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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 16, 8 juin 2021, n° 19/22499

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

COLONY ENTERPRISES LTD (Sté)

Défendeur :

SUNDYNE INTERNATIONAL (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. ANCEL

Conseillers :

Mme SCHALLER, Mme ALDEBERT

TC Paris, du 13 juin 2019

13 juin 2019

1- La société Colony Enterprises (ci après « la société Colony ») est une société de droit maltais qui agit en tant qu'intermédiaire spécialisé dans l'achat et la revente de compresseurs, de pompes et de valves, pour le compte de clients finaux.

2- La société Sundyne International (ci après « la société Sundyne) est une société de droit français ayant son siège à ... spécialisée dans la construction, la vente et l'exportation de pompes et de compresseurs pour le marché du pétrole et du gaz dans le monde. La société Sundyne appartient à un groupe américain spécialisé dans la fabrication et l'exportation de matériels sensibles.

Faits

3- La société Tajik Asian, société de droit tadjik a été chargée, avec la société de droit chinois TK Oil (dans le cadre d'une joint venture) de la construction entre 2013 et 2018 d'une raffinerie dans la zone économique de D au Tajikistan.

4- La société Tajik Asian s'est adressée à ce titre à la société Colony en vue de la fourniture d'un compresseur à démarrage azote.

5- Le 7 août 2015, les sociétés Sundyne et Colony ont conclu un contrat soumis au droit français, aux termes duquel la société Sundyne s'est engagée à fabriquer et à vendre un compresseur destiné à être utilisé dans une usine située à D au Tajikistan, moyennant le versement d'une somme de 3 000 000 euros, payable en 5 échéances, avec prise de possession de la marchandise à l'usine de Longvic de la société Sundyne (Incoterm « EXW Longvic »).

6- Le 19 août 2015, la société Colony a conclu avec la société Tajik Asian un contrat ayant pour objet la revente et la livraison à D du compresseur pour un prix global de 4 598 187 euros.

7- A la date du 12 mai 2016, la somme de 2 700 000 euros a été versée par la société Colony à la société Sundyne à titre d'acompte.

8- Le 17 mai 2016, la société Sundyne a refusé de livrer le compresseur à la société Gulf Gate

International Spedition, mandatée par la société Colony pour effectuer les opérations de transport du compresseur, ayant des doutes sur la destination finale du compresseur, celle ci étant susceptible d'être l'Iran, ce qui l'aurait exposée à un risque de sanctions par les Etats Unis.

Procédure

9- Par acte du 26 juillet 2016, la société Colony a assigné en référé d'heure à heure la société Sundyne devant le tribunal de commerce de Paris afin d'obtenir la délivrance du compresseur dans les plus brefs délais (sous astreinte de 10.000 euros par jour à compter du délibéré), et la condamnation de la société Sundyne au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 480.000 euros.

10- Par ordonnance du 9 août 2016, le juge des référés a débouté la société Colony de toutes ses demandes en raison d'une contestation sérieuse, la société Sundyne ayant notamment invoqué le fait que l'obligation de délivrance était subordonnée à la condition de l'utilisation finale du compresseur à D et que l'injonction de délivrance se heurtait aux règlements européens et aux lois de police américaines.

11- Le 21 septembre 2016, la société Tajik Asian a informé la société Sundyne de la résiliation de son contrat avec la société Colony. Par courrier du 23 septembre 2016, la société Colony a demandé à la société Sundyne de lui rembourser le prix de vente perçu par la société Sundyne.

12- Le 8 novembre 2016, la société Colony a interjeté appel de l'ordonnance de référé, avant de se désister le 5 octobre 2017.

13- Par acte du 11 janvier 2018, la société Colony a assigné la société Sundyne en résolution de la vente pour manquement à son obligation de délivrance devant le tribunal de commerce de Paris qui, par jugement du 13 juin 2019, a :

Déclaré prescrite l'instance engagée par la société Colony Ltd ; Déclaré irrecevables l'ensemble de ses demandes ; Dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes subsidiaires de la SA Sundyne International ; Condamné la société Colony Ltd à payer à la SA Sundyne International la somme de 7.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.

14- Par déclaration du 11 décembre 2019, la société Colony a interjeté appel de ce jugement.

II PRETENTIONS DES PARTIES

15- La société Colony Ltd aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 février 2021 demande en substance à la Cour, au visa notamment des articles 3.1 et 9 du Règlement 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, des articles 49 et 29 ( 1), de la Convention de Vienne sur la Vente Internationale de Marchandises, des articles 1101, 1116, 1131, 1134, 1147, 1149, 1150, 1156, 1184, 1604, 1610, anciens du Code civil, des articles 1302-1, 1240, 2224 du Code civil, de bien vouloir :

- Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la société' Sundyne international de ses demandes reconventionnelles,

STATUANT A NOUVEAU

A TITRE PRINCIPAL

Dire et juger la société Colony Ltd recevable et bien fondée en sa demande; Dire et juger que le contrat est entaché de nullité pour réticence dolosive de la part de la société Sundyne International ; Dire et juger que le contrat est entaché de nullité pour absence de cause ; Dire et juger que le contrat de vente était anéanti avant l'acquisition de la prescription au 17 mai 2017 et que l'action au fond de la société Colony Ltd n'était pas prescrite à la date de son exploit introductif d'instance du 11 janvier 2018;

En conséquence :

- Condamner la société Sundyne International à restituer à la société Colony Ltd l'ensemble des sommes indument perçues en exécution du contrat - à hauteur globale de 2 700 000 euros - assorties des intérêts légaux à compter de la date de chacun des versements effectués, soit :

...

- Condamner la société Sundyne International à payer à la société Colony Ltd la somme de 1 598 187 euros à titre de dommages intérêts pour perte de chance en raison de la marge commerciale perdue pour avoir été dans l'impossibilité de revendre le compresseur à Tajik Asian au titre du contrat conclu avec cette dernière ;

- Condamner la société Sundyne International à payer à la société Colony Ltd la somme de 16 550 euros à titre de dommages intérêts pour les frais de transport avancés pour la livraison du compresseur.

A TITRE SUBSIDIAIRE

- Constater la résolution du contrat à la date du courrier de la société Colony Ltd du 23 septembre 2016 aux torts exclusifs de la société Sundyne International pour violation par cette dernière de son obligation de délivrance du compresseur ;

- Dire et juger que le contrat de vente était anéanti avant l'acquisition de la prescription au 17 mai 2017 et que l'action au fond de la société Colony Ltd n'était pas prescrite à la date de son exploit introductif d'instance du 11 janvier 2018;

En conséquence :

- Condamner la société Sundyne International à restituer à la société Colony Ltd l'ensemble des sommes indument perçues en exécution du contrat - à hauteur globale de de 2 700 000 euros - assorties des intérêts légaux à compter de la date de chacun des versements effectués, soit :

...

- Condamner la société Sundyne International à payer à la société Colony Ltd la somme de 1 598 187 euros à titre de dommages intérêts pour perte de chance en raison de la marge commerciale perdue pour avoir été dans l'impossibilité de revendre le compresseur à Tajik Asian au titre du contrat conclu avec cette dernière ;

- Condamner la société Sundyne International à payer à la société Colony Ltd la somme de 16 550 euros à titre de dommages intérêts pour les frais de transport avancés pour la livraison du compresseur.

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE

- Dire et juger que la société Colony Ltd est bien fondé à solliciter le remboursement de la somme de 2 700 000 euros au titre de la répétition de l'indu, assortie des intérêts légaux, à compter de la date de son exploit introductif d'instance soit le 11 janvier 2018 ;

En conséquence :

- Condamner la société Sundyne International à restituer à la société Colony Ltd l'ensemble des sommes indument perçues en exécution du contrat - à hauteur globale de 2 700 000 euros - assorties des intérêts légaux à compter de la date de chacun des versements effectués, soit :

300 000 euros selon facture du 07.08.2016, honorée le 27.08.2015, 300 000 euros selon facture du 16.09.2015, honorée le 29.09.2015, 600 000 euros selon facture du 18.03.2016, honorée le 05.04.2016, 1.500 000 euros selon facture du 11.04.2016, honorée le 20.04.2016

EN TOUTE HYPOTHESE

- Dire et juger que les demandes reconventionnelles de la société Sundyne International sont dépourvues de tout fondement et sont prescrites,

En conséquence :

- Condamner la société Sundyne International à payer à la société Colony Ltd une somme de 50.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamner la société Sundyne International aux dépens, en ce compris les dépens d'appel et de la première instance.

16- La société Sundyne International aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 mars 2021 demande en substance à la Cour, au visa de l'article 2254 du Code civil, de l'article 9 du Règlement Rome I, de l'article 1353 alinéa 1er du Code civil, et des anciens articles 1116, 1131, 1133 et 1184 du Code civil, de bien vouloir :

- Confirmer le Jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris en date du 13 juin 2019 en ce qu'il a déclaré prescrites et donc irrecevables les demandes formulées par Colony.

A titre subsidiaire,

- Débouter Colony de sa demande de nullité du Contrat pour « réticence dolosive » et « absence de cause » ;

- Débouter Colony de sa demande de « constatation » de la « résolution » du Contrat ;

Subsidiairement :

- Débouter Colony de sa demande de résolution du Contrat ;

- Débouter Colony de sa demande de dommages et intérêts ;

- Débouter Colony de sa demande de « répétition de l'indu » formulée à titre subsidiaire ;

- Débouter Colony de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Sur l'appel incident :

- Infirmer le Jugement en ce qu'il n'a pas examiné les demandes reconventionnelles formulées par Sundyne ;

- Débouter Colony de sa demande tendant à ce que la demande reconventionnelle formulée par Sundyne soit déclarée prescrite au regard de l'article 11 in fine du Contrat ;

- Ordonner la nullité du Contrat ;

A titre subsidiaire,

- Ordonner la résolution judiciaire du Contrat aux torts exclusifs de Colony au motif que la violation par Colony de la condition essentielle et déterminante de l'utilisation finale du compresseur à D (Tadjikistan) présente un caractère suffisamment grave pour justifier la résolution du Contrat aux torts exclusifs de Colony.

En tout état de cause

- Condamner Colony à s'acquitter entre les mains de Sundyne de dommages intérêts destinés à réparer le préjudice subi par cette dernière à raison des agissements illicites de l'Appelante, au titre :

(i) de la « perte subie », d'un montant total de 2.094.176 ; et (ii) du « gain manqué », d'un montant total de 1.115.929 euros.

- Ordonner la compensation judiciaire entre (i) la somme de 2.700.000 euros versée par Colony à Sundyne en exécution du Contrat, et (ii) la somme de 3.210.105 euros correspondant aux dommages intérêts dus par Colony ;

- Ordonner en conséquence à Colony de verser à Sundyne une somme de 510.105 euros, de sorte que Sundyne conservera la somme de 2.700.000 euros qui lui a été' versée par Colony ;

- Débouter Colony de toute ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamner Colony à s'acquitter d'une somme de 100.000 euros entre les mains de Sundyne en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner Colony aux entiers dépens, dont distraction au profit de Mai'tre Franc'ois Teytaud, Avocat à la Cour, aux offres de droit.

17- L'ordonnance de clôture a été prononcée le 30 mars 2021.

III MOTIFS DE LA DECISION

18- Le présent litige porte sur une vente internationale de marchandises entre une société de droit maltais et une société de droit français.

19- En application l'article 1er, b) de la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises (CVIM), ratifiée par la France, cette Convention s'applique aux contrats de vente de marchandises entre des parties ayant leur établissement dans des États différents « Lorsque les règles du droit international privé mènent à l'application de la loi d'un État contractant ».

20- Pour le juge français, la règle de conflit de lois applicable en matière de vente internationale de marchandises résulte de la Convention de La Haye du 15 juin 1955 dont l'article 2 stipule « La vente est régie par la loi interne du pays désigné par les parties contractantes./Cette désignation doit faire l'objet d'une clause expresse, ou résulter indubitablement des dispositions du contrat ».

21- Il ressort en l'espèce de l'offre de contrat émise par la société Sundyne et acceptée par la société Colony le 7 août 2015 et plus précisément de l'article 11 des conditions générales que « Any contract resulting from this quotation shall be governed by the laws of France » (« Tout contrat résultant du présent devis est régi par le droit français »).

22- Il convient en conséquence de considérer que les parties ont entendu placer la solution de leur différend sous le régime du droit substantiel français, lequel est constitué par la Convention de Vienne du 11 avril 1980, instituant un droit uniforme de la vente internationale de marchandises, laquelle est au demeurant visée expressément dans les conclusions de la société Colony et notamment dans son dispositif qui fait référence aux articles 49 et 29 ( 1).

23- Le présente litige sera en conséquence jugé selon cette Convention et pour les matières qu'elle ne régit pas, selon la loi française applicable au moment de la conclusion du contrat.

Sur la demande principale de la société Colony en nullité du contrat pour dol ou absence de cause

Sur la recevabilité de la demande en appel ;

24- La société Sundyne fait valoir que la demande de nullité du contrat est présentée pour la première fois par la société Colony en appel, sans toutefois en tirer une conséquence en demandant que cette demande soit déclarée irrecevable.

25- En réponse, la société Colony fait valoir que les demandes formulées pour la première fois en cause d'appel sont recevables dès lors qu'elles sont le complément de la défense opposée ou des demandes présentées devant les premiers juges, ou qu'elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. Elle indique que sa demande visant à solliciter la restitution du prix versé à la société Sundyne a été formulée en première instance, qu'une demande complémentaire en versement de dommages intérêts au titre des autres pertes financières subies avait été formulée et qu'elle invoquait déjà le fondement juridique du dol au soutien de ses demandes.

Sur ce ;

26- En application de l'article 954 du code de procédure civile, les conclusions d'appel « doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation.

Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées ».

27- Il convient de relever que la société Sundyne n'a émis aucune prétention au titre de la nouveauté des demandes de la société Colony dans le dispositif de ses conclusions, de sorte que la cour, à la supposer compétente pour statuer sur cette fin de non recevoir, n'en est pas saisie et qu'il ne sera donc pas statué sur ce point.

Sur la prescription de l'action en nullité du contrat

28- La société Sundyne fait valoir que la demande de nullité du contrat, présentée pour la première fois par la société Colony en appel, est prescrite depuis le 17 mai 2017 en application de l'article 11 des conditions générales de vente, qui survit à la nullité du contrat et a vocation à s'appliquer à toutes les actions susceptibles d'être introduites dans le contexte de la vente du compresseur et que cela couvre le grief d'attitude dolosive. Elle ajoute que le point de départ de la prescription en matière de nullité est fixé au jour ou' le titulaire de l'action a appris l'existence de l'acte ou de son vice et que la société Colony a pu découvrir l'existence des prétendus vices de nullité qu'elle allègue au plus tard à la date à laquelle la délivrance du compresseur litigieux devait intervenir selon le Contrat, soit le 17 mai 2016. Elle indique que cette date marque le point de départ de la prescription conventionnelle et que cette dernière était ainsi acquise depuis le 17 mai 2017.

29- En réponse, la société Colony fait valoir que l'article 11 des conditions générales de vente s'applique uniquement aux actions résultant d'une violation du contrat de vente et non à une action en nullité du contrat qui est par conséquent soumise au délai quinquennal de l'article 2224 du code civil. Elle ajoute qu'en tout état de cause, l'article 11 des conditions générales de vente ne saurait survivre à la nullité du contrat pour dol ou absence de cause car la clause de prescription, qui a la qualité d'une disposition matérielle, ne dispose d'aucune autonomie par rapport au contrat.

Sur ce,

30- En l'absence de disposition spécifique sur la prescription prévue par la convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises du 11 avril 1980, et de ratification par la France de la Convention de New York du 14 juin 1974 sur la prescription en matière de vente internationale de marchandises, cette question sera tranchée selon le droit interne français désigné comme indiqué ci dessus par la règle de conflit de lois applicable.

31- En l'espèce, l'article 11 des conditions générales de vente de la société Sundyne dispose que « Toute action pour violation de la vente, de tout contrat découlant de ces conditions ou de tout engagement ou garantie qui en découlent, ne peut être introduite plus d'un (1) an après la survenance de l'évènement à l'origine de l'action » (« No action for breach of sale, any contract resulting form this quotation or any covenant or warranty arising therefrom, K A C J L (1) N X M cause of action has accrued »).

32- Cette clause, qualifiée par chacune des parties de clause de prescription, ne peut être assimilée à une clause de différend en ce qu'elle n'a pas pour objet de définir les modalités de règlement d'un litige.

33- Cette clause ne précise par ailleurs pas si elle a vocation à s'appliquer aussi aux actions en nullité du contrat.

34- La nullité ayant pour effet d'anéantir le contrat, la clause litigieuse ne peut donc survivre à la nullité invoquée du contrat dans lequel elle est insérée, sauf à ce que les parties aient expressément entendu lui conférer une telle autonomie dans cette hypothèse, ce qui n'estpas le cas en l'espèce de sorte que cette clause n'est pas opposable.

... alors applicable, l'action en nullité est prescrite par un délai de 5 ans, et ce délai court en cas de dol à compter du jour où le dol a été découvert.

36- En l'espèce, quelle que soit cette date, le contrat litigieux ayant été conclu le 7 août 2015 et la société Colony ayant engagé son action en nullité au fond le 11 janvier 2018, le délai légal de prescription n'était pas acquis.

37- Il convient dès lors de rejeter la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité.

Sur la nullité du contrat invoquée par la société Colony pour dol ;

38- La société Colony fait valoir que la société Sundyne a refusé de livrer le compresseur en raison de doutes sur la destination finale qu'elle soupçonnait être l'Iran, sans toutefois être capable d'en apporter des preuves irréfutables, laquelle aurait pu constituer selon elle une « violation du droit américain », alors qu'elle n'a jamais fait de l'application du droit américain une condition essentielle du contrat qui aurait déterminé son consentement. Elle estime donc qu'elle s'est rendue coupable de réticence dolosive lors de la formation du contrat en l'entretenant dans la croyance que la livraison du compresseur n'était soumise à aucune restriction d'importation et qu'elle pourrait y procéder sans difficulté, notamment en signant un certificat à cet effet. Elle ajoute que si la société Sundyne avait eu des doutes sur la destination finale du compresseur, elle aurait pu demander des informations complémentaires et que c'est de manière particulièrement tardive après la signature du contrat et le versement de 90% du prix de vente qu'elle a fait part de ses doutes à la société Colony.

39- Elle souligne que la société Sundyne n'a en particulier pas apporté de justification plausible quant à son refus de livrer le compresseur et qu'elle demeure incapable de démontrer que le compresseur aurait été effectivement destiné à l'Iran. Elle soutient que la société Sundyne n'a en réalité jamais eu l'intention de livrer le compresseur. Elle considère que la société Sundyne l'a entretenue fallacieusement dans la croyance que le compresseur serait livré sans aucune difficulté au regard des normes et de la règlementation en vigueur.

40- En réponse, la société Sundyne fait valoir que le transport vers l'Iran du compresseur était prohibé, en vertu des droits communautaire et américain et que l'application du droit américain résultait d'un choix exprès des parties, tel que relevé par le juge des référés dans son ordonnance définitive du 9 août 2016, « contractualisé » par la société Colony qui a veillé à insérer une référence expresse aux droits communautaire et américain dans le projet de document de conformité qu'elle a elle même élaboré. Elle ajoute que le compresseur litigieux a été conçu sur mesure et présente un caractère unique, qu'il porte un numéro de série unique, et qu'il ne peut être utilisé que dans les conditions techniques et géographiques en contemplation desquelles il a été conçu et programmé, raisons pour lesquelles elle sollicite à titre reconventionnel la réparation de l'appauvrissement qu'elle a subi du fait de la faute de la société Colony.

41- Elle indique également que toutes les informations obtenues par la société Sundyne à compter d'avril 2016 l'ont légitimement conduite à penser que le compresseur avait vocation à être exporté vers l'Iran et que la société Colony n'a jamais été en mesure de confirmer l'exactitude de l'adresse de l'usine située à D figurant dans les documents d'expédition qui lui avaient été remis et qu'elle a unilatéralement décidé, quelques jours avant la délivrance du compresseur, de modifier l'adresse de destination de ce dernier, qui avait vocation à être acheminé dans les locaux de la société Colony sur l'île de Malte. Enfin, elle rappelle que ses demandes de visites de l'usine située à D avant et après l'ordonnance de référé rendue le 9 aout 2016 ont toutes été refusées.

SUR CE,

42- En application de l'article 1116 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 alors applicable, « Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté./Il ne se présume pas et doit être prouvé. »

43- Il a été admis que le dol peut être constitué par le silence d'une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter.

44- En l'espèce, la société Colony reproche à la société Sundyne d'avoir dissimulé les difficultés liées à la destination du compresseur et à l'application de la législation américaine.

45- Cependant, le dol suppose que celui qui l'invoque apporte la preuve de manoeuvres destinées à à provoquer le vice du consentement de l'autre partie.

46- Rien dans les faits rapportés par la société Colony ne permet de caractériser de telles manoeuvres contemporaines de la signature du contrat ou même une réticence dolosive qui auraient déterminées le consentement de la société Colony à contracter.

47- Il ressort au contraire des pièces versées que la destination finale du compresseur était entrée dans le champ contractuel. Il résulte ainsi du document intitulé « spécifications des services et condition du site », qui selon la société Colony avait été remis lors d'une rencontre entre les parties à Milan en juillet 2015, qu'est visé spécifiquement comme lieu de destination un site situé à « D, Tadjikistan ». De même, l'offre de contrat faite par la société Sundyne le 30 juillet 2015 comporte cette même information ainsi que celle selon laquelle le compresseur serait « assemblé et testé à Aravad au Colorado (USA) ».

48- Au surplus, il n'est pas contesté que le compresseur devait être non pas seulement vendu à la société Colony mais aussi fabriqué sur mesure, en fonction de certaines caractéristiques techniques liées notamment à la localisation de l'usine dans laquelle il devait être intégré. Dès lors, ces caractéristiques ont dû être prises en compte par la société Sundyne pour la fabrication de ce compresseur et faisaient ainsi partie de son obligation de délivrer une chose conforme.

49- La société Colony ne peut donc soutenir que la destination finale de ce compresseur n'était pas entrée dans le champ contractuel et que la société Sundyne n'aurait eu jamais l'intention de livrer le compresseur alors qu'il a été fabriqué sur mesure pour les besoins de la société Colony en fonction des spécificités techniques transmises et discutées entre les parties et qu'il n'est pas contesté que ce type de compresseur ne peut être réutilisé et/ou revendu au profit d'un autre client.

50- De même, la question de la conformité de la vente avec les législations européenne et américaine a bien fait l'objet d'un échange entre les parties puisque le 11 avril 2016, la société Colony a expressément demandé à la société Sundyne de confirmer si ses produits étaient susceptibles de mesures de restriction à l'exportation et a transmis un formulaire que la société Sundyne devait compléter, avec son en tête, lequel comporte notamment une référence à la législation américaine de sorte que cette question était aussi nécessairement entrée dans le champs des négociations.

51- C'est ainsi que la société Sundyne a signé le 11 mai 2016 ce certificat mentionnant que le compresseur était libre de tous droits à l'export (« free export : yes ») et qu'il n'était soumis à aucune restriction d'importation, quelles qu'elles soient (« export restrictions : no »), lequel faisait aussi mention des lois européenne et américaine.

52- Enfin, il n'est pas contesté que la société Sundyne a sollicité en juillet 2016 la société Tajik Asian, client final, une attestation (« End User Statement ») par laquelle elle devait confirmer cette destination, ainsi que la destination civile - et non militaire ' du compresseur, ce certificat ayant signé le 28 juillet 2015.

53- Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la preuve de manoeuvres dolosives ou même une réticence dolosive de la société Sundyne n'est pas rapportée, la société Colony ne justifiant nullement par ailleurs du caractère déterminant de la dissimulation alléguée et qu'elle n'aurait ainsi pas conclu le contrat si elle avait su que celui ci était subordonné à la destination finale au Tadjikistan.

54- La demande en nullité pour dol sera en conséquence rejetée.

Sur la nullité du contrat pour absence de cause ;

55- La société Colony fait valoir que le contrat est nul pour absence de cause, au motif que le refus de livraison par la société Sundyne a privé d'objet l'exécution du contrat pour elle et que dès lors son obligation de payer le prix est devenue dépourvue de cause.

56- La société Sundyne fait valoir que la demande est mal fondée au motif que l'existence de la cause d'une obligation doit s'apprécier au moment de la conclusion du contrat et que la nullité du contrat ne peut être encourue du fait de la disparition de la cause postérieurement à sa formation.

SUR CE,

57- Si en application de l'article 1131 du code civil, l'obligation sans cause ne peut avoir aucun effet, l'absence de cause s'apprécie à la date de la formation du contrat.

58- Ainsi, la nullité d'un contrat à titre onéreux pour ce motif n'est encourue que si, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s'engage est illusoire ou dérisoire.

59- En l'espèce, comme indiqué ci dessus, le caractère illusoire de la contrepartie du prix au moment de la formation du contrat n'est pas établie alors que la société Sundyne s'était engagée à fabriquer et vendre à la société Colony un compresseur sur mesure le 7 août 2015 et que l'absence de livraison effective du bien vendu ne constitue pas une cause de nullité du contrat.

... demande sera en conséquence rejetée.

Sur la demande subsidiaire de la société Colony en résolution du contrat ;

61- Il convient d'observer que la société Colony se fonde s'agissant de cette demande, tant sur l'article 1184 du code que sur l'article 49 de la CVIM. En l'absence d'option claire entre l'un ou l'autre, il sera donné prééminence à cette dernière convention dans la limite de son champ pour statuer sur cette demande.

Sur la prescription de l'action en résolution du contrat

62- La société Sundyne fait valoir que la violation contractuelle invoquée par la société Colony est prétendument survenue le 17 mai 2016, date à laquelle la délivrance du compresseur litigieux devait intervenir selon le contrat et qu'en conséquence la prescription édictée par cet article est acquise depuis le 17 mai 2017. Elle précise que la résolution judiciaire d'un contrat, à supposer qu'elle soit prononcée par la juridiction saisie, ne saurait aucunement paralyser l'application des stipulations contractuelles qui ont pour objet d'encadrer la cessation du contrat et qu'une clause de prescription survit nécessairement à la résolution du contrat litigieux. Elle ajoute que le courrier envoyé par la société Colony le 23 septembre 2016 n'a pas résolu le contrat dans la mesure où le terme de résolution ne figure pas dans ce courrier et qu'il vise exclusivement la perte d'objet du contrat.

63- En réponse, la société Colony soutient qu'une clause de prescription ne peut survivre à la résolution du contrat qui est survenue avant l'acquisition de la prescription. Elle fait valoir qu'elle a résolu le contrat dans son courrier de notification du 23 septembre 2016, de sorte que la résolution était déjà acquise au 17 mai 2017, terme de la prescription selon la société Sundyne. Elle ajoute que la clause qui aménage la prescription ne saurait survivre à la résolution du contrat, de sorte que l'article 11 des conditions générales de vente ne lui est pas opposable et que son action en résolution du contrat n'est de ce fait pas prescrite. Elle soutient également que l'inexécution contractuelle de la société Sundyne constitue non seulement un manquement très grave au contrat, mais également une faute lourde qui rend l'action en résolution recevable.

SUR CE ;

Sur la survie de la clause de prescription en cas de résolution du contrat ;

64- Il résulte de l'article 11 des conditions générales de vente que « No action for breach of sale, any contract resulting form this quotation or any covenant or warranty arising therefrom, K A C J L (1) N X M cause of action has accrued ». (« Toute action pour violation de la vente, de tout contrat découlant de ces conditions ou de tout engagement ou garantie qui en découlent, ne peut être introduite plus d'un (1) an après la survenance de l'évènement à l'origine de l'action »).

65- Nonobstant le fait que la CVIM ne traite pas de la prescription, elle stipule, comme le rappelle la société Sundyne au paragraphe 64 de ses conclusions, à son article 81 que la résolution du contrat « n'a pas d'effet sur les stipulations du contrat relatives au règlement des différends ou aux droits et obligations des parties en cas de résolution ».

66- Il convient ainsi, dans un cadre international, d'interpréter le sort de la clause de prescription à la lumière de ces dispositions étant observé qu'il avait été admis avant même l'adoption de l'article 1230 du code civil issu de l'ordonnance du 10 février 2016, non applicable en la cause, qu'en cas de résolution d'un contrat pour inexécution, certaines clauses demeurent applicables et notamment les clauses qui tendent à résoudre le conflit à l'amiable, les clauses compromissoires, les clauses attributives de compétence ainsi que les clauses limitatives de réparation des conséquences de cette inexécution.

67- Tel doit être aussi le cas de la clause de prescription qui doit être considérée comme indépendante du processus d'exécution du contrat de sorte qu'elle peut, sans altérer l'essence du contrat, en être détachée et ainsi demeurer applicable en cas de résolution du contrat par l'une des parties.

68- En l'espèce, le fait générateur de la demande en résolution du contrat par la société Colony est l'inexécution de la livraison de la marchandise par la société Sundyne, laquelle s'est matérialisée le 17 mai 2016, de sorte que la société Colony devait agir au fond pour solliciter la résolution du contrat avant le 17 mai 2017, et que faute d'avoir agi en ce sens avant cette date, elle doit être considérée comme prescrite dans sa demande.

Sur l'application de la clause de prescription en cas de faute lourde ;

69- Une disposition contractuelle abrégeant le délai de prescription reçoit application même en cas de faute lourde.

70- Dès lors, la société Colony n'est pas non plus fondée à invoquer une faute lourde envers la société Sundyne pour écarter l'application de la clause de prescription insérée à l'article 11 du contrat de vente.

71- En l'état de ces éléments, il convient de confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a déclaré prescrite l'action en résolution de la société Colony.

Sur la demande de la société Colony en répetition de l'indu

72- La société Colony fait valoir que le délai quinquennal de l'article 2224 du Code civil n'était pas expiré à la date d'introduction de l'instance, soit le 11 janvier 2018 et que le paiement est devenu indu soit à compter de la date de la signature du contrat, à savoir le 7 août 2015, soit à compter de l'ordonnance du Président du tribunal de commerce de Paris du 26 juillet 2016 ayant rejeté la demande de délivrance du compresseur, qui a rendu sans objet le paiement intervenu entre les parties, soit à compter de la résolution du contrat au 23 septembre 2016.

73- En réponse, la société Sundyne fait valoir que les paiements ne sont pas indus dès lors qu'ils ont été réalisés en exécution du contrat, que le défaut de livraison est uniquement imputable à la société Colony et qu'elle a fabriqué le compresseur en pure perte du fait qu'il ne peut plus faire l'objet d'aucune utilisation ni d'aucun reconditionnement.

SUR CE,

74- En application de l'article 1235 ancien du code civil, tout paiement suppose une dette ; ce qui a été payé sans être dû est sujet à répétition.

75- Cependant, il n'y a pas de paiement indu lorsque celui ci est fondé sur une obligation civile. En l'espèce il est constant que le paiement des acomptes par la société Colony résulte de l'acceptation de l'offre de contrat du 7 août 2015 prévoyant le versement de 90% du prix avant la livraison de la marchandise.

76- La demande en restitution fondée sur la répétition de l'indû, ne peut qu'être dès lors rejetée.

Sur la demande reconventionnelle principale de la société Sundyne en nullité du contrat

Sur la nullité du contrat fondée sur le dol reproché à la société Colony ;

77- La société Sundyne fait valoir que la société Colony lui a sciemment menti sur la destination finale du compresseur, le Tadjikistan, qui était une condition déterminante de son consentement, alors qu'il ressort des éléments du dossier qu'il était destiné à l'Iran. Elle ajoute que le caractère mensonger de l'information délivrée par la société Colony est également démontré par les indices graves et concordants puisés dans les documents d'ingénierie fournis par la société Colony à Sundyne et dans la succession de comportements suspects adoptés par la société Colony, qui ne peuvent s'expliquer que par une volonté de dissimuler son mensonge au sujet de la destination finale du compresseur. Elle souligne que la société Colony n'a jamais été en mesure de confirmer l'adresse de l'usine située au Tadjikistan dans les documents d'expédition du compresseur, qu'elle s'est opposée à ce que la société Sundyne se charge de l'acheminement (à ses propres frais) du compresseur au Tadjikistan, et qu'elle a décidé de recourir à un transitaire qui entretient des liens très étroits avec l'Iran.

78- En réponse, la société Colony fait valoir que si la Cour venait à considérer que ses demandes sont prescrites, alors elle ne manquerait pas de considérer, de manière symétrique et pour les mêmes raisons, que les demandes reconventionnelles de la société Sundyne le sont également dans la mesure où ces demandes reconventionnelles ont été formées au plus tôt lors des premières écritures au fond le 30 mai 2018 alors que cette dernière prétend que la prescription aurait été acquise le 17 mai 2017.

79- Elle ajoute que la société Sundyne a invoqué pour la première fois devant le juge des référés que la destination finale du compresseur lui aurait été cachée et qu'elle ne l'a jamais évoqué pour justifier le refus de délivrance du compresseur. Elle ajoute qu'il n'existe aucune preuve de ce que la destination finale du compresseur ait été modifiée entre la signature du contrat et le moment de sa livraison, que cette dernière soit effectivement l'Iran et que si la destination finale avait réellement été une « condition essentielle du contrat » pour la société Sundyne, elle n'aurait pas accepté une livraison « EXW » mais aurait exigé une livraison « rendu droits acquités » (« Delivered duty paid » ou « DDP ») qui lui assurait la maîtrise du transport jusqu'à la destination finale de la marchandise.

SUR CE,

Sur la prescription de l'action en nullité ;

80- Comme indiqué ci dessus, et pour les mêmes raisons, l'article 11 des conditions générales n'a pas vocation à s'appliquer aux actions en nullité.

81- Conformément à l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 alors applicable, l'action en nullité est prescrite par un délai de 5 ans, et ce délai court en cas de dol à compter du jour où le dol a été découvert.

82- En l'espèce, quelle que soit cette date, le contrat litigieux ayant été conclu le 7 août 2015 et la société Sundyne ayant, selon la société Colony au plus tôt formé cette demande reconventionnelle en nullité par des conclusions du 30 mai 2018, le délai légal de prescription n'était pas acquis.

83- Il convient dès lors de rejeter la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité.

Sur le bien fondé de l'action en nullité

84- En application de l'article 1116 du Code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, « Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté./Il ne se présume pas et doit être prouvé. ».

85- En l'espèce, la société Sundyne reproche à la société Colony de lui avoir fourni de fausses informations sur la destination finale du compresseur et déterminé ainsi son consentement.

86- Il ressort à cet égard des pièces versées que la société Colony a sollicité la société Sundyne pour la fabrication et la vente d'un compresseur destiné à être installé dans une usine située à D au Tadjikistan ainsi que cela résulte expressément du document intitulé « spécifications des services et condition du site », et de l'offre de contrat faite par la société Sundyne le 30 juillet 2015, sur laquelle il est aussi mentionné que le compresseur serait « assemblé et testé à Aravad au Colorado (USA) ».

87- Ce même document précisait que le site en question se situait à une hauteur de 24,85 mètres au dessus du niveau de la mer.

88- Cette spécificité technique figure au demeurant sur la fiche technique finale du compresseur établie le 17 avril 2016.

89- Il ressort cependant des éléments versés que le site de D se situe à une altitude de 659 mètres de telle sorte que manifestement le compresseur n'était pas adapté à une utilisation sur ce site.

90- De même, plusieurs éléments concordants sont produits permettant de suggérer que le compresseur était destiné en réalité à une autre usine de méthanol, cette fois située en Iran en cours de construction à l'époque par la société Marjan Petrochemicals, dont son directeur général, M. G B a participé à une réunion de finalisation du contrat avec la société Sundyne ' ce point n'étant pas contesté - pour le compte de l'utilisateur final, la société Tajik Asian, dont il est aussi établi qu'elle a un établissement en Iran.

91- En outre, le rédacteur de la demande d'achat contenant les besoins de l'acquéreur qui a été remis par la société Colony à la société Sundyne apparaît être M. Z Y E, ingénieur de la société Namvaran Consulting Engineers, elle même impliquée dans la construction de l'usine de méthanol par la société Marjan Petrochemicals.

92- De même, sur l'un des documents d'ingénierie fournis à la société Sundyne, est mentionné le nom de la société Haldor Topsoe, qui est aussi celle qui a réalisé l'étude préalable d'ingénierie pour l'usine de méthanol construite par la société Marjan Petrochemicals en Iran comme en atteste le communiqué de presse versé aux débats.

93- Enfin, le certificat d'inspection finale réalisé le 6 avril 2016 par la société SGS, mandatée par la société Colony, intitule le projet concerné sous le nom de « 5000 MTPD Methanol Project », faisant ainsi référence à une capacité de production bien supérieure à celle qui pouvait résulter du site de D et qui correspond à la capacité décrite dans un communiqué du 13 mars 2009 par la société Topsoe de l'usine de méthanol construite en Iran (1,6 million de tonnes métriques de méthanol, soit 5.000 tonnes métriques par jour).

94- L'ensemble de ces éléments tend à établir que le compresseur n'avait pas pour destination réelle finale D et ce alors au surplus que la société Colony n'a, malgré les demandes de la société Sundyne, pas souhaité que cette dernière assure personnellement l'acheminement du matériel sur son site initial, ni donner suite à la demande de visite sur le site par le personnel de la société Sundyne pour s'assurer dans la réalité de la destination de ce compresseur.

95- Il convient dès lors de considérer que la société Colony a caché volontairement les informations sur le site réel de destination du compresseur à la société Sundyne et mentionné comme adresse un site à D pour la déterminer à s'engager dans le contrat.

96- Or il est constant qu'entre 2011 et 2016, l'Union européenne a adopté plusieurs règlements comportant des mesures restrictives à l'encontre de l'Iran interdisant puis encadrant de manière stricte la vente ou la fourniture de biens et de technologies aux fins d'une utilisation en Iran et notamment le Règlement n° 359/2011 du Conseil du 12 avril 2011 concernant des mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Iran, le Règlement n° 267/2012 du Conseil du 23 mars 2012 concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran, le Règlement n° 2015/1861 du Conseil du 18 octobre 2015 modifiant le Règlement (UE) n° 267/2012 concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran et le Règlement d'exécution n° 2015/1862 du Conseil du 18 octobre 2015 mettant en œuvre le règlement n° 267/2012 concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran.

97- En conséquence, indépendamment même des incidences de la législation américaine sur la situation de la société Sundyne, la législation de l'Union européenne, rendait indispensable pour la société Sundyne d'avoir la certitude du lieu de destination du compresseur afin de ne pas se placer en violation de cette loi de telle sorte qu'elle n'aurait pas conclu le contrat si elle avait su que celui ci pouvait être destiné à un site en Iran.

98- Il convient en conséquence de considérer que le dol est caractérisé et de prononcer en conséquence la nullité du contrat qui emporte restitution à la société Colony des sommes qu'elle a versées à savoir au total la somme de 2 700 000 euros à laquelle seront ajoutés les intérêts au taux légal, non pas à compter de leur paiement comme elle le demande compte tenu des motifs de l'annulation, mais à compter de la demande, soit en l'espèce celle de l'assignation délivrée par la société Colony à la société Sundyne le 11 janvier 2018.

Sur les demandes la société Sundyne consécutives à la nullité du contrat ;

99- La société Sundyne fait valoir que la nullité du contrat implique de remettre les parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant la conclusion du contrat. Elle ajoute toutefois que le droit à restitution n'est pas automatique et que toute restitution en faveur de la société Colony serait inéquitable et injuste car elle génèrerait un appauvrissement de la société Sundyne, qui s'est trouvée contrainte de fabriquer un compresseur unique, destiné à répondre aux besoins spécifiés par la société Colony, dont elle ne peut plus faire usage et dont la valeur résiduelle est quasi nulle. Elle indique être fondée à solliciter la condamnation de la société Colony pour un préjudice subi d'un montant total de 3.210.105 euros à raison des agissements illicites de cette dernière, correspondant à un montant de 2 098 350 euros de pertes subies et un montant de 1 115 929 euros de gain manqué.

100- Elle ajoute que la société Colony ne peut revendiquer à son bénéfice l'application de l'article 1150 ancien du code civil en raison de son dol.

101- Elle propose une compensation judiciaire entre la somme de 2.700.000 euros versée par la société Colony en exécution du Contrat et la somme de 3.210.105 euros correspondant aux dommages intérêts dus.

102- En réponse, la société Colony fait valoir que par application de l'article 1150 ancien du code civil, elle ne saurait être tenue à réparation dans la mesure où la potentielle application des lois américaines sur l'embargo en Iran ne constitue pas un risque qu'elle pouvait anticiper par la société Colony au moment de la signature du contrat car elle n'avait pas connaissance des doutes de la société Sundyne s'agissant de la destination potentiellement erronée du compresseur, mais surtout car elle n'avait aucune raison de penser que les lois américaines pouvaient interférer dans leurs relations contractuelles.

103- La société Colony soutient que la société Sundyne ne démontre pas que le compresseur serait à usage unique et ne pourrait être reconditionné et qu'elle ne prouve pas avoir tenté de revendre et/ou recycler les pièces du compresseur qui pouvaient être isolées et qu'en tout état de cause elle ne démontre pas qu'elle aurait procédé à la destruction ou au recyclage du compresseur et/ou des pièces litigieuses. Elle ajoute que la société Sundyne ne rapporte pas la preuve de l'existence et de l'étendue de son préjudice. Elle soutient que l'attestation de son PDG n'a aucune valeur s'agissant d'une pièce produite par ses soins, et que l'attestation du commissaire aux comptes vient uniquement vérifier la concordance des informations fournies par le PDG de la société Sundyne sur la base du tableau qu'il a établi lui même.

SUR CE,

104- Il résulte de l'article 1116 du code civil précité que la partie lésée par un dol peut, indépendamment de l'annulation du contrat, demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extra contractuelle, les dispositions de l'article 1150 du code civil, opposée par la société Colony étant inapplicables.

105- A cet égard, il ressort des éléments versés et notamment de la documentation technique produite et échangée entre les parties que le compresseur a été fabriqué par la société Sundyne sur la base de données et de spécificités techniques précises. Cela résulte notamment de la fiche technique du moteur du compresseur (document intitulé « Motor Data Sheet ») selon laquelle il est indiqué que le « moteur est conçu sur la base de la puissance absorbée du compresseur et des conditions d'utilisation du site par le client ».

106- Ces éléments rendent cette marchandise non revendable en l'état comme en atteste notamment M. H F I, directeur commercial de la société Atlas Comercial Industial, distributeur des produits de la société Sundyne, et selon lequel, « Il n'est pas possible à mon sens de reconditionner un compresseur défini par un client pour un autre client même pour une application similaire. Aucune pièce majeure ne pourrait être réutilisée ».

107- Au demeurant, plus de 4 ans après la vente, un constat d'huissier dressé le 23 mars 2021 atteste que le compresseur est toujours stocké en l'état sur une aire de stockage de la société Ziegler à Longvic.

108- Pour justifier de la perte subie, la société Sundyne verse une attestation du PDG de la société Sundyne relative « aux coûts liés à la commande du compressor package par la société Colony Enterprises LTD » depuis l'exercice clos le 31 décembre 2015 jusqu'au 28 mai 2018, date de l'attestation selon laquelle celui évalue son préjudice comme suit :

- Coûts de production du compresseur : 1.511.554 euros

- Frais généraux (frais commerciaux, frais de cotation et frais administratifs) : 372.517 euros

- Charges d'honoraires : 214.279 euros

Soit une « perte subie » d'un montant total de 2.098.350 euros

109- Si cette attestation n'est pas accompagnée des pièces justificatives, la société Sundyne produit une attestation de son commissaire aux comptes qui indique n'avoir « pas d'observation à formuler sur les informations figurant dans le document », après avoir précisé avoir effectué des « rapprochements » entre les informations contenues dans cette attestation « et la comptabilité dont elles sont issues » et « vérifier qu'elles concordent avec les éléments ayant servi de base à l'établissement des comptes annuels des exercices clos le 31 décembre 2015, 31 décembre 2016, 31 décembre 2017 et devant servir de base à l'établissement des comptes annuels de l'exercice à clore le 31 décembre 2018 », « vérifier la concordance des informations relatives au frais généraux, figurant dans le document avec la comptabilité analytique », ainsi que « la concordance des informations relatives à la charge d'honoraires figurant dans le document avec les pièces justificatives correspondantes ».

110- En l'état de ces éléments, la cour estime que la société Sundyne est fondée à solliciter l'évaluation de la perte subie à hauteur de la somme de 1 884 071 euros, déduction faite de la charge des honoraires qui doit être prise en compte au titre de l'article 700 du code de procédure civile dans les conditions prévues par cet article et ce d'autant que la somme de 372 517 euros inclus déjà des frais administratifs.

111- En outre, au titre du gain manqué, la société Sundyne est fondé à solliciter le paiement de la différence entre les coûts de production du compresseur (1.511.554 euros) et les frais généraux générés par la production du compresseur (372.517 euros) et son prix de vente à la société Colony (3.000.000 euros), soit la somme de 1.115.929 euros.

112- Il ressort de ces éléments que le montant du préjudice de la société Sundyne est évalué à 3 000 000 euros, et de débouter cette dernière pour le surplus.

113- Il convient d'ordonner la compensation de cette somme avec celle de 2 700 000 euros (augmentée des intérêts légaux) et de condamner la société Colony à payer à la société Sundyne la différence.

Sur les frais et dépens

114- Il y a lieu de condamner la société Colony, partie perdante, aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

115- En outre, elle doit être condamnée à verser à la société Sundyne, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 60 000 euros.

IV DISPOSITIFS

Par ces motifs la cour,

1- Confirme le jugement du tribunal de commerce de Paris du 13 juin 2019 en ce qu'il a déclaré prescrite l'action en résolution engagée par la société Colony Enterprises Ltd et condamné celle ci à payer à la SA Sundyne International la somme de 7.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.

2- L'infirme pour le surplus,

Et statuant à nouveau :

3- Rejette les fins de non recevoir tirées de la prescription de l'action en nullité ;

4- Prononce la nullité du contrat du 7 août 2015 conclu entre la société Colony Enterprises Ltd et la société Sundyne International pour dol commis par la société Colony Enterprises Ltd ;

5- Ordonne en conséquence la restitution à la société Colony Enterprises Ltd de la somme de 2 700 000 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 11 janvier 2018 ;

6- Condamne la société Colony Entreprises à payer à la société Sundyne International la somme de 3 000 000 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts légaux à compter du présent arrêt ;

7- Ordonne la compensation de ces dommages et intérêts avec la somme de 2 700 000 euros augmentée des intérêts légaux à restituer et condamne en conséquence la société Colony Enterprises Ltd à payer à la société Sundyne International le produit de la différence entre ces deux sommes ;

8- Déboute les sociétés Colony Enterprises Ltd et Sundyne International pour le surplus ;

9- Condamne la société Colony Enterprises Ltd à payer à la société Sundyne International la somme de 60 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

10- Condamne la société Colony Enterprises Ltd aux dépens de l'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.