CA Dijon, ch. civ. 2, 6 septembre 2018, n° 15/02168
DIJON
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
FORGES DE FRONCLES (SAS)
Défendeur :
WAFIOS UMFORMTECHNIK GmBH (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme VAUTRAIN
Conseillers :
Mme DUMURGIER, Mme PILLOT
Avocats :
SELARL ANDRE DUCREUX RENEVEY, SELAS FIDAL, Me GERBAY, Me KÜHL
Par acte d'huissier du 10 octobre 2013, la SAS FORGES DE FRONCLES assigne la société de droit allemand Sarl WAFIOS UMFORMTECHNIK devant le tribunal de commerce de Chaumont aux fins d'obtenir sa condamnation à lui verser la somme totale de 137 937,67 € avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et celle de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle expose qu'elle développe et produit des pièces techniques de frappe à froid principalement destinées au secteur automobile; que dans le but d'améliorer son outil industriel, elle a contacté la société WAFIOS UMFORMTECHNIK, laquelle lui a présenté le 8 janvier 2007 une offre sous le n° AG 0411-001 relative à la fabrication et à l'installation d'une machine de frappe à froid multi postes FORMASTER FM500 6 postes pour le prix de 2 540 000 € hors option, puis, le 12 juillet 2007 une offre récapitulative se rapportant à cette offre pour en définitive le montant total de 2 670 000 €.
Elle ajoute que le 26 juillet 2007, elle a présenté son cahier des charges Met.068 indice 3, lequel a été accepté et signé par la société WAFIOS UMFORMTECHNIK le même jour par l'entremise de son représentant Monsieur Pitter R.; que le même jour également, elle a passé commande de la machine sous le n° OA65357 selon l'offre du 8 janvier, l'offre récapitulative du 12 juillet et le cahier des charges ; que cependant, le 6 février 2008, la société WAFIOS UMFORMTECHNIK s'est rendue dans ses locaux pour l'informer de sa décision d'interrompre le développement et la fabrication de la série FM, et plus particulièrement pour voir annuler le contrat liant les parties ; qu'avec son conseil, elle a attiré l'attention de la société WAFIOS UMFORMTECHNIK sur l'impossibilité d'une telle alternative en raison de l'impossibilité de lui substituer un nouveau fournisseur compte tenu des engagements qu'elle avait pris auprès de constructeurs automobiles ; que c'est dans ces conditions qu'après des atermoiement, la société WAFIOS UMFORMTECHNIK a débuté courant janvier 2009 le montage de la machine ; que toutefois elle a dû lui adresser le 23 avril 2010 une mise en demeure relevant que, malgré ses engagements, un certain nombre d'éléments figurant au cahier des charges n'avaient toujours pas été traités, en l'espèce le bridage rapide des outillages poinçon, le travail en mode 'bout à bout', le système de lubrification, le glissement des sabots de réglages des éjections côté matrice, et les difficultés de démarrage de la machine à basse température dues à la gestion du graissage.
Elle expose que, le 2 novembre 2011, lors d'un chargement de campagne, le réglage des vis de positionnement des éjecteurs n'a pas permis d'atteindre la position habituellement requise au poste ; que le démontage de plusieurs éléments structurels de la machine (bloc porte outil, fourreau d'éjection, chandelle...) a mis en évidence que le filetage de la vis de positionnement du poste présentait une rugosité anormale, voire une déformation des filets ; qu'il a été constaté également que les éléments associés à cette vis présentaient des
défauts du même type ; que l'examen des autres postes a permis d'identifier une anomalie similaire, en ce compris le poste 6 alors que celui ci n'avait fait l'objet que d'une utilisation très limitée depuis la mise en service ; que des griffures anormales ont été également constatées dans les alésages servant de support aux fourreaux d'éjection ; qu'à l'évidence ces marques ont nécessairement été causées lors de l'assemblage des différents éléments par le constructeur ; que la société WAFIOS UMFORMTECHNIK, informée immédiatement, l'a renvoyée vers la société SCHULER, laquelle avait repris la fabrication et la maintenance de la machine FORMASTER FM 500 dans le cadre d'un rachat de cette activité; que la société SCHULER est effectivement intervenue du 7 au 22 novembre 2011.
Elle ajoute que dès le 15 novembre 2011, elle a fait dresser un procès verbal par un huissier, puis qu'elle a mis le constructeur en demeure de la garantir des vices cachés par courriers des 18 novembre 2011 et 16 mars 2012, lui demandant de prendre à sa charge l'ensemble des réparations ; que la société WAFIOS UMFORMTECHNIK lui a adressé une proposition de dédommagement à hauteur de 30 000 € par courriel du 24 mai 2012 ; qu'elle n'a pas accepté cette proposition, les charges supportées du fait du vice caché s'élevant au total à 137 937,67 €.
Elle précise qu'elle fonde son action sur la convention de Vienne du 11 avril 1980 qui définit les règles matérielles unifiées à la vente internationale de marchandises entre professionnels, et plus particulièrement sur les articles 36-1, 36-2, 39-1, 39-2 et 74 de cette convention portant sur le défaut de conformité.
La société WAFIOS UMFORMTECHNIK réplique que, si le contrat est effectivement soumis à la convention de Vienne du 11 avril 1980, la loi allemande lui est également applicable à défaut de choix des parties conformément aux dispositions de l'article 1er de la convention de Rome qui complète celle de Vienne.
Elle soutient que l'action de la société FORGES DE FRONCLES est prescrite tant au regard des dispositions légales que contractuelles, la question de la prescription n'étant pas traitée par la convention de Vienne et relevant donc de la loi allemande.
Elle fait état de la mention figurant en page 12 de l'offre n° AG0625 selon laquelle les parties ont convenu de soumettre toute action en réclamation de l'acheteur découlant du contrat à un délai de prescription de douze mois à compter de la livraison, laquelle est intervenue le 16 décembre 2008, date de la réception provisoire de la machine dans ses locaux.
Elle ajoute que l'article 23 de ses conditions générales de vente mentionne que la responsabilité du fournisseur est limitée aux défauts qui apparaissent dans un délai d'un an suivant la livraison ; que toutefois, elle s'est montrée conciliante en mentionnant dans le protocole de réception finale établi par les FORGES DE FRONCLES le 22 juillet 2009 que la garantie de la machine se voyait portée jusqu'à la date du 30 juin 2010.
Elle invoque également l'article 438 alinéa 1er n° 3 du code civil allemand dont il résulte qu'une action en responsabilité contractuelle se prescrit par deux ans suivant la date de livraison, ajoutant que c'est ce texte qui s'applique à la garantie légale pour vice et non pas l'article 199-1 du même code invoqué par la demanderesse, laquelle confond le délai de dénonciation du vice qui commence effectivement lors de sa découverte, et le délai d'action qui part de la livraison.
Subsidiairement, elle soutient que la SA FORGES DE FRONCLES est déchue de son droit de se prévaloir d'un défaut de conformité par application de l'article 39 de la convention de Vienne, lequel prévoit d'une part que l'acheteur est déchu du droit de se prévaloir d'un défaut de conformité s'il ne le dénonce pas au vendeur dans un délai raisonnable à partir du moment où il l'a constaté ou aurait dû le constater, et d'autre part que, dans tous les cas, l'acheteur est déchu du droit de se prévaloir d'un défaut de conformité s'il ne le dénonce pas au plus tard deux ans à compter de la date à laquelle les marchandises lui ont été effectivement remises, à moins que ce délai ne soit incompatible avec la durée d'une garantie contractuelle ; qu'en l'espèce, selon les dires de la demanderesse, le défaut est apparu le 2 novembre 2011, mais qu'il n'a été dénoncé que par courrier daté du 18 novembre 2011 mais envoyé le 17 décembre et réceptionné le 23 décembre suivants, soit près de deux mois après, alors que l'article 25 des conditions générales de vente prévoit que tout défaut doit être
immédiatement notifié et au plus tard deux semaines après sa découverte et contenir une description du défaut ; que le tribunal de grande instance de Stuttgart a estimé que même un délai réduit à un mois est raisonnable au sens de la convention de Vienne.
Elle conteste enfin avoir renoncé à se prévaloir des dispositions de l'article 39 de la convention de Vienne ainsi que la demanderesse le soutient en invoquant les démarches transactionnelles engagées entre les parties, relevant que la renonciation requiert la constatation non équivoque de la volonté du vendeur alors qu'elle affirme avoir rappelé à plusieurs reprises que, selon elle, les droits de la société FORGES DE FRONCLES seraient forclos et souligne avoir mentionné en tête du projet de protocole que de son point de vue il n'existait aucune créance contractuelle à son encontre à raison de l'expiration complète du délai de garantie légale, qu'aucune prise en charge de réparations ni aucun dommages intérêts n'étaient dûs, mais qu'elle était disposée à verser une somme forfaitaire pour mettre un terme partenarial et amiable à l'affaire.
Subsidiairement, elle conteste l'existence du défaut de conformité invoqué, soulignant qu'aucune constatation contradictoire n'a été réalisée et ajoutant que la responsabilité du vendeur n'est engagée que pour les défauts de conformité existant au jour de la livraison.
Infiniment subsidiairement, elle conteste le montant des dommages intérêts demandés, relevant que dans un courrier du 16 mars 2011, le conseil de la demanderesse faisait état de frais de réparation à hauteur de 82 000 € alors que la demande est de plus de 137 000 €.
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Par jugement du 2 novembre 2015, le tribunal de commerce de Chaumont déboute la SAS FORGES DE FRONCLES de l ' ensemble de ses demandes e t la condamne à verser à la GmbH WAFIOS UMFORMTECHNIK 7 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Le tribunal retient que les parties sont d'accord pour dire que les dispositions légales applicables sont celles de la convention de Vienne et du code civil allemand, que les documents contractuels font référence aux conditions générales de vente de la société WAFIOS UMFORMTECHNIK qui fixent le délai de garantie à 1 an à compter de la livraison, que les parties ont convenu de prolonger ce délai jusqu'au 30 juin 2010 dans le protocole de réception définitive du 22 juillet 2009 ; que les articles 438 alinéa 1er n° 3 du code civil allemand et 39 alinéa 2 de la convention de Vienne prévoient un délai de prescription de l'action de deux ans à compter de la réception, et que la société WAFIOS UMFORMTECHNIK n'a jamais renoncé à se prévaloir de la prescription ; qu'au surplus la société FORGES DE FRONCLES n'apporte pas la preuve d'un défaut de conformité au jour du transfert des risques.
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La SAS FORGES DE FRONCLES fait appel par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel le 14 décembre 2015.
Par conclusions déposées le 31 août 2016, elle demande à la cour d'appel de :
'Vu les dispositions des articles 131-1 et suivants du code de procédure civile,
Vu notamment les dispositions de la convention de Vienne sur la vente internationale de
marchandises du 11 avril 1980,
Vu les pièces versées aux débats,
Vu le jugement dont appel,
A titre principal,
Désigner un médiateur, conformément aux dispositions des articles 131-1 et suivants du code de procédure civile, dont la mission sera de confronter le point de vue de chacune des parties sur la totalité du litige pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose,
A titre subsidiaire,
- Réformer la décision dont appel et, statuant à nouveau,
- Condamner la société WAFIOS UMFORMTECHNIK GMBH à payer à la société DES FORGES DE FRONCLES une somme totale de 137 937,67 euros avec intérêt légal à compter de la délivrance de la présente assignation,
- Condamner la société WAFIOS UMFORMTECHNIK GMBH à payer à la société DES FORGES DE FRONCLES une somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la société WAFIOS UMFORMTECHNIK GMBH aux entiers dépens'.
Par conclusions déposées le 25 janvier 2017, la Sarl de droit allemand WAFIOS UMFORMTECHNIK GmbH demande à la cour de :
' Vu les articles 1et 4 de la Convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles,
Vu les articles 6, 35, 36 et 39 de la Convention internationale de livraison de marchandises
du 11 avril 1980,
Vu les articles 437 et 438 du code civil allemand,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les pièces versées au débat,
A titre principal,
- Rejeter la demande de la société FORGES DE FRONCLES S. A.S. tendant à la désignation d'un médiateur selon les dispositions de l'article 131-1 du code de procédure civile,
- Dire et juger que l'action de la société FORGES DE FRONCLES S. A.S. à l'encontre de la société WAFIOS UMFORMTECHMIK GMBH est prescrite tant en vertu du délai de prescription contractuel d'un an convenu entre les parties que du droit allemand,
- Dire et juger que la société FORGES DE FRONCLES S. A.S. est déchue de son droit de se prévaloir d'un défaut de conformité à l'encontre de la société WAFIOS, UMFORMTECHMIK GMBH en application des dispositions de la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises,
- Dire et juger que la société FORGES DE FRONCLES S. A.S. ne rapporte pas la preuve que la marchandise est affectée d'un quelconque défaut de conformité au moment du transfert des risques,
En conséquence,
- Déclarer mal fondé l'appel interjeté par la société FORGES DE FRONCLES S. A.S.,
- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Chaumont du 2 novembre 2015 en toutes ses dispositions,
A titre subsidiaire,
- Constater que les demandes de la société FORGES DE FRONCLES S. A.S. ne sont pas fondées en leur quantum,
En conséquence,
- Déclarer mal fondé l'appel interjeté par la société FORGES DE FRONCLES S. A.S.,
- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Chaumont du 2 novembre 2015 en toutes ses dispositions,
En tout état de cause,
- Condamner l a soc ié t é FORGES DE FRONCLES S .A. S . à ve r se r à l a soc ié t é WAFIOS UMFORMTECHMIK GMBH la somme de 10.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, ;
- Condamner la société FORGES DE FRONCLES S. A.S. aux entiers dépens'.
L'ordonnance de clôture est rendue le 29 mai 2018.
En application des articles 455 et 634 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus visées.
A l'audience, la cour a relevé les points suivants :
- l'appelante indique dans ses écritures avoir reçu deux offres: l'une en langue allemande le 5 janvier 2007 portant le n° AG0625, et l'autre en langue française le 8 janvier 2007 portant le n° AG0411.001, mais elle ne produit au dossier que cette seconde offre,
- l'intimée mentionne dans ses écritures avoir adressé à son adversaire le 5 janvier 2007 une offre portant le n° AG0625 mais ne répond pas sur l'existence d'un autre envoi le 8 janvier suivant. Elle soutient par contre que c'est par erreur que l'offre récapitulative du 12 janvier porte le n° AG 0411- 001,
- l'intimé produit à son dossier une seule offre dont la première page mentionne la date du 5 janvier 2007 alors que les pages suivantes portent celle du 8 janvier 2007, et que sur chacune des pages le n° de l'offre est le n° AG 0625. Par ailleurs, ce document comporte des parties en langue française et d'autres en langue allemande sans qu'il soit possible de retenir que les unes seraient la traduction des autres.
Les parties ont été invitées à s'expliquer sur ces différents points.
MOTIVATION :
- Sur la médiation :
La médiation ne pouvant être ordonnée qu'avec l'accord des parties, la cour ne peut que constater que dans la présente procédure l'intimée s'oppose à ce qu'il soit fait droit à la proposition de l'appelante sur ce point.
- Sur le défaut de conformité :
Il convient de relever que si les parties utilisent régulièrement le terme de défaut de conformité concernant le présent litige, celui ci porte en réalité sur un vice caché dont le société FORGES DE FRONCLES soutient que la machine était affectée au moment de sa livraison.
Les parties sont d'accord pour retenir que leurs relations contractuelles sont régies tant par la convention de Vienne du 11 avril 1980 que par la loi allemande.
Il ressort par ailleurs des écritures des parties et des pièces produites que la machine litigieuse a fait l'objet d'un premier procès verbal de réception signé le 16 décembre 2008 alors qu'elle se trouvait encore dans les locaux du fabriquant, puis que la livraison s'est effectuée entre le 15 et le 18 janvier 2009 ; que cette livraison a été suivie de réglages pour la mise en service et que la production a commencé en juin 2009; qu'un procès verbal de réception finale a été signé entre les parties le 21 juillet 2009 dans lequel le point de départ du délai de garantie a été fixé contradictoirement au 30 juin 2010.
La société WAFIOS UMFORMTECHNIK oppose à l'appelante la prescription, soutenant que l'action est prescrite tant en application des textes légaux que des dispositions contractuelles, et plus particulièrement de ses conditions de vente.
La société FORGES DE FRONCLES soutient pour sa part que l'intimée a renoncé à se prévaloir d'une quelconque prescription ou forclusion dès lors que des négociations ont eu lieu entre elles pendant plusieurs mois et qu'un protocole d'accord lui a été soumis par la société WAFIOS UMFORMTECHNIK elle même le 24 mai 2012.
Toutefois, si la renonciation à se prévaloir d'une prescription ou d'une forclusion peut être tacite, elle doit toutefois être dépourvue de toute équivoque. Or il ressort de la lecture du protocole effectivement soumis à l'appelante par l'intimée que cette dernière indique clairement que, si la société FORGES DE FRONCLES réclame divers travaux de réparation et exige des dommages
intérêts pour un vice caché, 'de l'avis de WAFIOS UMFORMTECHNIK il n'existe plus aucune prétention contractuelle à (son égard) ou de Schuler suite à l'expiration totale de la période de garantie. De ce fait il n'y a pas lieu de rembourser des frais de réparation ni d'octroyer des dommages intérêts .' et que 'Pour régler cette affaire dans le cadre d'un arrangement entre partenaires, (elle) est prêt - sans reconnaissance d'une obligation légale- à verser à SFF un montant forfaitaire de 30 000 €'.
Il ressort des termes très clairs de cette offre que la société WAFIOS UMFORMTECHNIK n'a jamais renoncé à se prévaloir d'une quelconque prescription ou forclusion, et qu'au contraire elle souligne que son offre est purement commerciale sans reconnaissance de la recevabilité des prétentions adverses .
Concernant les conditions de vente de WAFIOS UMFORMTECHNIK, la société FORGES DE FRONCLES soutient qu'elles lui sont inopposables faute de lui avoir été communiquées au moment de la vente.
Si la société WAFIOS UMFORMTECHNIK produit à son dossier en pièce 1 une offre portant le n° AG 0625, laquelle indique en préliminaire qu'elle est faite 'selon ses conditions de vente et de livraison adjoindré (sic) comme suit', il est impossible de retenir que ce document est celui qui a été effectivement adressé à la société FORGES DE FRONCLES le 5 janvier 2007 dès lors que l'appelante soutient que l'offre datée du 5 janvier qu'elle a reçue était totalement rédigée en langue allemande et que la pièces produite par l'intimé d'une part mentionne dès la deuxième page et sur toutes les pages suivantes la date du 8 janvier 2007 et d'autre part comprend une suite de chapitres dont certains sont en langue française et d'autres en langue allemande.
L'offre datée du 8 janvier 2007 et portant le n° AG.0411-001 produite par l'appelante ( sa pièce 22) ne se réfère nullement aux conditions générales de vente de la société WAFIOS UMFORMTECHNIK .
Les parties s'accordent pour dire qu'une offre récapitulative a été adressée par l'intimée à l'appelante le 12 juillet 2007. Cette offre, qui bizarrement se réfère à l' 'offre détaillée n° AG0411-001 du 05.01.07" ne
mentionne en tout état de cause un quelconque renvoi aux conditions générales de vente de la société WAFIOS UMFORMTECHNIK .
La commande passée le 26 juillet 2007 par la société FORGES DE FRONCLES sous le n° OA65357 vise à la foi l'offre de référence n° AG0411-001 du 8 janvier 2007 et l'offre récapitulative du 12 juillet 2007. Elle ne renvoie pas plus aux conditions de ventes adverses.
Si la société WAFIOS UMFORMTECHNIK produit en pièce 3 une confirmation de la réception de cette commande récapitulative datée du 19 octobre 2007 et mentionnant 'Merci de votre commande que nous confirmons selon nos conditions de vente et de livraison ci joints comme suit', il n'est pas possible de conclure de cette seule mention que les conditions générales de vente figurant à son dossier sous le n° 2 étaient effectivement jointes à ce document alors même qu'après description de la machine vendue, les conditions de paiement du prix, de livraison et de garantie y sont détaillées.
Il résulte de l 'ensemble de ces éléments qu' i l n 'est nullement établi par la société WAFIOS UMFORMTECHNIK que ses conditions générales de vente et de garantie sont opposables à la société FORGES DE FRONCLES .
La société FORGES DE FRONCLES ne conteste pas qu'ainsi que le relève la société WAFIOS UMFORMTECHNIK , par application de l'article 39 alinéa 1er de la convention de Vienne, l'acheteur est tenu de dénoncer le défaut de conformité au vendeur dans un délai raisonnable, lequel court du jour de la découverte de ce défaut.
Il ressort des propres explications de l'appelante et des pièces produites par elle (le procès verbal d'huissier du 15 novembre 2011 et la lettre recommandée avec avis de réception adressée à la société WAFIOS UMFORMTECHNIK et datée du 18 novembre 2011) que la machine est tombée en panne le 2 novembre 2011, le réglage des vis de positionnement des éjecteurs réalisé à cette date n'ayant pas permis d'atteindre la position habituellement requise au poste 3 ; que la société WAFIOS UMFORMTECHNIK, informée téléphoniquement de cette panne, a renvoyé la société FORGES DE FRONCLES à s'adresser à la société SCHULER qui avait repris la production des machines du même type que celle vendue aux forges et en assurait la maintenance, et que c'est lors de l'intervention de cette société pour identification et résolution de l'incident qu'il a été procédé au démontage de plusieurs éléments de la machine et qu'il a alors été mis en évidence que le filetage de la vis de positionnement du poste présentait une rugosité anormale, voire une déformation des filets ; que les éléments associés à cette vis présentaient des défauts du même type, et que l'expertise complémentaire réalisée sur les autres postes a permis d'identifier une anomalie similaire.
La société FORGES DE FRONCLES, qui soutient elle même que la découverte des défauts nécessitait le démontage des éléments structurels de la machine, ne peut pas valablement soutenir que l'appel téléphonique qu'elle dit avoir adressé à la société WAFIOS UMFORMTECHNIK le 4 novembre 2011 et à la suite duquel elle a été renvoyée auprès de la société SCHULER, constitue une dénonciation de ces défauts alors qu'à cette date il n'avait pas été procédé au démontage, la société SCHULER n'étant pour sa part intervenue qu'à partir du 7 novembre 2011 ; que la seule information qui a pu être transmise à l'intimée lors de cet appel téléphonique concerne l'existence d'une panne.
Il est établi par les pièces produites que le courrier de la société FORGES DE FRONCLES daté du 18 novembre 2011 n'a en réalité été posté que le 17 décembre suivant et n'a été reçu par l'intimée que le 23 décembre 2011 ; que les défauts mis en avant entre le 7 et le 15 novembre 2011 n'ont donc été dénoncés à la venderesse que plus d'un mois plus tard, soit après l'expiration du délai raisonnable au sens de l'article 39 alinéa 1er de la convention de Vienne ; en conséquence la société FORGES DE FRONCLES est déchue de son droit à se prévaloir d'un prétendu défaut de conformité.
Au surplus, par application de l'article 438 alinéa 1er du code civil allemand, l'action en responsabilité contractuelle se prescrit pas deux ans à compter de la livraison du bien. La machine litigieuse a été livrée entre le 15 et le 18 janvier 2009, et un procès verbal de réception finale a été signé entre les parties le 21 juillet
2009 dans lequel le point de départ du délai de garantie était fixé au 30 juin 2010. Or l'action n'a été engagée que par assignation du 17 décembre 2013, soit très postérieurement à l'expiration du délai biennal, même si l'on prend en considération la date du 30 juin 2010.
C'est à tort que l'appelante invoque les dispositions de l'article 119 du code civil allemand, lesquelles ne s'appliquent qu'à défaut d'autres dispositions légales plus spécifiques, comme c'est le cas de celles de l'article 438 pré cité qui concernent les contrats de vente, ou dans l'hypothèse où le vendeur a frauduleusement dissimulé le vice. Or en l'espèce, la société WAFIOS UMFORMTECHNIK relève à juste titre que le seul élément fourni par l'appelante, soit le procès verbal d'huissier en date du 15 novembre 2011, ne permet en aucune manière, dès lors qu'il ne s'agit que de constatations mais en aucun cas de l'avis d'un expert à partir d'éléments vérifiés contradictoirement, ni d'établir la réalité d'un vice, ni surtout de retenir que ce vice serait antérieur à la vente et à la livraison et qu'il aurait été connu du vendeur, lequel serait de mauvaise foi.
Si, par application de l'article 203 du code civil allemand, la prescription est suspendue par les négociations menées entre les parties, il ressort des pièces produites que, suite au courrier daté du 18 novembre 2011 reçu par la société WAFIOS UMFORMTECHNIK le 23 décembre suivant, cette dernière n'a fait aucune réponse aux revendications alors formulées ; que ce n'est qu'à la suite d'une mise en demeure en date du 16 mars 2012 qu'elle a adressé à la société FORGES DE FRONCLES l'offre transactionnelle du 24 mai 2012 que cette dernière a refusée ; que la suspension n'a en conséquence duré qu'un peu plus de deux mois.
Il en résulte qu'en tout état de cause l'action de l'appelante est prescrite. La prescription étant une fin de non recevoir, c'est à tort que les premiers juges ont débouté l'appelante de son action laquelle est en réalité irrecevable.
PAR CES MOTIFS :
Infirme le jugement du tribunal de commerce de Chaumont en date du 2 novembre 2015 en ce qu'il a débouté la SAS FORGES DE FRONCLES de l'ensemble de ses demandes,
Statuant à nouveau,
Déclare irrecevables les demandes de la société FORGES DE FRONCLES,
Condamne la SAS FORGES DE FRONCLES aux dépens de la procédure d'appel,
Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la SAS FORGES DE FRONCLES de sa demande au titre des frais irrépétibles
La condamne à verser à la société WAFIOS UMFORMTECHNIK 1 500 € pour ses frais liés à l'appel.