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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 31 janvier 2024, n° 22/05723

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Biocoop (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Brun-Lallemand

Conseillers :

M. Richaud, Mme Depelley

Avocats :

Me Boccon Gibod, Me Barrière, Me Ribaut, Me de Monceau, Me Petit Perrin, Me Etevenard, Me Szulman

T. com. Paris, du 7 mars 2022, n° J20220…

7 mars 2022

FAITS ET PROCEDURE

La société Biocoop est une société coopérative sous la forme anonyme exploitant un réseau de distribution de produits biologiques en magasins spécialisés sous l'enseigne "Biocoop".

La société [O] [N] (ci-après "la société [O]") est sociétaire coopérateur Biocoop exploitant depuis 2001 un point de vente sous enseigne Biocoop au [Adresse 2] à [Localité 3].

La société [10] du Bio est sociétaire Biocoop et a été créée en 2020 en vue d'exploiter un point de vente sous enseigne Biocoop situé [Adresse 4]-[Adresse 5] à [Localité 3].

En juin 2017, la société Biocoop a proposé à la société [O] d'exploiter un autre local proche du sien au [Adresse 5] à [Localité 3].

Après étude, la société [O] n'a pas souhaité exploiter cet autre local.

Par délibération du 7 mars 2018 de sa commission d'admission développement, la société Biocoop a validé le projet de M. [T] [C] d'implantation d'un magasin [Adresse 9], lequel exploitait déjà un autre magasin Biocoop.

Estimant que ce projet d'implantation était préjudiciable à la zone d'exclusivité de son magasin [Adresse 13], la société [O] a formé un recours à l'encontre de la décision de validation qui a été rejeté par le comité de recours et notifié à la société [O] le 20 avril 2018.

La société [10] du Bio a été créée par M. [C] et Mme [U] le 26 août 2020, en vue d'exploiter le point de vente situé [Adresse 4]-[Adresse 5] à [Localité 3] qui a ouvert le 23 février 2021.

C'est dans ce contexte que : 

- par acte du 13 novembre 2020, la société [O] a assigné la société [10] du Bio, ainsi que M. [C] et Mme [U], devant le tribunal de commerce de Paris, en paiement de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice de concurrence déloyale sur le fondement des articles 1240 et suivants du code civil,

- par acte du 6 août 2021, la société [O] a assigné en intervention forcée la société Biocoop aux fins de voir prononcer une condamnation solidaire de cette société en paiement de dommages-intérêts,

Par jugement du 7 mars 2022, le tribunal de commerce de Paris a notamment :

- Dit irrecevables les demandes de la SAS [O] [N] à l'encontre de Monsieur [T] [C] et Madame [D] [M] [P] [U] ;

- Condamné la SA Biocoop à payer à la SAS [O] [N] la somme de 130.787 euros;

- Condamné la SAS [O] [N] à payer à la SAS [10] du Bio, Monsieur [T] [C] et Madame [D] [M] [P] [U] la somme de 10.000 euros au titre de I'article 700 du code de procédure civile;

- Condamné la SA Biocoop à payer à la SAS [O] [N] la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

- Condamné la SA Biocoop aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 197,81 € dont 32,54 € de TVA;

- Rappelé que l'exécution provisoire est de droit conformément à l'article 514 du code de procédure civile.

Par déclaration reçue au greffe le 16 mars 2022, la société Biocoop a interjeté appel de ce jugement devant la cour d'appel de Paris, intimant la société [O] [N], [10] du Bio ainsi que M. [C] et Mme [U].

Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées le 3 novembre 2023, la société Biocoop demande à la Cour de :

- Annuler le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en date du 7 mars 2022, à défaut,

- Réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en date du 7 mars 2022 en ce qu'il :

* Condamne la SA Biocoop à payer à la SAS [O] [N] la somme de 130.787 euros,

* Condamne la SA Biocoop à payer à la SAS [O] [N] la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

* Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires, mais uniquement en ce que le débouté concerne les demandes, fins et prétentions formées par la société Biocoop,

* Condamne la SA Biocoop aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 197.81 € dont 32.54 € de TVA.

Statuant à nouveau :

A titre principal,

- Juger irrecevable, à défaut mal fondée, la société [O] [N] en ses demandes, fins et prétentions dirigées contre la société Biocoop sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle ; l'en débouter ;

A titre subsidiaire,

- Juger que la société [O] [N] ne rapporte pas la preuve d'une quelconque faute imputable à la société Biocoop, et

- Débouter la société [O] [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions dirigées contre la société Biocoop.

A titre infiniment subsidiaire,

- Juger que la société [O] [N] ne rapporte pas la preuve des préjudices allégués en lien de causalité direct et certain avec les manquements imputés à la société Biocoop, et,

- Débouter la société [O] [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions dirigées contre la société Biocoop.

En tout état de cause,

- Débouter la société [10] du Bio de son appel en garantie dirigée contre la société Biocoop,

- Débouter la société [O] [N] de ses demandes dirigées contre la société Biocoop au titre des frais irrépétibles et dépens, de première instance comme d'appel,

- Condamner la société [O] [N] à payer à la société Biocoop la somme de 20 000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées le 8 novembre 2023, la société [10] du Bio demande à la Cour de :

Vu l'article 1240 du Code civil

Vu le règlement intérieur du réseau Biocoop

A titre principal :

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris du 7 mars 2022 en ce qu'il a débouté la société [O] [N] de l'ensemble des demandes présentées à l'encontre de la société [10] du bio,

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris du 7 mars 2022 en ce qu'il a condamné la société [O] [N] au paiement de la somme de 10.000 euros au profit de la société [10] du bio

Statuant à nouveau :

- Prendre acte que les conclusions signifiées par Biocoop et [O] [N] ne comportent aucune demande à l'encontre de Monsieur [C] et de Madame [U],

- Débouter la société [O] [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Ordonner l'irrecevabilité des photographies prises par la société [O] [N] alors que le local commercial de la société [10] du bio était fermé au public et les rejeter des débats,

- Condamner la société [O] [N] au paiement de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts.

A titre subsidiaire :

- Limiter à de plus justes proportions les demandes de la société [O] [N] qui ne rapporte pas la preuve d'une faute ayant un lien de causalité avec le préjudice invoqué et non démontré

- Condamner Biocoop à garantir la société [10] du bio de toutes éventuelles condamnations qui seraient susceptibles d'être prononcées à son encontre,

En toutes hypothèses :

- Condamner la société [O] [N] à régler à la société [10] du bio, une somme de 10.000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société [O] [N] à régler à la société [10] du bio, Monsieur [C] et Madame [U] aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées le 4 décembre 2023, la société [O] demande à la Cour de :

Vu les articles 1231-1 et suivants du code civil,

Vu les articles 1240 et 1241 du code civil,

- Recevoir la SAS [O] [N] en ses conclusions d'intimée et en son appel incident, - Débouter la société Biocoop de sa demande de nullité du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 7 mars 2022,

- Débouter la société Biocoop de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- Débouter la SAS [10] du bio de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Y faisant droit,

- Réformer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 7 mars 2022 en ce qu'il a :

* "Condamné la SA Biocoop à payer à la SAS [O] [N] la somme de 130.787 euros ;

* Condamner la SAS [O] [N] à payer à la SAS [10] du bio la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

* Débouté [la SAS [O] [N]] de ses autres demandes plus amples ou contraires."

Statuant à nouveau,

- Condamner in solidum la société Biocoop, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, et la société [10] du Bio, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, à payer à la société [O] [N] la somme de 2 490 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

En tout état de cause,

- Condamner in solidum la SAS [10] du Bio et la société Biocoop à payer à la société [O] [N] la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre l'intégralité des frais exposés dans le cadre de la présente instance,

- Condamner in solidum la SAS [10] du Bio et la société Biocoop aux entiers dépens d'appel.

M. [C] et Mme [U] n'ont pas constitué avocat. La déclaration d'appel de la société Biocoop leur a été signifiée par acte d'huissier délivré le 12 mai 2022 à personne physique et tiers présent au domicile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 décembre 2023.

La Cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

1- Sur la demande d'annulation du jugement.

La société Biocoop demande l'annulation du jugement du tribunal de commerce de Paris aux motifs que :

- Le tribunal est entré en voie de condamnation à l'encontre de la société Biocoop sur le fondement de sa responsabilité contractuelle, substituant ainsi d'office un nouveau fondement juridique aux demandes formées par la société [O] sur le fondement de l'article 1240 du code civil, et ce sans solliciter préalablement les observations des parties,

- Le jugement ne comporte aucune motivation sur le point contesté par la société Biocoop tenant au périmètre géographique de la zone d'exclusivité de la société [O],

- Les premiers juges ont dénaturé la lettre du 21 octobre 2015,

- Les premiers juges ont donné à voir un sentiment de partialité défavorable à la coopérative Biocoop.

Réponse de la Cour,

Lorsque la nullité alléguée concerne non pas la saisine du premier juge mais, comme en l'espèce, une défectuosité de la procédure suivie devant celui-ci, le juge d'appel, saisi de l'entier litige par l'effet dévolutif, est tenu de se prononcer sur le fond du droit, sans même devoir statuer préalablement sur le moyen tiré de l'irrégularité du jugement.

Il sera donc procédé directement à l'examen du fond du droit.

2- Sur l'irrecevabilité des demandes de la société [O] formulées à l'encontre de la société Biocoop

La société Biocoop soulève l'irrecevabilité des demandes de la société [O] formulées à son encontre, en ce qu'elles sont fondées sur la responsabilité délictuelle. Elle relève que les rapports entre la société [O] et la coopérative Biocoop sont régis par le contrat de société qui les lie - c'est-à-dire par les statuts, le règlement intérieur et le cahier des charges de la coopérative Biocoop- et que la société [O] oppose le non-respect de ce contrat à l'appui de ses demandes.

Réponse de la Cour,

Dans le dernier état de ses écritures, déposées et notifiées le 4 décembre 2023, la société [O] formule ses demandes à l'encontre de la société Biocoop exclusivement sur le fondement de la responsabilité contractuelle, en sorte que l'irrecevabilité soulevée est devenue sans objet.

3- Sur la demande de la société [O] de condamnation solidaire des sociétés Biocoop et [10] du Bio au paiement de dommages-intérêts

Exposé des moyens des parties

La société [O] fait valoir pour l'essentiel que le magasin Biocoop au [Adresse 5] à [Localité 3] a été implanté en violation de sa zone d'exclusivité dont elle bénéficie en application du règlement intérieur et des règles d'usage de la coopérative Biocoop. A cet effet, elle soutient que l'article 5.1.3.2.1 du règlement intérieur et la règle d'usage rappelée par le directeur développement Biocoop dans un courriel du 15 avril 2015 prévoient que sa zone d'exclusivité est déterminée par un périmètre général moyen de l'ordre de 5 minutes minimum à pied autour de son magasin de telle sorte que deux magasins Biocoop doivent se situer à 10 minutes (2x5 mn) à pied l'un de l'autre pour respecter leur propre exclusivité territoriale. Elle fait observer que cette double règle permet d'éviter non seulement l'empiètement d'un magasin sur la zone d'exclusivité d'un autre mais également la protection d'une zone de chalandise pour chacun des magasins afin de prévenir toute cannibalisation de la clientèle et tout impact sur les chiffres d'affaires respectifs. Dans ce cadre, la société [O] prétend que l'implantation du magasin Biocoop de la société [10] du Bio à 6 minutes à pied de son magasin [Adresse 13] et en limite de sa zone d'exclusivité constitue une violation de celle-ci par empiètement. Elle précise que la nouvelle zone d'exclusivité territoriale de la société [10] du Bio, qui modifie nécessairement la sienne, n'a pas été portée à sa connaissance conformément au règlement intérieur en sorte qu'elle ne lui est pas opposable. La société [O] relève que sur l'ensemble des magasins Biocoop à [Localité 11], ce sont les seuls à se situer à une telle proximité, sans respecter la règle d'usage d'une distance de 10 minutes, créant ainsi une situation de concurrence déloyale lui causant une perte de chiffres d'affaires de 36 % depuis l'ouverture du magasin [10] du Bio le 21 février 2021.

Elle en déduit que la société Biocoop en autorisant l'implantation de ce magasin au [Adresse 5] [Localité 3] pour des motifs d'intérêt général de la coopérative, a violé l'exclusivité territoriale accordée à la société [O] et manqué de loyauté à son égard, engageant sa responsabilité contractuelle. Concernant la société [10] du Bio, la société [O] estime que celle-ci, créée le 20 août 2020 un mois avant l'ouverture de son magasin et alors qu'elle avait abandonné le projet de 2018, ne pouvait ignorer que son magasin était situé sur sa zone territoriale d'exclusivité et a décidé de passer outre en connaissance de cause, de cannibaliser sa clientèle sur sa zone d'exclusivité et de chalandise, engageant ainsi sa responsabilité délictuelle pour concurrence déloyale.

Concernant son préjudice, la société [O] fait d'abord état d'un aveu de la part de la société Biocoop de l'impact financier de son autorisation d'installation du magasin de la société [10] du Bio qu'elle a évalué dans son courriel du 17 septembre 2020 à une perte de 6,21% de son chiffre d'affaires annuel clos au 30 juin 2020. Ensuite, selon la société [O] jusqu'en janvier 2021, elle enregistrait une progression de son chiffre d'affaires supérieure à la moyenne du bassin parisien, mais qu'immédiatement après l'ouverture du magasin de [10] le 21 février 2021 son propre magasin a subi une chute de fréquentation de la clientèle et une perte de chiffre d'affaires corrélative 3 fois supérieure à la décroissance moyenne dans le bassin parisien jusqu'en 2022. Elle précise que pour son magasin, l'année 2020 n'a pas été une année exceptionnelle et doit servir à titre de comparaison. De ces éléments, la société [O] en déduit que sa perte de chiffre d'affaires ainsi constatée est en lien direct avec l'ouverture fautive du magasin de la société [10] du Bio. Elle évalue son préjudice, suivant la méthode "Discounted Cash-Flow" à la somme de 2 490 000 euros.

La société Biocoop conteste tout manquement contractuel de sa part. Elle fait principalement valoir qu'en application de l'article 5.1.3.2.1 du règlement intérieur, la zone d'exclusivité a été notifiée à la société [O] par lettre du 21 octobre 2015 et se détermine par un périmètre de 5 mn à pied autour du magasin [Adresse 13]. Elle soutient que l'autorisation donnée par la coopérative Biocoop, suivant délibération de la Comad du 7 mars 2018, d'implanter un magasin au [Adresse 5], à 7 minutes à pied de celui de la société [O], ne caractérise pas une violation de son engagement contractuel de ne pas installer d'autre magasin dans la zone d'exclusivité de la première, étant précisé que la zone d'exclusivité notifiée à la société [10] du Bio n'empiète pas celle de la société [O] mais lui est seulement contiguë. Elle souligne avoir préalablement proposé à la société [O], comme le prévoit le règlement intérieur, ce nouvel emplacement que celle-ci n'a finalement pas accepté pour des raisons financières. Elle explique que malgré l'opposition de la société [O], le projet a été maintenu et validé pour la société [10] du Bio dans l'intérêt du réseau au regard de l'emplacement stratégique et de la concurrence accrue dans le secteur de la distribution du bio.

Elle ajoute qu'aucune autorisation de surface de vente supérieure à 110 m2 n'a été donnée à la société [10] du Bio et que les allégations de la société [O] de désorganisation par la conduite d'audits sociaux, de parasitisme économique ou de menace d'exclusion du réseau ne sont étayées par aucun élément sérieux.

Enfin, elle relève que la société [O] n'apporte aucun élément probant permettant d'établir l'existence et l'ampleur des préjudices allégués et leur lien de causalité avec l'implantation d'un nouveau magasin Biocoop dans le [Localité 3]. Elle dénie toute reconnaissance de responsabilité aux termes du courriel de son service marketing qui s'est borné à transmettre, à la demande de la société [O], une étude d'impact théorique de l'implantation d'un magasin Biocoop au niveau de la station de métro [10].

La société [10] du Bio conteste tout manquement de sa part de nature à caractériser une concurrence déloyale. Elle fait principalement valoir qu'elle a procédé à l'ouverture de son magasin [Adresse 9] en février 2021 à la suite d'une autorisation délivrée par la coopérative Biocoop, devenue définitive, faisant suite à un refus pour des motifs financiers de la société [O] d'implanter un autre magasin à cet endroit considéré comme stratégique par le réseau. Elle souligne que sa zone d'exclusivité a été modifiée par la commission d'admission afin précisément de ne pas empiéter sur la zone d'exclusivité de la société [O] dont elle ne connaissait pas le périmètre. Elle fait remarquer qu'aux termes du règlement, il est prévu que la coopérative Biocoop peut faire varier la zone d'exclusivité selon l'évolution du bassin de consommation ou encore selon la définition des nouveaux concepts de magasins susceptibles d'exister dans le réseau, ou encore selon la stratégie réseau décidée par le conseil d'administration. Elle ajoute que la surface de son point de vente a toujours été de 110 m2 nonobstant l'acquisition d'un local situé au [Adresse 4] destiné au stockage. Enfin, la société [10] du Bio critique le chiffrage du préjudice de la société [O] et fait observer que l'expertise produite ne procède à aucune analyse sérieuse des modalités d'exploitation du fonds et du contexte économique et repose sur des données financières très parcellaires.

Réponse de la Cour,

Selon l'article 20 des statuts de la société coopérative Biocoop constituée sous la forme d'une société anonyme à capital variable et à conseil d'administration, la possession d'une part sociale emporte de plein droit adhésion aux statuts, règlement intérieur et aux résolutions adoptées par les organes de la coopérative Biocoop.

Le règlement intérieur (mis à jour le 30 septembre 2020) institue différentes commissions, dont les décisions liées à leurs missions sont prises par délégation du conseil d'administration qui reste, en cas de contestation, décisionnaire final. A ce titre, les commissions admissions (Comad) prévues à l'article 3.2.1.1 sont chargées, en s'appuyant sur le service développement de la coopérative, de proposer au conseil d'administration l'admission de nouveaux sociétaires coopérateurs magasins, ou d'étudier les dossiers d'essaimage (création d'un nouveau point de vente par un sociétaire de la coopérative) ainsi que les projets d'agrandissement ou impliquant des modifications substantielles des conditions d'exploitation d'un point de vente Biocoop. Il est précisé que tout changement substantiel dans l'organisation d'un magasin, essaimage, déménagement, agrandissement, évolution majeure d'activité (réaménagement du magasin, restauration...), doit faire l'objet d'un avis favorable de la commission admission (article 3.2.1.3).

Au titre des avantages dont bénéficient les sociétaires, le règlement intérieur prévoit à l'article 5.1.3.2 la concession de zone d'exclusivité que :

"Tout sociétaire a droit à une zone d'exclusivité concédée par la Coopérative Biocoop dans laquelle la Coopérative Biocoop s'engage à ne pas installer d'autre magasin. La Coopérative Biocoop s'engage à ce que la zone concédée à chaque sociétaire soit délimitée dans les meilleurs délais à compter du 23 juin 2014 et alors portée à la connaissance du sociétaire.

La règle de détermination des zones d'exclusivité est portée à la connaissance des sociétaires.

Il est expressément convenu que la Coopérative Biocoop pourra faire varier cette zone selon l'évolution du bassin de consommation ou des unités de consommation de la zone considérée, ou encore selon la définition des nouveaux concepts de magasins susceptibles d'exister dans le réseau, ou selon la stratégie réseau décidée par le Conseil d'Administration, le tout sous réserve d'en informer le sociétaire dont la zone est modifiée avec un préavis d'au moins six mois.

La ou les nouvelles règles de détermination des zones d'exclusivité est alors portée à la connaissance des sociétaires.

Le sociétaire s'engage à exploiter au mieux cette Zone d'Exclusivité et à y valoriser la marque et l'enseigne Biocoop dans le respect des Statuts, du Règlement Intérieur et des Cahiers des charges. En cas de manquement, la commission admission a le pouvoir de prononcer la déchéance de l'exclusivité sur la zone du sociétaire concerné, étant précisé que même en cas de régularisation du manquement ultérieurement, l'exclusivité ne pourra être réattribuée sans que la commission admission ne se soit expressément prononcée en ce sens."

L'article 5.1.3.2.1.1 prévoit la possibilité d'arbitrage des COMAD en ces termes :

"Compte tenu du rôle des COMAD dans le développement et la protection du réseau par la validation des nouveaux magasins, les COMAD ont par ailleurs compétence pour arbitrer les périmètres dans le cas des projets de développement empiétant sur une zone d'exclusivité existante.

Les COMAD agissent alors avec le souci principal de l'intérêt du réseau, et en tenant compte de la pérennité du sociétaire sur la zone empiétée. Dans ce processus, la COMAD incite les deux sociétaires concernés à trouver un accord à partir des informations fournies (cartographies, fichiers clients, etc')."

Dans ce cadre, par courrier du 21 octobre 2015, le directeur développement a notifié à M et Mme [O] Biocoop [Localité 3] la zone d'exclusivité (ZE) délimitée sur un plan avec un courrier explicatif en ces termes :

"(') La ZE a été construite sur le principe de zone isochrone "Trajet-Temps" de 5 mn à pied autour de votre magasin c.à.d le temps moyen mis par vos clients pour atteindre votre magasin dans des conditions normales de circulation, afin de se caler au plus près sur le comportement du consommateur. Cette méthode a été présentée au Conseil d'Administration le 26 mars 2015 qui a décidé, à l'unanimité, de la présenter aux sociétaires réunis en bassins. Les modalités ont été validées par le Conseil le 4 juin 2015. A noter que dans le cas de ZE se chevauchant entre 2 magasins (pour des raisons historiques), il est reconnu une coexistence de fait, la zone concernée appartenant donc aux 2 sociétaires.

Les ZE seront prises en considération par les Commission d'Admission (Comad) dans le cadre de la protection du réseau et de la création de nouveaux magasins, dans l'intérêt général de la coopérative et de la pérennité du sociétaire. Cependant et en complément des dispositions de l'article 15du RI, nous vous précisons que le CA a validé les possibilités d'arbitrage notamment dans le cas de nouveaux magasins ou d'évolution à la demande du sociétaire en cas de modification substantielle et pérenne des voies de communication modifiant la zone - trajet/temps-."

Dans un contexte de concurrence accrue des magasins spécialisés dans le bio (pièces n°10 et 11 Biocoop), la société Biocoop a informé la société [O] courant 2017, de l'opportunité d'un essaimage sur un local commercial au [Adresse 5], d'une surface de vente de 110 m2, présentant les atouts d'être situé sur une artère passante et à proximité de la sortie de la station de métro [10] (ligne13). De multiples échanges s'en sont suivis entre le service développement de la société Biocoop et la société [O] (pièces n° 1 et 2 [O]). Afin de s'assurer des intentions de la société [O], son président a été reçu par la commission admission le 10 janvier 2018. Le compte-rendu de cette commission (pièce n°4 [O]) renseigne que le sociétaire [O], désireux de consolider ses magasins [Localité 3] et [Localité 12], n'était pas intéressé par le projet local de [10] et préfèrerait "être concurrencé par une autre enseigne que Biocoop", mais que la commission, "au vu de l'emplacement stratégique et de l'intérêt général de la Coopérative Biocoop et de son réseau sur l'emplacement proposé" s'est prononcée en faveur de la poursuite de l'étude d'un projet d'implantation au [Adresse 5].

Par courriel du 26 janvier 2018, une consultation était circularisée par la coopérative Biocoop notamment auprès de M. [O], afin de solliciter l'avis des sociétaires sur le projet d'implantation de M. [C] au [Adresse 5]. Par courriers des 3 et 20 février 2018, M. [O] a émis un avis défavorable aux motifs que ce projet avait pour effets de "s'installer sur ma zone d'exclusivité" au mépris du règlement intérieur et de mettre en péril ses magasins.

Suivant réunion du 7 mars 2018, la commission d'admission a donné son accord pour le projet d'implantation de M. [C] au [Adresse 5], pour une surface de vente de 110m2 (pour une surface totale de 137 m2) et des chiffres d'affaires prévisionnels de 1 407 656 euros la 1ère année, 1 618 050 euros la 2ème année et 1779 855 euros la 3ème année, avec une ouverture prévisionnelle en octobre 2018 (pièce 14 Biocoop).

La société [O] a formé un recours contre ce projet qui a été rejeté au cours d'une réunion de la commission d'admission tenue le 6 avril 2018. Le compte-rendu de cette réunion (pièce n°15 Biocoop) renseigne que le sociétaire [O] a fait état du non-respect de sa zone d'exclusivité, de la situation fragile de son magasin [Localité 3] en raison de magasins concurrents implantés en 2017 et de l'aggravation de sa perte de chiffre d'affaires en cas d'implantation d'un autre magasin Biocoop. La commission a rejeté ce recours aux motifs suivantes :

- L'emplacement stratégique (au pied du métro [10]) et de l'intérêt général de la Coopérative Biocoop et de son réseau sur le développement à [Localité 11] (où Biocoop n'est que troisième, loin derrière Naturalia 66 magasins et Bio C'Bon 42 magasins) d'autre part ;

- La non-exploitation de la ZE du magasin depuis des années en termes de développement -ce qui pourrait représenter un motif de déchéance de zone d'exclusivité par la Comad (RI 5.1.3.2.1) - et qui aboutit à un développement de la concurrence et à une situation d'isolement du magasin ;

- Le défaut d'intérêt à la proposition de BIOCOOP de porter le projet de [10] en essaimage du magasin de [Localité 3](refus exprimé en août 2017, confirmé en janvier 2018)

- La forte densité de population dans l'arrondissement ([Localité 3] : 169 000 habitants) de la zone d'exclusivité (plus de 30 670 habitants) et son potentiel avéré -qui devrait permettre la présence et l'exploitation de deux magasins Biocoop ;

Dans le même temps, la commission d'admission a décidé de modifier la zone d'exclusivité du futur magasin de [Localité 3] -[10] afin qu'elle n'empiète pas sur une zone d'exclusivité existante (compte rendu du 5 juin 2018 -pièce [10] n° 6, 6-1, et 6-2). [10] produit aux débats le plan notifié (pièce 6-3) mettant en évidence une zone d'exclusivité contiguë à celle du magasin implanté [Adresse 13].

L'ouverture du magasin de [10] n'a finalement pas eu lieu courant 2018. La société [O] produit une fiche signalétique (pièce n° 6) de la société Biocoop portant la mention de l'abandon de ce projet.

Au cours de l'été 2020, le service développement Biocoop a présenté à ses sociétaires un projet dénommé "[Localité 11] capital(e)", faisant suite à une décision du conseil d'administration de décembre 2019 de stimuler le développement sur [Localité 11] pour devenir une "véritable alternative (n° 2) face à Naturalia en 2022" (pièces n° 7 et 8 [O]). Le document de travail du 5 juin 2020 (pièce n° 8 Biocoop) renseigne que l'objectif de ce plan était d'accélérer le développement sur [Localité 11] pour atteindre 50 magasins en coopération avec les sociétaires afin de donner une visibilité plus importante à l'enseigne sur le plan national et ce avec de nouveaux outils d'accompagnement tel que le contrat de densification. Ce dernier prévoyait de compenser la diminution de marge du sociétaire à proximité d'un nouveau sociétaire calculée à partir d'une étude d'impact théorique.

Aux termes d'un courriel du 10 août 2020 du Comad et du service développement ayant pour objet de faire un point d'étape sur le projet de développement sur [Localité 11] (pièce n°7 [O]), figure le projet de M et Mme [C] de magasin [10] [Localité 3] avec "une date d'ouverture à définir".

Il ressort des échanges suivants ce courriel que c'est à l'occasion de ce projet de développement que la société [O] a été informée de la relance du projet d'implantation du magasin de [10] et qu'elle a sollicité courant septembre 2020 une étude d'impact théorique telle que prévue dans le plan de développement (pièce n° 11 Biocoop). En réponse, le service de développement lui a indiqué au 15 septembre 2020 un impact théorique de - 6,21% de chiffre d'affaires (pièce n° 20 [O]) et l'a invitée à fournir des informations complémentaires pour calculer un impact réel, tel que le chiffre d'affaires 12 mois glissants sans prendre en compte la période mars 2020-juin 2020 (confinement) en fournissant par exemple mars 2019 à mars 2020 (pièce n° 11, courriel du 17 septembre 2020).

Dès le mois de novembre 2020, la société [O] a introduit une action en concurrence déloyale à l'encontre de la société [10], M. [C] et Mme [U] devant le tribunal de commerce de Paris.

Le magasin de la société [10] a ouvert le 21 février 2021. Les éléments produits aux débats par la société [O], notamment des photographies, sont insuffisants pour établir que cette nouvelle implantation dans le [Localité 3], et en particulier la surface de vente du magasin de [10], était différente du projet validé en commission de mars 2018.

En outre, la Cour observe que le magasin de [10], s'il est situé en limite de zone d'exclusivité de la société [O], il n'est cependant pas situé dans cette zone, pour être à plus de 5 minutes à pied du magasin situé [Adresse 13].

Il est constant que la zone d'exclusivité des magasins Biocoop a été construite sur le principe de zone isochrone "Trajet-Temps" de 5 mn à pied autour des magasins, de sorte que comme l'explicite le courriel du 15 avril 2015 (pièce n° 13 [O]) les magasins Biocoop doivent logiquement être à une distance de 10 mn à pied. Le magasin [10] situé au [Adresse 5] n'est pas à 10 minutes à pied du magasin situé [Adresse 13], mais à 6-7 minutes selon les explications des parties. Néanmoins, la Cour constate que la zone d'exclusivité de la société [10] du Bio a précisément été modifiée pour tenir compte de celle du magasin de la société [O] pour lui rester contiguë mais sans empiètement, de sorte que la société [10] ne bénéficie pas d'une zone d'exclusivité de 5 minutes à pied tout autour du magasin (plan pièce 6-3 [10]). Il en ressort que c'est la zone d'exclusivité autour du magasin de [10] qui a été modifiée et non celle de la société [O] qui ne peut dès lors se prévaloir d'une "inopposabilité" de la zone d'exclusivité telle que délimitée pour le magasin de [10]. La société [O] ne fait pas non plus état de prospection active de la part de la société [10] du Bio sur sa zone d'exclusivité ou tout autre comportement dans l'exploitation de l'enseigne caractérisant une violation de celle-ci. Aussi, l'empiètement ou la violation de la zone d'exclusivité concédée à la société [O] ne sont pas démontrés.

Par ailleurs, il convient de relever que les dispositions précitées du règlement intérieur prévoient explicitement que la société Biocoop dispose de la possibilité de faire varier la délimitation de la zone d'exclusivité selon l'évolution du bassin de consommation ou des unités de consommation de la zone considérée, ou encore selon la définition des nouveaux concepts de magasins susceptibles d'exister dans le réseau, ou selon la stratégie réseau décidée par le Conseil d'Administration. A cette fin, le rôle des commissions d'admission dans le développement et la protection du réseau est de procéder à des arbitrages entre les intérêts du réseau et la pérennité des sociétaires pouvant être impactés par de nouvelles implantations.

C'est ainsi que la société [O], qui a contesté devant la commission d'admission le projet d'implantation de magasin à [10], fait aussi valoir qu'une telle proximité entre les deux magasins à enseigne Biocoop, inédite sur l'ensemble du réseau, porte atteinte à sa zone de chalandise plus étendue que la zone d'exclusivité et compromet la pérennité de l'exploitation de son magasin en impactant son chiffre d'affaires. Elle allègue une perte de chiffre d'affaires de 36 %, directement et entièrement imputable à l'ouverture du magasin de la société [10] du Bio le 21 février 2021.

A cet effet, la société [O] produit un rapport d'expertise établi le 13 novembre 2020, analysant une baisse de fréquentation et une perte de chiffre d'affaires potentiel corrélative de 50 % et évaluant un préjudice entre 2 155 000 et 2 825 000 euros. La Cour constate que ce rapport a été établi avant l'ouverture du magasin litigieux.

La société [O] produit également l'ensemble de ses données mensuelles remontées par le réseau de 2019 à 2023 (pièce n° 24) mais sans analyse sérieuse de ces données, notamment suivant la méthode comparative de plusieurs exercices avant et après l'ouverture du magasin en février 2021. La société [O] procède à des comparaisons de son chiffre d'affaires de son magasin mais en se limitant entre les exercices 2019 et 2020 d'une part et 2021 et 2022 d'autre part, alors que comme le relève les sociétés Biocoop et [10] du Bio, l'année 2020 a été une année atypique dans le commerce alimentaire à la suite du confinement. En outre, si la société [O] évoque depuis le mois de février 2021, une fréquentation journalière tombée de 300 clients/jour moyenne à 165 clients/jour en moyenne, soit 135 clients de moins par jour en moyenne (conclusions page 48), elle n'explicite pas les périodes de comparaison, ni ne procède à une analyse complémentaire du panier moyen par client. Or, il ressort des données mensuelles (pièce n° 24) et du tableau de comparaison (page 46 des conclusions [O]) que les magasins du bassin parisien ont aussi enregistré une nette décroissance de leur chiffre d'affaires à compter de février 2021. Si la société [O] fait observer que son décrochage de chiffre d'affaires à compter de février 2021 est trois fois plus important que celui de la moyenne du bassin, elle ne peut imputer intégralement à l'ouverture du magasin de [10], la baisse de son chiffre d'affaires global constatée depuis l'exercice 2021 de l'ordre de 40 % par rapport aux deux exercices précédent, sur la base d'une simple corrélation dans le temps sans analyse sérieuse des différents facteurs pouvant ou non influencer un tel décrochage.

S'il n'est pas douteux que l'implantation du magasin [10], à l'entrée du métro et dans une zone géographique à moins de 10 minutes à pied du magasin [Adresse 13], était de nature à impacter l'activité de la société [O], cette implantation s'est néanmoins inscrite dans une stratégie de développement décidée par le conseil d'administration de la société Biocoop avec des mesures de compensation, dont il n'est pas contesté que la société [O] était en mesure d'en bénéficier.

L'analyse d'impact présentée par la société [O] est trop lacunaire pour établir que cette stratégie a fait prévaloir les intérêts du réseau au détriment de la pérennité de son magasin et que les mesures de compensation prévues dans le plan de développement étaient sans proportion à l'impact réel de la nouvelle implantation dans le [Localité 3] arrondissement.

Au regard de l'ensemble de ces constatations, il n'est pas établi que la stratégie de développement de la société Biocoop ayant donné lieu à l'ouverture du magasin [Adresse 9] par la société [10] du Bio avec une zone d'exclusivité contiguë à celle de la société [O], a été mise en œuvre dans des conditions contraires aux obligations contractuelles telles que prévues au règlement intérieur et de nature à caractériser un manquement contractuel de la société Biocoop.

Il n'est pas non plus démontré de comportement fautif de la part de la société [10] du Bio dans l'exploitation de son magasin de nature à créer une concurrence déloyale au sein du réseau.

En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Biocoop à verser la somme de 130 787 euros, et la société [O] sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts formulée à l'encontre des sociétés Biocoop et [10] du Bio.

4- Sur la demande de dommages-intérêts de la société [10] du Bio

La société [10] du Bio réclame la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts pour violation de sa propriété privée par la prise de photographie de son local de stockage.

Cette violation n'est pas démontrée, dès lors que la société [O] allègue, sans être utilement contredite par le constat d'huissier versé aux débats, qu'elles ont été prises dans l'espace ouvert au public.

La société [10] du Bio sera déboutée de sa demande.

5-Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Biocoop aux dépens et à payer à la société [O] la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société [O], partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, la société [O] sera déboutée de sa demande et condamnée à verser la somme de 15 000 euros à la société Biocoop et la somme complémentaire de 5 000 euros à la société [10] du Bio.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Vu l'effet dévolutif de l'appel, déclare sans objet la demande d'annulation du jugement,

Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la Cour mais seulement en ce qu'il a :

- Condamné la société Biocoop à verser à la société [O] [N] la somme de 130 787 euros,

- Condamné la société Biocoop aux dépens et à payer à la société [O] [N] la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant de nouveau sur ses chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute la société [O] [N] de sa demande de condamnation in solidum des sociétés Biocoop et [10] du Bio au paiement de dommages-intérêts,

Déboute la société [10] du Bio de sa demande de dommages-intérêts,

Condamne la société [O] [N] aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la société [O] [N] à payer la somme de 15 000 euros à la société Biocoop et la somme complémentaire de 5 000 euros à la société [10] du Bio au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande.