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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 3, 25 janvier 2024, n° 20/14692

PARIS

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Diffusion des Produits du Batiment (SASU)

Défendeur :

Expo Luminaires (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Recoules

Conseillers :

Mme Leroy, Mme Lebée

Avocats :

Me Boccon Gibod, Me Lyncee, Me Baechlin, Me Mac Grath

Caen, 2e ch. civ. et com., du 16 mai 201…

16 mai 2019

FAITS ET PROCÉDURE

La SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) est propriétaire de locaux commerciaux situés [Adresse 8], à [Localité 4] et donnés à bail commercial assorti de conditions suspensives à la SARL Expo Luminaires par acte authentique du 12 octobre 2001.

Par acte authentique du 05 novembre 2002, les parties ont constaté la réalisation des conditions et convenu que le bail avait commencé à courir à compter du 15 novembre 2002 pour se terminer le 14 novembre 2011, le montant du loyer annuel étant de 78.528 € HT, payable par trimestre et d'avance.

A la suite des révisions du loyer, calculées sur la base de l'indice du coût national de la construction publié par l'INSEE, son montant a été porté à 111.525 €.

Par acte extrajudiciaire délivré le 19 mai 2014, la SARL Expo Luminaires a sollicité le renouvellement du bail poursuivi par tacite reconduction, conformément aux dispositions de l'article L. 145-10 du code de commerce, à compter du 1er juillet 2014, moyennant un loyer annuel de 100.000 € HT.

Par acte extrajudiciaire délivré le 18 août 2014, la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) a accepté dans son principe le renouvellement du bail à compter du 1er juillet 2014 sans acquiescer à la proposition de diminution du loyer qu'elle entendait voir porter à la somme de 161.995 €.

Par exploit introductif d'instance du 07 juillet 2016, la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) a fait assigner la SARL Expo Luminaires devant le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Caen aux fins de fixation de la valeur locative et du prix du bail renouvelé.

Par jugement du 27 avril 2017, le tribunal de grande instance de Caen a :

- dit que le bail conclu entre la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) et la SARL Expo Luminaires s'est trouvé renouvelé à compter du 1er juillet 2014 ;

- fixé le prix du bail renouvelé sur la base de 100 € hors taxes et hors charges par mètre carré et par an soit 89.200 €/an hors taxes et hors charges ;

- condamné la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) à payer à la SARL Expo Luminaires les surloyers qu'elle lui a versés depuis le 1er juillet 2014, avec intérêts de droit, ainsi que le solde résultant du réajustement du dépôt de garantie ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

- condamné la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) à payer à la SARL Expo Luminaires la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) aux dépens.

La SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) a interjeté appel de cette décision le 22 juin 2017.

Par un arrêt du 16 mai 2019, la Cour d'appel de Caen a :

- réformé le jugement rendu le 27 avril 2017 par le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Caen sauf dans ses dispositions disant que le bail conclu entre la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) et la SARL Expo Luminaires s'est trouvé renouvelé à compter du 1er juillet 2014, condamnant la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) à payer à la SARL Expo Luminaires les surloyers qu'elle lui a versés depuis le 1er juillet 2014 avec intérêts de droit, et le solde résultant du réajustement du dépôt de garantie, la somme de 1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens de première instance qui sont confirmées ;

Statuant sur les dispositions réformées et y ajoutant,

- débouté la SARL Expo Luminaires de sa demande subsidiaire d'expertise,

- fixé le loyer annuel dû par la SARL Expo Luminaires à la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) à la somme de 83.464,20 € hors taxes et hors charges à compter du 1er juillet 2014 ;

- fait masse des sommes dues par la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) à la SARL Expo Luminaires au titre des surloyers acquittés depuis le 1er juillet 2014 jusqu'à la date du présent arrêt ,des intérêts de droit produits par chacun d'eux à compter de chaque échéance et du solde résultant du réajustement du dépôt de garantie et ordonne la capitalisation des intérêts produits par ces sommes conformément aux dispositions de l'article 1154 ancien du code civil ;

- condamné la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) aux dépens de la procédure d'appel que Maître Stéphane Pieuchot, membre de l'AARPI Pieuchot et associés, sera autorisé à recouvrer directement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- condamné la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) à payer à la SARL Expo Luminaires la somme de 6.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) de sa demande fondée sur ce texte.

La SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) a formé le pourvoi n° R 19-19.433 contre l'arrêt rendu le 16 mai 2019 par la cour d'appel de Caen.

Par un arrêt du 17 septembre 2020, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a :

- cassé et annulé en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;

- remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

- condamné la SARL Expo Luminaires aux dépens ;

- en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par la SARL Expo Luminaires et l'a condamnée à payer la somme de 3.000 € à la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) ;

- dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé.

La déclaration de saisine a été effectuée par la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) le 14 octobre 2020.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 18 octobre 2023.

Par conclusions de procédure déposées le 20 novembre 2023, la SARL Expo Luminaires a sollicité de voir déclarer irrecevables les conclusions signifiées et communiquées par la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) le 17 octobre 2023, qu'elle estime tardives.

Par conclusions de procédure déposées le 20 novembre 2023, la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) a sollicité de voir déclarer recevables ses conclusions signifiées et communiquées le 17 octobre 2023 et en conséquence de débouter la SARL Expo Luminaires de l'ensemble de ses demandes.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Vu les conclusions déposées le 17 octobre 2023 par lesquelles la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA), appelante, demande à la Cour de:

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Caen le 27 avril 2017 en ce qu'il a acté du renouvellement du bail à compter du 1er juillet 2014 ;

- réformer le jugement du 27 avril 2017 en ce qu'il a :

- fixé le prix du bail renouvelé sur la base de 100 € hors taxes et hors charges par mètre carré et par an soit 89.200 €/an hors taxes et hors charges ;

- condamné la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) à payer à la SARL Expo Luminaires les surloyers qu'elle lui a versés depuis le 1er juillet 2014, avec intérêts de droit, ainsi que le solde résultant du réajustement du dépôt de garantie ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

- condamné la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) à payer à la SARL Expo Luminaires la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) aux dépens.

- juger que la règle du plafonnement ne s'applique pas aux locaux loués par la SARL Expo Luminaires lesquels constituent des locaux monovalents au sens de l'article R. 145-10 du code de commerce ;

- juger qu'en tout état de cause la modification notable de plusieurs éléments de la valeur locative des locaux loués à la SARL Expo Luminaires justifie le déplafonnement du loyer de renouvellement;

En conséquence :

- ordonner le déplafonnement du loyer de renouvellement du bail renouvelé à compter du 1er juillet 2014 ;

- fixer le loyer à compter du 1er juillet 2014 à hauteur de la somme de 161.995 € hors taxes hors charges par an pour les locaux situés à [Localité 4] [Adresse 8] ; ou subsidiairement à la somme de 121.000 € hors taxes et hors charges par an ;

- fixer au passif de la procédure de sauvegarde la créance de la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) :

- A titre principal, l'arriéré de loyer correspondant à la différence entre le nouveau loyer de 161.995 € et le loyer fixé par la cour d'appel, soit la somme de 983.258,02 € HT HC, sur la période allant de juillet 2014 à 28 juin 2023, outre les intérêts de droit, à actualiser à la date de la décision à intervenir ;

- A titre subsidiaire, l'arriéré de loyer correspondant à la différence entre le nouveau loyer de 121.000 € et le loyer fixé par la cour d'appel, soit la somme de 444.114,82 € hors taxes et hors charges, soit 532.937,79 € TTC et hors charges, avec les intérêts de droit, à actualiser à la date de la décision à intervenir ;

- fixer au passif de la procédure de sauvegarde la créance de la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) la somme de 20.867 € correspondant au réajustement du dépôt de garantie ; ou subsidiairement la somme de 16.124,67 € ;

- ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 ancien du code civil ;

- débouter la SARL Expo Luminaires et Maître [F] [X], ès qualités de mandataire judiciaire de Expo luminaires de l'ensemble de leurs prétentions ;

- fixer au passif de la procédure de sauvegarde la créance de la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) la somme de 25.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outres les entiers dépens de la présente instance, des instances précédentes devant le tribunal de grande instance de Caen, cour d'appel de Caen et Cour de cassation, ainsi que les frais d'expertise judiciaire.

Vu les conclusions déposées le 15 septembre 2023 par lesquelles la société Expo Luminaires, intimée, et Maître [F] [X], intervenant volontaire et intimé, demande à la Cour de :

- donner à Maître [F] [X] ès qualités de mandataire judiciaire de la société Expo luminaires de ce qu'il entend intervenir volontairement sur la cause et de ce qu'il donne adjonction aux conclusions prises au soutien des intérêts de cette dernière dans le cadre de l'appel interjeté par la société DI.PRO.BA à l'encontre du jugement rendu le 27 avril 2017 par le tribunal de grande instance de Caen.

Ce faisant,

Vu les articles L. 145-33 et suivants du code de commerce,

Vu les articles R. 145-23 et suivants du code de commerce,

- juger irrecevables et à tout le moins infondées les prétentions de la société DI.PRO.BA en appel ;

- juger recevables et bien fondées les prétentions en appel de la société Expo luminaires;

Par conséquent :

- infirmer le Jugement rendu par le tribunal de grande instance de Caen le 27 avril 2017, en ce qu'il fixe le prix du bail renouvelé sur la base de 100 euros hors taxes et hors charges, par mètre carré et par an, soit 89.200 €/an hors taxes et hors charges,

Statuant à nouveau :

- juger que les locaux donnés en location par la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) à la SARL Expo Luminaires sont constitués d'un entrepôt commercial qui ne présente pas les caractéristiques d'un local monovalent.

- débouter en conséquence la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) de sa demande de déplafonnement du loyer.

- juger qu'il a été livré à la SARL Expo Luminaires un entrepôt commercial brut de décoffrage.

- juger que les travaux entrepris par la SARL Expo Luminaires ont permis l'adaptation des locaux loués à leur destination contractuelle.

- juger que l'accession contractuellement stipulée ne peut jouer à l'occasion du renouvellement puisqu'elle a été stipulée au départ du locataire et ne peut donc jouer qu'à la fin des relations contractuelles.

En conséquence,

- juger que les travaux d'adaptation à la destination contractuelle réalisés par la société Expo luminaires ne peuvent être invoqués par la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA), et que l'appréciation de la valeur locative ne peut tenir compte que de la configuration des lieux avant travaux, soit sous forme d'entrepôt commercial brut de décoffrage.

- confirmer en cela les dispositions du jugement entrepris.

Pour le surplus et sur la valeur locative,

- infirmer la décision entreprise sur la valeur locative.

- fixer la valeur locative et le prix du bail renouvelé à la somme de 38.095 € HT et HC à compter du 1er juillet 2014.

- confirmer le jugement entrepris pour le surplus, notamment en ce qu'il a :

- condamné la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) à rembourser à la SARL Expo Luminaires l'ensemble des surloyers versés sur la période du 1er juillet 2014 jusqu'à la date de la décision à intervenir, outre intérêts de droit à compter de chaque échéance.

- condamné la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) à rembourser à la société Expo luminaires le solde résultant du réajustement du dépôt de garantie.

- fait masse de l'ensemble de ces sommes ;

- condamné la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) à régler à la SARL Expo Luminaires une somme de 1.500 € au titre de l'article 700 de première instance ainsi qu'aux dépens de première instance.

- Y ajoutant, ordonner la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1154 du code civil (article 1343-2 nouveau), à compter de la première demande

En tout état de cause,

- débouter la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

- condamner la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) à verser à la SARL Expo Luminaires une indemnité complémentaire qu'il apparaît équitable de fixer à 12.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) aux entiers dépens.

- accorder à Maître [D] [R], le bénéfice du droit de recouvrement direct instauré par l'article 699 du code de procédure civile.

SUR CE,

1) Sur la recevabilité des écritures de la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) signifiées le 17 octobre 2023

Aux termes de l'article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.

En vertu de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.

En application de ces deux dispositions, les conclusions déposées le jour même de la clôture sont recevables si elles sont prises en réplique à des conclusions adverses et ne soulèvent ni moyens nouveaux ni prétentions nouvelles, ou se bornent à actualiser le montant des sommes demandées.

Au cas d'espèce, il résulte de la lecture des dernières écritures signifiées au fond par la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) le 17 octobre 2023, soit la veille de la clôture, que cette dernière s'y est contentée d'actualiser ses écritures afin de tenir compte de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde au bénéfice de la SARL Expo Luminaires, en modifiant ses conclusions afin de substituer le terme « condamner » par « fixer au passif », sans pour autant modifier son argumentation au fond.

Si elle a communiqué également six nouvelles pièces à l'appui de ces dernières écritures, ces pièces se contentent de justifier de la procédure collective de la SARL Expo Luminaires (avis publication BODACC et déclaration de créances), d'une procédure devant le juge de l'exécution, dont la SARL Expo Luminaires a nécessairement connaissance, et d'un décompte actualisé des sommes réclamées, de sorte que ces pièces, certes communiquées la veille de l'audience, n'empêchaient pas l'exercice effectif des droits de la défense de la SARL Expo Luminaires, qui avait déjà connaissance de l'ensemble de ces éléments afférents à des procédures judiciaires, et qui ne saurait venir invoquer une violation du principe du contradictoire pour la seule actualisation des sommes réclamées.

En conséquence, les écritures signifiées le 17 octobre 2023 par la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) ainsi que les six pièces seront déclarées recevables.

2) Sur le loyer révisé

Aux termes de l'article L. 145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative qui, à défaut d'accord, est déterminée d'après:

1° les caractéristiques du local considéré, lesquelles s'apprécient en considération des critères fixés à l'article R 145-3 du même code ;

2° la destination des lieux ;

3° les obligations respectives des parties ;

4° les facteurs locaux de commercialité ;

5° les prix couramment pratiques dans le voisinage.

Le loyer ainsi obtenu doit cependant être plafonné selon les conditions posées par l'article L. 145-34 du code de commerce lequel prévoit, dans sa rédaction applicable au litige, qu'à moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L.145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré de l'indice national trimestriel mesurant le coût de la construction ou, s'il est applicable, de 1'indice trimestriel des loyers commerciaux.

S'agissant des facteurs locaux de commercialité visés à l'article L. 145-33, 4°, l'article R. 145-6 du code de commerce précise que ceux-ci dépendent principalement de l'intérêt que représente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que les éléments subissent d'une manière durable ou provisoire. Il appartient enfin au bailleur qui se prévaut d'une modification notable des caractéristiques du local considéré, de la destination des lieux, des obligations respectives des parties ou des facteurs locaux de commercialité, à l'appui d'une demande de déplafonnement du loyer, d'en rapporter la preuve.

Il résulte des articles L. 145-33, L. 145-34, R. 145-3 et R. 145-8 du code de commerce que la réalisation par le preneur à ses seuls frais au cours du bail expiré de travaux modifiant notablement les caractéristiques du local loué et ne consistant pas en une simple amélioration des locaux justifie le déplafonnement du prix du bail lors du premier renouvellement. En outre, il appartient au bailleur de prouver qu'il y a eu au cours du bail expiré une modification des caractéristiques des locaux loués.

Aux termes du jugement du 27 avril 2017, le premier juge a dit que le loyer du bail renouvelé n'était pas soumis à plafonnement et devait correspondre à la valeur locative, et l'a fixé à compter du 1er juillet 2014 à la somme annuelle de 89.200 € /an hors charges et taxes après avoir considéré que :

- si la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) estime que les obligations respectives des parties ont évolué en ce que les dépenses de grosses réparations qui étaient stipulées dans le contrat de bail à la charge du preneur ont été à sa charge, à la date du 1er juillet 2014, date du renouvellement accepté du bail, ces dépenses étaient stipulées dans le contrat de bail à la charge du preneur, de sorte que la bailleresse n'est pas fondée à considérer qu'il y a eu une modification notable des obligations des parties,

- par ailleurs, si la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) invoque la monovalence des locaux loués afin d'obtenir un déplafonnement du louer, le contrat de bail prévoit toutefois « qu'il pourra être exercé dans les lieux loués toute activité commerciale ou artisanale », les lieux étant remis au preneur « brut de décoffrage » à charge pour lui de réaliser à ses frais les agencement nécessaires à son activité,

- en outre, il n'est pas établi d'un point de vue matériel que les locaux présenteraient un caractère monovalent, la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) ne justifiant pas que la pose de poutres d'IPN de soutien ainsi que des treillages au niveau du plafond, dans un local qualifié lors de sa remise de « brut de décoffrage », c'est à dire vide et nu, constitueraient des aménagements caractérisant une monovalence, limitant ou empêchant l'exploitation d'autres activités que celle exercée par la SARL Expo Luminaires et que ces aménagements ne sont pas démontables en vue de retrouver les lieux tels que mis à disposition du preneur au début du bail,

- si la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) invoque une évolution favorable des facteurs de commercialité pour justifier le déplafonnement du loyer, ce moyen doit être apprécié dans le cadre plus large de la valeur locative,

- Or, dans le vaste secteur commercial où se situent les locaux commerciaux exploités par la SARL Expo Luminaires, il faut souligner que les clients y accèdent essentiellement par l'automobi1e, la question de l'emplacement de l'immeuble et sa visibilité par rapport au 'ux routier étant donc déterminante pour en apprécier l'attractivité et la valeur locative ; or, les locaux loués par la SARL Expo Luminaires ont connus depuis l'ouverture de la zone commerciale [Adresse 7], en 'n d'année 2013, des changements substantiels défavorables concernant la voirie routière et le 'ux routier, le 'ux routier passant initial, avant la création de la zone [Adresse 7], étant manifestement plus important qu'actuellement, donc porteur commercialement, d'une part en raison du déplacement de la première entrée en venant de [Localité 6] pour se rendre au centre commercial [Localité 4] 2, alors que le bien est situé précisément au niveau d'un rond-point qui en était l'accès privilégié avec un effet vitrine, et d'autre part en ce que l'accès maintenu en venant de [Localité 6], a été préalablement dirigé dans la zone commerciale [Adresse 7], ce qui est un nouveau frein à l'attrait commercial des locaux exploités par la SARL Expo Luminaires, cette perte de 'ux routier étant d'autant plus préjudiciable que le client motorisé fréquentant les zones commerciales est souvent peu prompt à faire d'importants déplacements en tant que piéton, surtout en présence de voies routières,

- il y a lieu de considérer, pour déterminer la valeur locative des locaux loués par la SARL Expo Luminaires, que leur description initiale lors de la conclusion du bail en 2001 (état brut de décoffrage) doit continuer à être prise en compte, le preneur ayant du les aménager pour les rendre exploitables, et que, relativement à la valeur locative proprement dite à la date du renouvellement du bail au 1er juillet 2014, elle doit tenir compte de 1'évolution défavorable des facteurs locaux de commercialité liée aux modi'cations importantes de 'ux routier avec l'ouverture 'n 2013 de la zone commerciale voisine [Adresse 7], qui n'ont été compensés par aucune autre évolution favorable, ce que les références de location citées a partir des données de M. [T] expert ne permettent pas de contredire, s'agissant de références reposant sur des accords antérieurs à 2013, et qui ne se situent pas à proximité immédiate des locaux loués ou qui n'ont pas connu de modi'cations semblables de circulation,

- Ainsi, les locaux loués par la SARL Expo Luminaires à la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA), d'une surface de 892 m² que les débats ont permis de préciser, qui représentait à la conclusion du bail une valeur locative de 88 € H.T./m² (78.528 €/892 m²), doivent être évalués à la date du 1er juillet 2014 à la valeur locative de 89.200 € H.T. par an (892 m² x 100 € H.T./m²).

La SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) sollicite l'infirmation du jugement querellé de ce chef, et la fixation du loyer déplafonné à la somme de 161.995 € HT/HC à titre principal et subsidiairement à la somme de 121.000 € HT/HC par an, et la fixation au passif de la procédure de la SARL Expo Luminaires de l'arriéré de loyer en découlant.

Au soutien de ses prétentions, la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) excipe de la monovalence du local loué afin d'écarter le plafonnement du loyer renouvelé, en faisant valoir pour l'essentiel que si l'article R. 145-10 du code de commerce n'envisage expressément que la construction en vue d'une seule utilisation, la jurisprudence a étendu le régime des locaux monovalents à ceux qui ont été aménagés dans cette même perspective.

Or, conformément à la jurisprudence, sont monovalents les locaux construits ou aménagés en vue d'une seule utilisation ne pouvant être affectés à une autre activité sans des travaux importants et coûteux, le bailleur ne pouvant se prévaloir, pour voir retenir la qualification de locaux monovalents, des travaux d'aménagements réalisés par le preneur que s'ils sont devenus sa propriété par accession.

Or, les aménagements réalisés par le preneur dans les locaux loués seraient de nature à leur conférer le caractère monovalent, dès lors que les travaux menés ont conduit à une lourde transformation par le preneur pour un montant que la SARL Expo Luminaires estime elle-même à plus de 200.000 €, que les locaux ne pourront être affectés à une autre destination sans des travaux importants et coûteux et que si le juge ne pouvait se contenter d'écarter la monovalence des locaux aux seuls motifs que si le bail stipule qu'il peut être exercé dans ces derniers toute activité commerciale ou artisanale et qu'ils étaient livrés "brut de décoffrage" au preneur, il convient cependant de procéder à une analyse des critères objectifs liés aux caractéristiques des locaux qui ont fait accession au bailleur dès lors qu'ils ont été autorisés par le bailleur ont fait accession à son bénéfice, de sorte que ce dernier peut s'en prévaloir pour justifier le caractère monovalent des locaux.

La SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) invoque par ailleurs pour voir ordonner le déplafonnement du loyer la modification des caractéristiques des locaux loués et améliorations réalisées dans les lieux, le bailleur pouvant invoquer les travaux exécutés par le preneur dans les locaux loués comme motif de déplafonnement pour obtenir la fixation du loyer à la valeur locative en vertu de l'article R. 145-8 du code de commerce.

Il appartiendrait ainsi aux juges du fond de qualifier les travaux et de dire s'ils relèvent de l'article R. 145-3, auquel cas le déplafonnement doit être demandé par le bailleur lors du premier renouvellement, ou de l'article R. 145-8, auquel cas le déplafonnement ne peut intervenir qu'à l'occasion du second renouvellement, sauf si le bailleur en a assumé la charge directement ou indirectement, en procédant à une distinction entre les travaux indispensables sans lesquels l'activité ne pourrait être exercée et ceux qui les excèdent, lesquels constitueraient alors des travaux d'amélioration ou de modification des caractéristiques du local.

Or, la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) soutient que les travaux réalisés par le preneur dans les locaux auraient la double nature de l'article R. 145-3 et de l'article R. 145- 8, de sorte que le bailleur pourrait, sur le fondement de l'un ou l'autre de ces deux textes, s'en prévaloir, ce d'autant qu'il a participé directement - en prenant à sa charge la moitié des frais de réception - et indirectement, par le biais d'une franchise et d'une réduction du loyer d'un montant global de près de 130.000 €, au coût des travaux, le rendant ainsi fondé à invoquer le déplafonnement à l'occasion du premier renouvellement du bail, les travaux strictement nécessaires à l'adaptation des locaux loués à l'activité du preneur ne représentant qu'un montant de 44.356,59 € HT, soit 22 % du coût total de 200.000 € que la preneuse prétend avoir engagé.

La SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) relève en outre une modification des obligations respectives des parties et des charges en ce que le bail expiré mettait à la charge du preneur toutes les réparations, y compris celles visées par l'article 606 du code civil et que contrairement à ces stipulations, le bailleur aurait toujours assumé les grosses réparations relevant de l'article 606 du code civil, en lieu et place du preneur, ce dont il s'inférerait une modification notable des obligations respectives des parties de nature à entraîner une modification de l'équilibre contractuel entre les parties ainsi que le déplafonnement du loyer. Elle souligne que le preneur ne saurait affirmer qu'il n'aurait pas acquiescé à la modification du bail proposée par le bailleur dès lors que cette dernière ne ferait que refléter la situation de fait consécutive à la carence du preneur dans l'exécution de ses obligations.

Enfin, la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) argue d'une modification notable des facteurs locaux de commercialité au cours du bail, résultant des trois rapports d'expertise, dès lors qu'elle est de nature à avoir une incidence favorable sur l'activité commerciale exercée par le preneur, peu important que la société locataire n'ait pas su profiter de l'évolution des facteurs locaux de commercialité constatée, notamment en augmentant son chiffre d'affaires.

La SARL Expo Luminaires s'oppose à cette argumentation et sollicite l'infirmation du jugement querellé et la fixation du loyer renouvelé à la somme de 38.095 € HT/HC à compter du 1er juillet 2014, en contestant pour l'essentiel le déplafonnement du loyer demandé, l'article L. 145-34 du code de commerce posant le principe du plafonnement du loyer en renouvellement, à moins d'une modification notable des éléments mentionnés au 1er au 4e de l'article L. 145-33 au cours du bail expiré.

Or, la SARL Expo Luminaires conteste toute modification des obligations respectives des parties au titre des travaux relevant de l'article 606 du code civil, modification à laquelle elle n'aurait jamais acquiescé.

A ce titre, la SARL Expo Luminaires argue que l'exécution spontanée par la bailleresse d'une obligation qui ne lui incomberait pas contractuellement ne saurait suffire à faire la preuve d'une telle modification, les travaux dont il est question pouvant être qualifiés de structurels, et demeurer, en tout état de cause, à la charge du bailleur, les éléments versés aux débats étant largement insuffisants pour démontrer l'acquiescement de la preneuse au transfert de telle ou telle obligation d'entretien, l'article R. 145-35 du code de commerce issu de la loi Pinel, entré en vigueur le 5 novembre 2014, qui interdit le transfert de la charge des gros travaux sur le locataire, étant de surcroît inapplicable au contrat de bail renouvelé dès le 1er juillet 2014.

La SARL Expo Luminaires relève par ailleurs, sur les prix couramment pratiqués dans le voisinage, que le rapport de M. [T] serait en valeur décembre 2013, que la plupart des références relevées, outre le fait qu'elles ne soient pas toutes transposables s'agissant des commerces exploités, des surfaces et des situations géographiques, seraient anciennes, ce rapport ne permettant dès lors pas de connaître la nature ni les références relevées et ni l'origine des conditions de fixation de ces loyers, alors qu'il résulte d'un autre rapport du même expert en valeur juillet 2016 un effondrement de la valeur locative sur le secteur.

Elle ajoute qu'il appartiendrait au bailleur de prouver concrètement l'incidence favorable de la modification notable des facteurs locaux de commercialité sur le commerce considéré, le niveau de chiffre d'affaires du preneur étant la meilleure mesure pour apprécier concrètement le caractère favorable ou non de la modification des facteurs locaux de commercialité.

Or, aucune amélioration notable des facteurs locaux de commercialité ayant directement profité au commerce de la SARL Expo Luminaires ne serait établie de l'année 2002 au mois de juillet 2014, l'expert amiable, M. [W], indiquant à l'inverse qu'aucune modification notable des facteurs locaux de commercialité ne serait intervenue depuis les aménagements les plus importants qui ont vu le jour au début des années 2000 et relèverait que l'évolution des éléments comptables de la société Expo luminaires démontrerait à l'inverse l'absence d'impact favorable sur le commerce considéré de l'évolution des facteurs locaux de commercialité, les locaux loués ayant connu, depuis l'ouverture de la zone commerciale [Adresse 7] en fin d'année 2013, des changements substantiellement défavorables concernant la voirie routière et les flux routiers.

La SARL Expo Luminaires conteste enfin la monovalence des locaux, qui s'entendrait de locaux qui, dès leur origine, ont été conçus, construits et aménagés en vue d'une exploitation unique, ce qui ne serait pas le cas des locaux litigieux, constitués d'un entrepôt commercial livré « brut de décoffrage » en 2002, sans aucun aménagement, la destination des lieux pouvant être modifiée facilement, sans engager de travaux importants ou de transformations coûteuses, les travaux d'aménagement spécifiques n'ayant pas encore accédé à la propriété du bailleur, de sorte que l'analyse du caractère monovalent des locaux doit être menée en faisant abstraction de ces travaux conformément à la jurisprudence, l'accession devant être différé en fin de jouissance.

- Sur le déplafonnement

Au cas d'espèce, le bailleur se prévaut d'importants aménagements réalisés par la société locataire, qui ont notamment conduit à la pose de poutres IPN de soutien et de treillage au niveau du plafond.

Néanmoins, il résulte de la lecture du contrat de bail litigieux que le local loué a été livré à la SARL Expo Luminaires « brut de décoffrage » à charge pour cette dernière de « réaliser, à ses frais, tous les agencements nécessaires à son activité, après avoir soumis son projet au bailleur », le bail autorisant l'exercice dans les lieux loués de « toute activité commerciale ou artisanale ».

Il s'en déduit, tant de l'état des lieux loués au jour de l'entrée dans les lieux que de l'étendue des activités autorisées à y être exercées, que le local loué ne peut s'analyser en un local monovalent.

Si des travaux d'aménagements importants ont été réalisés par la SARL Expo Luminaires, conformément aux dispositions du bail, pour un montant plus que conséquent de 200.000 €, cette circonstance ne saurait toutefois permettre de qualifier le local de monovalent, alors même que l'exercice de toute activité artisanale et commerciale y est autorisé contractuellement, et qu'il résulte du rapport d'expertise judiciaire de Madame [I] que les locaux présentent l'aspect banal d'une moyenne surface de périphérie, sont sommairement agencés et pourraient accueillir une très large gamme d'activités commerciales sans coûts significatifs, tant dans leur état brut à la livraison qu'après aménagement par le preneur, aucun élément n'étant de surcroît produit par la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) pour justifier de son obligation à engager des travaux onéreux avant réaffectation.

Par ailleurs, selon les clauses du bail, le preneur s'oblige 'de laisser à son départ de quelque manière et à quelque époque qu'il arrive, toutes les constructions, aménagements, agencements et améliorations réalisés, sans indemnité à la charge du bailleur, à moins que celui-ci ne préfère le rétablissement des lieux dans leur état primitif, sauf pour les travaux autorisés'.

Si la clause d'accession prévoit une accession au départ du locataire, elle est corrélée à une obligation éventuelle de rétablissement des lieux dans leur état primitif, laquelle ne peut intervenir qu'à la fin des relations contractuelles entre les parties et non pas lors du renouvellement du bail.

Il se déduit de cette constatation que la clause d'accession stipulée au bail, qui vise l'ensemble des travaux réalisés dont il n'est pas discuté qu'ils ont été autorisés, ne pourra recevoir application qu'au départ de la société locataire, à la fin des relations contractuelles, la remise en état des locaux dans leur état primitif ne pouvant intervenir lors du renouvellement du bail. Le bailleur ne peut par conséquent, pour ce motif, se prévaloir des travaux réalisés par le preneur sans qu'il y ait lieu de rechercher s'ils ont eu pour effet de rendre les locaux monovalents.

Le moyen fondé sur l'application des dispositions de l'article R. 145-10 du code de commerce sera donc écarté.

Par ailleurs, si la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) invoque une modification des obligations respectives des parties en ce qu'elle aurait été contrainte de prendre en charge financièrement des travaux prévus à l'article 606 du code civil, pourtant contractuellement mis à la charge de la SARL Expo Luminaires, force est cependant de relever, à la lecture de l'expertise judiciaire de Madame [I], que les travaux d'étanchéité en toiture invoqués par la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA), relevant certes de l'article 606 du code civil, se sont élevés à la somme totale de 4.151,79 €, quantum ne traduisant ainsi nullement une modification notable des obligations et charges respectives des parties.

En revanche, la cour observe, s'agissant de la modification des facteurs locaux de commercialité, qu'au cours du bail, le centre commercial [Adresse 7] a été créé et inauguré le 30 octobre 2013 à proximité des locaux loués, comprenant des enseignes à forte capacité d'attraction dont Maisons du Monde et Zodio, qui a été réuni avec la zone commerciale [Localité 4] 2 en un retail park de plus de 100.000 m², renforçant ainsi nécessairement l'achalandage global de la zone, au bénéfice des commerces existants, dont la SARL Expo Luminaires, y drainant de nouveaux flux.

Si la SARL Expo Luminaires soutient ne pas avoir bénéficié de la modification de ces facteurs locaux de commercialité, en arguant d'une perte de visibilité, l'expert judiciaire, après examen des photographies prises en 2008 et 2021, conclut à une visibilité identique pour la SARL Expo Luminaires depuis le croisement de la rue jacquard où ils sont implantés avec la rue des commerces qui la relie à la zone [Localité 4] 2 avec pour différence que la « passerelle » entre les deux pôles commerciaux est désormais plus activement empruntée.

Si l'expert note que les flux acheminés depuis le N14 à l'ouest disposent d'une bretelle d'accès direct à [Adresse 7], les flux entrants par cette bretelle, qui ne constitue qu'une autre voie d'accès, empruntent en flux sortants la rue Jacquard vers le carrefour avec la rue des commerces d'où les locaux litigieux sont visibles, de sorte qu'elle ne saurait invoquer une quelconque perte de visibilité en cours de bail suite à la création de la zone commerciale attenante.

Si la SARL Expo Luminaires excipe d'une offre concurrente l'ayant empêchée de bénéficier in concreto du bénéfice de la modification des facteurs locaux de commercialité, la cour observe toutefois, à l'instar de l'expert, que la concurrence des enseignes non spécialisées dans les luminaires que sont Zodio et Maisons du Monde, n'est que marginale et n'apparaît pas de nature à modérer significativement l'impact potentiel très significatif de la création d'un nouveau retail park sur un commerce immédiat voisin, pourvoyeuse par essence d'un achalandage supplémentaire.

Si la lecture des éléments comptables de la SARL Expo Luminaires ne laisse pas apparaître une hausse de son chiffre d'affaires, témoignant qu'elle aurait pu bénéficier de l'impact de cette création du retail park, la cour rappelle toutefois que pour constituer un motif de déplafonnement du loyer révisé, il importe uniquement de déterminer si la modification des facteurs locaux de commercialité est de nature à avoir une incidence sur l'activité commerciale exercée par le preneur.

Or, l'ampleur des aménagements routiers et immobiliers réalisés pour créer un retail park de plus de 100.000 m² à proximité immédiate de la SARL Expo Luminaires, induisent nécessairement un accroissement notable du flux tant entrant que sortant sur la zone commerciale dont fait partie la SARL Expo Luminaires, et est donc de nature à avoir une incidence bénéfique sur son activité commerciale.

En conséquence, il convient de considérer que pour cet unique motif, le déplafonnement du loyer doit être ordonné, et le loyer du bail renouvelé doit être fixé à la valeur locative, hors de tout plafonnement, conformément aux dispositions de l'article L. 145-34 du code de commerce.

- Sur fixation du loyer à la valeur locative

La cour observe que les parties ne contestent pas la surface louée retenue par l'expert judiciaire, Madame [I] à hauteur de 1.102 m², seule la valeur locative unitaire au m² les opposant ainsi que les éventuels correctifs.

Aux termes de l'article L. 145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.

A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :

1 Les caractéristiques du local considéré ;

2 La destination des lieux ;

3 Les obligations respectives des parties ;

4 Les facteurs locaux de commercialité ;

5 Les prix couramment pratiqués dans le voisinage ;

La cour relève, à la lecture du rapport d'expertise judiciaire de Madame [I], que des références locatives issues de locations nouvelles, renouvellements amiables et de fixations judiciaires ont été retenues par l'expert à une période contemporaine du renouvellement du bail litigieux, sur l'ensemble immobilier dont dépend le local loué, ou la zone commerciale de [Adresse 7] et [Localité 4], laissant apparaître un prix au m² compris entre 109 € et 140 €, les prix issus de l'ensemble immobilier où se trouve le local étant compris quant à eux entre 138 et 177 € le m².

L'expert, après avoir tenu compte de la situation au sein du pôle commercial majeur de l'agglomération caennaise, de la bonne accessibilité routière et de la visibilité du local depuis les voies d'accès, de la destination contractuelle pour toute activité commerciale ou artisanale et de la bonne configuration des locaux avec confort de livraison et de stationnement, a appliqué des correctifs tenant à la livraison des locaux bruts de décoffrage, à la moindre visibilité du local que celle des locaux du centre commercial [Adresse 7], et au transfert sur le preneur de la taxe foncière et des travaux de grosses réparations, la conduisant à préconiser une valeur locative de 110 € le m².

Si la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) conteste cette évaluation en invoquant les prix pratiqués dans le même centre commercial que la SARL Expo Luminaires, force est cependant de relever que la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) est propriétaire des trois commerces se trouvant dans le même ensemble immobilier de sorte que les références qui en résultent en termes de loyer doivent être pondérées par d'autres valorisations objectives, tirées des prix pratiqués sur la zone à proximité immédiate, retenues par l'expert judiciaire.

Si la SARL Expo Luminaires conteste également la valorisation ainsi retenue par l'expert judiciaire, l'estimant trop élevée, en l'état notamment d'une fixation judiciaire d'un loyer pour un bowling à 65 € le m², force est cependant de relever que la révision judiciaire du loyer du bowling ne saurait servir à elle seule de référence, alors qu'elle est intervenue bien antérieurement au renouvellement du bail et à la création du retail park et donc à la modification des facteurs locaux de commercialité.

Si la SARL Expo Luminaires invoque également l'état ancien et brut du local, avec un chauffage insuffisant en l'absence de plafond, cette argumentation ne saurait toutefois sérieusement prospérer pour venir contester la valorisation retenue par l'expert, dès lors qu'il incombait au preneur de réaliser les travaux d'aménagement et qu'en tout état de cause, l'exposition de luminaires apparaît elle-même source de chaleur.

Par ailleurs, en application de l'article R.145-8 du code de commerce, il convient de tenir compte des clauses du bail transférant sur le preneur des charges attachées à la qualité de propriétaire qui constituent un facteur de diminution de la valeur locative, l'affirmation selon laquelle ces clauses seraient habituelles dans un centre commercial ne permettant pas d'écarter l'application de ce facteur de minoration du loyer, chaque contrat de bail du centre constituant un ensemble d'obligations réciproques spécifique.

Or, en l'espèce, le contrat de bail transfère sur le preneur le paiement de l'impôt foncier, ainsi que les grosses réparations visées à l'article 606 du code civil. Compte tenu de ces clauses exorbitantes du droit commun des baux mais aussi du fait que le bail prévoit une clause d'accession différée au bailleur des travaux, l'expert a opéré à juste titre une minoration globale de la valeur locative de 12 % qui apparaît justifiée tant dans son principe que dans son quantum en l'état du montant des charges ainsi effectivement transférées sur le preneur.

En conséquence, en l'état de l'ensemble de ces éléments, il convient de retenir comme valeur locative 110 € le m² tel que préconisé par l'expert judiciaire, et de fixer le montant du loyer révisé à compter du 1er juillet 2014 à la somme de 121.000 € par an HT/HC.

Le jugement sera par conséquent infirmé en ce qu'il a fixé le loyer révisé à la somme annuelle de 89.200 € HT/HC à compter du 1er juillet 2014 et condamné la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) à rembourser à la SARL Expo Luminaires l'ensemble des surloyers versés sur la période du 1er juillet 2014.

Si la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) sollicite la fixation au passif de la SARL Expo Luminaires de la somme de 444.114,82 € HT/HC correspondant à la différence entre le nouveau loyer de 121.000 € et le loyer fixé par la Cour d'appel de Caen, la cour rappelle néanmoins qu'elle statue en matière de loyers commerciaux et qu'il ne relève pas de sa compétence à ce titre de pouvoir condamner ou fixer au passif d'une société le montant d'un arriéré locatif pouvant éventuellement découler d'une différence entre le loyer initial et le loyer révisé par elle.

En conséquence, la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) sera déboutée de ce chef de demande.

3) Sur le dépôt de garantie

Aux termes du contrat de bail litigieux, un dépôt de garantie correspondant au quart du loyer HT a été stipulé par les parties.

Le montant du loyer révisé étant fixé à 121.000 €, le dépôt de garantie doit donc s'élever à 30.250 €.

Le montant initial du dépôt de garantie s'élevant à 19.632 € (un quart de 78.528 € HT/HC), il convient de fixer au passif de la SARL Expo Luminaires la créance tirée du différentiel en résultant, à savoir 10.618 €.

4) Sur les intérêts

Désormais, l'intérêt au taux légal dû à compter de la mise en demeure au sens de l'article 1231-6 du code civil ne peut résulter que du retard dans le paiement d'une créance certaine, liquide et exigible, ce qui n'est pas le cas en l'espèce en raison de l'indétermination du loyer pendant l'instance.

En vertu du nouvel article 1231-7, si les intérêts au taux légal courent à compter du prononcé du jugement de première instance en cas de confirmation par le juge d'appel, tel n'est pas le cas en l'espèce.

Dès lors, les intérêts ne commenceront à courir qu'à compter du présent arrêt, et sous réserve de leur suspension dans le cadre d'une procédure collective.

En raison de l'incertitude quant au prix du bail dû depuis le 1er juillet 2014, il n'y a pas lieu à capitalisation des intérêts.

5) Sur les demandes accessoires

Chaque partie conservera ses dépens d'appel, les dépens de première instance restant répartis ainsi que décidé par le premier juge.

En outre, il n'apparaît pas inéquitable de débouter les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, les dispositions du jugement querellé étant cependant confirmées de ce chef pour la première instance.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, après débats en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort,

Déclare recevables les conclusions et pièces signifiées par la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) le 17 octobre 2023 ;

Infirme le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Caen le 27 avril 2017 sous le n°RG16/00006 sur le montant du loyer révisé et la condamnation de la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) à payer à la SARL Expo Luminaires les surloyers versés depuis le 1er juillet 2014 ;

Confirme pour le surplus la décision en toutes ses dispositions non contraires au présent arrêt ;

Statuant à nouveau,

Fixe à compter du 1er juillet 2014 le montant du loyer révisé à la somme de 110 € le m² par an soit 121.000 € par an HT/HC ;

Déboute la SARL Expo Luminaires de sa demande tendant à voir condamnée la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) à lui verser les surloyers versés depuis le 1er juillet 2014 ;

Fixe le montant du dépôt de garantie du par la SARL Expo Luminaires à la somme de 30.250 € HT/HC ;

Fixe au passif de la SARL Expo Luminaires le différentiel entre le dépôt de garantie initial et le nouveau dépôt de garantie ;

Y ajoutant,

Déboute la SAS Diffusion des Produits du Bâtiment (DI PRO BA) de ses demandes de fixation au passif de la SARL Expo Luminaires d'une créance tirée d'un arriéré locatif correspondant à la différence entre le nouveau loyer et celui fixé par la cour d'appel de Caen ;

Déboute les parties de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Dit que les intérêts commenceront à courir à compter du présent arrêt ;

Dit n'y avoir lieu à capitalisation des intérêts ;

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel.