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Décisions

CA Paris, Pôle 6 - ch. 8, 1 février 2024, n° 21/02483

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 21/02483

1 février 2024

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 1er FEVRIER 2024

(n° , 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02483 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDKTZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Février 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F19/03338

APPELANTE

Madame [Y] [M]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069

INTIMÉE

S.A.S. TEREOS PARTICIPATIONS

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Catherine DAVICO-HOARAU, avocat au barreau de PARIS, toque : P0053

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Décembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Isabelle MONTAGNE, présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, présidente, rédactrice

Madame Nathalie FRENOY, présidente

Madame Sandrine MOISAN, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Isabelle MONTAGNE, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [Y] [M] a été engagée par la société Tereos Participations suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 28 juin 2017 en qualité de 'international & corporate HR business partner', statut cadre hors classe.

Les relations de travail étaient soumises aux dispositions de la convention collective nationale de travail en sucreries, sucreries-distilleries et raffineries de sucre.

Par lettre datée du 9 avril 2019, l'employeur a convoqué la salariée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 18 avril suivant.

A compter du 18 avril 2019, la salariée a été placée en arrêt de travail. Sa demande de reconnaissance d'une maladie professionnelle pour syndrôme anxio-dépressif a fait l'objet d'une décision de refus de prise en charge par la Mutualité Sociale Agricole le 21 octobre 2019.

Le 19 avril 2019, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Paris afin d'obtenir des dommages et intérêts en raison d'une inégalité de traitement subie, des heures supplémentaires et une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

A l'issue de la visite de reprise le 5 septembre 2019, le médecin du travail a rendu un avis d'aptitude au poste.

Par lettre datée du 6 septembre 2019, l'employeur a notifié à la salariée son licenciement pour insuffisance professionnelle en la dispensant d'exécution du préavis de trois mois.

Par lettre datée du 16 septembre 2019, la salariée a contesté le licenciement et a demandé à l'employeur de préciser les motifs du licenciement et de lui transmettre des éléments de preuve.

Par lettre datée du 20 septembre 2019, l'employeur lui a répondu ne pas donner de suite favorable à sa demande.

Le 23 septembre 2019, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Paris d'une demande de nullité du licenciement et de réintégration à titre principal et de condamnation de la société Tereos Participations à lui verser un rappel de part variable de rémunération et diverses indemnités.

Par jugement mis à disposition le 12 février 2021 auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, les premiers juges, après ordonné la jonction des deux procédures, ont :

- rejeté la nullité du licenciement et la demande de réintégration,

- dit la discrimination infondée,

- requalifié le licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Tereos Participations à verser à Mme [M] les sommes suivantes :

* 35 877 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

avec intérêts aux taux légal à compter du jour du prononcé du jugement,

* 12 900 euros à titre de rappel de la part variable pour l'exercice fiscal 2018,

* 9 700 euros à titre de rappel de la part variable pour l'exercice fiscal 2019,

avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation,

- rappelé qu'en vertu de l'article R. 1454-28 du code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire,

- condamné la société Tereos Participations à verser à Mme [M] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné à la société Tereos Participations de rembourser au Pôle Emploi les allocations chômage versées à hauteur d'un mois d'allocation,

- débouté Mme [M] du surplus de ses demandes,

- débouté la société Tereos Participations de ses demandes,

- condamné cette dernière aux dépens.

Le 4 mars 2021, Mme [M] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par la voie électronique le 26 octobre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, Mme [M] demande à la cour de juger recevables les demandes en nullité du licenciement et de réintégration, d'infirmer le jugement sauf en ce qu'il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ses condamnations de la société à paiement des sommes de 12 900 euros et de 9 700 euros à titre de rappels des parts variables pour les exercices fiscaux 2018 et 2019 et en son débouté des demandes de la société, statuant à nouveau, de fixer la moyenne des douze derniers mois de salaire à 11 959 euros, et de :

- à titre principal, juger le licenciement nul, prononcer sa réintégration dans son emploi ou à défaut un emploi équivalent dans un délai d'un mois à compter de la notification du 'jugement' à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard et condamner la société à lui verser une somme à parfaire à titre d'indemnité pour licenciement nul s'élevant à 11 959 euros par mois à compter du 7 décembre 2019, date de sortie des effectifs, jusqu'à la date de sa réintégration effective,

- à titre subsidiaire, juger que doit être écarté le barème maximal d'indemnisation de l'article L. 1235-3 du code du travail et condamner la société à lui verser la somme de 143 500 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, subsidiairement la somme de 41 850 euros à ce titre,

- en tout état de cause, condamner la société à lui payer les sommes suivantes :

* 15 000 euros à titre de dommages et intérêts résultant du préjudice causé par l'inégalité de traitement,

* 24 901 euros bruts à titre de rappel de salaire correspondant aux heures supplémentaires effectuées en 2017,

* 2 490,10 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* 51 748,43 euros bruts à titre de rappel de salaire correspondant aux heures supplémentaires effectuées en 2018,

* 5 174,84 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* 9 946,44 euros bruts à titre de rappel de salaire correspondant aux heures supplémentaires effectuées en 2019,

* 994,64 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* 78 615,47 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

* 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance,

* 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens,

et à lui remettre des bulletins de salaire conformes, débouter la société de l'ensemble de ses demandes, assortir les condamnations des intérêts au taux légal, prononcer leur capitalisation et dire que les dépens d'appel pourront être recouvrés par Me Sylvie Kong Thong, avocat au barreau de Paris, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par la voie électronique le 27 octobre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la société Tereos Participations demande à la cour de :

- à titre principal, déclarer irrecevables les demandes de nullité du licenciement et de réintégration ainsi que toutes les demandes subséquentes,

- à titre subsidiaire, confirmer le jugement en ses déboutés des demandes de nullité du licenciement et de réintégration et de toutes les demandes subséquentes, en ce qu'il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse et l'a condamnée au paiement de la somme de 35 877 euros à ce titre, infirmer le jugement en ses condamnations à paiement des sommes de 12 900 euros et 9 700 euros au titre des rappels de parts variables de rémunération et débouter la salariée de ces demandes, infirmer le jugement en ce qu'il lui a ordonné le remboursement d'un mois d'allocation chômage à Pôle emploi, débouter la salariée de l'ensemble de ses demandes et la condamner à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 7 novembre 2023.

MOTIVATION

Sur la recevabilité des demandes de nullité du licenciement et de réintégration et des demandes subséquentes

La société conclut à l'irrecevabilité des demandes de nullité du licenciement et de réintégration et des demandes subséquentes au visa de l'article 910-4 du code de procédure civile au motif que dans ses conclusions d'appel, la salariée a demandé 'l'infirmation du jugement sauf en ce qu'il a jugé que le licenciement de Mme [M] est dépourvu de cause réelle et sérieuse' et que celle-ci ayant demandé la confirmation du jugement en ce que le licenciement est déclaré sans cause réelle et sérieuse, elle ne peut donc ultérieurement solliciter la nullité du licenciement et sa réintégration.

La salariée conclut à la recevabilité de ces demandes au motif que la demande de nullité du licenciement est autonome et n'est pas conditionnée à une contestation de la nature du licenciement et que le bien-fondé de la demande en nullité du licenciement invoquée au visa de l'article L. 1134-4 du code du travail est subordonnée à la démonstration du caractère sans cause réelle et sérieuse du licenciement, ce qui démontre qu'elle ne pouvait faire autrement que de solliciter la confirmation du jugement sur ce point.

Il résulte des articles 4 et 5 du code de procédure civile l'interdiction faite au juge de modifier l'objet du litige tel qu'il est déterminé par les prétentions des parties.

Les conclusions, par l'énoncé dans leur dispositif, de la demande d'infirmation ou d'annulation du jugement déterminent la finalité de l'appel, qui tend à l'annulation ou à la réformation du jugement, dans les limites de la dévolution opérée par la déclaration d'appel.

Dans le dispositif de ses conclusions prises en application de l'article 910-4 du code de procédure civile et les suivantes, l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a jugé que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, a condamné la société au paiement de rappels des parts variables pour les exercices fiscaux 2018 et 2019 et a débouté la société de l'ensemble de ses demandes.

Alors que le dispositif du jugement mentionne expressément rejeter la nullité du licenciement et la demande de réintégration de Mme [M] et débouter celle-ci du surplus de ses demandes, et retient que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, il en résulte clairement que l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il la déboute de ses demandes de nullité du licenciement, de réintégration dans l'entreprise et des demandes subséquentes.

La demande de confirmation du caractère dépourvu de cause réelle et sérieuse du licenciement, demande formée subsidiairement à la demande principale aux fins de nullité du licenciement et de réintégration, ne rend pas irrecevable la demande d'infirmation du jugement au titre de la nullité du licenciement, de la réintégration et des demandes subséquentes.

La société sera déboutée de sa demande aux fins de déclarer irrecevables les demandes de nullité du licenciement, de réintégration et de toutes les demandes subséquentes.

Sur la validité du licenciement

La salariée soutient que son licenciement est nul en ce qu'il est intervenu en rétorsion à sa qualité de lanceur d'alerte dès lors que, quelques jours avant l'engagement de la procédure de licenciement, elle a écrit à la société pour l'alerter sur une situation de travail dissimulé, et en violation de l'article L. 1334-4 du code du travail. Elle fait valoir en particulier sa dénonciation écrite d'une situation d'inégalité de traitement injustifiée au regard du temps de travail, étant considérée comme cadre dirigeant à la différence d'autres collaborateurs de son niveau ou de niveau supérieur bénéficiant d'une convention de forfait et conclut que le licenciement définitivement jugé comme étant sans cause réelle et sérieuse, la société ayant conclu à la confirmation du jugement sur ce point, est une mesure de rétorsion à son action en justice.

La société conclut au débouté des demandes de nullité du licenciement et de réintégration et des demandes subséquentes en faisant valoir que la salariée n'établit pas l'existence d'une situation de travail dissimulé, celle-ci n'apportant notamment aucune démonstration du caractère intentionnel de cette infraction alléguée, que la salariée a en réalité dénoncé une situation d'inégalité de traitement et pas de travail dissimulé, qu'elle a respecté ses obligations légales en suspendant la procédure de licenciement pendant l'arrêt de travail pour maladie professionnelle de la salariée et ne l'a poursuivie qu'après la visite de reprise la déclarant apte au poste, que la salariée n'a jamais invoqué un statut de lanceur d'alerte et que la procédure de licenciement a été initiée avant la saisine du conseil de prud'hommes par la salariée.

Aux termes de l'article L. 1132-3-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige :

'Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions.

Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation professionnelle, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

En cas de litige relatif à l'application des premier et deuxième alinéas, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu'elle a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime, ou qu'elle a signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l'intéressé. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.'.

Aux termes de l'article L. 1132-4 du même code :

'Toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance des dispositions du présent chapitre est nul'.

Si le délit dénoncé par un lanceur d'alerte n'a pas à être caractérisé, ni nécessairement qualifié et démontré dans sa commission effective dès sa relation à sa hiérarchie, sous réserve de sa bonne foi, pour que l'intéressé puisse revendiquer le bénéfice de l'article L. 1132-3-3 du code du travail dans sa version applicable au litige, celui-ci doit cependant expliciter au moment où il se prévaut de ces dispositions, de quel délit ou crime il pourrait ou aurait pu s'agir.

Aux termes de l'article L. 1134-4 du code du travail :

'Est nul et de nul effet le licenciement d'un salarié faisant suite à une action en justice engagée par ce salarié ou en sa faveur, sur le fondement des dispositions du chapitre II, lorsqu'il est établi que le licenciement n'a pas de cause réelle et sérieuse et constitue en réalité une mesure prise par l'employeur en raison de cette action en justice. Dans ce cas, la réintégration est de droit et le salarié est regardé comme n'ayant jamais cessé d'occuper son emploi.

Lorsque le salarié refuse de poursuivre l'exécution du contrat de travail, les dispositions de l'article L.1235-3-1 sont applicables'.

Il résulte des pièces produites aux débats que :

- le contrat de travail de Mme [M] stipule notamment :

. qu'elle est engagée à des fonctions de 'international & corporate HR business partner' avec un statut de cadre hors classe de la convention collective applicable ;

. qu'elle rapporte sur le plan hiérarchique au directeur des ressources humaines du groupe ;

. qu'elle percevra une rémunération annuelle globale comprenant un salaire annuel fixe et forfaitaire de 120 000 euros bruts, couvrant tous les dépassements de la durée légale hebdomadaire et le temps nécessaire aux déplacements, une part variable représentant au maximum 25 % du salaire annuel fixe et forfaitaire calculée en fonction du niveau d'atteinte des objectifs, versée en juin suivant la clôture de l'exercice prorata temporis et le bénéfice des accords de participation et d'intéressement en vigueur dans la société ;

. que compte tenu de la nature de ses fonctions et de ses responsabilités de cadre dit 'dirigeant', elle planifie elle-même son travail de manière à satisfaire à ses impératifs professionnels en veillant au bon équilibre entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale, qu'elle bénéficie des congés payés légaux et des repos supplémentaires prévus par les accords d'entreprise sans que le cumul de ces absences n'excède 31 jours ouvrés, 3 semaines consécutives au maximum, outre les congés et repos supplémentaires prévus par la convention collective, étant notamment précisé que ses dates d'absence seront préalablement validées par sa hiérarchie dans le souci d'un fonctionnement optimum du service et qu'elle disposera de toute latitude pour déterminer l'amplitude de ses journées de travail dans le respect des dispositions relatives aux repos quotidien et hebdomadaire légaux et tenant compte du fonctionnement du service ;

- la salariée invoque une dégradation de sa situation à la suite du départ de son n+1 en juin 2018 et de son remplacement par M. [N] qui a réorganisé l'équipe des Ressources Humaines (RH) et a recruté Mme [Z] en tant que directrice des ressources humaines, hiérarchiquement positionnée entre elle et lui, ce qui a entraîné sa rétrogradation, la société ne discutant pas le changement de n+1 de la salariée avec l'arrivée de M. [N] et la création consécutive d'un échelon intermédiaire entre lui-même et la salariée ;

- par courriel du 3 avril 2019, la salariée a écrit à M. [N] le courriel dont les termes sont intégralement reproduits ci-dessous :

'Depuis ton arrivée, tu as décidé de réorganiser les services RH, et ce à mon total détriment. Je suis délibérément placée dans une situation intenable, et il faut que cela cesse tôt ou tard.

Je découvre en plus que je fais l'objet d'une inégalité de traitement totalement injustifiée, au regard du temps de travail, puisque je suis considérée abusivement comme cadre dirigeant, alors que ce n'est pas le cas des autres collaborateurs de mon niveau, ou même au niveau supérieur, qui bénéficient d'une convention de forfait.

Je te demande donc de régulariser sans délai ma situation tant pour le passé (réparation financière) que pour l'avenir (avenant à mon contrat), à défaut de quoi je saisirai la justice' ;

- par courriel du 8 avril 2019, M. [N] a exprimé sa surprise à la salariée en invoquant l'absence de tout changement du contenu de son poste depuis son arrivée, 'sinon un rattachement hiérarchique qui fait plus de sens dans notre organisation', 'et le fait de rapporter à [B] te donnera plus de pertinence dans ton action', et en se déclarant 'très surpris du fond et de la forme' sur une éventuelle inégalité de traitement en se demandant comment la salariée a pu faire cette comparaison 'sinon en utilisant à des fins personnelles des informations professionnelles' ;

- par courriel du 9 avril 2019 envoyé à 9h28, la salariée a notamment répondu à M. [N] : 'je tiens à t'alerter sur le fait qu'en allant sur ce terrain non seulement tu corrobores l'existence de l'inégalité de traitement que je subis, mais davantage, tu établis encore davantage le caractère délibéré dudit traitement, qui n'est rien d'autre que du travail dissimulé, dont je demanderai l'indemnisation en justice' ;

- par lettre datée du 9 avril 2019 signée par M. [N], l'employeur a convoqué la salariée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé et tenu le 18 avril 2019 auquel la salariée a été présente ;

- par courriel du 18 avril 2019 envoyé à 20h34, la salariée a transmis à M. [N] un arrêt de travail pour maladie professionnelle prescrit par un médecin psychiatre le matin-même en indiquant : 'le traitement que vous m'infligez depuis votre arrivée au poste de DRH Groupe, et cette mesure de licenciement en représailles contre ma légitime réclamation sur le temps de travail a fini de m'anéantir' et '(...) j'étais bouleversée par l'inanité des motifs invoqués à mon encontre qui trahissent bien la vraie raison -illicite- de mon licenciement' ;

- par lettre datée du 19 avril 2019, la salarié, par la voie de son conseil, a informé l'employeur de sa décision de saisir le conseil de prud'hommes en lui adressant la requête correspondante enregistrée le jour-même, aux termes de laquelle elle forme des demandes au titre d'un travail dissimulé, des heures supplémentaires et d'une inégalité de traitement ;

- par lettre datée du 24 avril 2019, l'employeur en la personne de M. [N] a répondu au conseil de la salariée que la procédure de licenciement était sans lien avec sa contestation, relevant que celle-ci, embauchée avec un statut de cadre dirigeant, n'avait jusqu'alors jamais contesté ce statut ;

- à l'issue d'une visite de reprise de la salariée qui s'est déroulée le 5 septembre 2019, le médecin du travail a rendu un 'avis favorable pour une tentative de reprise à son poste de travail' ;

- par lettre datée du 6 septembre 2019 signée par M. [N], l'employeur a notifié à la salariée son licenciement pour insuffisance professionnelle.

La cour relève ici que dans ses motifs non critiqués, le jugement a retenu que soit les faits énoncés au soutien du motif d'insuffisance professionnelle dans la lettre de licenciement ne sont pas étayés par des éléments, soit les éléments fournis ne sont pas probants pour motiver les insuffisances professionnelles reprochées à la salariée.

Il résulte de la chronologie des faits sus-constatés que par courriel du 3 avril 2019, la salariée a porté à la connaissance de l'employeur être l'objet d'une inégalité de traitement au regard du temps de travail ; que par courriel du 9 avril 2019, la salariée a dénoncé à l'employeur une situation de travail dissimulé ; que le 9 avril 2019, l'employeur a initié une procédure de licenciement à son encontre en la convoquant à un entretien préalable qui s'est tenu le 18 avril 2019 ; que le contrat de travail de la salariée a été suspendu à la suite d'un certificat médical d'arrêt de travail pour maladie professionnelle à compter du 18 avril 2019 ; que la salariée a été déclarée apte à la reprise du poste le 5 septembre 2019 ; que le lendemain, 6 septembre 2019, l'employeur lui a notifié son licenciement pour insuffisance professionnelle ; que dans ses motifs non critiqués, le jugement a retenu que soit les faits énoncés au soutien du motif d'insuffisance professionnelle dans la lettre de licenciement ne sont pas étayés par des éléments, soit les éléments fournis ne justifient pas une insuffisance professionnelle.

Au soutien de sa dénonciation d'une situation de travail dissimulé, la salariée fait valoir que la société lui a artificiellement octroyé le statut de cadre dirigeant hors classe afin de contourner les dispositions des titres II et III du chapitre 1er de la partie 3 du code du travail relatives à la durée du travail, à la répartition et à l'aménagement des horaires ainsi qu'à celles relatives aux repos et jours fériés.

S'agissant du statut de cadre dirigeant, il est rappelé qu'en application de l'article L. 3111-2 du code du travail, sont considérés comme cadres dirigeants les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement et que ces critères cumulatifs impliquent que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l'entreprise, et que les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions du titre II relatif à la durée du travail, la répartition et l'aménagement des horaires et du titre III relatif aux repos et aux jours fériés.

La salariée fait valoir plus précisément que plusieurs indices contredisent le fait qu'elle ait pu être cadre dirigeant, à savoir que :

- elle ne disposait pas d'une délégation de pouvoir générale permettant d'engager la société ;

- elle faisait face à des contraintes importantes en matière de reporting, des objectifs lui étaient fixés chaque année et elle était évaluée par sa hiérarchie ;

- elle devait faire valider ses congés par sa hiérarchie après les avoir saisis dans le logiciel informatique, comme contractuellement prévu ;

- depuis la nomination de Mme [Z] au poste de directrice des ressources humaines, elle avait une n+1 (Mme [Z]) et un n+2 (M. [N]), étant précisé que Mme [Z] elle-même n'était pas cadre hors classe, comme elle-même, mais cadre de classe 10 ;

- elle n'avait pas sous son autorité les établissements et l'ensemble du personnel et ne disposait pas du pouvoir de recruter ;

- elle n'assurait pas la préparation des travaux du Codir et ne siégeait pas au Codir ;

- sa rémunération ne comptait pas parmi les plus élevées de l'entreprise ;

- contrairement aux cadres dirigeants, elle n'était pas éligible au dispositif de 'bonus long terme' et n'avait pas de véhicule de fonction, ainsi qu'il résulte de deux contrats de travail de cadres dirigeants anonymisés qu'elle produit ;

- la société a admis dans ses écritures que sur un effectif de 205 salariés, 41 avaient un statut de cadre dirigeant, soit 20 % de l'effectif, ce qui contrevient à la lettre comme à l'esprit des dispositions du code du travail relatives aux cadres dirigeants.

Ce faisant, il doit être considéré que la salariée présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu'elle a relaté de bonne foi des faits constitutifs d'un délit de travail dissimulé dont elle a été l'objet et a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions.

Il incombe par conséquent à la société au vu des éléments présentés par la salariée de prouver que sa décision de la licencier est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration de celle-ci.

Force est de constater que la société qui ne discute pas le caractère dépourvu de cause réelle et sérieuse du licenciement intervenu, échoue à rapporter la preuve de ce que le licenciement était justifié par des éléments objectifs étrangers à la dénonciation de bonne foi par la salariée d'une situation de travail dissimulé dont elle aurait été l'objet du fait de l'application d'un statut abusif de cadre dirigeant.

Au vu de tout ce qui précède, la cour retient par conséquent que non seulement, le licenciement intervenu dans les conditions sus-décrites constitue une mesure de rétorsion à la relation de bonne foi par la salariée de faits constitutifs d'un délit dont elle avait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions en application des dispositions de l'article L. 1132-3-3 sus-mentionné, mais que le licenciement, initié dans un temps très proche après l'annonce par la salariée de sa décision de saisir la justice pour faire valoir notamment la situation de travail dissimulé dont elle était l'objet, constitue aussi une mesure prise par l'employeur à la suite de cette action en justice par application des dispositions de l'article L. 1134-4 du code du travail.

Le licenciement est donc nul et il doit être fait droit à la demande de réintégration de la salariée dans son emploi ou à défaut dans un emploi équivalent, dans un délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu à assortir cette disposition d'une astreinte qui n'est pas nécessaire.

Dès lors qu'il caractérise une atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie, le salarié qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction et sa réintégration, peu important qu'il ait ou non reçu des salaires ou revenus de remplacement pendant cette période.

La société sera condamnée à verser à la salariée la somme de 11 959 euros brut par mois à titre d'indemnité pour licenciement nul à compter du 7 décembre 2019, date de sortie des effectifs, jusqu'à la date de sa réintégration effective.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il déboute la salariée de ses demandes de nullité du licenciement, de réintégration et de paiement de sommes entre la date de sortie des effectifs et la date de réintégration effective et en ce qu'il condamne la société à payer à la salariée la somme de 35 877 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l'inégalité de traitement

La salariée fait valoir que l'employeur lui a artificiellement octroyé le statut de cadre dirigeant pour contourner les dispositions légales et qu'elle a été ainsi l'objet d'une situation d'inégalité de traitement et réclame en conséquence des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par ce manquement.

La société conclut au débouté de cette demande au motif que l'inégalité de traitement n'est pas établie, la salariée ne pouvant se comparer à Mme [Z] qui n'occupe pas les mêmes fonctions qu'elle et n'est donc pas placée dans une situation identique, que de surcroît cette salariée était cadre dirigeant.

Il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe de l'égalité de traitement, de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de traitement entre des salariés placés dans une situation comparable. Dans l'hypothèse où cette inégalité est établie, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs et pertinents justifiant la différence de traitement constatée.

Force est de constater que la salariée ne se compare précisément à aucun salarié qui serait placé dans une situation comparable à la sienne, c'est-à-dire qui exercerait au même niveau des fonctions identiques ou similaires.

Elle évoque de manière générale la situation de Mme [Z], sa n+1, qui n'exerçait pas les mêmes fonctions qu'elle, ainsi que celles de Mmes [J] et [K], sans aucunement préciser les fonctions exercées par ces dernières.

Dans ces conditions, la cour ne peut que constater que la salariée ne lui soumet pas d'éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de traitement avec un ou des salariés placés dans une situation comparable à la sienne.

La salariée sera par conséquent déboutée de sa demande de ce chef. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les heures supplémentaires

La salariée soutient qu'en réalité elle n'était pas cadre hors classe et relevait du régime légal des 35 heures hebdomadaires, le forfait-jours ne se présumant pas, et réclame par conséquent le paiement d'heures supplémentaires.

La société s'oppose à cette demande en faisant valoir que le statut de cadre dirigeant a été consenti à la salariée dès l'embauche, que celle-ci remplissait les critères constitutifs de la qualité de cadre dirigeant et qu'elle doit être déboutée de sa demande d'heures supplémentaires.

Le fait que le statut de cadre dirigeant a été consenti à la salariée dès son embauche en application des dispositions contractuelles ne prive pas celle-ci de la possibilité de contester ce statut au regard des réelles conditions de fait dans lesquelles elle exerçait ses fonctions.

Comme sus-mentionné, la salariée fait valoir un certain nombre d'éléments de fait qui permettent de retenir que son exercice des fonctions ne correspondait pas à celles d'un cadre dirigeant.

La société qui critique l'appréciation portée par la salariée ne conteste cependant pas que celle-ci ne disposait pas d'une délégation de pouvoir générale permettant d'engager la société Tereos Participations, que des objectifs lui étaient fixés chaque année et qu'elle était évaluée par sa hiérarchie, qu'elle devait faire valider ses jours de congés par sa hiérarchie après les avoir saisis dans le logiciel informatique, que depuis l'arrivée de Mme [Z], elle avait une n+1 et un n+2, qu'elle n'avait pas sous son autorité les établissements et l'ensemble du personnel et ne disposait pas du pouvoir de recrutement, qu'elle n'assurait pas la préparation des travaux du Codir et ne siégeait pas au Codir, que sa rémunération ne comptait pas parmi les plus élevées de l'entreprise, la société se bornant à indiquer que la salariée avait une rémunération élevée en comparaison au salaire conventionnel sans cependant fournir le moindre élément de comparaison du niveau de rémunération de la salariée par rapport aux systèmes de rémunération pratiqués dans l'entreprise.

La cour ne peut que constater qu'il n'est pas établi par les éléments produits aux débats que la salariée était habilitée à prendre des décisions de façon largement autonome et qu'elle percevait une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l'entreprise ou l'établissement, outre qu'aucun élément ne permet de retenir que la salariée, qui notamment ne siégeait pas à une instance de direction de l'entreprise, participait à la direction de l'entreprise.

Dans ces conditions, la salariée est fondée à soutenir qu'elle ne relevait pas du statut de cadre dirigeant qui lui a été abusivement appliqué et a droit au paiement des heures supplémentaires effectuées et non payées.

En application notamment de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Au soutien de sa demande d'heures supplémentaires effectuées en 2017, 2018 et 2019, la salariée produit des relevés de son temps de travail au jour le jour, sur la base d'une journée type et des éléments de preuve en sa possession.

La société réplique que le contrat de travail stipule la qualité de cadre dirigeant de la salariée et que son argumentation doit être écartée, et critique la valeur probante des éléments produits, relevant qu'il appartient à la salariée de démontrer que le salaire conventionnel d'un cadre supérieur augmenté des heures supplémentaires soit-disant accomplies serait supérieur à son salaire contractuel.

Ce faisant, la société ne produit aucun élément sur les heures de travail effectuées par la salariée.

Après prise en compte des éléments produits par les parties, la cour retient que la salariée a exécuté des heures supplémentaires rendues nécessaires par les tâches qu'elle devait accomplir dans le cadre de ses fonctions, mais dans une proportion cependant moindre que celle qu'elle revendique.

Il convient de lui octroyer les sommes suivantes au titre des heures supplémentaires :

* 6 000 euros bruts au titre des heures supplémentaires effectuées en 2017, outre 600 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés incidents,

* 13 000 euros bruts au titre des heures supplémentaires effectuées en 2018, outre 1 300 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés incidents,

* 2 500 euros bruts au titre des heures supplémentaires effectuées en 2019, outre 250 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés incidents.

La société sera condamnée au paiement des sommes susvisées. Le jugement sera infirmé sur ces points.

Sur l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

La salariée sollicite le paiement d'une indemnité forfaitaire correspondant à six mois de salaire en application de l'article L. 8223-1 du code du travail au titre du travail dissimulé, considérant que la société a violé en toute connaissance de cause ses droits les plus élémentaires en matière de durée du travail (heures supplémentaires, congés payés afférents, repos compensateurs), en refusant de lui octroyer un niveau et un coefficient conventionnels en rapport avec ses véritables prérogatives et en mentionnant sur ses bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

La société conclut au débouté de cette demande en faisant valoir notamment que la salariée n'apporte pas la preuve de ce qu'elle savait que celle-ci allait accomplir de nombreuses heures supplémentaires et que pour ce faire, elle lui aurait octroyé à dessein un statut lui permettant d'éviter le paiement d'heures supplémentaires. Elle ajoute que la société Tereos Participations qui fait partie du groupe Tereos emploie 3 700 salariés en France et qu'elle regroupe toutes les fonctions support du groupe et les dirigeants de filiales, ce qui justifie le nombre de cadres hors classe en son sein.

Aux termes de l'article L. 8221-5 du code du travail :

'Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales'.

Aux termes de l'article L. 8223-1 du code du travail :

'En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire'.

Comme sus-relevé, la salariée ne disposait pas d'une délégation de pouvoir générale permettant d'engager la société, faisait face à des contraintes importantes en matière de reporting, devait faire valider ses congés par sa hiérarchie après les avoir saisis dans le logiciel informatique, s'est vu attribuer une supérieure hiérarchique intermédiaire en cours de relation contractuelle, entraînant un échelon hiérarchique supplémentaire par rapport au directeur des ressources humaines du groupe auquel elle reportait jusqu'alors, n'avait pas sous son autorité les établissements et l'ensemble du personnel et ne disposait pas du pouvoir de recruter, ne siégeait pas aux instances de direction de l'entreprise et ne comptait pas une rémunération parmi les plus élevées de l'entreprise, n'était pas éligible au dispositif de 'bonus long terme' et n'avait pas de véhicule de fonction, ce dont il s'ensuit que la société a abusivement employé la salariée sous un statut de cadre dirigeant qui ne lui était pas applicable au regard des conditions de fait d'exercice des fonctions, connues de l'employeur.

La cour relève ici que la société a admis que 20 % de son effectif avait un statut de cadre dirigeant sans justifier par aucune pièce de cette proportion exorbitante de cadres dirigeants dans l'entreprise par rapport au nombre total de salariés.

L'application abusive à la salariée pendant toute la relation contractuelle d'un statut de cadre dirigeant l'a conduite à être privée de l'application des dispositions légales relatives à la durée du travail et aux congés.

Le statut de cadre dirigeant ne lui étant pas applicable, celle-ci a droit au paiement de l'ensemble des heures de travail effectuées rendues nécessaires par les tâches à accomplir.

Ses heures supplémentaires n'ont délibérément pas été mentionnées dans les bulletins de salaire qui lui ont remis.

L'ensemble de ces éléments démontre le caractère intentionnel de la mention sur les bulletins de paie d'un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli par la salariée.

Dans ces conditions, il convient de condamner la société à payer à celle-ci une indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé en application de l'article L. 8223-1 sus-cité qui sera fixée à la somme de 71 754 euros.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur le rappel de part variable de rémunération au titre des années 2018 et 2019

La société conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a accordé à la salariée un rappel de part variable sur rémunération au titre des années 2018 et 2019.

La salariée fait valoir qu'au titre de l'exercice 2018, la société ne justifie ni du mode de calcul, ni des motifs à l'origine de la détermination de la part variable, ni de la tenue d'un entretien annuel d'évaluation et qu'au titre de l'exercice 2019, aucune tenue d'un entretien annuel d'évaluation n'est justifiée.

Il appartient à l'employeur de communiquer les éléments nécessaires au calcul de la part de rémunération variable d'un salarié et, lorsqu'il se prétend libéré du paiement de cette part variable, de rapporter la preuve du fait qui a éteint son obligation.

Force est de constater que la société ne verse pas le moindre élément établissant que la salariée n'a atteint, pour l'année 2018, qu'à hauteur de 60 % ses objectifs individuels afférant au paiement de cette prime contractuelle et ne produit aucun élément sur les objectifs fixés à la salariée au titre de l'année 2019.

La salariée est donc fondée à réclamer un rappel de primes au titre des années 2018 et 2019 correspondant au paiement de la totalité des primes.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il fait droit aux demandes de la salariée de ces chefs.

Sur les intérêts au taux légal et leur capitalisation

Il est rappelé que les créances de nature salariale produisent des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et les créances de nature indemnitaire produisent des intérêts à compter du présent arrêt.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

Sur le remboursement des indemnités de chômage versées à la salariée

La société demande l'infirmation du jugement en ce qu'il lui a ordonné le remboursement d'un mois d'allocation de chômage alors même que la salariée ne produit aucun bordereau d'allocation de chômage.

Les dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail s'appliquent en l'espèce eu égard à la nullité du licenciement prononcée notamment sur le fondement de l'article L. 1134-4 du code du travail. Il en sera fait application d'office dans la mesure où les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées, peu important que la salariée ne produise pas de bordereau d'allocations de chômage.

Le jugement sera par conséquent confirmé sur ce point.

Sur la remise de documents

Eu égard à la solution du litige, il convient de condamner la société à remettre à la salariée des bulletins de paie conformes aux dispositions du présent arrêt. Le jugement sera infirmé en son débouté de cette demande.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement sera confirmé en ce qu'il statue sur les dépens et les frais irrépétibles.

Eu égard à la solution du litige, la société sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à la salariée la somme de 4 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile relatives à la distraction des dépens concernent les procédures dans lesquelles le ministère d'avocat est obligatoire. Or, dans le cadre de la procédure d'appel devant la chambre sociale, le ministère d'avocat n'est pas obligatoire en ce que les parties peuvent également être représentées par un défenseur syndical. La demande doit donc être rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

REJETTE la demande de la société Tereos Participations aux fins de déclarer irrecevables les demandes de nullité du licenciement, de réintégration et toutes les demandes subséquentes,

INFIRME le jugement en ce qu'il déboute Mme [Y] [M] de ses demandes de nullité du licenciement, de réintégration, de paiement de sommes entre la date de sortie des effectifs et la date de réintégration effective, d'heures supplémentaires et congés afférents, d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, de capitalisation des intérêts et de remise de documents et en ce qu'il condamne la société Tereos Participations à payer à Mme [Y] [M] la somme de 35 877 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

DIT que le licenciement est nul,

ORDONNE la réintégration de Mme [Y] [M] dans son emploi de 'international & corporate HR business partner' ou, à défaut, dans un emploi équivalent, dans un délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt,

CONDAMNE la société Tereos Participations à verser à Mme [Y] [M] une somme de 11 959 euros bruts par mois à titre d'indemnité pour licenciement nul à compter du 7 décembre 2019, date de sortie des effectifs, jusqu'à la date de sa réintégration effective,

CONDAMNE la société Tereos Participation à payer à Mme [Y] [M] les sommes suivantes :

* 6 000 euros bruts au titre des heures supplémentaires effectuées en 2017,

* 600 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés incidents,

* 13 000 euros bruts au titre des heures supplémentaires effectuées en 2018,

* 1 300 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés incidents,

* 2 500 euros bruts au titre des heures supplémentaires effectuées en 2019,

* 250 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés incidents,

* 71 754 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

CONDAMNE la société Tereos Participations à remettre à Mme [Y] [M] des bulletins de salaire conformes aux dispositions du présent arrêt,

RAPPELLE que les créances de nature salariale produisent des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et les créances de nature indemnitaire produisent des intérêts à compter du présent arrêt,

ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil,

CONFIRME le jugement pour le surplus des dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société Tereos Participation aux dépens d'appel,

CONDAMNE la société Tereos Participation à payer à Mme [Y] [M] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties des autres demandes.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE