et qui succombe dans la plupart de ses demandes, devra supporter les dépens de l'instance et payer au preneur une somme équitablement arbitrée à 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :

-condamné la SCI Les Quatre D à réaliser dans le délai de six mois à compter de la signification du présent jugement, les travaux de remise en état préconisés par l'expert judiciaire afin de mettre fin aux désordres affectant le local loué à savoir :

La reprise des enduits en façade (reprise de l'étanchéité du balconnet R+1 en résine et reprise gouttière EP)

L'installation d'un système de VMC prenant l'ai frais côté boulevard Gambetta (aspiration dans le magasin et faux plafond et rejet en toiture)

La mise en œuvre d'un déshumidificateur temporaire

-Dit qu'à défaut de réalisation de l'intégralité des travaux décrits ci-dessus dans le délai susvisé, la SCI Les Quatre D sera condamnée à payer à la SAS Meline une astreinte de 500 euros par jour de retard pendant une période de 10 mois au-delà de laquelle il sera à nouveau statué en tant que de besoin par la juridiction de céans ;

Dit que les manquements contractuels de la SCI Les Quatre D à ses obligations contractuelles justifient la suspension par la SAS Meline de son obligation de payer les loyers depuis le mois de mai 2020 jusqu'à la réalisation par la SCI Les Quatre D de l'intégralité des travaux préconisés par l'expert judiciaire [W] dans son rapport du 24 mai 2019 afin de mettre fin aux désordres affectant le local commercial

Annulé le commandement de payer les loyers délivré le 05 février 2021 à l'encontre de la SAS Meline par la SCI Les Quatre D,

Le confirme en ce qu'il a condamné la SCI Les Quatre D à réaliser dans le délai de six mois à compter de la signification du présent jugement, les travaux d'embellissement du plafond et dit qu'à défaut de réalisation de l'intégralité des travaux décrits ci-dessus dans le délai susvisé, la SCI Les Quatre D sera condamnée à payer à la SAS Meline une astreinte de 500 euros par jour de retard pendant une période de 10 mois au-delà de laquelle il sera à nouveau statué en tant que de besoin par la juridiction de céans (tribunal judiciaire de Nîmes);

Et statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées,

Dit que les travaux de remise en état préconisés par l'expert, hormis les embellissements du plafond, ont été réalisés,

Dit que le commandement de payer les loyers de mars à décembre 2020, délivré le 5 février 2021 est sans effet,

Déboute la SAS Meline de sa demande en dispense de tout paiement de loyer de janvier à novembre 2021,

Confirme le jugement déféré en ses autres dispositions déférées à la cour,

Y ajoutant,

Déboute la SCI Les Quatre D de sa demande en paiement de la somme de 5 775,83€, outre intérêts et frais, correspondant aux loyers des mois de mars à décembre 2020, de sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive,

Dit que la SCI Les Quatre D supportera les dépens d'appel et payera à la SAS Meline une somme de 2 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par la présidente et par la greffiere.