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Décisions

CA Rennes, 1re ch. B, 2 octobre 2009, n° 08/03160

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Banchereau Maroc (SA)

Défendeur :

Sapa Internationale (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Beuzit

Conseillers :

M. Gimonet, Mme Le Brun

Avoués :

SCP Castres, Colleu, Perot & Le Couls-Bouvet, SCP Bazille Jean-Jacques

Avocats :

Me Libeau, Me Gauthier

CA Rennes n° 08/03160

1 octobre 2009

La société Banchereau Maroc a commandé en novembre 2005 à la société Sapa internationale la fourniture de viande de dindes séparées mécaniquement (VSM) ; La société Banchereau Maroc s'est plainte de la présence de salmonelle dans certains lots de la viande livrée et a fait valoir que la société Sapa internationale était chargée d'acheter la marchandise et de s'assurer de la mise en conformité administrative et vétérinaire, dont l'absence de salmonelle ;

Par jugement du 31 mars 2008, le tribunal de commerce de Nantes a :

- constaté qu'il n'existait pas de convention liant la société Banchereau à la société Sapa internationale ;

- constaté qu'aux termes de son acte introductif d'instance, la société Banchereau sollicitait la condamnation de la société Sapa internationale en raison d'une mauvaise exécution du contrat la liant à cette dernière société à la société Banchereau Maroc ;

- constaté en conséquence que la société Banchereau n'avait pas d'intérêt à agir, déclaré sa demande irrecevable et l'en a déboutée ;

- condamné la société Banchereau à verser à la société Sapa internationale la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la société Sapa internationale de ses autres demandes ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné la société Banchereau aux dépens ;

La société Banchereau a interjeté appel de cette décision ;

Par conclusions du 27 août 2009, la société Banchereau et la société Banchereau Maroc, intervenante volontaire, ont demandé à la cour :

- de décerner acte à la société Banchereau Maroc de son intervention volontaire ;

- d'infirmer le jugement ;

- de condamner la société Sapa internationale à payer à la société Banchereau Maroc les sommes de :

* 14 671,58 € au titre de la prestation non exécutée,

* 6 528 € correspondant au paiement de la viande VSM,

* 8 160 € correspondant aux frais de transport et de dédouanement,

4 080 € au titre des frais de destruction de la viande,

- subsidiairement, de condamner la société Sapa internationale à payer ces sommes à la société Banchereau ;

- de condamner la société Sapa internationale à payer en outre la somme de 15 000 € à titre de dommages-intérêts ;

- de débouter la société Sapa internationale de toutes ses demandes ;

- de condamner la société Sapa internationale à payer la somme de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

La société Sapa internationale, par conclusions du 17 juin 2009, a demandé à la cour :

- de déclarer irrecevable en cause d'appel l'intervention volontaire de la société Banchereau Maroc ;

- de déclarer forclose l'action de la société Banchereau Maroc et de la débouter de l'ensemble de ses demandes ;

- de confirmer le jugement ;

- de débouter la société Banchereau et la société Banchereau Maroc de l'intégralité de leurs demandes ;

- de condamner la société Banchereau à lui payer la somme de 2 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens devant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

SUR CE,

SUR L'IDENTITÉ DU COCONTRACTANT DE LA SOCIÉTÉ SAPA INTERNATIONALE

Considérant que les sociétés B. et B. Maroc versent elles-mêmes aux débats un document émanant du télécopieur de B. Maroc portant la date du 15-11-2005 18:23", intitulé Engagement avec B. Maroc , par lequel la société Sapa internationale devait s'engager sur divers points dont celui de communiquer à B. Maroc les résultats des analyses micro biologiques avant chargement et en remettre les originaux le jour de la livraison ;

Que, le 14 novembre 2005, le gérant de la société Sapa internationale, monsieur A., avait remercié messieurs B. et L. de leur accueil dans leurs locaux au Maroc tout en sollicitant la mise en place par la société Banchereau SAS d'une garantie bancaire ; que selon télécopie du même jour, monsieur D. a avisé le gérant de la société Sapa internationale de ce que B. SAS .. adressera un chèque de 29 000 euros en garantie des paiements de B. Maroc', la facture devant être établie au nom de B. Maroc, selon ce même fax ; qu'enfin, le 21 novembre 2005, la société Banchereau Maroc, sous la signature de son directeur général, monsieur L., a adressé un bon de commande 3 camions de 23 tonnes VSM à la société Sapa internationale, à livrer les semaines 47, 48 et 49 ; qu'il est donc établi que, si la société Banchereau a pu s'intéresser aux pourparlers entre la société Sapa internationale et la société Banchereau Maroc et se porter garante de cette dernière à l'égard du fournisseur, seule la société Banchereau Maroc a passé commande de viandes à la société Sapa internationale qui ont d'ailleurs été facturées à son nom ; que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont considéré que la société Banchereau était irrecevable à agir, faute d'intérêt, aux lieu et place de sa filiale, la société Banchereau Maroc, qui avait seule contracté avec la société Sapa internationale ;

SUR L'INTERVENTION DE LA SOCIÉTÉ BANCHEREAU MAROC EN CAUSE D'APPEL

Considérant que peuvent intervenir en cause d'appel les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité, dès lors qu'elles y ont intérêt, et que l'intervention se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant ;

Qu'en matière d'intervention volontaire, il n'y a pas lieu de rechercher si une évolution du litige est intervenue en cause d'appel ;

Considérant que la société Banchereau Maroc, qui agit contre la société Sapa internationale à raison de la mauvaise exécution invoquée d'un contrat de fourniture de viandes les liant, justifie d'un intérêt à agir ; que le litige soumis par l'intervenante n'est pas nouveau devant la cour dès lors qu'il procède directement de la demande originaire formée par la société Banchereau et tend aux mêmes fins ; qu'est ainsi caractérisé un lien suffisant avec les prétentions originaires alors qu'il n'importe par ailleurs que ces prétentions ont été déclarée irrecevables en première instance, ce qui a exclu leur examen au fond ; que l'intervention volontaire de la société Banchereau Maroc doit être déclarée recevable ;

SUR L'APPLICATION DE LA CONVENTION DE VIENNE

Considérant que la Convention de Vienne du 11 avril 1980 s'applique en matière de vente internationale de marchandises ; que la France ayant adhéré à cette convention, elle constitue le droit substantiel français de la vente internationale de marchandises qui s'impose au juge français sous réserve de son exclusion par les parties ;

Considérant que le vendeur est établi en France alors que l'acquéreur, la société Banchereau Maroc, est une société anonyme au capital de 17 200 000 DHS dont le siège social se situe au technopôle de Nouaceur Casablanca ; que le Maroc n'ayant pas adhéré à la Convention de Vienne, c'est par application des règles de droit international privé et plus précisément de l'article 3 alinéa 1er de la Convention de La Haye sur les ventes internationales d'objets mobiliers corporels qui désigne la loi interne du pays où le vendeur a sa résidence habituelle au moment où il reçoit la commande', à défaut de loi choisie par les parties, que la Convention de Vienne trouve à s'appliquer au présent litige ;

Considérant que la société Sapa internationale soutient que l'action de la société Banchereau Maroc est forclose en raison de la tardiveté de sa dénonciation des défauts de conformité au regard de l'article 39 de la Convention de Vienne ;

Considérant cependant que le délai de deux ans de l'article 39 de la Convention de Vienne est un délai de dénonciation du défaut de conformité et non un délai pour agir ;

Considérant que les remises de la chose ont eu lieu dans la deuxième quinzaine de novembre et les premiers jours de décembre 2005 ; que la société Banchereau Maroc a dénoncé le défaut de conformité des viandes tenant à la présence de salmonelle par lettre du 2 décembre 2005 adressée à monsieur A., dont la réception est confirmée par la réponse faite par ce dernier par télécopie du 5 décembre 2005 ; que le délai de dénonciation du défaut de conformité de l'article 39 de la Convention de Vienne a bien été respecté par la société Banchereau Maroc ;

SUR LE DÉFAUT DE CONFORMITÉ

Considérant qu'il ressort de l’engagement avec B. Maroc souscrit par la société Sapa internationale que cette dernière s'est obligée à fournir à la société Banchereau Maroc des produits satisfaisant les critères biologiques de l'annexe I' ; que l'annexe I porte la mention suivante :

1 analyse par jour de production (= lot)

si non conforme, repiquage de chaque palette ;

Considérant que la société Banchereau Maroc reproche à la société Sapa internationale de lui avoir livré de la viande de dinde ne satisfaisant pas aux critères bactériologiques ;

Considérant que deux analyses réalisées sur les prélèvements effectués sur les lots de viandes 5285-C1 à C9 et 5284-C1 à C9 ont conclu que les échantillons étaient de mauvaise qualité biologique, après avoir fait état de la présence de salmonella ; que toutefois ces lots n'ont pas été livrés intégralement à la société Banchereau Maroc ; qu'en revanche, la société Sapa internationale justifie de la salubrité des deux livraisons qu'elle a effectuées ;

Qu'en effet, en ce qui concerne la première livraison de 19 palettes de de VSM de dindes congelées, la lettre de voiture du 21 novembre 2005 fait référence au certificat sanitaire nécessaire à l'exportation portant le numéro FR 56050216 BG ; que ce certificat établi par la direction des services vétérinaires du Morbihan indique que les lots et palettes 5276 C1 à 5276 C9, 5277 C1 à 5277 C7 et 5278 Cl à 5278 C3 soit 19 palettes ont fait l’objet d’un examen bactériologique avec résultat favorable par le laboratoire B&A' ;

Qu'en ce qui concerne la seconde livraison, la lettre de voiture du 2 décembre 2005 concernant le transport de 19 palettes de VSM de dindes congelées fait référence au certificat sanitaire nécessaire à l'exportation portant le numéro FR56050224 BG indique que les lots et palettes 5283 C1 à 5283 C11,

5284 C2, 5284 C3, 5284 C5 à 5284 C7 et 5285 C4 à 5285 C6 soit 19 palettes ont fait l'objet d'un examen bactériologique avec résultat favorable par le laboratoire B&A à Vannes ;

Considérant que la société Sapa internationale verse aux débats les analyses par palettes du lot 2584, desquelles il ressort que les palettes C2, C3, C5, C6 et C7 livrées à la société Banchereau Maroc étaient exemptes de Salmonella, de même que les palettes C4, C5 et C6 du lot 5285 ;

Considérant qu'en procédant ainsi à un repiquage de palettes dont la salubrité est établie, la société Sapa internationale n'a fait qu'appliquer le contrat l'unissant à la société Banchereau Maroc, même si cette dernière a écrit le 14 mars 2006 qu'elle ne souhaite pas que des palettes (avec des bulletins conformes) appartenant à un lot ayant des bulletins d'analyses non conformes soient chargées' aux motifs que la distribution de micro-organismes est hétérogène ;

Considérant à cet égard que la société Banchereau Maroc a écrit dans son courrier du 12 décembre 2005 que la marchandise ne sera validée que lorsque les résultats des analyses faites au Maroc seront obtenus' ; que force est de constater que la société Banchereau Maroc ne produit aux débats aucune analyse faite après la livraison qui viendrait contredire celles réalisées par le laboratoire B&A de Vannes mais verse seulement aux débats un certificat de destruction le 19 décembre 2006 de produits agro-alimentaires devenus périmés ; qu'elle ne rapporte donc aucune preuve de l'absence de salubrité des viandes qui lui ont été livrées ;

Considérant que la société Banchereau Maroc qui a évoqué le12 décembre 2005 le fait qu'une majorité de palettes se sont brisées lors du déchargement, que les films plastiques étaient dégradés et plusieurs pains de viande à nu' et a demandé de veiller au renforcement du conditionnement transport', n'a pas reproché à la société Sapa internationale un quelconque manquement aux spécifications contractuelles qui prévoyaient un emballage en sac, housse ou carton alimentaire fermés et non percés, filmés sur palette européenne et cerclés 1.2 m-0.8m et n'a pas donné de détail sur ce qui parait relever d'un accident de déchargement ;

Considérant en définitive que n'est établie aucune non-conformité de la chose vendue ou faute contractuelle de la société Sapa internationale ; que la société Banchereau Maroc, qui ne pouvait régulièrement imposer une reprise de la viande à son cocontractant, doit être déboutée de l'ensemble de ses demandes ;

SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE EN DOMMAGES-INTÉRÊTS POUR PROCÉDURE ABUSIVE

Considérant que la société Sapa internationale, qui sollicite l'allocation de dommages-intérêts pour procédure abusive, ne rapporte pas la preuve de ce que le droit des sociétés B. et B. Maroc d'ester en justice aurait dégénéré en abus ; qu'elle doit être déboutée de sa demande ;

PAR CES MOTIFS

La cour

Confirme le jugement ;

Y ajoutant :

Déclare la société Banchereau Maroc recevable en son intervention volontaire ;

Dit la réclamation et l'action de la société Banchereau Maroc régulières au regard des dispositions de l'article 39 de la Convention de Vienne ;

Déboute la société Banchereau Maroc de l'ensemble de ses demandes ;

Déboute la société Sapa internationale de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Condamne la société Banchereau à payer à la société Sapa internationale la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne les sociétés B. et B. Maroc in solidum aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.