Cass. 2e civ., 26 octobre 2023, n° 21-22.315
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Martinel
Rapporteur :
Mme Jollec
Avocat général :
M. Adida-Canac
Avocats :
SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SCP Duhamel
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 juin 2021) et les productions, par déclaration du 5 novembre 2019, Mme [L] a relevé appel d'un jugement du 28 mars 2019 rendu par un conseil de prud'hommes dans le litige l'opposant à la société Allianz IARD.
2. Par ordonnance du 13 octobre 2020, un conseiller de la mise en état a constaté la caducité de la déclaration d'appel sur le fondement des articles 902 et 911-1 du code de procédure civile, au motif que l'appelante n'avait pas signifié la déclaration d'appel dans le mois de l'invitation qui lui avait été faite par le greffe le 16 décembre 2019.
3. Mme [L] a relevé appel de cette ordonnance.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Mme [L] fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 13 octobre 2020 constatant la caducité de la déclaration d'appel, alors « que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; ce principe implique que chaque partie puisse prendre connaissance et discuter de toute pièce susceptible d'influencer la décision du juge ; que pour déclarer caduque la déclaration d'appel, la cour d'appel a relevé que « Au vu des pièces de la procédure, la lettre simple émanant du greffe notifiant la déclaration d'appel et mentionnant l'obligation de constituer avocat a été adressée à la partie intimée le 12 novembre 2019. Il n'y a pas lieu d'annuler l'avis à faire signifier la déclaration d'appel qui a été adressé par le greffe le 16 décembre 2019 et il appartenait à l'appelant de se conformer à ce qui lui était demandé dans cet avis, conformément à l'article 902 du code de procédure civile, sous peine d'encourir la sanction de la caducité de la déclaration d'appel relevée d'office. » ; qu'en se fondant ainsi sur les « pièces de la procédure », cependant que ces pièces n'avaient pas été soumises au débat contradictoire, l'intimé n'ayant notamment pas déféré à la sommation qui lui avait été faite de communiquer la preuve de la date d'envoi, par le greffe, de la notification de la déclaration d'appel de Mme [L], la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction et violé l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
5. Ayant constaté que la lettre simple émanant du greffe notifiant la déclaration d'appel et mentionnant l'obligation de constituer avocat adressée à la partie intimée le 12 novembre 2019 figurait dans les pièces de la procédure, c'est sans violer le principe de la contradiction et sans méconnaître l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que la cour d'appel s'est fondée sur cette pièce de procédure.
6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
7. Mme [L] fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'il résulte de l'article 907 du code de procédure civile qu'à moins qu'il ne soit fait application de l'article 905, l'affaire est instruite sous le contrôle d'un magistrat de la chambre à laquelle elle est distribuée, dans les conditions prévues par les articles 780 à 807, imposant notamment la tenue d'une audience devant le conseiller de la mise en état, et sous réserve des dispositions qui suivent ; que la caducité de la déclaration d'appel en application des articles 902 et 908 ou l'irrecevabilité des conclusions en application des articles 909 et 910 sont prononcées par ordonnance du conseiller de la mise en état qui statue après avoir sollicité les observations écrites des parties ; que pour déclarer caduque la déclaration d'appel, après avoir rejeté le moyen tiré de la nullité de l'ordonnance déférée, la cour d'appel a retenu que « Ce texte ne prévoit pas d'entendre les parties mais impose de solliciter leurs observations écrites. Ainsi, la seule obligation du conseiller de la mise en état est d'inviter les parties à présenter leurs observations. » ; qu'en statuant comme elle l'a fait, alors pourtant que le fait de solliciter des observations écrites des parties n'est pas en contradiction avec l'obligation pour le juge de tenir une audience, de sorte que l'article 911-1, alinéa 2, du code de procédure civile ne saurait être interprété comme dérogeant aux articles 789, 792 et 793 du code de procédure civile et dispensant le juge de la tenue d'une audience, la cour d'appel a violé les articles 789, 792, 793, 907 et 911-1, alinéa 2, du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 911-1, alinéa 2, du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
8. Selon le premier de ces textes, le conseiller de la mise en état est tenu de solliciter les observations écrites des parties avant de prononcer la caducité de la déclaration d'appel en application des articles 902 et 908 du code de procédure civile ou l'irrecevabilité des conclusions en application des articles 909 et 910 du même code.
9. Il résulte du second de ces textes que la tenue d'une audience en matière civile constitue l'une des composantes du droit à un procès équitable.
10. Il en résulte que, hors les cas où il décide, d'office, d'appeler les parties à une audience, le conseiller de la mise en état, qui statue sur la caducité de la déclaration d'appel ou l'irrecevabilité des conclusions, n'est pas tenu d'organiser une audience, sauf si les parties le lui demandent.
11. Pour confirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état, l'arrêt retient que l'article 911-1 du code de procédure civile ne prévoit pas d'entendre les parties, mais impose de solliciter leurs observations écrites et que la seule obligation du conseiller de la mise en état est d'inviter les parties à présenter leurs observations, ce qui a été effectivement fait.
12. En statuant ainsi, alors qu'il résulte de la requête figurant en production que l'appelante avait sollicité une audience, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.