CA Versailles, ch. com. 3-1, 1 février 2024, n° 22/02203
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Tomatoland (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Thomas
Conseillers :
Mme Gautron-Audic, Mme Meurant
Avocats :
Me Gambin, Me Barton-Smith, Me Zerhat, Me Roulin
EXPOSÉ DES FAITS
La société Tomatoland est spécialisée dans le négoce international des produits dérivés de la tomate.
M. [T] [H], entrepreneur individuel exerçant sous le nom commercial 'Greenwell' et l'enseigne JBIM Greenwell United, revendique dans son K-bis l'activité de courtage en produits agro-alimentaires. Il effectue la prospection commerciale de tomates et autres fruits transformés à l'étranger pour le compte notamment de la société Tomatoland.
Un contrat de prestations commerciales a été conclu le 20 avril 2016 entre la société Tomatoland et la société World Food Trading and Sourcing (ci-après, WFTS), dont M. [H] était le président.
La société WFTS a fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire du tribunal de commerce de Marseille du 15 juin 2017.
Les parties -la société Tomatoland et M. [H] ont poursuivi leurs relations commerciales.
M. [H] a mis en demeure la société Tomatoland de lui régler des commissions dues par lettres recommandées du 15 décembre 2020 et du 4 janvier 2021.
Par courriel du 7 janvier 2021, la société Tomatoland s'est dit prête à régler les commissions qui seraient dues à M. [H] mais l'a informé qu'elle comptait lui demander des dommages et intérêts pour ses agissements fautifs. Elle proposait de s'abstenir de poursuivre M. [H] si ce dernier renonçait aux commissions dues et à devoir sur les contrats en cours.
M. [H] n'a pas donné pas suite à cette proposition et a relancé la société Tomatoland par lettres recommandées avec avis de réception du 13 et du 19 janvier 2021 pour le paiement d'une somme de 7.455,39 € TTC, en vain.
Par acte d'huissier de justice du 14 avril 2021, M. [H] a assigné la société Tomatoland.
Par jugement en date du 15 février 2022, le tribunal de commerce de Nanterre a :
- débouté la société Tomatoland de sa demande d'exception d'inexécution ;
- condamné la société Tomatoland à payer à M. [H], nom commercial Greenwell, enseigne JBIM Greenwell United, la somme de 3.276,37 € TTC, assortie d'intérêts de retard au taux légal à compter du 19 janvier 2021 ;
- débouté M. [H], nom commercial Greenwell, enseigne JBIM Greenwell United, de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
- débouté la société Tomatoland de sa demande de dommages et intérêts au titre de la violation par M. [H], nom commercial Greenwell, enseigne JBIM Greenwell United, de son exécution de bonne foi du contrat de prestation commerciale ;
- condamné M. [H], nom commercial Greenwell, enseigne JBIM Greenwell United, à payer à la société Tomatoland la somme de 10.000 € en réparation du préjudice causé par ses actes de concurrence déloyale ;
- condamné M. [H], nom commercial Greenwell, enseigne JBIM Greenwell United, à payer à la société Tomatoland la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit ;
- condamné M. [H], nom commercial Greenwell, enseigne JBIM Greenwell United, aux dépens.
Par déclaration en date du 1er avril 2022, M. [H], nom commercial Greenwell, enseigne JBIM Greenwell united, a interjeté appel de cette décision.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 7 juin 2023, M. [T] [H], exerçant sous le nom commercial Greenwell United demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu le 15 février 2022 par le tribunal de commerce de Nanterre en ce qu'il a :
- condamné la société Tomatoland à payer à M. [H], nom commercial Greenwell, enseigne JBIM Greenwell United, la somme de 3.276,37 € TTC, assortie d'intérêts de retard au taux légal à compter du 19 janvier 2021 ;
- débouté M. [H], nom commercial Greenwell, enseigne JBIM Greenwell United, de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
- condamné M. [H] , nom commercial Greenwell, enseigne JBIM Greenwell United, à payer à la société Tomatoland la somme de 10.000 € en réparation du préjudice causé par ses actes de concurrence déloyale ;
- condamné M. [H], nom commercial Greenwell, enseigne JBIM Greenwell United, à payer à la société Tomatoland la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Tomatoland au paiement de la somme principale de 7.269,06 € avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 19 janvier 2021 ;
- condamner la société Tomatoland au paiement de la somme principale de 2.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
- débouter la société Tomatoland de toutes ses demandes fins et conclusions ;
- condamner la société Tomatoland à payer la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel.
Par dernières conclusions signifiées le 28 juin 2023, la société Tomatoland demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
- retenu la continuité de l'application des stipulations du contrat du 20 avril 2016 aux relations entre les parties ;
- débouté M. [H], nom commercial Greenwell, enseigne JBIM Greenwell United, de sa demande de condamnation à lui régler la somme de 2.000 € au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
- débouté M. [H], nom commercial Greenwell, enseigne JBIM Greenwell United, de sa demande de condamnation de la société Tomatoland de lui régler la somme de 7.269,06 € avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 19 janvier 2021 ;
- condamné M. [H], nom commercial Greenwell, enseigne JBIM Greenwell United, à lui régler la somme de 10.000 € en réparation du préjudice causé par ses actes de concurrence déloyale ;
- condamné M. [H], nom commercial Greenwell, enseigne JBIM Greenwell United, à lui régler la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
- débouté la société Tomatoland de sa demande d'exception d'inexécution ;
- condamné la société Tomatoland à payer à M. [H], nom commercial Greenwell, enseigne JBIM Greenwell United, la somme de 3.276,37 € TTC assortie d'intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2021 ;
- débouté la société Tomatoland de sa demande de dommages intérêts pour un montant de 39.596,41 € au titre de la violation par M. [H], nom commercial Greenwell, enseigne JBIM Greenwell United, de son exécution de bonne foi du contrat de prestations commerciales ;
- débouté la société Tomatoland de sa demande de dommages intérêts pour un montant de 5.000 € en réparation de son préjudice moral distinct causé par les actes de concurrence déloyale commis par M. [H], nom commercial Greenwell, enseigne JBIM Greenwell United, après la résiliation du contrat ;
- débouté la société Tomatoland de sa demande d'assortir l'ensemble des condamnations des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 2 février 2021 ;
En conséquence, le réformant :
- exempter la société Tomatoland du règlement de la somme de 7.269,06 € réclamée par M. [H] au titre de ses commissions, sur le fondement de l'exception d'inexécution ;
- débouter M. [H], nom commercial Greenwell, enseigne JBIM Greenwell United, entrepreneur individuel, de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
- condamner M. [H], nom commercial Greenwell, enseigne JBIM Greenwell United, à payer à la société Tomatoland la somme de 39.596,41 € en réparation des préjudices causés par la violation de son exécution de bonne foi du contrat de prestations commerciales ;
- condamner M. [H], nom commercial Greenwell, enseigne JBIM Greenwell United, à payer à la société Tomatoland la somme de 15.000 € en réparation du préjudice moral causé par ses actes de concurrence déloyale commis après la résiliation du contrat de prestations commerciales qui les liaient ;
- assortir ces condamnations des intérêts au taux légal à compter de la date de la mise en demeure, soit à compter du 2 février 2021 ;
A titre subsidiaire :
- réduire le montant des commissions réclamées par M. [H], nom commercial Greenwell, enseigne JBIM Greenwell United, à la somme de 2.602,76 € ;
Enfin, en tout état de cause, y ajoutant :
- condamner M. [H], nom commercial Greenwell, enseigne JBIM Greenwell United, de lui régler la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés pour sa défense en procédure d'appel ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 juin 2023.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit par l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
Sur le paiement des prestations et l'exception d'inexécution
M. [H], exerçant sous le nom commercial 'Greenwell' et l'enseigne JBIM Greenwell United, ci-après M. [H], soutient que les dispositions du contrat du 20 avril 2016 ont cessé de s'appliquer entre les parties, de sorte que les condamnations prononcées à son encontre l'ont été à tort.
Il soutient que la commission est acquise lorsque le tiers a exécuté sa part de l'opération ou devrait l'avoir exécutée si le mandant avait exécuté sa propre part, et que l'existence d'un litige opposant les parties à la rupture d'un contrat ne peut retarder le paiement des commissions. Il relève que la société Tomatoland a reconnu être débitrice des rétrocessions de commissions, avant de soutenir qu'elle n'avait pas encaissé toutes les commissions dues, et qu'elles étaient mal calculées. Il avance que c'est à tort que le jugement a appliqué les dispositions du contrat du 20 avril 2016 plutôt que l'article L.134-9 du code de commerce, chaque opération entre les parties donnant lieu à contrat de prestations commerciales. Il prétend que le non-paiement des commissions par le client Adfico à la société Tomatoland est de la faute de cette dernière, qui avance à tort que la marchandise du client Sicam n'aurait pas été disponible.
Il écarte l'application du contrat conclu le 20 avril 2016 entre les sociétés Tomatoland et WFTS et relève que ses clauses ne lui sont pas opposables.
La société Tomatoland oppose l'exception d'inexécution en raison des fautes graves qu'aurait commises M. [H] au cours du contrat qui liait les parties depuis plus de quatre années. Elle soutient que le contrat du 20 avril 2016 a continué de s'appliquer, comme l'a retenu le jugement, en appliquant le même taux de commission. Elle dénonce le fait que M. [H] a conclu pour son propre compte une transaction avec l'un de ses fournisseurs, sans l'en avertir, ce qui constitue une atteinte à son image et à sa réputation. Elle fait état de l'obligation de loyauté et de non-concurrence qui reposait sur M. [H], que celui-ci n'a pas respectée.
Elle avance qu'ainsi il a voulu facturer des commissions supplémentaires sans l'en informer, et que ces fautes lui ont causé un préjudice substantiel en ternissant son image auprès de ses fournisseurs et partenaires, ainsi qu'un préjudice financier du fait des commissions dont elle a été privée, outre un préjudice moral.
Elle affirme subsidiairement que les sommes sollicitées par M. [H] sont erronées, puisqu'il convient que les commandes sur lesquelles se calculent les commissions soient réglées, et qu'elle souffre de nombreux impayés, de sorte que M. [H] ne pourrait tout au plus prétendre qu'au règlement de 2.602,76 €. Elle conteste le calcul de la commission invoqué par M. [H].
Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public.
Un contrat de prestations commerciales a été conclu entre les sociétés Tomatoland et WFTS (dont le président était M. [H]) le 20 avril 2016, qui prévoyait notamment :
- en son article 2 :
/ une rémunération du prestataire (WFTS) pour tous contrats tomates signés de 25% de la commission encaissée par la société Tomatoland,
/ une rémunération du prestataire pour tous contrats nouveaux produits/nouveaux clients (y compris tomates) signés de 40% de la commission encaissée par la société Tomatoland,
le paiement des commissions au prestataire étant effectué après encaissement définitif des commissions de la part des clients et/ou fournisseurs de Tomatoland.
- en son article 10, une obligation de non-concurrence indiquant en particulier :
« le prestataire et M. [H] s'engagent à ne pas concurrencer la société Tomatoland, directement ou indirectement, auprès des clients approchés pour le compte de Tomatoland pendant la durée du contrat et pendant une période de deux ans à compter de sa résiliation.
Le prestataire s'engage en outre à n'accepter d'assurer, pendant la durée du présent contrat, aucun contrat ayant le même objet et portant sur les mêmes produits qui lui serait proposé par un tiers, concurrent direct ou indirect Tomatoland, sans l'accord express, préalable et écrit de celle-ci ».
Il est à observer que ce contrat n'a pas été signé par M. [H] en son nom personnel, mais en sa qualité de représentant du prestataire.
La société WFTS a vu sa liquidation judiciaire prononcée le 15 juin 2017.
Si la société Tomatoland souligne que le projet de contrat de prestations commerciales entre la société Tomatoland et « la société Green Well (JBIM), M. [H] » [ndlc : ainsi que cela figure sur ce projet], transmis par M. [H] le 30 juin 2017 contenait des clauses de fixation du prix et de non-concurrence identiques à celles du contrat du 20 avril 2016, il n'a été signé par aucune des parties.
Par conséquent, ce projet de contrat ne peut être appliqué, et il en est de même des dispositions du contrat du 20 avril 2016 entre les sociétés Tomatoland et WFTS.
La poursuite des relations entre M. [H] et la société Tomatoland est intervenue sans qu'elles ne soient soumises aux dispositions du contrat du 20 avril 2016, ni à celles du projet de contrat non signé transmis le 30 juin 2017.
Le fait que, dans ses factures adressées à la société Tomatoland, M. [H] ait appliqué un taux de 40% de la commission encaissée par la société Tomatoland, soit une facturation du même taux que celui prévu par le contrat du 20 avril 2016, ne signifie pas pour autant la poursuite de l'application des dispositions de ce contrat.
La cour relève au surplus que par courriel du 7 décembre 2020, le président de la société Tomatoland a indiqué à M. [H] mettre fin à titre conservatoire, avec effet immédiat, à la collaboration entre eux, ce courriel ne faisant aucune référence aux dispositions prévues par le contrat du 20 avril 2016 ou à celles du projet de contrat du 30 juin 2017, prévoyant tous les deux la résiliation après envoi d'un courrier recommandé avec accusé de réception de mise en demeure.
L'article L.134-9 du code de commerce, sur lequel M. [H] fonde sa demande, prévoit notamment que la commission est acquise dès que le mandant a exécuté l'opération ou devrait l'avoir exécutée en vertu de l'accord conclu avec le tiers ou bien encore dès que le tiers a exécuté l'opération.
L'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée.
En l'espèce, M. [H] indique dans ses conclusions faire de la prospection commerciale pour le compte notamment de la société Tomatoland, être en relations commerciales depuis plusieurs années avec celle-ci, se présente ainsi que la société Tomatoland comme des partenaires commerciaux.
Il revendique l'application à son profit des textes prévus pour les agents commerciaux, ce qui lui est contesté par l'intimée.
Il reconnaît que les relations avec la société Tomatoland ne sont définies par aucun contrat cadre.
La cour observe que si l'article L.134-1 al 1er du code de commerce prévoit que « l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale et s'immatricule, sur sa déclaration, au registre spécial des agents commerciaux », M. [H] ne fait pas état d'une telle immatriculation.
Elle relève aussi que M. [H] indique dans ses conclusions (p6) être « libre de faire du négoce et/ou du courtage pour d'autres clients et produits », de sorte qu'il revendique alors non l'activité d'agent commercial, mais celle de courtier, qui fait état de dispositions applicables différentes.
M. [H] ne rapporte pas la preuve qu'il intervenait, au profit de la société Tomatoland, en qualité d'agent commercial et exécutait pour elle une mission d'agent commercial.
Au vu de ce qui précède, M. [H] n'établit pas à suffisance qu'il est fondé à agir sur le fondement des dispositions du code de commerce applicables aux agents commerciaux.
Le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.
Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.
En l'espèce, il ressort de ce qui précède que M. [H] a revendiqué dans ses conclusions intervenir en tant que courtier, et les pièces font apparaître qu'il met en relation vendeur et acheteur et ne contracte pas au nom d'autrui.
A la suite des courriers des 15 décembre 2020 et 4 janvier 2021 de M. [H] sollicitant le paiement de commissions dues, la société Tomatoland -qui reconnaît dans ses conclusions l'avoir mandaté- a indiqué dans sa réponse du 7 janvier 2021 « nous avons bien reçu votre demande de paiement des commissions. Dans la mesure où notre société a bien elle même encaissé le paiement des commissions correspondantes par les fournisseurs nous sommes prêts à vous régler votre dû. ... » avant de lui annoncer qu'elle allait de son côté engager une procédure au vu des agissements qu'elle reprochait à M. [H].
Ainsi, la société Tomatoland n'a alors pas contesté devoir les commissions, mais elle a présenté comme un préalable le paiement par les fournisseurs, s'agissant là d'une condition figurant au contrat, lequel n'était plus applicable entre les parties.
S'agissant de l'exception d'inexécution avancée par la société Tomatoland, elle invoque la conclusion d'une transaction par M. [H], pour son compte personnel, avec l'un de ses clients (Adfico), et ce sans l'en informer.
Un projet de contrat, portant sur la vente de 58 containers de la société chinoise Xinjiang à un client jordanien, a été adressé en novembre 2020 par M. [H] à son interlocuteur / manager des ventes du « fournisseur ». Si celui-ci a ensuite écrit à la société Tomatoland en lui indiquant qu'il ignorait que cette société n'était pas au courant de ce contrat, et pensait que M. [H] et la société Tomatoland relevaient d'une seule et même société, la cour observe qu'il n'apparaît pas à la lecture des pièces, et la société Tomatoland ne le soutient pas, que M. [H] aurait fait croire qu'il agissait au nom de la société Tomatoland.
M. [H] soutient qu'aucun contrat n'a été signé, les parties n'étant pas parvenues à s'entendre, et produit un échange de courriels tendant à l'établir, ce que corrobore un courriel du négociant chinois adressé à la société Tomatoland le 4 décembre 2020.
Par ailleurs, le client final (Adfico) n'était pas un des clients habituels de la société Tomatoland que M. [H] aurait détourné à son profit, la société Tomatoland indiquant au contraire qu'il lui avait été présenté par M. [H].
Dans ces conditions, l'image et la réputation de la société Tomatoland ne peuvent en avoir été abîmés auprès de leur interlocuteur chinois (M. [M] [N]), qui a bien compris que l'absence de conclusion du contrat qu'il déplore est le seul fait de M. [H], et non de la société Tomatoland.
Par ailleurs, celle-ci ne peut reprocher à M. [H] ni une activité concurrente qu'il lui aurait dissimulée, ni une violation d'une obligation contractuelle à laquelle il n'était pas tenu, n'ayant pas signé le contrat du 20 avril 2016 en son nom personnel.
Enfin, l'existence d'un différend en 2018 entre la société Tomatoland et la société Adfico apparaît sans rapport avec la situation considérée.
La société Tomatoland reproche aussi à M. [H] d'avoir perçu une commission supplémentaire à celle normalement prévue, et ce sans l'en informer.
Il ressort des échanges de courriels intervenus au sujet du client « [C] » que M. [H] s'est enquis auprès du client final du paiement des commissions, et a confirmé - sur demande de son interlocuteur- l'exactitude de ses coordonnées bancaires, en vu de ce paiement.
Si, lorsque le 21 janvier 2021 la société Tomatoland a dénoncé la perception de commissions additionnelles par M. [H] et pour son compte exclusif, celui-ci a indiqué qu'il s'agissait d'une erreur, et qu'il allait recréditer auprès de la société Tomatoland le montant en question dès l'arrivée des fonds.
Cependant, alors qu'il n'est pas contesté que la commission de M. [H] doit être réglée par la société Tomatoland, il n'y avait pas de raison que le client « [C] » dispose des coordonnées bancaires de M. [H], que celui-ci lui avait précédemment données.
La modicité des sommes en jeu ne peut expliquer la perception d'une telle commission directement auprès du fournisseur, ainsi trompé sur le coût total du courtage et sur le fait que M. [H] était également rémunéré par la société Tomatoland.
Pour autant, ces faits, révélés en janvier 2021 soit après l'initiative par la société Tomatoland de cesser les relations commerciales avec M. [H], ne sauraient justifier le non-paiement par la société Tomatoland des commissions dues à M. [H], au vu du faible montant de la somme indûment perçue par celui-ci, qui n'est pas contesté lorsqu'il indique qu'elle est de 180€.
La société Tomatoland n'établit pas que les agissements dénoncés ont altéré ses relations commerciales avec ses clients, étant observé que s'agissant du client [C] son grand livre fait apparaître une dernière opération au 30 juin 2020 alors que les échanges de courriels sur les coordonnées bancaires en vue du versement d'une commission à M. [H] sont intervenus en janvier 2021 ; que s'agissant de ses clients chinois non seulement il n'est pas établi de lien entre tous ceux-ci et son interlocuteur [M] [N] mais aussi la faute dénoncée de M. [H] n'apparaît pas établie, et enfin qu'il n'est pas prouvé une fin de relations en décembre 2020/janvier 2021 avec ces clients chinois.
La société Tomatoland ne démontre pas que M. [H] se serait livré à la perception d'autres commissions indues, aurait détourné sa clientèle ou se serait approprié ses partenaires commerciaux. Elle ne justifie pas à suffisance, au vu des éléments du dossier, le préjudice dont elle soutient avoir souffert du fait des agissements qu'elle impute à M. [H].
Elle ne peut avoir subi un préjudice moral du fait de la perception d'une commission indue par M. [H] au titre du client [C], immédiatement dénoncée par elle en janvier 2021, alors qu'elle avait déjà mis un terme à leurs relations en décembre 2020.
Au vu de ce qui précède, il ne sera pas fait droit à l'exception d'inexécution avancée par la société Tomatoland, ni à ses demandes présentées au titre de la réparation du préjudice dont elle aurait souffert.
S'agissant des sommes sollicitées par M. [H], la société Tomatoland relève qu'il ne produit qu'un tableau dressé par ses soins pour fonder sa demande tendant au paiement de la somme de 7.269,06 €. Elle avance qu'il n'est pas établi que les factures sur lesquelles il fonde sa demande ont été réglées par les clients à la société Tomatoland, conteste le calcul de la commission réclamée pour trois factures, et ajoute que les retards de paiement sont causés par le défaut d'encaissement de sa propre commission. Elle concède subsidiairement que les seules commissions dues sont celles de la société Sadafco d'un montant de 2.602,76 €.
Le tableau (pièce1) de M. [H] compile les factures dressées par celui-ci à destination de la société Tomatoland, factures qui sont produites (pièce 10) et qui pour la plupart mentionnent un taux de 40%.
La société Tomatoland, qui conteste davantage le montant sollicité que la réalité de l'intervention de M. [H], ne peut lui opposer les termes du contrat du 20 avril 2016. Elle relève que l'article L.134-9 visé par M. [H] prévoit notamment que la commission est acquise « dès que le tiers a exécuté l'opération », et invoque souffrir d'importants impayés.
Elle établit qu'au 30 juin 2020 le montant de ses créances affectées dans le compte « créances douteuses » était de 128.866,61 €, qu'elle avait provisionné ce montant à ce titre « créances douteuses » au 30 juin 2020, ce qui est visé par son expert comptable.
Cet expert-comptable a notamment expressément indiqué que la société Tomatoland n'avait pas perçu de commission de la société Sicam sur les périodes 2020 à 2022, alors que des factures de cette société figurent dans le tableau des sommes sollicitées par M. [H] (factures n°0031120 de 567,23 € et n°0010121 de 558,41 € pour Sicam).
Le fait que la société Tomatoland entretienne des relations d'affaires avec cette société ne suffit pas à établir la perception de ces commissions, son expert-comptable ayant expressément indiqué le contraire, de sorte que ces deux factures ne peuvent être prises en compte.
S'agissant des factures visant le client Adfico, M. [H] soutient qu'il s'agit d'un cas particulier, dans lequel la société Tomatoland, fournisseur des produits, a reçu d'Adfico le paiement du prix des marchandises vendues, et non des commissions.
Le jugement avait retenu que la société Tomatoland n'avait pas été réglée par la société Adfico.
Si M. [H] soutient que si la société Tomatoland n'a pas été réglée c'est de son fait, car elle n'a pas transmis les documents bancaires nécessaires au paiement, il lui revient de démontrer que ces factures sont dues, ce qu'il ne peut faire en produisant ces seules factures. Les documents joints, notamment les factures de la société Tomatoland aux clients, et les développements contenus dans ses écritures ne permettent pas de faire le lien avec les factures présentées par M. [H] au titre des commissions qui lui seraient dues.
Par ailleurs, la société Tomatoland conteste le taux de commission figurant sur trois factures en relevant que M. [H] devait appliquer un taux de 40% sur la commission qu'elle a elle-même perçue, et non 1% du montant de la transaction totale, et l'appelant ne produit pas d'explication sur ce point. Il ressort des propres pièces versées par M. [H] que le contrat spécifique n°200137 MBT-SICAM prévoit que sa commission est de 40% de celle facturée par la société Tomatoland au vendeur, soit 1% du total ; les trois factures n°0031120 COM du 30 novembre 2020, n°0051220 COM du 20 décembre 2020 et n°0010121COM du 17 janvier 2021, qui visent toute en référence le contrat n°200137 et les sociétés MBT et SICAM, adressées par Greenwell à la société Tomatoland, appliquent en effet un taux de commission de 1% sur le montant total de la transaction.
Au vu de ce qui précède, le montant de la demande présentée par M. [H] tendant à la condamnation de la société Tomatoland à lui verser la somme de 7.269,06 € n'apparaît pas justifié.
La société Tomatoland reconnaissant avoir encaissé les commissions dues par la société Sadafco, pour un montant de 2.602,76 €, elle sera condamnée au paiement de ce montant, qui produira intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2021, date de la mise en demeure.
Sur la concurrence déloyale
M. [H] conteste les prétendus agissements déloyaux qui lui sont reprochés et sa condamnation au paiement de la somme de 10.000 € en réparation du préjudice allégué, en précisant que la société JBLM - qui regroupe ses différentes activités- ne travaille plus avec la société Tomatoland.
Il soutient que la clause de non-concurrence ne se présume ni ne s'impose, et qu'il n'a jamais accepté de s'engager à ce titre. Il indique avoir informé par mailing ses contacts d'une modification de sa structure sociale, de la poursuite de son activité d'une autre manière, et qu'il ne travaillait plus avec la société Tomatoland.
Il écarte toute confusion possible entre son site internet et celui de cette société.
La société Tomatoland soutient qu'après la résiliation du contrat de prestations commerciales, M. [H] a poursuivi ses agissements en démarchant activement ses clients et partenaires, en détournant son réseau et en s'appropriant son expertise et sa communication commerciale. Elle relève que M. [H] a proposé à ses clients de leur fournir des services identiques aux siens, tout en entretenant la confusion avec elle.
Elle ajoute que cette intention parasitaire s'observe aussi par la consultation du site internet de M. [H], calqué sur le sien. Elle dénonce la mauvaise foi de celui-ci, qui était tenu par une clause de non-concurrence, et se présente comme une société alors qu'il exerce sous son nom personnel.
Il sera rappelé qu'à la suite de la liquidation judiciaire de la société WFTS, aucun contrat cadre ne lie M. [H] à la société Tomatoland, de sorte qu'il ne peut être soutenu par l'intimée que M. [H] était tenu par la clause de non-concurrence figurant au contrat du 20 avril 2016.
Il sera rappelé que ce contrat n'a pas été signé par M. [H] en son nom personnel, mais en sa qualité de représentant du prestataire.
Le 10 janvier 2021, M. [H] a adressé à ses contacts le courriel suivant :
« Madame, Monsieur,
A compter du 25 janvier 2021, nous sommes ravis d'annoncer que grâce à la croissance continue de nos marchés la décision a été prise de rattacher notre marque GREENWELL UNITED au sein de notre société JBLM SAS France et ce, en s'éloignant de l'organisation précédente conçue avec le soutien de TOMATOLAND.
L'entreprise continuera à opérer dans la structure actuelle avec la même gamme de produits de sources nationales et internationales (tomates et fruits aseptiques, légumes marinés et osmosés), les mêmes fabricants et le même niveau d'information à destination des industries alimentaires mondiales. Vos contacts ainsi que les contrats en cours et autres accords restent inchangés.
Hormis ces quelques changements visibles, il n'y a pas de changement de personnel. L'emplacement et le téléphone de nos bureaux resteront les mêmes que ci-dessous (adresse postale, de facturation et d'expédition) : ....
Courriel : [Courriel 6]
Site Web sous www.greenwellunited.com
... »
Ce courriel étant signé de [T] [H], Senior Consultant for the Worldwide Food Industries, Greenwell United.
La présentation avantageuse (« grâce à la croissance continue de nos marchés ») est des plus courantes pour les communications commerciales de ce type, et ne saurait révéler une concurrence déloyale, ce d'autant que la confusion avec la société Tomatoland ne peut être soutenue alors qu'est revendiquée la séparation avec celle-ci.
L'indication que la même gamme de produits, les mêmes fabricants et le même niveau d'information des milieux industriels seront proposés, si elle montre que les deux entités interviendront sur le même marché, ne constitue pas une quelconque déloyauté dans la concurrence entre elles.
Le lecteur comprend que les contrats et accords conclus avec la structure existante dirigée par M. [H] perdureront avec la prochaine structure, de sorte qu'une appropriation du réseau ou de l'expertise de la société Tomatoland n'est pas justifiée, étant relevé que M. [H] pouvait en disposer avant de travailler avec la société Tomatoland.
M. [H] n'est pas contesté lorsqu'il indique intervenir dans le domaine de l'agroalimentaire pour les régions du Golfe et du Moyen-Orient depuis plus de 30 ans, la société Tomatoland a du reste reconnu que le client Adfico avait été apporté par celui-ci, de sorte qu'il disposait manifestement d'un réseau et d'une expertise de la distribution de ses produits sur ce marché avant de s'associer avec la société Tomatoland.
Enfin, les captures d'écran des deux sites internet, sans aucune certitude sur les conditions de fixation de ces images, et sans aucun développement de nature à caractériser la reprise des éléments du site internet de la société Tomatoland par celui de M. [H], ne peuvent établir l'existence d'une confusion, ou même d'un risque de confusion, entre eux.
Par conséquent, le grief de concurrence déloyale n'apparaît pas établi, et la société Tomatoland sera déboutée de sa demande à ce titre -ainsi que de sa demande subséquente en réparation à ce titre-, le jugement étant infirmé sur ce point.
Sur les autres demandes
L'accès au juge étant un droit fondamental et un principe général garantissant le respect du droit, ce n'est que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles que le fait d'exercer une action en justice ou une voie de recours en justice légalement ouverte, est susceptible de constituer un abus, à condition pour celui qui l'invoque de caractériser une faute.
En l'espèce, M. [H] ne démontre pas que la société Tomatoland aurait fait montre d'une résistance abusive, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [H] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné M. [H] au paiement des dépens et frais irrépétibles de 1ère instance
Succombant au principal, la société Tomatoland sera condamné au paiement des dépens de 1ère instance et d'appel, ainsi qu'au versement d'une somme de 3.000 € à M. [H] en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement, sauf en ce qu'il déboute la société Tomatoland de sa demande au titre de l'exception d'inexécution, M. [H] et la société Tomatoland de leurs demandes de dommages intérêts,
Statuant à nouveau,
Condamne la société Tomatoland au paiement de la somme de 2.602,76 € à M. [T] [H], exerçant sous le nom commercial Greenwell et l'enseigne JBIM Greenwell United, assortie des intérêts de retard au taux légal à compter du 19 janvier 2021,
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Condamne la société Tomatoland à payer à M. [T] [H] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel.