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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 17 janvier 2024, n° 22/17222

PARIS

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Laboratoire Native (SAS)

Défendeur :

Phytocosmetic Solution (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Douillet

Conseillers :

Mme Bohée, Mme Chokron

Avocats :

Me Chapalain, Me Landowski

CA Paris n° 22/17222

16 janvier 2024

Vu la décision rendue le 29 septembre 2022 par le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) qui, statuant sur la demande en nullité formée le 17 novembre 2021 par la société Phytocosmetic Solution (SAS) à l'encontre la marque verbale n°17/4 350 272 PHYTOJELLY dont est titulaire la société Laboratoire Native (SAS), l'a déclarée partiellement justifiée et a prononcé en conséquence la nullité de l'enregistrement pour les produits suivants: 'lotions pour les cheveux; rouge à lèvres; masques de beauté; produits de rasage'.

Vu le recours en réformation de cette décision et les conclusions au soutien de ce recours respectivement déposés au greffe de la cour le 6 octobre 2022 et le 21 octobre 2022 par la société Laboratoire Native.

Vu les observations écrites du directeur général de l'INPI concluant au bien fondé de la décision déférée et à sa confirmation.

Le ministère public ayant été avisé.

SUR CE, LA COUR:

La société Phytocosmétic Solution (SAS) n'est pas représentée devant la cour faute d'avoir constitué avocat. La déclaration de recours et les conclusions au soutien de ce recours lui ont été signifiées par huissier de justice dans les conditions de l'article 659 du code de procédure civile à sa dernière adresse connue [Adresse 2] au [Localité 7]. Il sera statué par arrêt de défaut.

Les dispositions de l'article L.411-4 alinéa 2 du code de la propriété intellectuelle donnent compétence au directeur général de l'INPI pour statuer notamment sur les demandes en nullité de marques. L'article R.411-19 du même code prévoit que les recours exercés contre les décisions mentionnées à l'article L.411-4 alinéa 2 sont des recours en réformation déférant à la cour la connaissance de l'entier litige en fait comme en droit.

Dans sa critique de la décision du directeur général de l'INPI déclarant nulle la marque verbale n°17/4 350 272 PHYTOJELLY pour les 'lotions pour les cheveux; rouge à lèvres; masques de beauté; produits de rasage', la société requérante Laboratoire Native fait valoir, en premier lieu, que la marque est dotée d'un caractère distinctif au regard des produits désignés. Elle rappelle que le caractère distinctif de la marque s'apprécie au jour du dépôt et qu'il peut être acquis par l'usage. En l'espèce, au 30 mars 2017, jour du dépôt de la marque, le signe PHYTOJELLY devait être, selon elle, nécessairement perçu comme appartenant à la famille de marques construite autour du préfixe PHYTO lequel avait acquis, par l'usage massif et continu qu'elle en faisait depuis plus de 50 ans, un caractère distinctif. Elle ajoute que le terme JELLY, à supposer qu'il soit compris par le grand public comme correspondant au mot 'gelée', n'est pas descriptif mais tout au plus évocateur d'une caractéristique des produits visés et, qu'en toute hypothèse, le néologisme PHYTOJELLY, étranger à la langue française, présente un caractère arbitraire lui conférant la distinctivité requise pour être déposé à titre de marque. La société requérante soutient, en second lieu, que le signe PHYTOJELLY est dénué de caractère trompeur car le consommateur moyen n'attend pas des produits visés qu'ils soient constitués d'une gelée à base de plantes.

Dans ses observations, ci-dessus visées, le directeur général de l'INPI qui, selon les dispositions de l'article R. 411-23 du code de la propriété intellectuelle, n'est pas partie à la présente instance mais doit être mis en mesure de présenter ses observations écrites ou orales, maintient que sa décision est bien-fondée en ce qu'elle a conclu à la nullité de la marque contestée comme descriptive et déceptive au regard des produits visés. Il fait valoir que l'association des séquences PHYTO et JELLY sera immédiatement perçue par le consommateur de produits cosmétiques comme désignant une 'gelée aux plantes' ou 'gelée végétale' et décrivant ainsi une caractéristique de ces produits à savoir leur composition végétale et leur texture gélatineuse ; que le signe PHYTOJELLY ne permet donc pas de distinguer les produits en cause de ceux provenant d'une autre entreprise et qu'il ne satisfait pas ainsi à la fonction essentielle de la marque d'identification de l'origine commerciale des produits marqués. Il souligne que la notion de famille de marques est dénuée de toute pertinence dans l'examen des motifs absolus de validité de la marque et, en particulier, du caractère distinctif, qui doit être apprécié au regard des caractéristiques propres de la marque. Il ajoute enfin que le signe est trompeur car de nature à suggérer au consommateur que les produits désignés seraient fabriqués à base de plantes et constitués sous forme de gelée.

Ceci posé, il importe de rappeler à titre liminaire que la marque contestée, déposée le 30 mars 2017, est soumise au droit antérieur à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2019 -1169 du 13 novembre 2019 et qu'en conséquence, sa validité doit être examinée au regard de la loi n°92-597 du 1er juillet 1992 dans sa version en vigueur au jour du dépôt.

Selon les dispositions de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction applicable en l'espèce 'Le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés. Sont dépourvus de caractère distinctif : (...)

b) Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service ; (...).

Il ressort des dispositions précitées que, pour être valide, la marque doit présenter un caractère distinctif qui la rend apte à permettre au consommateur de distinguer les produits et services qu'elle entend protéger de ceux issus d'une autre provenance commerciale.

Il est constant que le caractère distinctif de la marque doit être apprécié au jour du dépôt. Cette appréciation s'effectue par rapport aux produits et services couverts par la marque et en considération de la perception du signe concerné par le public pertinent.

Ainsi, la marque sera regardée comme descriptive et dépourvue de caractère distinctif si le signe qui la constitue présente avec les produits ou services désignés un rapport suffisamment direct et concret pour permettre au public pertinent de percevoir dans ce signe, immédiatement et sans autre réflexion, la description de ces produits ou services ou de leurs caractéristiques.

En l'espèce, la marque attaquée est constituée du signe verbal PHYTOJELLY destiné à distinguer les 'lotions pour les cheveux; rouge à lèvres; masques de beauté; produits de rasage' dont il est constant qu'ils relèvent de la catégorie des produits cosmétiques.

Il n'est pas établi, contrairement à ce qu'il est affirmé par le directeur général de l'INPI, que le consommateur des produits de consommation courante que sont les produits cosmétiques, à savoir le grand public, traduira aisément le terme issu de la langue anglaise JELLY par 'gelée' dont il serait proche phonétiquement.

En effet, la proximité phonétique alléguée n'est pas d'emblée perceptible entre ces deux vocables qui présentent des sonorités différentes à raison des séquences de voyelles é / i pour JELLY et e / é pour 'gelée'.

En outre, à la supposer avérée, leur proximité phonétique ne conduira pas nécessairement et inéluctablement le consommateur moyen de produits cosmétiques à appréhender le terme JELLY de la langue anglaise comme correspondant, dans la langue française, au terme 'gelée' .

Il est à cet égard relevé que les documents produits dans la procédure devant l'INPI en annexe 5 ne montrent pas, contrairement à ce qu'il est retenu dans la décision attaquée, que le public français serait familier de l'utilisation du terme JELLY dans le secteur de la cosmétique pour désigner des produits d'apparence translucide et de texture gélatineuse.

En effet, s'il ressort de ces documents antérieurs au jour du dépôt de la marque contestée, que les termes 'gel' et 'gelée' se rencontrent fréquemment dans le secteur de la cosmétique pour désigner des produits tels que 'gel de rasage', 'gelée de rasage', 'gelée nettoyante', 'gelée démaquillante', 'masque gel hydratant', 'gel minceur', 'gel silhouette', 'gel douche', le terme JELLY, en revanche, apparaît sporadiquement, sur des produits présentés comme provenant d'Angleterre, au sein d'ensembles dénominatifs entièrement rédigés en anglais tels que: 'Yes To Cucumbers Cooling Jelly Mask' , 'elf Jelly Pop Juicy Gloss' 'Tsum Tsum Jelly Mousse Tint'. En l'état de ces constatations, il n'est pas permis de conclure que le consommateur moyen, normalement attentif et informé, de produits cosmétiques, serait familier du terme JELLY et enclin à l'assimiler d'emblée à une 'gelée' quand bien même l'emploi de ce dernier terme serait courant dans le secteur de la cosmétique.

Il s'ensuit que c'est à tort que le directeur général de l'INPI a estimé que la dénomination PHYTOJELLY serait perçue par le public pertinent comme signifiant 'gelée aux plantes' ou 'gelée végétale' et regardée comme descriptive de produits cosmétiques fabriqués à base de plantes et dotés d'une texture gélatineuse.

En effet, le terme JELLY, qui n'appartient pas à la langue française et dont la signification ne sera pas immédiatement comprise par le grand public revêt un caractère arbitraire au regard des produits concernés à savoir les 'lotions pour les cheveux; rouge à lèvres; masques de beauté; produits de rasage' dont il ne constitue pas la désignation nécessaire, générique ou usuelle.

Associé au préfixe PHYTO, qui est évocateur d'un rapport avec le monde végétal, et au côté duquel il tient une place dominante, le terme JELLY conserve pleinement son caractère arbitraire.

En conséquence, le signe verbal PHYTOJELLY est distinctif au regard des produits désignés ce qui le rend apte à satisfaire, pour ces produits, à la fonction essentielle de la marque qui est de garantir l'identité d'origine commerciale des produits marqués.

Selon les dispositions de l'article L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction applicable en l'espèce, 'Ne peut être adopté comme marque ou élément de marque un signe : (...)

c) De nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance du produit ou du service'.

Il découle des motifs qui précèdent que le signe verbal PHYTOJELLY ne sera pas nécessairement perçu par le public pertinent comme signifiant 'gelée aux plantes' ou 'gelée végétale' ce dont il s'infère qu'un tel signe n'est pas de nature à tromper le public en lui suggérant que les produits désignés seraient fabriqués à base de plantes et seraient constitués d'une texture gélatineuse.

La décision du directeur général de l'INPI est dès lors réformée en ce qu'elle a accueilli partiellement la demande de la société Phytocosmétic Solution en prononçant la nullité de la marque verbale n°17/4 350 272 PHYTOJELLY pour les produits suivants: 'lotions pour les cheveux; rouge à lèvres; masques de beauté; produits de rasage'.

Statuant à nouveau, dans les limites du recours, la cour rejette comme mal fondée la demande en nullité formée par la société Phytocosmétic Solution à l'encontre de la marque n°17/4 350 272 PHYTOJELLY dont est titulaire la société Laboratoire Native.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant par arrêt de défaut à l'égard de la société Phytocosmétic Solution (SAS),

Dans les limites du recours,

Rejette la demande en nullité formée par la société Phytocosmétic Solution à l'encontre de la marque n°17/4 350 272 PHYTOJELLY dont est titulaire la société Laboratoire Native,

Dit que le présent arrêt sera notifié par lettre recommandée avec avis de réception par les soins du greffier aux parties et au directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle.