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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 16, 25 mai 2021, n° 19/21002

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

GREENYARD FRESH FRANCE

Défendeur :

BANALAND LLC

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. ANCEL

Conseiller :

Mme SCHALLER

Avocats :

SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, Me BOUZIDI FABRE

Créteil, du 17 sept. 2019

17 septembre 2019

1- La société Agrisol, devenue Greenyard Fresh France, est une société française sise à Rungis, spécialisée dans l'importation et la distribution de fruits et légumes. Elle fournit la grande distribution, les grossistes mais aussi les collectivités.

2- La société Banaland est une société américaine sise à Miami, spécialisée dans la vente de bananes en provenance d'Amérique latine.

3- Le 27 décembre 2017 la société Agrisol a signé un contrat de fourniture de bananes avec la société Banaland pour une durée d'un an.

4- La société Agrisol reprochant à la société Banaland de ne pas respecter la qualité et la quantité de bananes prévues au contrat, a fait des réclamations courant juin 2018 et suspendu le paiement des factures de Banaland, contestant par courriel du 10 juillet 2018 la bonne exécution du contrat.

5- Les livraisons de bananes se sont poursuivies et la société Banaland a mis en demeure la société Agrisol le 7 novembre 2018 de lui payer la somme de 1.808.358,72 Euros au titre de factures demeurées impayées.

6- Par acte du 16 novembre 2018, la société Banaland a fait délivrer une assignation en référé devant le Président du Tribunal de Commerce de Créteil, en vue de voir la société Agrisol condamnée au règlement d'une somme globale de de 1.314.282,03 Euros au titre des factures impayées, intérêts et pénalités de retard.
7- Le 28 novembre 2018, la société Banaland a notifié la résiliation du contrat aux torts de la société Agrisol.
8- Par acte du 7 décembre 2018, la société Agrisol a assigné la société Banaland devant le Tribunal de Commerce de Créteil afin d'obtenir réparation pour l'inexécution par la société Banaland de ses obligations contractuelles.
9- Par ordonnance de référé du 7 mars 2019, le Président du Tribunal de Commerce de Créteil a condamné la société Agrisol à payer à la société Banaland la somme de 60.323,58 Euros.

10- Par jugement rendu le 17 septembre 2019, le Tribunal de commerce de Créteil a débouté la société Agrisol de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée au paiement de la somme de 1.367.600,11 Euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 7 décembre 2018, dit irrecevables les demandes au titre de la rupture brutale du contrat et condamné la société Agrisol au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

11- Par ordonnance du 17 décembre 2020, le CME a fait droit à la demande d'audition de M. Naranjo, Président de la société Banaland, qui a été entendu en visio conférence le 15 janvier 2021. Le procès verbal d'audition est joint à la procédure.

II PRETENTIONS DES PARTIES

12- Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique, le 8 février 2021, la société AGRISOL demande à la Cour de bien vouloir : Vu la Convention de Vienne sur la Vente internationale de Marchandises, Vu les articles 1231 et suivants du Code civil, Vu l'article 32-1 du Code de procédure civile, Vu le « Supply Agreement » du 27 décembre 2017,

- ENJOINDRE Banaland de communiquer tout élément relatif à la destruction des produits au port d'arrivée. A défaut de communication par Banaland des dits éléments dans le cadre de la présente instance et sous réserve que les éléments à disposition de la Cour ne lui permette pas de statuer sur cette demande, la Cour condamnera Banaland à la communication des certificats de destructions pour la campagne 2018 sous astreinte de 1.000 Euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir ;

- INFIRMER le jugement rendu le 17 septembre 2019 par le Tribunal de Commerce de Créteil, en ce qu'il a débouté Agrisol de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à payer à Banaland la somme de 1.367.600,11 euros (outre les intérêts au taux légal à compter du 7 décembre 2018), au titre de factures impayées et en ce qu'il a condamné Agrisol à payer à Banaland la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 CPC, ainsi que les dépens

Et, statuant de nouveau,
- CONDAMNER Banaland à régler à Agrisol la somme actualisée de 674.631,86 Euros portant intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;

- CONDAMNER Banaland à payer à Agrisol la somme de 20.000 Euros en réparation du trouble commercial subi par Agrisol du fait de la rupture anticipée du Supply Agreement ; - CONFIRMER le jugement de première instance du 17 septembre 2019 du Tribunal de Commerce de Créteil en ce qu'il a débouté Banaland de ses demandes d'indemnisation au titre de la procédure abusive et de la résiliation fautive du Supply Agreement, - DÉBOUTER purement et simplement Banaland de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions d'appel. En tout état de cause, - CONDAMNER Banaland à payer à Agrisol la somme de 50.000 Euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre aux entiers dépens de première instance et d'appel. 13- Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 11 février 2021, la société BANALAND demande à la Cour de bien vouloir : Vu la Convention de Vienne sur la Vente Internationale de Marchandises et notamment ses articles 53, 61 et 62, Vu les articles 32-1 et 133 du Code de procédure civile, Vu les articles 1231 et suivants et 1240 du Code civil, Vu les pièces versées aux débats,

CONFIRMER le jugement prononce' par le Tribunal de commerce de Cre'teil le 17 septembre 2019 en ce qu'il a condamné la société Agrisol a' payer a' la société Banaland la somme de 1.367.600,11 euros, outre les intérêts au taux légal a' compter du 7 décembre 2018 ; • CONFIRMER le jugement prononce' par le Tribunal de commerce de Créteil le 17 septembre 2019 en ce qu'il a débouté la société Agrisol de l'ensemble de ses demandes ; • INFIRMER le jugement prononce' par le Tribunal de commerce de Créteil le 17 septembre 2019 en ce qu'il a débouté la société Banaland de ses demandes au titre du préjudice subi consécutivement a' l'arrêt de l'exécution du contrat de livraison de bananes et au titre de la procédure abusive engagée par la société Agrisol et, statuant a' nouveau • CONDAMNER la société Agrisol a' payer a' la société Banaland la somme de 404.665 euros au titre des conséquences dommageables de l'arrêt de l'exécution du contrat conclu le 27 décembre 2017 ; • CONDAMNER la société Agrisol a' payer a' la société Banaland la somme de 50.000 euros compte tenu du caractère abusif de l'action engagée par la société Agrisol ; • En tout état de cause,

DEBOUTER la société Agrisol de sa demande de condamnation sous astreinte.

CONDAMNER la société Agrisol a' payer a' la société Banaland la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance. •

14- Les parties ont expressément acquiescé à l'application du protocole de procédure applicable devant la chambre commerciale internationale de la Cour (CCIP CA). 15- La clôture a été prononcée le 16 février 202

1. 16- La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, aux décisions déférées et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

III MOTIFS DE LA DECISION 1. Sur le droit applicable

17- En application de l'article 1er de la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises (Convention de Vienne ou CVIM), cette convention s'applique aux contrats de vente de marchandises entre des parties ayant leur établissement dans des Etats différents lorsque ces états sont des états contractants ou lorsque les règles du droit international privé mènent à l'application de la loi d'un Etat contractant.

18- En l'espèce, les parties ayant leur établissement dans des Etats contractants (France, Etats Unis), la Convention de Vienne est applicable, celle ci instituant un droit uniforme de la vente internationale de marchandises constituant le droit substantiel français.

19- A ce titre, elle s'impose au juge français, qui doit en faire application sous réserve de son exclusion, même tacite, selon l'article 6 de cette dernière convention, dès lors que les parties se sont placées sous l'empire d'un droit déterminé.

20- Il résulte du contrat signé le 27 décembre 2017 entre les sociétés Agrisol et Banaland intitulé « Supply Agreement » rédigé en anglais et traduit librement en français, que ce dernier est un contrat de vente internationale de marchandises et que les parties l'ont soumis, selon l'article 10 du contrat, à la loi française (« The Laws of the French Republic ») pour les droits dont elles ont la libre disposition, les parties pouvant aménager à leur convenance la substance de leurs relations contractuelles, le droit français admettant l'autonomie des parties et les dispositions contractuelles s'appliquant et s'articulant avec celles supplétives de la Convention de Vienne sur la Vente internationale de marchandises en l'absence de stipulations expresses, ou de dispositions d'ordre public.

21- En ce qui concerne le litige opposant les parties sur la vente de bananes biologiques, aucun contrat écrit n'a été signé par les parties et la Convention de Vienne est applicable. Il n'y a toutefois pas de litige sur le l'application des dispositions de la convention de Vienne à défaut de dispositions françaises impératives.

22- En l'espèce, les parties invoquent tant le code civil français que la Convention de Vienne.

2. Sur le paiement des factures du « Supply Agreement »
23- La société Agrisol conteste tout d'abord la demande en paiement des factures de la société Banaland, soutenant que la société Banaland ne produit aucun bon de commande ni aucun bon de livraison, que c'est à elle qu'il appartient de rapporter la preuve de la livraison des bananes, estimant que la production de « Bills of Lading » serait insuffisante.
24- Elle rappelle que le contrat prévoit que la livraison des bananes se fait sur le fondement de l'Incoterm DAP et que le paiement n'est dû qu'après remise des bananes à Agrisol au port d'arrivée et chargement dans les camions de la société Agrisol, le contrat prévoyant que « le paiement sera effectué par l'Acheteur par virement le mardi de la semaine suivant le déchargement au Port de livraison ».

25- Elle soutient ensuite que la société Banaland n'aurait pas exécuté ses propres obligations en ne fournissant pas la preuve que les bananes ont bien été cueillies dans les 24 h du chargement, les documents produits ne permettant pas de créer un lien entre les livraisons contestées et les rapports communiqués. 26- Elle soutient encore que la société Banaland n'aurait pas respecté les quantités minimum fixées contractuellement qu'elle estime impératives, déduisant du montant réclamé par Banaland les sommes qu'elle estime lui être dues pour perte de marge pour sous approvisionnement à hauteur de 265.118 euros et pour sur approvisionnement à hauteur de 193.833 euros.

27- Elle soutient également que la société Banaland n'aurait pas respecté ses obligations au titre de la qualité des bananes livrées, s'estimant dès lors bien fondée à déduire des factures réclamées par Banaland les notes de débit qu'elle a établies, correspondant à ses réclamations à hauteur de 209.738 €, et qu'elle était également bien fondée à déduire la somme de 121.006 € correspondant à des destructions de bananes du fait de leur mûrissement trop avancé à l'arrivée. Elle sollicite d'ailleurs à ce titre la communication des certificats de destruction des bananes.

28- Elle conteste toute forclusion, estimant que ses réclamations ont été faites dans le délai contractuel, et indique que le décalage entre les réclamations « qualité » et les réclamations «financières» s'explique par la nécessité de tenter de vendre les bananes affectées de défauts de qualité, afin de réduire le préjudice financier.

29- Elle indique que la société Banaland n'a jamais sollicité de contre expertise suite à ses réclamations et qu'elle les a dès lors implicitement acceptées.

30- Elle en conclut qu'après déduction de l'ensemble de ces sommes, elle n'était pas débitrice de la société Banaland, mais qu'en ajoutant toutes les autres sommes reconnues dues par la société Banaland (frais de fret avancés par la société Agrisol, notes de crédit en attente, etc), c'était la société Banaland qui était débitrice à son égard à hauteur de 60.323,58 euros. 31- En réponse, la société Banaland indique que la société Agrisol a cessé tout paiement depuis le mois de juin 2018 sans aucune explication, et qu'elle reste lui devoir un montant ramené à la somme de 1.367.600,11 € au titre des factures demeurées impayées, certaines réclamations validées ayant été prises en compte.

32- Elle indique qu'aux termes de l'article 53 de la Convention de Vienne, « l'acheteur s'oblige, dans les conditions prévues au contrat et par la présente convention, à payer le prix et à prendre livraison des marchandises » et soutient que la société Agrisol ne peut s'exonérer de son obligation de payer les factures comme prévu au contrat, sauf à rapporter la preuve du non respect par Banaland de ses propres obligations, ce qu'elle ne fait pas, et alors en outre que le contrat ne permettait pas de déduire des factures les notes de débit. Elle rappelle qu'aux termes du contrat de fourniture, le paiement devait intervenir le mardi suivant le déchargement et que les réclamations en cas de non conformité, devaient être transmises dans le délai d'une semaine après le déchargement. Elle soutient qu'Agrisol n'a pour la plupart de ses réclamations pas respecté ce délai, qu'elle était dès lors forclose à contester la conformité des livraisons et ne pouvait retenir le paiement des factures exigibles.

33- Elle conteste également la déduction de sommes pour les bananes dont la destruction était imputable à la seule société Agrisol, cette dernière n'ayant pas mis à disposition suffisamment de camions pour le transport à l'arrivée, les cartons de bananes restant parfois stockés sur le terminal portuaire pendant plusieurs semaines et devant dès lors être détruits.

34- Elle conteste le caractère impératif des quantités minimum prévues, mais soutient qu'il s'agissait d'un objectif indicatif. De plus, elle indique que c'est la société Agrisol, elle même, qui a sollicité une réduction des volumes afin de faire face aux baisses importantes des prix des bananes sur le marché européen. Elle rappelle, qu'en tout état de cause, les quantités de bananes livrées dépendaient des aléas de la production qui ne sont pas maitrisables, que dès lors les quantités prévues au contrat n'étaient assorties d'aucune sanction financière en cas de non respect.

Sur ce - Sur l'exécution du contrat

35- Il résulte du contrat de fourniture versé aux débats que les parties se sont engagées pour une durée d'un an à vendre et à acheter des bananes de variété Cavendish en provenance de divers pays d'Amérique du Sud précisant à l'article 1 : « Les quantités minimales devant arriver et être acceptées à Anvers, en Belgique ou à Rotterdam, aux Pays Bas (« Port de Livraison »), pour une période de 52 semaines à compter de la première semaine de chargement de 2018 (') sont d'environ ... conditionnées dans des cartons de marque générique, 1. ... » 2. 36- Il précise à l'article 2 que « le prix brut à payer par l'Acheteur par carton de bananes DAP livraison au port (incoterms 2011) est de 12,25 € moins un abattement net pour droits de douane de 1,65 € (') », le paiement devant être « effectué par l'Acheteur par un virement bancaire pour la valeur totale de la facture le mardi de la semaine après le déchargement au Port de Livraison ».

37- Il était prévu à l'article 3 dudit contrat que le vendeur effectuerait à ses frais un contrôle de la cargaison avant le chargement des cartons de bananes dans le bateau et qu'ensuite, à l'arrivée au port de livraison et au déchargement il effectuait à sa charge également une inspection de la cargaison afin de vérifier que les bananes répondent aux critères de qualité minimum énoncées dans les spécifications contractuelles. À défaut il lui appartenait de désigner un inspecteur qui devait constater tout écart par rapport aux spécifications prévues en annexe et aux tolérances indiquées dans lesdites spécifications. Une marge de 1% du volume total était considérée comme tolérable et ne pouvant faire l'objet d'une réclamation.

38- Pour le surplus, il était prévu que toute réclamation devait être notifiée au vendeur dans le délai d'une semaine après le déchargement des bananes au Port de Livraison, et avant leur mise en mûrisserie, afin de permettre, le cas échéant, une nouvelle inspection, et ce à peine de déchéance, ce qui n'est pas contesté.

39- Enfin les parties étaient convenues que si les dommages signalés dépassaient 1% du volume total, l'acheteur devait fournir au vendeur une facture de réclamation détaillant le montant réclamé, les articles concernés, un certificat de perte ou de dommages et tout autre information pertinente nécessaire pour authentifier et traiter la réclamation et que ces factures de réclamation devaient être transmises les mardi, jour choisi par les parties pour les paiements des factures.

40- Il était enfin précisé à l'article 3 dernier alinéa dudit contrat que l'acheteur ne pouvait déduire de son propre chef, sauf accord du vendeur, le montant des réclamations validées mais qu'il serait crédité soit par une note de crédit soit par virement, à la discrétion du vendeur, cette clause étant arguée de potestative par la société Agrisol.

41- L'ensemble de ces dispositions faisant la loi des parties n'a pas été contesté.

42- En application des dispositions de l'article 38 de la Convention de Vienne auxquelles est soumis le contrat, « l'acheteur doit examiner les marchandises ou les faire examiner dans un délai aussi bref que possible eu égard aux circonstances ».

43- Aux termes de l'article 39 de cette même Convention, « l'acheteur est déchu du droit de se prévaloir d'un défaut de conformité s'il ne le dénonce pas au vendeur, en précisant la nature de ce défaut, dans un délai raisonnable à partir du moment où il l'a constaté ou aurait dû le constater ».
44- Ces dispositions s'articulent avec les termes clairs prévus par les parties au contrat.
45- Il résulte des pièces versées aux débats qu'il n'y a eu aucune réclamation entre les parties, ni sur la quantité ni sur la qualité des bananes livrées, ni sur les paiements des factures ou les clauses du contrat et ce jusqu'au 30 mai 2018, les livraisons de bananes au titre du Supply Agreement n'ayant jamais été contestées et les factures ayant été payées.

46- La société Banaland verse aux débats les connaissements (bill of lading) et les factures correspondant aux transports des bananes pour la période. Elle verse également aux débats les inspections effectuées avant la livraison ainsi que les rapports d'expertise au chargement, accompagnés des photos de chaque chargement et des containers, justifiant ainsi suffisamment de la réalité des livraisons, la société Agrisol ne pouvant valablement soutenir aujourd'hui que la preuve des livraisons ne serait pas rapportée ou qu'elle n'aurait pas respecté ses obligations en amont des livraisons, cette critique n'ayant jamais été formulée pendant plus de cinq mois. De même la quantité exacte des bananes livrées résultait non seulement précisément de ces documents, mais également des listings des arrivages.

47- En ce qui concerne la qualité, ce n'est qu'à partir d'une livraison du 29 mai 2018 que la société Agrisol a émis une première réclamation.

48- Ainsi, par courriel daté du 30 mai 2018, la société Agrisol a notifié à la société Banaland dans les formes et délais prévus au contrat, une réclamation relative à la livraison du 29 mai 2018 pour défaut de conformité et elle a demandé par courriel daté du 4 juillet 2018 l'établissement d'une note de crédit pour cette livraison, en joignant les documents établissant les défauts.

49- Puis, la société Agrisol a multiplié les réclamations entre le 30 mai et le 31 juillet 2018, mais sans demander l'établissement d'une note de crédit, établissant unilatéralement des notes de débit et suspendant immédiatement tout paiement des factures.

50- Les livraisons se sont néanmoins poursuivies, et :

une réunion s'est tenue le 14 juin 2018 entre Agrisol et Banaland, par e mail en date du 10 juillet 2018, Agrisol a estimé qu'elle était créancière de Banaland à hauteur de 756 K€ pour des réclamations qualité à hauteur de 176 K€, des pertes pour 121 K€, des sous approvisionnements pour 265 K€ et des excédents pour 194 K€, signalant en outre un certain nombre de problèmes relatifs à la régularité des volumes, aux informations sur les envois, aux conditions de transport et de mise à disposition au port de livraison, de mauvaise qualité et calibrage des bananes, ainsi que d'absence de contrôle au chargement dans les camions, et de traçabilité par conteneur. •

Par un courriel du 11 juillet 2018, la société Agrisol a sollicité une clarification entre Banaland et Sweet Peel au sujet de la facturation des livraisons de bananes bio, •

La société Banaland a, par courriel du 23 août 2018, accepté de valider une partie des réclamations pour un montant de 68.714,90 € sur un total de réclamations s'élevant à 209 738,72 €, •

Par ce même courriel, elle contestait toute responsabilité pour les autres problèmes allégués, que ce soit le transport en amont, les conditions météorologiques, la taille des bananes et indiquait que la société Agrisol avait elle même demandé de réduire ou d'augmenter les quantités selon les besoins, ce qu'elle avait fait, vendant ses surproductions à des coûts moindres,
• Elle rappelait à la société Agrisol que ses factures n'étaient plus payées depuis le mois de juin. •

51- Il résulte de ces éléments que si la société Agrisol a, pour certaines réclamations, respecté les formalités et délais prévus contractuellement, tel n'a pas été le cas pour l'ensemble de celles ci, comme elle le reconnait elle même dans ses propres écritures, détaillant les dates et délais de chacune de ses réclamations et les suites qui y ont été données.

52- Ainsi, il est établi que si le délai pour faire une réclamation d'une semaine après le déchargement au Port de Livraison a été respecté pour une partie des réclamations, certaines n'ont pu être admises car elles ont été faites alors que le processus de mûrissement avait été lancé, ce que les parties avaient expressément exclu dans leur contrat, exigeant que la réclamation soit faite « avant de soumettre les cartons au processus de maturation », clause expresse non contestée faisant la loi des parties, Agrisol soutenant vainement que le processus de mûrissement n'affecterait pas la qualité des bananes et n'empêcherait pas de faire néanmoins valoir ses réclamations.

53- Les dispositions contractuelles étant conformes aux règles fixées par la convention de Vienne, cette Convention permettant expressément de tenir compte des circonstances pour fixer un bref délai, et le délai de dénonciation étant raisonnable au regard des contraintes liées au murissement des bananes, c'est à juste titre qu'en application de ladite clause, la société Agrisol doit être déclarée déchue de son droit à faire valoir la non conformité des bananes si elle avait déjà mis les cartons en murissement.

54- Pour d'autres réclamations, Agrisol note elle même dans ses conclusions qu'elles ont été transmises plus de sept jours après le déchargement, la forclusion prévue contractuellement et faisant la loi des parties étant dès lors acquise.

55- En tout état de cause, à supposer que la forclusion pour faire des réclamations ne soit pas acquise, les parties avaient expressément exclu la possibilité pour la société Agrisol d'établir des notes de débit correspondant aux montants de ses réclamations, au surplus avant toute validation par le vendeur, ces notes de débit ne pouvant être unilatéralement déduites par Agrisol des factures réclamées, la demande devant faire l'objet d'une note de crédit validée par la société Banaland, ce d'autant que les brefs délais et conditions de réclamation étaient justifiés par le caractère périssable de la marchandise et la nécessité, pour le vendeur, de pouvoir vérifier l'état de la marchandise avant murissement.

56- Ce n'était que si la réclamation était justifiée et validée par les parties que la société Banaland devait recréditer la société Agrisol, soit par une note de crédit, soit par virement, sans qu'il puisse être considéré que les modalités de règlement des réclamations constituent une condition potestative dont il y aurait lieu de prononcer la nullité, ces modalités ayant été fixées d'un commun accord entre professionnels, ayant été mises en œuvre, utilisées et validées par la société Agrisol pour une partie de ses demandes et n'affectant pas le droit à remboursement de la société Agrisol, dès lors qu'elle était soit créditée, soit virée. Il n'y a pas lieu d'en prononcer la nullité.

57- C'est dès lors à tort que la société Agrisol a cru pouvoir, en violation des clauses contractuelles, déduire unilatéralement des montants facturés ses propres notes de débit, basées sur ses seules réclamations.

58- Elle doit dès lors être déclarée mal fondée en ses demandes de déduction pour le montant non justifié ou tardif de ses réclamations.

... pourra être retenue à son crédit la somme de 68.714,90 € correspondant aux réclamations dûment acceptées, sur un total de réclamations s'élevant à l'origine à 209 738,72 € et actualisé par les dernières conclusions à la somme de 220.929,12€.

60- En ce qui concerne les quantités de bananes livrées chaque semaine, il résulte des termes du contrat que si les quantités visées au contrat étaient « des quantités minimales », il était bien précisé

« environ », ce qui ôte tout caractère impératif à ces minima, les échanges de courriels versés aux débats établissant en outre que les parties étaient en contact régulier pour les livraisons et prévoyaient des diminutions ou augmentations, tant du côté du vendeur que de l'acheteur, pour tenir compte des contraintes de production d'un côté, et des contraintes de distribution de l'autre. Cela est si vrai que la société Agrisol ne verse aux débats aucune réclamation concernant les quantités livrées avant le 10 juillet 2018 et qu'elle ne produit aux débats pour justifier les pertes de marge alléguées qu'un tableau fait par ses soins et un montant de marge brute non étayé par aucun élément objectif et non validé par les organes comptables de la société. Le fait que la société Banaland ait reconnu dans son courriel en réponse daté du 23 août, et qu'elle ait confirmé lors de l'audition de Monsieur A devant la cour, qu'il arrivait qu'elle ait livré moins que prévu (« short supply »), invoquant notamment des éléments météorologiques imprévisibles ou des problèmes de transport, ne permet pas pour autant à la société Agrisol, de fixer unilatéralement l'indemnité qu'elle estime lui être due, sans respecter la procédure contractuellement prévue pour les cas d'inexécution.

61- En tout état de cause, les montants de marge brute qu'elle prétend pouvoir déduire des factures sont des indemnités qu'il lui appartient de justifier autrement que par de simples notes de débit ou par des tableaux internes, dénués de toute valeur probante en l'absence d'éléments justifiant les valeurs figurant dans lesdits tableaux et les taux de marge appliqués.

62- Elle devra là encore être déboutée de sa demande de déduction des notes de débit correspondantes.

63- En ce qui concerne la destruction des bananes à leur arrivée au Port de livraison, suite au défaut de qualité constaté par le représentant de la société venderesse, il appartenait à la société Agrisol, de suivre le processus de réclamation qualité prévu au contrat, ce qu'elle n'a jamais fait. Ce n'est en outre que le 10 juillet 2018 qu'elle en a fait état pour la première fois, pour des destructions remontant à plusieurs semaines, voire plusieurs mois.

64- C'est dès lors à tort qu'elle tente de justifier a posteriori et sur la base d'un tableau interne fait par ses soins, là aussi sans aucun justificatif, fondé sur les seules notes de débit qu'elle a établies unilatéralement, la déduction d'un montant non justifié et non validé par les parties.
65- Sa demande de production forcée des bons de destruction des bananes devra dès lors être rejetée, les réclamations pour les livraisons concernées étant forcloses et la cour ne pouvant palier la carence des parties dans l'administration de la preuve, même si la société Agrisol justifie avoir demandé la communication des bons de destruction, ce d'autant qu'il est en outre justifié qu'à plusieurs reprises les bananes ont dû être détruites parce que la société Agrisol n'avait pas mis suffisamment de camions à disposition pour pouvoir transporter toutes les bananes.

66- Enfin, s'agissant des autres griefs évoqués pour la première fois dans le courriel de la société Agrisol du 10 juillet 2018 (informations sur les envois, conditions de transport et de mise à disposition au port de livraison, absence de contrôle au chargement dans les camions, et de traçabilité par conteneur) il appartient à la société Agrisol d'établir la réalité desdits griefs et de justifier qu'elle a respecté les règles prévues par les parties au contrat relatives à l'exception d'inexécution.

67- Or, à ce titre, il résulte des termes du contrat que :

« article 8. Inexécution et résiliation : un cas d'inexécution en vertu du présent contrat sera réputé exister à la survenance de l'un ou plusieurs des événements suivants : (i) en ce qui concerne l'Acheteur, si l'Acheteur omet d'acheter ou payer les bananes conformément à ses obligations aux termes des présentes pour toute raison autre qu'un cas de Force Majeure ; ou (ii) si l'une des Parties n'exécute pas pleinement toute autre disposition importante du présent Contrat, et que ce manquement n'est pas imputable à un cas de Force Majeure, et que ce manquement perdure pendant dix (10) jours après la notification du manquement. En cas d'Inexécution et pendant la durée de l'inexécution, la Partie qui n'est pas en défaut aura le droit de résilier le présent Contrat par notification à l'autre Partie et de solliciter toute autre indemnisation prévue par le Contrat ou existant actuellement ou ultérieurement, en droit, en équité ou autrement (') ».

68- La société Agrisol n'ayant pas respecté ces dispositions pour invoquer ses griefs, ni notifié un manquement ou formalisé une demande de résiliation du contrat, et ayant unilatéralement suspendu ses paiements alors que les parties avaient expressément prévu qu' « en aucun cas, la résiliation du présent Contrat ne déchargera ou n'exonérera l'une ou l'autre des Parties des obligations de paiement contractées aux termes des dispositions du présent Contrat avant cette résiliation », elle n'est dès lors pas fondée à s'opposer au paiement des factures sur le fondement de l'exception d'inexécution, ni à faire valoir une résiliation à son profit.

69- Elle devra dès lors être déboutée de toutes ses demandes en déduction du montant des factures.

70- La société Agrisol soutient qu'à défaut de pouvoir obtenir la déduction de ses réclamations du prix de vente des bananes, elle doit être déclarée bien fondée à solliciter l'indemnisation de son préjudice en application de l'article 1231 du code civil pour les nombreuses violations du Supply Agreement commises par Banaland et pour la rupture fautive du contrat par cette dernière, sans viser les dispositions de la convention de Vienne, ayant en première instance visé uniquement les dispositions de l'article L442-6, I, 5° du code de commerce qu'elle ne soutient plus en appel.

..., ainsi qu'il sera développé ci après, et pour les mêmes motifs que ceux développés ci dessus, la société Agrisol n'établissant ni l'inexécution par Banaland de ses obligations, ni les conditions d'une résiliation du contrat à son profit, les conditions d'indemnisation prévues par la Convention de Vienne ou par l'article 1231 du code civil pour l'allocation de dommages intérêts ne sont pas réunies, et la société Agrisol devra être déboutée de toutes ses demandes d'indemnisation.

72- La décision des premiers juges devra être confirmée sur ce point.
- Sur les factures postérieures au 5 novembre 2018

73- Il résulte des pièces versées aux débats et notamment des échanges de courriels entre les parties entre le 22 octobre et le 30 octobre 2018 que la société Agrisol a fait valoir qu'en raison des violations de ses obligations par la société Banaland et face à une impossibilité de dialogue avec cette dernière elle n'avait pas d'autres choix que de soumettre toute nouvelle livraison à compter du 5 novembre 2018 à un procédé de vente en consignation, ce qu'elle a appliqué dans son compte entre les parties, estimant en conséquence que la société Banaland lui était redevable de la somme de 212.811,74 € au titre des marchandises réceptionnées après le 5 novembre 2018. Elle indique avoir informé la société Banaland, à plusieurs reprises qu'elle avait désormais la qualité de commissionnaire et qu'elle ne reverserait a' la société Banaland que le produit de la vente des bananes déduction faite d'une commission et des frais supportés par la société Agrisol.

74- La société Banaland s'est opposée à cette modification des conditions tarifaires convenues entre les parties et conteste avoir accepté une quelconque modification contractuelle en poursuivant la livraison des marchandises. Elle rappelle que les seuls termes du contrat sont applicables. Par ailleurs, elle indique avoir poursuivi la livraison car certaines cargaisons avaient déjà été expédiées et elles étaient donc déjà en transit lorsque la société Agrisol a indiqué que les marchandises seraient payées "en consignation".

75- Compte tenu des motifs susénoncés, des termes du contrat susrappelés et du non respect par la société Agrisol de toutes les clauses relatives à la résiliation du contrat, et compte tenu de l'engagement des parties pour une durée d'un an sur les bases acceptées, c'est à tort que la société Agrisol a cru pouvoir modifier les conditions tarifaires convenues à compter du 5 novembre 2018 et appliquer le processus de vente en consignation qui n'a fait l'objet d'aucun accord.

76- Elle devra être déboutée de ses demandes à ce titre, les conditions tarifaires convenues s'appliquant jusqu'au terme du contrat, y compris sur les livraisons postérieures à la rupture qui étaient déjà en cours d'acheminement.

- Sur les demandes en paiement des bananes Biologiques
77- La société Agrisol fait valoir qu'elle n'est liée par aucun contrat avec la société Banaland en ce qui concerne la livraison de bananes biologiques. Elle indique que la société Banaland n'apporte aucun élément de preuve des livraisons pour les factures réclamées, qu'elle ne fournit aucun bon de commande ni aucun bon de livraison, les Bill of Lading établissant simplement l'expédition.
78- Elle indique qu'en tout état de cause, la créance de la société Banaland pour un montant de 55.157,50 Euros correspond à des factures émises par la société Sweet Peel et non par la société Banaland et qu'elle ne justifie d'aucun mandat pour payer les factures à Banaland et non à Sweet Peel, cette dernière indiquant rester propriétaire des marchandises jusqu'à complet paiement

79- En réponse, la société Banaland fait valoir qu'elle a effectué 12 livraisons de bananes biologiques au profit de la société Agrisol, pour un montant total de 113.641,66 euros entre le 17 février 2018 et le 16 novembre 2018 et produit les factures correspondantes, ces livraisons n'ayant jamais été contestées.
80- Elle précise que la société Agrisol avait connaissance de ce que la société Sweet peel a procédé a' ces livraisons pour le compte de la société Banaland, En effet, elle fait valoir que la société Agrisol a reçu, entre février et novembre 2018, des notes de crédit pour les livraisons de bananes biologiques a' en tête de "Sweet Peel Fruit Co. on behalf of Banaland".
81- Elle ajoute que la société Agrisol fait référence à la société Sweet Peel société tierce basée aux Iles Vierges Britanniques sans aucun lien avec la société Sweet Peel Fruit Co.

Sur ce,
82- Aux termes de l'article 11 de la Convention de Vienne, le contrat de vente n'a pas à être conclu ni constaté par écrit et n'est soumis à aucune autre condition de forme. Il peut être prouvé par tous moyens, y compris par témoins.

83- Il résulte des pièces versées au débat que la livraison des bananes biologiques a, comme pour les bananes Cavendish, fait l'objet de Bill of Ladings réguliers qui n'ont jamais été contestés par la société Agrisol, la société Agrisol n'ayant formé aucune réclamation à ce titre et ayant régulièrement bénéficié d'avoirs qu'elle a crédités tout au long du premier semestre 2018.

84- La livraison des bananes biologiques, constatée de façon échelonnée tout au long de l'année et pour les quantités indiquées est parfaitement établie par les pièces versées aux débats et les échanges entre les parties.

85- Pour les bananes biologiques, deux types de factures ont été émises, certaines libellées au nom des sociétés Banaland et Sweet Peel Fruit Co, d'autres, uniquement libellées au nom de la société Sweet Peel Fruit Co.

86- La société Banaland n'apporte pas la preuve d'un mandat qui lui aurait été confié par la société Sweet Peel Fruit Co et ne peut donc se déclarer créancière des factures émises uniquement à en tête de la société Sweet Peel fruit Co pour un montant de 55.157,50 Euros, seules les factures libellées au nom de Banaland et de Sweet Peel Fruit Co permettant à la société Banaland d'en demander le paiement

87- Ainsi, il convient de déduire des factures réclamées par Banaland celles émises au titre de la livraison de bananes biologiques par la société Sweet Peel Fruit Co pour un montant de 55.157,50 euros dont la société Banaland n'établit pas qu'elle serait mandatée pour en recevoir le paiement, les autres factures étant dument justifiées par les livraisons de bananes susrappelées.

- Sur la rupture du contrat et les demandes d'indemnisation

88- La société Banaland sollicite la qualification de la rupture aux torts de la société Agrisol au titre de son appel incident et soutient qu'elle n'a commis aucune faute en résiliant le contrat dans les formes prévues par les parties puisque la société Agrisol avait arrêté sans motifs de payer les livraisons effectuées par Banaland. Elle sollicite l'indemnisation de son préjudice subi en raison de ladite rupture anticipée, qu'elle évalue à la perte subie du fait de l'arrêt des livraisons qui avaient été planifiées jusqu'à la fin de l'année.

89- En outre, elle fait valoir que des stocks de cartons de bananes et du matériel d'emballage spécialement conditionnés pour les livraisons destinées a' la société Agrisol n'ont pas pu être utilisés en raison du refus de la société Agrisol de continuer l'exécution du contrat, représentant un montant de 110.000 euros.

90- En réponse, la société Agrisol fait valoir que la rupture anticipée du contrat par la société Banaland était abusive et qu'elle lui a causé un préjudice notamment en raison de la nécessité pour elle de trouver une nouvelle source d'approvisionnement. Elle fonde sa demande sur l'article 1231 du code civil et non plus sur l'article L.442-6, I, 5° du code de commerce qui avait été soulevé en première instance et qu'elle ne mentionne plus en appel. Elle soutient que le préjudice allégué par la société Banaland concernant les stocks de matériel d'emballage n'est pas prouvé car cette dernière communique uniquement des échanges d'emails mais aucun élément comptable.

Sur ce,

91- Le contrat « Supply agreement », conclu pour une durée d'un an, a été rompu, le 28 novembre 2018, par la société Banaland après mise en demeure de la société Agrisol d'exécuter ses obligations contractuelles.

92- Comme indiqué ci dessus, la rupture anticipée de ce contrat à durée déterminée est imputable à la société Agrisol compte tenu de sa propre inexécution fautive, qui la prive de toute indemnisation, et elle doit dès lors être déclarée responsable, sur le fondement des articles 1231 et s. du code civil, et des articles 53, 59, 61 et suivants de la Convention de Vienne, des conséquences de la rupture pour inexécution de ses obligations et indemniser la société Banaland pour le préjudice subi.

93- Les parties ayant renoncé à faire valoir l'article L.442-6, I, 5° du code de commerce qui avait été invoqué en première instance, la cour n'en est pas saisie.
... l'effet dévolutif de l'appel, il y a lieu néanmoins de statuer sur la demande d'infirmation de la décision en ce que les premiers juges ont déclaré les demandes au titre de la rupture brutale irrecevables.

95- Compte tenu de la requalification des demandes en rupture du contrat pour inexécution, et compte tenu de la rupture prononcée aux torts de la société Agrisol en raison de l'inexécution par elle de ses obligations, il y a lieu de déclarer lesdites demandes recevables et d'infirmer la décision des premiers juges sur ce point.

96- Aux termes de l'article 74 de la Convention de Vienne, les dommages intérêts pour une contravention au contrat commise par une partie son égaux à la perte subie et au gain manqué par l'autre partie par suite de la contravention.

97- Il résulte des pièces versées aux débats, que la société Banaland a subi, d'une part, un préjudice du fait de l'impossibilité d'écouler les stocks de bananes destinés à être livrés à la société Agrisol pour lesquels la société Banaland s'était déjà approvisionnée auprès de ses fournisseurs en vue de l'exécution du « Supply agreement » dont le montant s'élève à la somme de 294.665 € correspondant aux pièces justifiant que la société Banaland a dû payer ses fournisseurs pour les bananes commandées pour un total de USD 317.000.

98- D'autre part, la société Banaland a également subi un préjudice résultant de la non utilisation des cartons et emballages spécialement conditionnés pour les livraisons de bananes destinées à la société Agrisol en exécution du « Supply agreement » pour un montant de 110.000 euros. Ce matériel ne pouvant être réutilisé par la société Banaland car estampillé « Katopé » conformément aux termes du « Supply agreement ».

99- Ainsi, il sera fait droit à la demande d'indemnisation de la société Banaland au titre du préjudice subi du fait de la rupture anticipée du « Supply agreement » imputable à la société Agrisol, d'un montant total de 404.665 euros correspondant aux stocks de bananes non écoulés ainsi qu'aux commandes de matériels spécialement achetés en vue des livraisons de bananes à la société Agrisol.

100- La société Banaland sera déboutée pour le surplus.

Sur le compte entre les parties 101- Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le compte entre les parties s'établit ainsi :
Factures restant dues pour les bananes Cavendish au titre du « Supply Agreement » : 1.716.453,86 €
• Déduction des réclamations qualité acceptées : 68.714,90 € Déduction du paiement fait par Agrisol en novembre 2018 : 199.980 € Frêt avancé par Agrisol à déduire : 202.191,83 € Sommes versées par Agrisol en exécution de l'ordonnance de référé : 60.323,58 € Déduction des bananes biologiques facturées au nom de la société Sweat Peel Fruit Co : 55.157,50 € •
Total : 1.130.086,05 € outre les intérêts au taux légal a' compter du 7 décembre 2018.

102- L'indemnisation pour le préjudice subi par la société Banaland du fait de la rupture anticipée du Supply Agreement s'élève à la somme de 404.665 euros, outre intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision. Il y a lieu de condamner la société Agrisol aux droits de laquelle vient la société Greenyard Fresh France, au paiement de cette somme.

- Sur la procédure abusive et les autres demandes
103- La société Banaland fait valoir que la société Agrisol a engagé la présente procédure dans le seul but de faire valoir des réclamations artificielles et fictives, afin de faire échec a' l'action en référé provision engagée a' son encontre par la société Banaland.
104- Elle fait valoir que cet abus l'a privée du paiement d'une provision alors qu'elle subissait les retards de paiement de la société Agrisol et qu'elle était ainsi créancière à hauteur de près de 1,8 millions d'euros.

105- En réponse, la société Agrisol fait valoir que la société Banaland ne caractérise en rien l'abus qu'elle aurait commis et qu'elle ne justifie pas d'un quelconque préjudice. Elle ajoute qu'elle a engagé une instance au fond devant le Tribunal de commerce de Créteil afin notamment de recouvrer les sommes qui lui étaient dues par la société Banaland.

Sur ce,
106- Il est constant que l'abus du droit d'agir en justice n'est caractérisé qu'en présence d'une faute dans l'exercice de ce droit. Il n'est pas établi en l'espèce que la société Agrisol aurait fait dégénérer en abus son droit d'agir en justice.
107- La société Banaland devra être déboutée de sa demande.
108- A hauteur de cour, l'équité commande de condamner la société Agrisol au droit de laquelle vient la societe Greenyard Fresh France à payer à la société Banaland LLC la somme de 30 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'appel.

IV DISPOSITIF Par ces motifs, la cour

1- Confirme la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la société Agrisol aux droits de laquelle vient la société Greenyard Fresh France à payer à la société Banaland une partie de ses factures, mais l'infirme sur le quantum fixé et sur le surplus,

2- Statuant à nouveau,
Condamne la société Agrisol aux droits de laquelle vient la société Greenyard Fresh à payer à la société Banaland, au titre du compte entre les parties la somme de 1.130.086,05 € outre les intérêts au taux légal a' compter du 7 décembre 2018.
• Condamne la société Agrisol aux droits de laquelle vient la société Greenyard Fresh à payer à la société Banaland à titre d'indemnisation pour la rupture anticipée du contrat « Supply Agreement » la somme de 404.665 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision. •

3- Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Y ajoutant,

4- Condamne la société Agrisol aux droits de laquelle vient la société Greenyard Fresh à payer à la société Banaland la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

5- La condamne aux dépens.