Cass. com., 26 octobre 2022, n° 20-16.174
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Vaissette
Rapporteur :
Mme Fontaine
Avocat général :
Mme Guinamant
Avocats :
SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SARL Cabinet Rousseau et Tapie, SARL Le Prado - Gilbert, SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SCP Alain Bénabent, SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Waquet, Farge et Hazan
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° U 20-16.174 et X 20-16.798 sont joints.
Désistement partiel
2. Il est donné acte à la société Etablissements [I] [D] (la société [D]) du désistement de son pourvoi n° X 20-16.798 en ce qu'il est dirigé contre les sociétés Amlin Insurance SE, Beologic, Eco tendance, Inter mutuelles entreprises, Boissec, HDI Global SE et M. [H], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Eco tendance.
Faits et procédure
3. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 12 février 2020), la société suisse Boissec, qui commercialise des produits en bois, a acheté à la société Eco tendance des lames en bois composite.
4. À la suite de réclamations de ses clients portant sur divers désordres affectant les lames, la société Boissec, par acte du 26 juin 2014, a assigné la société Eco tendance et son assureur, la société Inter mutuelles entreprises (la société IME) en indemnisation des préjudices subis.
5. Par acte du 31 juillet 2014, la société IME a assigné en garantie la société [D], fabricant des lames, et ses assureurs, les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles (les sociétés MMA), lesquelles ont appelé en garantie la société belge Beologic, fournisseur de la matière première, et ses assureurs, les sociétés Amlin Europe compagnie d'assurance, aux droits de laquelle vient la société Amlin Insurance SE (la société Amlin) et HDI Gerling Assurance, aux droits de laquelle vient la société HDI Global SE (la société HDI).
.
6. La société Eco tendance a été placée en procédure de sauvegarde le 16 septembre 2014 puis en liquidation judiciaire par un jugement du 15 septembre 2015. La société Boissec a régulièrement déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire, M. [H].
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi n° X 20-16.798, ci-après annexé
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen relevé d'office
8. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu l'article 7.2 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises (la CVIM) :
9. Il résulte de ce texte que les questions concernant les matières régies par la CVIM et qui ne sont pas expressément tranchées par elle sont réglées selon les principes généraux dont elle s'inspire ou, à défaut de ces principes, conformément à la loi applicable en vertu des règles du droit international privé.
10. Pour déclarer recevable le recours de la société [D] formé à l'encontre de la société Beologic sur le fondement de la CVIM et dire qu'elle n'est pas forclose, l'arrêt se réfère aux seules dispositions de cette convention.
11. En statuant ainsi, alors que la CVIM, si elle impose à l'acheteur un délai pour dénoncer un défaut de conformité, ne comporte aucune règle de prescription, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le troisième moyen du pourvoi n° U 20-16.174
Enoncé du moyen
12. La société Beologic fait grief à l'arrêt de dire que les sociétés Amlin et HDI ne sont pas tenues de garantir le sinistre et de les mettre hors de cause, alors « que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que le dispositif des conclusions de la société Amlin ne demandait aucunement sa mise hors de cause mais sollicitait seulement, sur le fondement des clauses d'exclusion de garantie, de déduire de la condamnation susceptible d'être prononcée à sa charge, les sommes de 58 720,20 euros au titre du remplacement des produits défectueux et 24 560,98 euros au titre des frais de dépose – repose ; qu'en jugeant purement et simplement que "la garantie de l'assureur n'(est) pas applicable" pour mettre entièrement ce dernier hors de cause, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code de procédure civile :
13. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
14. Pour dire que la société Amlin n'est pas tenue de garantir le sinistre et la mettre hors de cause, l'arrêt retient que le contrat n'est pas vidé de sa substance par les deux clauses d'exclusion invoquées par l'assureur et qu'une extension de garantie s'applique aux frais de dépose et de repose pour les produits jusqu'à trois ans après leur date de fabrication.
Il retient encore que cette garantie avait pris fin au moment de l'assignation en justice délivrée courant août 2014.
15. En statuant ainsi, alors que dans ses conclusions d'appel, sous le titre « sur la garantie de la société Amlin », au visa de deux clauses de ses conditions générales et particulières, la société Amlin demandait à la cour d'appel, d'une part, de la déclarer fondée à exclure de sa garantie le prix de remplacement des produits livrés par elle, incorporés dans les lames prétendument défectueuses après le processus d'extrusion réalisé par la société [D] et donc de déduire de la condamnation définitive susceptible d‘être prononcée à son égard une certaine somme correspondant au prix de remplacement de ces produits livrés par elle, de seconde part, de la déclarer fondée à exclure de sa garantie les frais de dépose-repose des produits fabriqués plus de trois ans auparavant et donc de déduire de la condamnation éventuellement prononcée contre elle une certaine somme correspondant aux frais de dépose-repose des produits défectueux qui n'étaient plus garantis à la date de délivrance de l'assignation de la société [D] à son encontre, ce dont il s'évince que la société Amlin ne déniait pas sa garantie pour la totalité des chefs de préjudice, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
16. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée sur le moyen relevé d'office entraîne, par voie de conséquence, celle des chefs de dispositif qui, par confirmation du jugement, condamne la société Beologic en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, et, y ajoutant, autorise la société [D] à recouvrer à l'encontre de la société Beologic la moitié des condamnations mises à sa charge, dit qu'au final la société Beologic supportera 1/3 des condamnations allouées à la société Boissec, rejette la demande de la société Beologic en application de l'article 700 du code de procédure civile et la condamne aux dépens, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
Mise hors de cause
17. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause, sur leur demande, les sociétés MMA, IME, HDI, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les premier et deuxième moyens du pourvoi n° U 20-16.174, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il condamne la société Beologic en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, et, y ajoutant, déclare la société Etablissements [I] [D] recevable en son recours à l'encontre de la société Beologic sur le fondement de la Convention de Vienne et dit qu'elle n'est pas forclose, autorise la société Etablissements [I] [D] à recouvrer à l'encontre de la société Beologic la moitié des condamnations mises à sa charge, dit qu'au final la société Beologic supportera 1/3 des condamnations allouées à la société Boissec, rejette la demande de la société Beologic en application de l'article 700 du code de procédure civile et la condamne aux dépens, dit que la société Amlin Insurance SE n'est pas tenue de garantir le sinistre et la met hors de cause, l'arrêt rendu le 12 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;
Met hors de cause, sur leur demande, les sociétés MMA IARD, MMA IARD assurances mutuelles, Inter mutuelles entreprises et HDI Global SE ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.