Cass. crim., 30 janvier 2024, n° 22-82.589
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bonnal
Rapporteur :
M. Seys
Avocat général :
M. Aubert
Avocats :
SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, SCP Duhamel
Faits et procédure
1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Par ordonnance du 9 octobre 2013, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Bobigny a autorisé l'Autorité de la concurrence à effectuer des opérations de visite et de saisie, notamment dans les locaux de la société [2], en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles dans le secteur de la distribution de produits électroménagers.
3. La société susvisée a relevé appel de cette décision et exercé un recours contre les opérations ainsi autorisées.
4. Par deux ordonnances du 6 janvier 2016, le premier président de la cour d'appel de Paris a confirmé la décision contestée et rejeté le recours ci-dessus.
5. La Cour de cassation, par deux arrêts (Crim., 4 mai 2017, pourvois n° 16-81.070 et n° 16-81.071), a rejeté le pourvoi formé contre l'ordonnance confirmant celle rendue par le juge des libertés et de la détention et cassé la suivante, annulé les opérations de visite et saisie réalisées dans les locaux de la société [2] et dit n'y avoir lieu à renvoi.
6. Saisi par l'Autorité de la concurrence d'une requête fondée en partie sur des éléments obtenus à la faveur des opérations ci-dessus et de celles effectuées dans les locaux de la société [1], le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris a, par ordonnance du 21 mai 2014, d'une part, autorisé l'Autorité de la concurrence à procéder à des visites et saisies dans les locaux de plusieurs sociétés situés sur son ressort, d'autre part, notamment délivré commission rogatoire au magistrat compétent du tribunal de Nanterre, qui a rendu, le 22 mai suivant, une ordonnance aux mêmes fins, visant les locaux de la société [4].
7. Cette dernière a notamment relevé appel de la seule ordonnance du juge de Paris, appel qui a été rejeté par ordonnance du premier président du 8 novembre 2017.
8. Par arrêt du 13 juin 2019 (Crim., 13 juin 2019, pourvoi n° 17-87.364), la Cour de cassation, sur pourvoi de la société [4], a cassé et annulé cette décision au motif que, la requête de l'Autorité de la concurrence étant notamment fondée sur les résultats d'une opération effectuée chez des tiers, les procès-verbaux dressés à cette occasion devaient être joints à ladite requête et notifiés, au début de la visite autorisée, à la société [4], mise en cause.
9. Le premier président de la cour d'appel, sur renvoi, a, par ordonnance du 8 juillet 2020, annulé celles rendues les 21 mai 2014 et 22 mai suivant par les juges des libertés et de la détention, ainsi que les opérations de visite et saisie subséquentes réalisées dans les locaux de la société [4].
10. Par arrêt du 11 août 2021 (Crim., 11 août 2021, pourvoi n° 20-84.591) sur pourvoi de l'Autorité de la concurrence, la Cour de cassation a partiellement cassé cette décision, au motif que le premier président avait omis, avant de prononcer ainsi, de rechercher si, après avoir écarté les documents illicites, était caractérisée, au regard des seuls éléments régulièrement produits par l'administration, l'existence de pratiques anticoncurrentielles justifiant la mesure autorisée.
Examen des moyens
Enoncé des moyens
11. Le premier moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a autorisé le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence à faire procéder, dans les locaux de la société [4], aux visites et saisies prévues par les dispositions de l'article L. 450-4 du code de commerce afin de rechercher la preuve des agissements qui entrent dans le champ des pratiques prohibées par les articles L. 420-1, 1°, 2° et 3° du code de commerce et 101-1 a) et b) TFUE, relevés dans le secteur de la distribution de produits « blancs », ainsi que toute manifestation de cette concertation prohibée, a en conséquence rejeté la demande de la société [4] en restitution des pièces saisies dans ses locaux, et a condamné la société [4] à payer à l'Autorité de la concurrence la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, alors :
« 1°/ que devant la juridiction de renvoi, l'instruction est reprise en l'état de la procédure non atteinte par la cassation ; que l'affaire est alors à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation ; qu'à ce titre, tous les moyens, y compris même nouveaux, invoqués au soutien des chefs de prétention remis en débat par la cassation sont recevables devant la juridiction de renvoi ; qu'en l'espèce, la société [4] a invoqué devant la juridiction saisie du renvoi après l'arrêt de cassation partielle de la Chambre criminelle du 11 août 2021 un moyen tiré de l'atteinte portée à son droit à un recours juridictionnel effectif, résultant de ce qu'alors qu'elle avait été mise en cause par l'Autorité de la concurrence, au sens et pour l'application de l'article L. 450-4 du code de commerce, au moyen de pièces précédemment saisies lors d'opérations menées chez des tiers, soit les sociétés [2] ainsi que [1], les procès-verbaux et les inventaires établis lors de ces opérations n'avaient pas été annexés à la requête de l'Autorité de la concurrence demandant l'autorisation de procéder à des opérations de visite et de saisie dans les locaux de la société [4], ni à l'ordonnance du juge des libertés et de la détention délivrant cette autorisation, et n'avaient donc pas été notifiés à la société [4] dès le début des opérations effectuées dans ses locaux comme cela aurait dû être le cas pour permettre de manière effective l'exercice de son recours contre le déroulement des opérations conduites chez [2] et [1] conditionnant la validité de l'autorisation la concernant ; que pour écarter néanmoins ce moyen, le délégué du Premier président a jugé qu'il n'était recevable qu'à la double condition « qu'il soit indivisible des chefs de demande atteints par le premier arrêt de cassation du 13 juin 2019 et qu'il ait été à nouveau opposé lors du second pourvoi de cassation ayant donné lieu à l'arrêt du 11 août 2021 » ; qu'en statuant de la sorte, tandis que ce moyen, invoqué au soutien de la demande de la société tendant au rejet de la requête en autorisation de l'Autorité au regard des seuls éléments régulièrement produits par l'administration, qui avait été remise en débat par la cassation partielle prononcée par l'arrêt du 11 août 2021, était de ce seul fait recevable devant la juridiction de renvoi, le délégué du Premier président a violé les articles 631, 632 et 638 du code de procédure civile ;
2°/ que devant la juridiction de renvoi, l'instruction est reprise en l'état de la procédure non atteinte par la cassation ; que l'affaire est alors à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation ; qu'à ce titre, tous les moyens, y compris même nouveaux, invoqués au soutien des chefs de prétention remis en débat par la cassation sont recevables devant la juridiction de renvoi ; qu'en l'espèce, la société [4] a invoqué devant la juridiction saisie du renvoi après l'arrêt de cassation partielle de la Chambre criminelle du 11 août 2021 un moyen tiré de l'atteinte portée à son droit à un recours juridictionnel effectif, résultant de ce qu'alors qu'elle avait été mise en cause par l'Autorité de la concurrence, au sens et pour l'application de l'article L. 450-4 du code de commerce, au moyen de pièces précédemment saisies lors d'opérations menées chez des tiers, soit les sociétés [2] ainsi que [1], les procès-verbaux et les inventaires établis lors de ces opérations n'avaient pas été annexés à la requête de l'Autorité de la concurrence demandant l'autorisation de procéder à des opérations de visite et de saisie dans les locaux de la société [4], ni à l'ordonnance du juge des libertés et de la détention délivrant cette autorisation, et n'avaient donc pas été notifiés à la société [4] dès le début des opérations effectuées dans ses locaux comme cela aurait dû être le cas pour permettre de manière effective l'exercice de son recours contre le déroulement des opérations conduites chez [2] et [1] conditionnant la validité de l'autorisation la concernant ; que pour écarter ce moyen, le délégué du Premier président a retenu que la société [4] n'avait pas à nouveau relevé ce moyen lors du second pourvoi en cassation formé par l'Autorité de la concurrence ayant donné lieu à l'arrêt de cassation du 11 août 2021 et que la société [4] était donc présumée y avoir renoncé depuis, de sorte que le grief n'entrait pas dans le champ de la saisine de la juridiction de renvoi ; qu'en se déterminant ainsi, par un motif radicalement inopérant, dès lors que la société [4] était défenderesse au pourvoi ayant donné lieu à l'arrêt de la Cour de cassation du 11 août 2021, qui avait été formé par l'Autorité de la concurrence, et ne pouvait, par hypothèse, se voir imputer aucune renonciation pour n'avoir pas soulevé de moyen de cassation, le délégué du Premier président n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 631, 632 et 638 du code de procédure civile ;
3°/ en tout état de cause que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties telles qu'exprimées dans leurs conclusions ; qu'en retenant que la société [4] n'avait pas relevé le moyen tiré de la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif lors du second pourvoi en cassation formé par l'Autorité de la concurrence ayant donné lieu à l'arrêt de cassation du 11 août 2021 et que la société [4] était ainsi présumée y avoir renoncé, tandis que cette société avait au contraire expressément fait valoir devant la Cour de cassation, en défense au second pourvoi, formé cette fois par l'Autorité de la concurrence, que le procès-verbal et l'inventaire des opérations de visite et saisie effectuées respectivement dans les locaux des sociétés [1] et [2] n'avaient été annexés ni à la requête de l'Autorité concernant la société [4], ni à l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant les opérations chez la société [4], et n'avaient ainsi pas été notifiés à cette dernière dès le début de la visite dans ses propres locaux, de sorte que cette violation du droit à un recours effectif de la personne mise en cause contre le déroulement des opérations au cours desquelles avaient été saisies les pièces au moyen desquelles elle était mise en cause justifiait le rejet de la demande d'autorisation la concernant, le délégué du Premier président a dénaturé les écritures de la société [4] en défense au pourvoi n° K 20-84.591 de l'Autorité de la concurrence (cf. productions n° 3 et 4, mémoire en défense et mémoire en duplique de la société [4] au pourvoi n° K 20-84.591 de l'ADLC) et méconnu ainsi l'objet et les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
4°/ que la cassation qui atteint un chef de dispositif n'en laisse rien subsister, quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation ; que par l'effet de la cassation partielle intervenue, aucun des motifs de fait ou de droit ayant justifié la disposition annulée ne subsiste, de sorte que la cause et les parties sont remises de ce chef dans le même état où elles se trouvaient avant l'arrêt précédemment déféré et qu'elles peuvent devant la cour de renvoi, invoquer de nouveaux moyens ou former des prétentions nouvelles qui sont soumises aux règles qui s'appliquent devant la juridiction dont la décision a été annulée ; qu'en écartant comme n'entrant pas dans le champ de la saisine de la juridiction de renvoi le moyen tiré de l'atteinte au droit au recours effectif de la société [4], aux motifs que ce moyen était identique au second moyen de cassation qu'elle avait présenté au soutien de son pourvoi ayant donné lieu au premier arrêt de la Cour de cassation du 13 juin 2019 et qu'aux termes de cet arrêt la Cour de cassation avait estimé n'y avoir lieu à examiner ce second moyen, le délégué du Premier président, qui s'est fondé sur un motif inopérant dès lors qu'était sans incidence le moyen de cassation retenu par la Cour de cassation dans son arrêt du 13 juin 2019 pour casser et annuler en toutes ses dispositions l'ordonnance du 8 novembre 2017 du premier président de la cour d'appel, ce qui remettait entièrement en débat le bien-fondé de la demande d'autorisation de l'Autorité de la concurrence à effectuer des opérations de visite et de saisie chez la société [4], a violé les articles 624, 631, 632 et 633 du code de procédure civile ;
5°/ que la renonciation à un droit ne se présume pas et doit résulter d'actes révélant une volonté claire et non équivoque de renoncer ; qu'en retenant – au demeurant manifestement à tort – que la société [4] n'avait pas à nouveau relevé le moyen tiré de la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif lors du second pourvoi en cassation formé par l'Autorité de la concurrence ayant donné lieu à l'arrêt de cassation du 11 août 2021 et qu'elle était donc « présumée y avoir renoncé », quand une telle renonciation ne pouvait être présumée et devait résulter d'une volonté claire et non équivoque de renoncer, nullement caractérisée en l'espèce, le délégué du Premier président a violé le principe susvisé ;
6°/ que le procès-verbal et l'inventaire établis lors d'opérations de visite et de saisie doivent être notifiés aux personnes n'ayant pas fait l'objet de ces opérations mais qui sont mises en cause au moyen de pièces saisies lors de celles-ci et qui disposent d'un recours sur leur déroulement devant le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle le juge les a autorisées ; que se trouve mise en cause la personne visée par une demande d'autorisation de procéder dans ses locaux à des opérations de visite et de saisie sur le fondement des pièces saisies au cours d'une précédente visite domiciliaire effectué chez un tiers ; que, dans ce cadre, le procès-verbal et l'inventaire dressés à l'issue de ces opérations antérieures doivent être annexés tant à la requête qu'à l'ordonnance d'autorisation du juge des libertés et de la détention qui doit être notifiée au moment de la visite, assurant ainsi l'exercice du droit à un recours effectif de la personne mise en cause ; qu'à défaut du respect de ces exigences fondamentales, seules à même de garantir le respect effectif du droit de la personne mise en cause à pouvoir exercer dès le début de la procédure de visite et saisie la concernant son recours contre les opérations menées chez des tiers et à l'occasion desquelles ont été saisies les pièces au moyen desquelles elle a elle-même été par la suite mise en cause, et donc de garantir son recours effectif contre l'autorisation la concernant, les pièces sur lesquelles l'Autorité de la concurrence fonde ainsi l'autorisation dirigée contre la personne mise en cause doivent être regardées, concernant cette dernière, comme des documents d'origine illicite et irrégulièrement produits par l'administration ; que ces pièces, irrégulièrement produites au soutien de la demande d'autorisation, ne sauraient donc légalement fonder les présomptions de pratiques anticoncurrentielles devant justifier la mesure sollicitée concernant la personne mise en cause ; qu'en affirmant pourtant, de manière inopérante, que « l'illicéité des présomptions d'une atteinte à l'ordre public économique en matière d'entente prohibée par les articles L. 420-1, 1°, 2°, 3° du code de commerce et 101-1 a) et b) du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, telle qu'elle est invoquée par l'Autorité dans sa requête sur la base des procès-verbaux et de l'inventaire issus des opérations de visite et de saisie dans les entreprises tiers, et à laquelle est subordonnée l'appréciation du bien-fondé de cette requête, est indépendant de l'obligation de notifier ces preuves au début de l'opération de visite telle que la méconnaissance de celle-ci a été censurée par la Cour de cassation dans son premier arrêt du 13 juin 2019 sur le fondement du droit au recours effectif », tandis, d'une part, que n'était pas ici en cause une question de notification des preuves, mais des documents nécessaires à l'exercice par la personne mise en cause de son droit au recours effectif contre les opérations antérieurement menées chez des tiers dont étaient issues les pièces servant de base à sa mise en cause, et que, d'autre part, l'absence de notification à la société [4], dès le début des opérations effectuées dans ses locaux, du procès-verbal et de l'inventaire des précédentes opérations de visite et de saisie menées dans les locaux des sociétés [2] et [1], faisant obstacle à l'exercice du droit au recours effectif de la société [4] contre ces opérations dont étaient issues les pièces fondant sa mise en cause, rendait ainsi ces pièces nécessairement irrégulières dans la procédure la concernant, ce qui excluait donc qu'elles puissent être valablement invoquées au soutien de présomptions de pratiques anticoncurrentielles alléguées par l'Autorité de la concurrence pour justifier sa demande d'autorisation d'OVS chez la société [4], le délégué du Premier président a violé l'article L. 450-4 du code de commerce, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. »
12. Le second moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a autorisé le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence à faire procéder, dans les locaux de la société [4], aux visites et saisies prévues par les dispositions de l'article L. 450-4 du code de commerce afin de rechercher la preuve des agissements qui entrent dans le champ des pratiques prohibées par les articles L. 420-1, 1°, 2° et 3° du code de commerce et 101-1 a) et b) TFUE, relevés dans le secteur de la distribution de produits « blancs », ainsi que toute manifestation de cette concertation prohibée, a en conséquence rejeté la demande de la société [4] en restitution des pièces saisies dans ses locaux, et a condamné la société [4] à payer à l'Autorité de la concurrence la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, alors :
« 1°/ que le procès-verbal et l'inventaire établis lors d'opérations de visite et de saisie doivent être notifiés aux personnes n'ayant pas fait l'objet de ces opérations mais qui sont mises en cause au moyen de pièces saisies lors de celles-ci et qui disposent d'un recours sur leur déroulement devant le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle le juge les a autorisées ; que se trouve mise en cause la personne visée par une demande d'autorisation de procéder dans ses locaux à des opérations de visite et de saisie sur le fondement des pièces saisies au cours d'une précédente visite domiciliaire effectué chez un tiers ; que, dans ce cadre, le procès-verbal et l'inventaire dressés à l'issue de ces opérations antérieures doivent être annexés tant à la requête qu'à l'ordonnance d'autorisation du juge des libertés et de la détention qui doit être notifiée au moment de la visite, assurant ainsi l'exercice du droit à un recours effectif de la personne mise en cause ; qu'à défaut du respect de ces exigences fondamentales, seules à même de garantir le respect effectif du droit de la personne mise en cause à pouvoir exercer dès le début de la procédure de visite et saisie la concernant son recours contre les opérations menées chez des tiers et à l'occasion desquelles ont été saisies les pièces au moyen desquelles elle a elle-même été par la suite mise en cause, et donc de garantir son recours effectif contre le déroulement des opérations conduites chez [2] et [1] conditionnant la validité de l'autorisation la concernant, les pièces sur laquelle l'Autorité de la concurrence fonde ainsi l'autorisation dirigée contre la personne mise en cause doivent être regardées, concernant cette dernière, comme des documents irrégulièrement produits par l'administration ; que ces pièces, irrégulièrement produites au soutien de la demande d'autorisation, ne sauraient donc légalement fonder les présomptions de pratiques anticoncurrentielles devant justifier la mesure sollicitée concernant la personne mise en cause ; qu'en affirmant pourtant, en écho au paragraphe 17 de son ordonnance, que « l'apparence illicite des présomptions que contiennent ces annexes d'atteinte à l'ordre public économique en matière d'ententes prohibées est indépendante de l'obligation de notifier ces preuves au début de l'opération de visite dans les locaux de la société [4] », pour en inférer qu'il n'y avait pas lieu d'exclure de l'appréciation de la requête de l'Autorité les pièces saisies lors des opérations menées chez la société [1], tandis que l'absence de notification à la société [4], personne mise en cause au moyen de ces pièces saisies précédemment chez la société [1], du procès-verbal et de l'inventaire dressés lors de ces opérations, dès le début de la procédure concernant la société [4], et le fait, constant, que cet inventaire et ce procès-verbal n'avaient été annexés ni à la requête de l'Autorité concernant l'autorisation relative à la société [4], ni à l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant les opérations chez la société [4], commandaient de regarder ces pièces, dans la procédure d'autorisation relative à la société [4], comme des documents illicites et irrégulièrement produits par l'administration, ce qui faisait obstacle à ce qu'elles puissent être légalement invoquées et prises en compte au soutien des présomptions de pratiques anticoncurrentielles alléguées par l'Autorité de la concurrence contre la société [4], le délégué du Premier président a violé l'article L. 450-4 du code de commerce, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
2°/ que le procès-verbal et l'inventaire établis lors d'opérations de visite et de saisie doivent être notifiés aux personnes n'ayant pas fait l'objet de ces opérations mais qui sont mises en cause au moyen de pièces saisies lors de celles-ci et qui disposent d'un recours sur leur déroulement devant le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle le juge les a autorisées ; que se trouve mise en cause la personne visée par une demande d'autorisation de procéder dans ses locaux à des opérations de visite et de saisie sur le fondement des pièces saisies au cours d'une précédente visite domiciliaire effectué chez un tiers ; que, dans ce cadre, le procès-verbal et l'inventaire dressés à l'issue de ces opérations antérieures doivent être annexés tant à la requête qu'à l'ordonnance d'autorisation du juge des libertés et de la détention qui doit être notifiée au moment de la visite, assurant ainsi l'exercice du droit à un recours effectif de la personne mise en cause ; qu'à défaut du respect de ces exigences fondamentales, seules à même de garantir le respect effectif du droit de la personne mise en cause à pouvoir exercer dès le début de la procédure de visite et saisie la concernant son recours contre les opérations menées chez des tiers et à l'occasion desquelles ont été saisies les pièces au moyen desquelles elle a elle-même été par la suite mise en cause, et donc de garantir son recours effectif contre le déroulement des opérations conduites chez [2] et [1] conditionnant la validité de l'autorisation la concernant, les pièces sur laquelle l'Autorité de la concurrence fonde ainsi l'autorisation dirigée contre la personne mise en cause doivent être regardées, concernant cette dernière, comme des documents illicites et irrégulièrement produits par l'administration ; que ces pièces, irrégulièrement produites au soutien de la demande d'autorisation, ne sauraient donc légalement fonder les présomptions de pratiques anticoncurrentielles devant justifier la mesure sollicitée concernant la personne mise en cause ; qu'en l'espèce, pour juger qu'il n'y avait pas lieu d'exclure les pièces saisies chez la société [1] pour apprécier l'existence de présomptions suffisantes de pratiques anticoncurrentielles concernant la société [4], le délégué du Premier président a relevé que les ordonnances des juges des libertés et de la détention autorisant les opérations de visite et de saisie dans les locaux de la société [1] comme les résultats de ces opérations n'avaient pas fait « l'objet de recours » ; qu'à supposer que l'ordonnance du délégué soit lue comme reprochant, ce faisant, l'absence de recours de la part de la société [4], personne mise en cause, une telle circonstance était radicalement inopérante dans la mesure précisément où la société [4] n'avait pas été mise effectivement en mesure d'exercer en temps utile, c'est-à-dire dès le début des opérations la concernant, le recours dont elle disposait en sa qualité de personne mise en cause, contre le déroulement des opérations menées chez la société [1] et dont étaient issues les pièces au moyen desquelles elle avait été ensuite mise en cause, faute d'annexion du procès-verbal et de l'inventaire des opérations réalisées chez [1] à la requête de l'Autorité et de notification de ces documents avec l'ordonnance d'autorisation du juge des libertés et de la détention du 21 mai 2014 ; qu'en se déterminant ainsi, le délégué du Premier président a donc violé l'article L. 450-4 du code de commerce, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
3°/ que le procès-verbal et l'inventaire établis lors d'opérations de visite et de saisie doivent être notifiés aux personnes n'ayant pas fait l'objet de ces opérations mais qui sont mises en cause au moyen de pièces saisies lors de celles-ci et qui disposent d'un recours sur leur déroulement devant le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle le juge les a autorisées ; que se trouve mise en cause la personne visée par une demande d'autorisation de procéder dans ses locaux à des opérations de visite et de saisie sur le fondement des pièces saisies au cours d'une précédente visite domiciliaire effectué chez un tiers ; que, dans ce cadre, le procès-verbal et l'inventaire dressés à l'issue de ces opérations antérieures doivent être annexés tant à la requête qu'à l'ordonnance d'autorisation du juge des libertés et de la détention qui doit être notifiée au moment de la visite, assurant ainsi l'exercice du droit à un recours effectif de la personne mise en cause ; qu'à défaut du respect de ces exigences fondamentales, seules à même de garantir le respect effectif du droit de la personne mise en cause à pouvoir exercer dès le début de la procédure de visite et saisie la concernant son recours contre les opérations menées chez des tiers et à l'occasion desquelles ont été saisies les pièces au moyen desquelles elle a elle-même été par la suite mise en cause, et donc de garantir son recours effectif contre le déroulement des opérations conduites chez [2] et [1] conditionnant la validité de l'autorisation la concernant, les pièces sur laquelle l'Autorité de la concurrence fonde ainsi l'autorisation dirigée contre la personne mise en cause doivent être regardées, concernant cette dernière, comme des documents illicites et irrégulièrement produits par l'administration ; que ces pièces, irrégulièrement produites au soutien de la demande d'autorisation, ne sauraient donc légalement fonder les présomptions de pratiques anticoncurrentielles devant justifier la mesure sollicitée concernant la personne mise en cause ; qu'en l'espèce, pour juger qu'il n'y avait pas lieu d'exclure les pièces saisies chez [1] pour apprécier l'existence de présomptions suffisantes de pratiques anticoncurrentielles, le délégué du Premier président a relevé que les ordonnances des juges des libertés et de la détention autorisant les opérations de visite et de saisie dans les locaux de la société [1] comme les résultats de ces opérations n'avaient pas fait « l'objet de recours » ; qu'à supposer que l'ordonnance du délégué soit lue comme retenant l'absence de recours de la part de la société [1], ayant conduit à l'annulation de tout ou partie des opérations la concernant, une telle circonstance était radicalement inopérante dans la mesure où, précisément, la personne mise en cause dispose en propre d'un droit effectif au recours contre les opérations menées chez un tiers et dont sont issues les pièces servant de base à sa mise en cause, indépendamment de l'exercice, ou non, d'un recours par ce tiers concernant les opérations le concernant et de l'issue, le cas échéant, d'un tel recours ; qu'en se déterminant ainsi, le délégué du Premier président a donc violé l'article L. 450-4 du code de commerce, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
13. Les moyens sont réunis.
14. Il résulte des articles 624, 631, 632 et 633 du code de procédure civile, applicables à la procédure de l'espèce, que la cassation qui atteint un chef de dispositif n'en laisse rien subsister, quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation, et que par l'effet d'une cassation partielle intervenue, aucun des motifs de fait ou de droit ayant justifié la disposition annulée ne subsiste, de sorte que la cause et les parties sont remises de ce chef dans le même état où elles se trouvaient avant l'arrêt précédemment déféré et qu'elles peuvent devant la juridiction de renvoi, invoquer de nouveaux moyens ou former des prétentions nouvelles qui sont soumises aux règles qui s'appliquent devant la juridiction dont la décision a été annulée.
15. Il se déduit des articles L. 450-4 du code de commerce et 561 du code de procédure civile que le premier président qui annule l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant des opérations de visite et saisie, lorsque celle-ci repose en partie sur des éléments apparemment illicites ou produits en violation du droit au recours d'une personne mise en cause, doit, après avoir écarté lesdits éléments, se prononcer lui-même sur le bien-fondé de la requête de l'administration.
16. Pour confirmer la décision du juge des libertés et de la détention du 21 mai 2014, l'ordonnance attaquée énonce que, la société [4] n'ayant pas, après le renvoi ordonné par l'arrêt du 13 juin 2019, à nouveau proposé aux juges ainsi saisis un moyen de nullité pris de la violation de son droit au recours devant le juge statuant, elle est réputée y avoir renoncé.
17. Le premier président observe que les pièces issues des investigations menées dans les locaux de la société [2] doivent être rejetées, la saisie dont elles sont issues ayant été annulée par la Cour de cassation.
18. S'agissant des éléments provenant des opérations de visite et saisie dans les locaux de la société [1], il retient que « l'apparence licite des présomptions que contiennent ces annexes [...] est indépendante de l'obligation de notifier les preuves au début de l'opération de visite ».
19. Il ajoute qu'aucun recours n'a été exercé contre le déroulement desdites opérations.
20. Il relève ensuite que la société [4] est mise en cause par la plainte de la société [3] et les documents qui en sont le support, à savoir les annexes 12 et 13 jointes à la requête de l'Autorité de la concurrence.
21. Il précise que ces éléments ont été confirmés par l'analyse des pièces saisies dans les locaux de la société [1].
22. Il conclut en observant que, connaissance prise des éléments ci-dessus, à l'exclusion des seuls documents recueillis dans les locaux de la société [2], il résulte de ces informations, prises ensemble ou séparément, la preuve d'un indice d'entente prohibée justifiant l'autorisation accordée.
23. C'est à tort que le premier président a dit que la société [4] ne pouvait plus se prévaloir d'une atteinte à son droit au recours, pour les motifs exposés au paragraphe 14 ci-dessus.
24. C'est également à tort qu'il s'est fondé sur une distinction inopérante, dès lors que c'est l'absence de notification à la personne mise en cause de pièces produites dans les conditions susdécrites qui leur confère un caractère illicite.
25. C'est encore à tort qu'il s'est prononcé en analysant des pièces qui, saisies dans les locaux de la société [1] et ainsi produites en violation du droit au recours effectif de la société [4], devaient être écartées des débats.
26. L'ordonnance attaquée n'encourt néanmoins pas la censure, dès lors qu'abstraction faite des pièces susvisées et des motifs qui y renvoient, le premier président a constaté que certains documents joints à la requête de l'Autorité de la concurrence, qui sont antérieurs aux saisies dans les locaux de la société [1], et dont la licéité n'est pas discutée, établissaient à eux seuls suffisamment la réalité d'une présomption de l'existence de pratiques anticoncurrentielles dont la preuve était recherchée.
27. Ainsi, les moyens doivent être écartés.
28. L'ordonnance est par ailleurs régulière en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.