Cass. 3e civ., 30 novembre 2023, n° 21-23.173
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Teiller
Rapporteur :
Mme Grandjean
Avocats :
Me Ridoux, SCP Thouin-Palat et Boucard
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 24 juin 2021), le 13 novembre 2006, la société Magnum immobilière (la bailleresse) a donné des locaux à bail commercial à la société Sirius (la locataire) pour une durée de neuf années. MM. [E] et [L] [C] se sont portés cautions solidaires des obligations de la locataire pour une durée de neuf années et trois mois à compter de la prise d'effet du bail.
2. Le 22 décembre 2017, la bailleresse a assigné les cautions en paiement des sommes réclamées au titre des réparations locatives et de l'impossibilité de relouer.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses troisième à neuvième branches
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
4. MM. [C] font grief à l'arrêt de les condamner chacun à payer à la société Magnum immobilière certaines sommes au titre de leurs engagements respectifs de caution, alors :
« 1°/ que le juge a l'interdiction de méconnaître la loi des parties ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que le bail du 13 novembre 2006 prenait effet au 1er décembre 2006 ; que ce bail précisait qu'il était conclu pour une durée de neuf ans, soit jusqu'au 30 novembre 2015 ; que les consorts [C] produisaient l'acte du 26 février 2015 par lequel la société Sirius, en sa qualité de preneur, avait fait signifier à la société Magnum Immobilière le congé pur et simple du bail commercial, à l'échéance de neuf ans prévue par le bail ; qu'il en résultait que le bail avait pris fin le 30 novembre 2015 ; que dès lors, en affirmant que ''le bail a pris fin le 22 janvier 2016'', la cour d'appel a méconnu la loi des parties et violé l'ancien article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au litige ;
2°/ que le juge a l'interdiction de méconnaître la loi des parties ; qu'en l'espèce, le bail commercial en date du 13 novembre 2006 stipulait que ''M. [E] [C] et M. [L] [C] (?) déclarent se porter caution et répondant solidaire du locataire, envers le bailleur pour le paiement des sommes dues en vertu du présent acte, en principal et accessoires, et pour l'exécution de toutes les obligations contractées par le Locataire, aux termes du bail. En conséquence, en cas de manquement du locataire aux obligations contractées, la caution sera tenue de payer en ses lieu et place les sommes dues et d'exécuter toutes les obligations contractées par lui (?)'' ; qu'en vertu de ces stipulations, les consorts [C] ne pouvaient être recherchés en leur qualité de caution qu'au titre des obligations contractées au titre du bail, lequel avait pris fin le 30 novembre 2015 ; que dès lors, en jugeant que les consorts [C] devaient leur garantie pour des relations contractuelles qui auraient existé entre la société Magnum Immobilière et la société Sirius jusqu'au 22 janvier 2016, aux motifs inopérants que les consorts [C] s'étaient portés cautions du preneur pour une durée de neuf ans et trois mois à compter de la date d'effet du bail, la cour d'appel a violé l'ancien article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
5. Selon l'article 1732 du code civil, le preneur répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance.
6. La caution solidaire, qui s'est engagée à l'exécution de toutes les obligations du bail incombant au preneur si celui-ci n'y satisfait pas, est tenue, dans les mêmes conditions, notamment quant au mode de preuve de la créance des bailleurs, au paiement des réparations locatives.
7. Ayant relevé que le bail avait pris fin le 22 janvier 2016, ce dont il se déduisait que les clés du local avaient été restituées à la bailleresse à cette date, et souverainement retenu que l'obligation des cautions expirait le 29 février 2016, la cour d'appel a exactement énoncé que les cautions étaient redevables de toutes les sommes restant dues par la locataire à la suite de la résiliation du bail.
8. Inopérant en sa première branche en ce qu'il porte sur un motif erroné mais sans incidence sur la solution du litige, le moyen est donc mal fondé en sa deuxième branche. Mais sur le moyen pris en sa dixième branche
Enoncé du moyen
9. MM. [C] font le même grief à l'arrêt, alors « que sauf convention particulière, le bailleur répond de la vétusté ; qu'en l'espèce, le contrat de bail du 13 novembre 2006 ne contenait aucune clause particulière mettant à la charge du preneur les travaux dus à la vétusté ; que dès lors, en jugeant que la société Magnum Immobilière était en droit de réclamer le paiement de travaux permettant de remettre les lieux dans leur état primitif, ''sans qu'il y ait lieu de prendre en considération une quelconque vétusté'', la cour d'appel a violé l'article 1720 du code civil, ensemble l'article 1134 du même code dans sa rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1720, 1730, 1755 et 1134, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, du code civil :
10. Selon les deux premiers de ces textes, le bailleur doit faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations nécessaires autres que locatives et, s'il a été fait un état des lieux, le preneur doit rendre la chose telle qu'il l'a reçue, suivant cet état, excepté ce qui a péri ou a été dégradé par vétusté ou force majeure.
11. Selon le troisième, aucune des réparations réputées locatives n'est à la charge des locataires quand elles ne sont occasionnées que par vétusté ou force majeure.
12. Selon le dernier, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
13. Il en résulte que l'obligation du preneur de restituer les locaux dans leur état primitif n'inclut pas la réparation des dommages dus à la vétusté, sauf convention contraire expresse.
14. L'arrêt relève, d'une part, que le local a été donné à bail à l'état neuf et à l'état brut hors quelques travaux effectués par la bailleresse, d'autre part, qu'une clause intitulée « améliorations » prévoit que tous travaux réalisés par le locataire resteront la propriété de la bailleresse, celle-ci ayant toutefois le droit d'exiger le rétablissement des lieux dans leur état primitif et aux frais exclusifs du locataire, hormis les travaux d'aménagement (sanitaire, électricité, chauffage).
15. Il retient que la bailleresse est en droit de réclamer le paiement des travaux permettant de remettre les lieux dans leur état primitif, sans qu'il y ait lieu de prendre en considération une quelconque vétusté.
16. En statuant ainsi, sans constater l'existence d'un accord exprès mettant à la charge de la locataire les dommages dus à la vétusté depuis son entrée dans les lieux, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
17. Relative aux condamnations prononcées au titre des réparations locatives, la cassation n'affecte pas les condamnations prononcées au titre de la perte de loyers.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne M. [E] [C] à payer à la société Magnum immobilier la somme de 44 006,18 euros au titre de son engagement de caution, dans la limite de la somme de 44 006,18 euros due par la société Sirius au titre de la perte de loyers et condamne M. [L] [C] à payer à la société Magnum immobilier la somme de 44 006,18 euros au titre de son engagement de caution, dans la limite de la somme de 44 006,18 euros due par la société Sirius au titre de la perte de loyers, l'arrêt rendu le 24 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy.