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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 1 février 2024, n° 20/12357

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Adar Bis (SCI)

Défendeur :

Lav'story (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Recoules

Conseillers :

Mme Leroy, Mme Lebée

Avocats :

Me Pelit-Jumel, Me Belain, Me Regnier, Me Couëdo

TJ Paris, 18e ch. sect. 2, du 25 juin 20…

25 juin 2020

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 1er août 2002, M. et Mme [X] ont donné à bail à la société Lav'story des locaux à usage commercial dépendant d'un immeuble en copropriété situé au [Adresse 2] à [Localité 6], pour une durée de neuf années à compter du 1er janvier 2003 pour finir le 31 décembre 2011, moyennant un loyer annuel en principal de 5.040 euros payable mensuellement et d'avance, à destination exclusive de « Laverie self service ».

La société Adar bis est venue aux droits des époux [X], le 5 juillet 2005.

Par acte extrajudiciaire du 2 décembre 2014, la société Lav'story a notifié à la société Adar bis une demande de renouvellement du bail susvisé à effet au 1er janvier 2015.

La société Adar bis n'a pas fait connaître sa réponse dans les trois mois de la notification susvisée ni saisi le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Paris d'une action en fixation du loyer du bail renouvelé.

Par acte extrajudiciaire du 24 mars 2017, la société Adar bis a fait délivrer à la société Lav'story un commandement visant la clause résolutoire d'avoir à payer la somme de 15.753,75 euros, au titre d'un solde de charges sur la période 2010-2015, déduction faite des provisions appelées sur chacun des six exercices concernés à hauteur d'une somme annuelle de 1.440 euros.

Par acte du 24 avril 2017, la société Lav'story a fait assigner la société Adar bis devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins essentielles de voir condamner la société Adar bis à lui payer la somme de 8.640 euros et la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts, de voir ordonner la compensation entre les obligations réciproques entre elle-même et la société Adar bis et, à titre subsidiaire, de lui accorder des délais de paiement et de suspendre les effets de la clause résolutoire.

Par jugement du 25 juin 2020, le tribunal judiciaire de Paris a :

- déclaré irrecevable, pour être prescrite, la demande de la société Lav'story en remboursement de la provision payée en 2010 ;

- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Adar bis et tirée de la prescription de la demande de la société Lav'story en remboursement de la provision payée en 2011 et déclare la société Lav'story recevable en cette demande ;

- déclaré irrecevable, pour être prescrite, la demande de la société Adar bis en paiement de la somme de l.130,08 euros représentant la régularisation des charges de l'année 2010 ;

- débouté la société Adar bis de sa demande en paiement de la somme de 13.706,89 euros à titre d'arriérés de charges sur les années 2010 à 2015 inclus ;

- dit que le commandement de payer du 24 mars 2017 n'a produit aucun effet et n'a pu mettre en œuvre la clause résolutoire du bail renouvelé. entre les parties, le 1er janvier 2015, portant sur les lieux sis [Adresse 2] à [Localité 6] et déboute en conséquence, la société Adar bis de sa demande en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire et de ses demandes d'expulsion et d'indemnités d'occupation ;

- débouté la société Lav'story de sa demande en paiement de la somme de 7.200 euros représentant les provisions sur charges par elle payées à la société Adar bis, entre 2011 et 2015 inclus ;

- condamné la société Adar bis à payer au la société Lav'story la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- condamné la société Adar bis aux dépens ;

- condamné la société Adar bis à payer à la société Lav'story la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 24 août 2020, la SCI Adar bis a interjeté appel du jugement.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Aux termes de ses conclusions signifiées le 25 mai 2021, la SCI Adar bis demande à la cour de :

- recevant la société Adar bis en ses demandes ;

Y faisant droit,

- déboutant la société Lav'story de ses demandes fins et conclusions contraires, notamment d'appel incident ;

- infirmer le jugement déféré à la cour en ce qu'il a :

- rejeté la fin de non-recevoir soulevé par la société Adar bis et tirée de la prescription de la demande de la société Lav'story en remboursement de la provision payée en 2011 et déclaré la société Lav'story recevable en cette demande ;

- débouté la société Adar bis de sa demande en paiement de la somme de 13.706,89euros à titre d'arriéré de charges sur les années 2010 à 2015 inclus ;

- dit que le commandement de payer du 24 mars 2017 n'a produit aucun effet et n'a pu mettre en œuvre la clause résolutoire du bail renouvelé entre les parties le 1er janvier 2015 portant sur les lieux sis [Adresse 2] à [Localité 6] et débouté en conséquence la société Adar bis de sa demande en constatation de la clause résolutoire et de ses demandes d'expulsion et d'indemnité d'occupation ;

- condamné la société Adar bis à payer à la société Adar bis la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts outre la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en sus des dépens, et ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

- déclaré irrecevable pour être prescrite la demande de la société Lav'story en remboursement de la provision sur charges payée en 2010 ;

- déclaré irrecevable pour être prescrite la demande de la société Adar bis en paiement de la somme de 1.130,08 euros représentant la régularisation sur charges de l'année 2010 ;

- débouté la société Lav'story de sa demande en paiement de la somme de 7.200 euros représentant les provisions sur charges par elle payées à la société Adar bis entre 2011 et 2015 inclus ;

Statuant à nouveau,

- débouter la société Lav'story de ses demandes, fins et conclusions comme non fondées, ni justifiées ;

- juger le commandement de payer visant la clause résolutoire du 24 mars 2017 parfaitement valide, sauf à déduire de son montant (15.753,75 euros), d'une part, la somme de 1.130,08 euros correspondant à la reddition de charges prescrite pour l'année 2010, d'autre part, la somme de 916,78 euros payée par la locataire, au titre de la reddition de charges pour l'année 2015 ;

- condamner en conséquence la société Lav'story à payer la somme de 13.706,89 euros à titre d'arriéré de charges à l'exercice 2015 inclus avec intérêts de retard à compter du commandement visant la clause résolutoire du 24 mars 2017 et capitalisation dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

- déclarer la clause résolutoire acquise depuis le 25 avril 2017 ;

- déclarer la société Lav'story occupante sans droit, ni titre depuis cette date ;

- ordonner son expulsion ainsi que celle de tous occupants de son chef des lieux loués avec si nécessaire l'assistance de la force publique et d'un serrurier ;

- ordonner qu'il soit statué sur le sort des meubles se trouvant dans les lieux et conformément aux dispositions du code des procédures civiles d'exécution ;

- condamner la société Lav'story au paiement d'une indemnité d'occupation égale au double du loyer contractuel, charges et taxes en sus, et ce jusqu'à la libération effective des lieux ;

- la condamner au paiement d'une somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de Procédure Civile en sus des dépens, avec distraction au profit de Maître Belgin Pelit-Jumel, avocat constitué en application de l'article 699 du code de procédure civile pour ceux la concernant.

Au soutien de ses prétentions, la société Adar bis expose :

- sur la prescription quinquennale et ses effets, qu'à la date du commandement du 24 mars 2017, la prescription alléguée par la preneurs ne pouvait concerner que les charges dont le montant avait été liquidé plus de 5 ans antérieurement ; que les charges de l'exercice 2011 n'ont été arrêtées qu'au 31 mai 2012, de sorte qu'elles ne devenaient exigibles sur reddition annuelle qu'à cette date ; que la régularisation sur charges de l'exercice 2010, antérieur de plus de 5 ans au commandement, est prescrite ; que l'action en restitution de l'indu est soumise à prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil ; que la preneuse est prescrite à réclamer la restitution des provisions sur charges payées en 2010, soit plus de cinq ans avant son assignation introductive d'instance ;

- sur les charges exigibles et la condamnation requise de la bailleresse, que si l'impôt foncier reste à la charge du bailleur ainsi que les grosses réparations de l'article 606 du code civil, la société Lav'story est contractuellement redevable de la taxe d'ordures ménagères et des charges de copropriété apparaissant sur les relevés du syndic dans les proportions reportées au relevé communiqué au locataire le 3 mai 2016 et repris au commandement du 24 mars 2017 ; que les dispositions de la loi Pinel ne sont devenues applicables au bail qu'à compter du renouvellement de bail ayant pris effet le 1er janvier 2015, soit à compter des charges de l'exercice 2015 ; que le manquement du bailleur à l'obligation de l'information mise à sa charge par les articles L. 145-40-2 et R. 145-35 du code de commerce issus de ladite loi, n'est pas sanctionné par la déchéance du bailleur de son droit à demander le paiement des charges stipulées récupérables sur le preneur, par le bail qui les lie ; qu'en vertu de l'article 1134 devenu 1103 du code civil le contrat tient lieu de loi entre les parties ; que la clause du bail commercial autorisant le bailleur à récupérer les charges de copropriété sur le preneur tend à lui faire supporter les charges relatives à la conservation, à l'entretien, à l'administration des parties communes au sens de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété ; que c'est à tort que le tribunal a considéré, au vu des justificatifs fournis par la bailleresse pour chacun des exercices concernés, que la concluante n'établissait pas que les sommes réclamées à la preneuse au titre des régularisations sur charges n'excédaient pas les seules charges usuelles ; que c'est à également à tort le jugement a réduit consécutivement le montant des charges imputables à la preneuse pour les exercices concernés au « montant récupérable » tel que figurant sur les relevés de charges et celui des charges locatives, alors que la colonne concernée n'est applicable qu'aux baux à usage d'habitation ; que le bail n'a pas limité les charges récupérables à celles énumérées au décret du 26 août 1987 ; qu'il convient ainsi de condamner la preneuse au paiement d'une somme de 13.706,89 euros ;

- sur l'acquisition de la clause résolutoire, que les pièces justificatives des charges réclamées avaient été transmises au preneur plus d'un an avant la délivrance du commandement ; que c'est en faisant preuve d'une résistance abusive que la société intimée avait refusé de payer les sommes dont elle était redevable ; qu'il convient donc de valider le commandement ; qu'il y a lieu de constater l'occupation sans droit ni titre de la preneuse depuis le 24 avril 2017 et d'ordonner son expulsion ainsi que celle de tous occupants de son chef des lieux loués avec si nécessaire l'assistance de la force publique et d'un serrurier ; qu'il y a également lieu au paiement d'une indemnité d'occupation fixée à un montant égal au double du loyer contractuel, charges et taxes en sus et ce jusqu'à la libération effective des lieux ;

- sur la demande de restitution des provisions sur charges, que la condamnation aux redditions de charges telle que requise par la concluante exclut le remboursement des provisions sur charges réglées par la locataire pour chacun des exercices concernés ; que le non-respect de la régularisation annuelle n'est pas de nature à déchoir la bailleresse « du droit de réclamer dans les limites de la prescription », les charges récupérables selon le bail ; qu'en l'état des justificatifs produits au cours de l'instance la demande en remboursement des provisions n'est pas fondée ; qu'en tout état de cause, les charges étant causées, la société intimée n'est pas fondée à solliciter le remboursement des provisions acquittées à hauteur de 7.200 euros ;

- sur l'infirmation des chefs indemnitaires alloués à la bailleresse, que les premiers juges ont privé de fondement leur décision fondée sur une faute caractérisée de la société Adar bis dans l'exécution du bail aux motifs que la régularisation de charges, dans la limite de la prescription quinquennale, était « brutale et déloyale à l'encontre de la société Lav'story » ; qu'il ressort des échanges entre les parties que la bailleresse n'a pas brutalement signifié un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail au titre des régularisations ; que la preneuse a, contrairement à ce que retient le jugement, fait une économie de trésorerie équivalente au montant des redditions annuelles ; que la preneuse a, par son inaction, en négligeant délibérément l'offre d'apurement amiable de sa bailleresse, contraint celle-ci à signifier le commandement ; que les articles L. 145-40-2 et R.145-35 du code de commerce n'étaient applicables qu'au renouvellement à effet du 1er janvier 2015 ; que la locataire bénéficiaire de ce renouvellement par l'effet d'une inaction respective des parties à saisir le juge des loyers commerciaux, n'avait jamais manifesté son intention de voir modifier l'une de ses obligations contractuelles ; qu'il résulte des pièces du dossier que la bailleresse n'a jamais tenté de faire supporter à la preneuse une quelconque grosse réparation prévue à l'article 606 du code civil devant demeurer à sa charge ; que la preneuse n'a jamais justifié de la nature et du quantum du préjudice allégué ; qu'il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la bailleresse à payer à l'intimée la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 23 février 2021, la société Lav'story demande à la cour de :

- déclarer la société Adar bis mal fondée en son appel du jugement rendu le 25 juin 2020 et l'en débouter ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Adar bis et tirée de la prescription de la demande de la société Lav'story en remboursement de la provision payée en 2011 et déclaré la société Lav'story recevable en cette demande ;

- déclaré irrecevable, pour être prescrite, la demande de la société Adar bis en paiement de la somme de 1.130,08 euros représentant la régularisation des charges de l'année 2010 ;

- débouté la société Adar bis de sa demande en paiement de la somme de 13.706,89 euros à titre d'arriérés de charges sur les années 2010 à 2015 inclus ;

- dit que le commandement de payer du 24 mars 2017 n'a produit aucun effet et n'a pu mettre en œuvre la clause résolutoire du bail renouvelé, entre les parties, le 1er janvier 2015, portant sur les lieux sis [Adresse 2] à [Localité 6] et débouté, en conséquence, la société Adar bis de sa demande en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire et de ses demandes d'expulsion et d'indemnité d'occupation ;

- condamné la société Adar bis à payer à la société Lav'story la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

- condamné la société Adar bis à payer à la société Lav'story la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- déclarer la société Lav'story recevable et bien fondée en son appel incident du jugement rendu le 25 juin 2020 ;

Y faisant droit

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Lav'story de sa demande en paiement de la somme de 7.200 euros représentant les provisions sur charges par elle payées à la société Adar bis entre 2011 et 2015 inclus ;

Et statuant à nouveau,

- condamner la société Adar bis à payer reconventionnellement à la société Lav'story la somme de 7.200 euros avec intérêts de retard à compter des présentes conclusions ;

- ordonner la capitalisation des intérêts depuis plus d'un an dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

En tout état de cause,

- ordonner la compensation des éventuelles obligations réciproques entre la société Lav'story et la société Adar bis ;

- condamner la société Adar bis à payer à la société Lav'story la somme supplémentaire de 3.500 euros sur le fondement de l'Article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Adar bis aux entiers dépens de première instance et d'appel, comprenant tous honoraires d'huissier de recouvrement A.444-32 du code de commerce.

Au soutien de ses prétentions, la société Lav'story oppose :

- sur la prescription des charges 2010, que, conformément aux dispositions de l'article 2224 du code civil, les actions en recouvrement de charges se prescrivent par cinq années ; que la société Adar bis reconnaît que la régularisation de charges au titre de l'année 2010 est prescrite ; sur les charges 2011 à 2015, qu'en application de l'article 1134 devenu 1103 du code civil, la clause du bail autorisant le bailleur à récupérer les charges de copropriété sur le preneur s'interprète restrictivement ; que si elle ne précise pas expressément la nature des charges de copropriété imputable au preneur, celui-ci n'est tenu qu'au paiement des charges usuelles s'entendant comme les charges relatives à la conservation, à l'entretien et à l'administration des parties communes de l'immeuble à l'exclusion de toutes autres charges ; que si il y a lieu de fixer le montant des charges imputables au locataire pour les cinq exercices concernés au montant récupérable figurant sur les relevés de charges ;

- sur le remboursement des provisions, que l'absence de régularisation des charges dans les conditions prévues dans un bail commercial rend sans cause les appels de provision à valoir sur le paiement des charges, dont le locataire peut alors obtenir le remboursement ; que la communication par le bailleur des justificatifs de régularisation de charges de 2011 à 2015 en cours de procédure, bien après les années considérées, ne peut être retenue comme une régularisation dans les conditions prévues par le bail ; que le locataire est fondé à demander le remboursement des provisions à valoir sur le paiement des charges d'un montant de 7.200 euros ;

- sur le caractère abusif du commandement, que le commandement a été signifié un mois après l'assignation par la preneuse de la bailleresse en validation de rapport d'expertise et condamnation au titre de désordres importants survenus dans son local, de sorte qu'il constitue une réponse à la procédure intentée par la preneuse ; que conformément à la jurisprudence, une régularisation des charges, même juridiquement recevable et exacte dans son calcul, est par sa tardiveté considérée comme déloyale et brutale et constitue une faute du bailleur dans l'exécution du contrat ; que tel étant le cas en l'espèce, la preneuse est fondée à solliciter une indemnisation à ce titre à hauteur de 3.000 euros.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions de l'appelant.

SUR CE,

Au cas d'espèce, il n'est pas contesté que le bail liant la société Adar bis à la société Lav'story a été automatiquement renouvelé entre elles, aux clauses et conditions du bail expiré, ce à compter du 1er janvier 2015.

Sur les fins de non recevoir tirées de la prescription :

L'article 122 du code de procédure civile énonce que la prescription constitue une fin de non-recevoir tendant à faire déclarer son adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond.

Aux termes de l'article 2224 du code civil, « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »

Il est admis que l'action en répétition des charges indûment payées se prescrit par cinq ans à compter du jour de la régularisation des charges, date à laquelle la créance éventuelle de l'une ou l'autre des parties devient certaine et exigible et lui permet d'entreprendre, soit une action en paiement pour le bailleur en cas d'insuffisance des provisions versées par le preneur, soit une action en répétition de l'indu par le preneur en cas de trop-perçu.

En cause d'appel, la société Adar bis reconnaît qu'à la date de la délivrance du commandement de payer, soit le 24 mars 2017, la demande en paiement portant sur les charges de l'année 2010 était prescrite.

En outre, c'est par motifs pertinents auxquels la cour renvoie et qu'elle adopte que le premier juge a considéré que la demande en répétition de l'indu formée par la société Lav'story au titre des charges payées en 2010 était prescrite, ce que les parties ne discutent pas en cause d'appel.

En revanche, il est constant que les charges de l'exercice 2011 ont été arrêtées au 31 mai 2012, point de départ du délai de prescription chaque partie ayant connaissance de sa créance éventuelle, de sorte qu'à la date de la délivrance de l'assignation le 24 avril 2017, la demande en restitution de trop-perçu au titre de l'année 2011 formée par le preneur n'était pas prescrite.

Le jugement sera donc confirmé de ces chefs.

Sur les charges dues et les demandes respectives des parties

Aux termes de l'article 1134, devenu 1103, le contrat tient lieu de loi entre les parties.

Le bail a été renouvelé entre les parties au 1er janvier 2015 aux clauses et conditions du bail expiré. Il prévoit au titre des « Charges et Conditions » que « Le bail se fait sous les charges et conditions ordinaires et de droit en pareille matière et notamment sous les suivantes :

Entretien ' Réparations :

Le preneur devra maintenir pendant toute la durée du bail les lieux loués en bon état ; il fera exécuter à ses frais toutes les réparations qui pourraient devenir nécessaires -fussent-elles de force majeure- en particulier à la fermeture des lieux loués de telle sorte qu'en fin de jouissance ceux-ci soient rendus en état de réparations d'entretien.

Le bailleur conservera à sa charge les grosses réparations prévues à l'article 606 du code civil ainsi rédigé :

« Les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières ;

celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier.

Toutes les autres réparations sont d'entretien ».

[']

Impôts personnels '

Le preneur acquittera tous impôts, contributions et taxes auxquels il est et sera assujetti personnellement ['].

L'impôt foncier restera à la charge du bailleur.

Taxes locatives, fournitures et charges diverses

Le preneur remboursera au bailleur, en même temps que chaque terme de loyer, à titre de provisionnel :

- les taxes locatives telles que taxe d'enlèvement des ordures ménagères, taxe de déversement à l'égout, taxe de balayage

- le droit de bail et, si elle est due pour les lieux loués, la moitié de la taxe additionnelle au droit de bail

- toutes fournitures et prestations individuelles et, d'une manière générale, toutes les prestations, taxes et fournitures que les propriétaires sont fondés à récupérer sur les locataires, notamment celles énumérées au décret n° 87.712 du 26 août 1987.

Loyer

Le présent bail est consenti moyennant un loyer de 5.040 euros.

En ce non compris les prestations, taxes, fournitures et autres énoncés aux charges et conditions ci-dessus et indépendamment de tous accessoires pouvant résulter des conditions du présent bail.

Le preneur s'oblige à payer ce loyer au bailleur ou à son mandataire ['] mensuellement et d'avance

le premier jour de chaque mois ['].

En sus du loyer et en même temps que lui le preneur acquittera les impôts, fournitures, taxes et charges ainsi qu'il a été stipulé ci-dessus.

Les charges de copropriété seront réglées trimestriellement sur copie du relevé de charges établi par le syndic de l'immeuble et transmis au preneur, pour la part lui étant afférente. [...] »

Il n'est pas contesté que les dispositions de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, dite loi Pinel, ne sont applicables au cas d'espèce qu'au bail renouvelé à compter du 1er janvier 2015, soit pour les charges afférentes à l'année 2015.

Le bail ayant été renouvelé aux mêmes clauses et conditions que le précédent, il en résulte que le manquement du bailleur aux obligations nouvelles résultant des article L. 145-40-2 et R. 145-35 du code de commerce, ne le prive pas de son droit à demander paiement des charges stipulées récupérables aux termes du contrat, dès lors qu'elles sont justifiées, mais permet, le cas échéant, au preneur de solliciter des dommages et intérêts si la tardiveté de la demande lui a causé un préjudice.

Sur la demande en paiement de soldes de charges

Contrairement à ce que soutient le bailleur, l'absence de précision quant aux charges de copropriété que le bail l'autorise à refacturer au preneur ne peut conduire, pour autant, à déroger aux clauses claires et précises du bail qui, d'une part, maintiennent à la charge du bailleur l'impôt foncier et les gros travaux, d'autre part, ne l'autorise qu'à refacturer les charges afférentes au local loué.

Dans ces conditions, si le bailleur peut, comme il le soutient, faire supporter au preneur les charges relatives à l'entretien et à l'administration des parties communes compte-tenu du caractère très général de la clause relative aux taxes, charges et fournitures qui vise les dispositions de décret n° 87.712 du 26 août 1987, en revanche, il n'est pas fondé à faire supporter les charges relatives à la conservation de l'immeuble si elles relèvent par leur nature des gros travaux.

C'est par motifs détaillés auxquels la cour renvoie que le premier juge a repris les demandes de paiement des soldes de charge formées par le bailleur pour les années 2011 à 2015, ainsi que le détail des pièces apportées au soutien de ses demandes.

C'est par motifs tout aussi pertinents auxquels la cour renvoie et qu'elle adopte que le tribunal a relevé, d'une part, qu'il ne pouvait se déduire des appels de fond adressés par le syndic de copropriété la nature des « charges communes » et celles des « charges générales » y figurant sous ces termes généraux sans autre détail, d'autre part, que pour les années 2011 et 2012 des appels de charges ont concerné des travaux relatifs à la réfection totale de la toiture, de la cage d'escalier et de l'électricité, ainsi que le ravalement de façade, soit des travaux relevant de l'article 606 du code civil, et qu'enfin des mentions étaient portées sur ces relevés concernant des « charges communes des lots 3 à 36 » dont il n'est pas établi qu'ils concernent le lot relatif au local loué.

Il s'en déduit que c'est à bon droit que le premier juge a retenu au titre des charges de copropriété que le bailleur ne pouvait facturer au preneur que les sommes mentionnées dans ces relevés comme « total récupérable» et telles que reprises dans les motifs de la décision auxquels la cour renvoie ce pour un montant total de 6.987,59 euros.

Il en a ainsi déduit que le montant des provisions versées par le preneur, à hauteur de la somme de 1.440 euros mensuel, soit la somme de 7.200 euros pour les années 2011 à 2015 excédait le montant des charges récupérables sur la même période dont le quantum était établi, soit la somme de 6.987,59 euros et que, de ce fait, la demande en paiement d'un arriéré de charges n'était pas fondée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la demande de restitution des provisions

Contrairement à ce que soutient la preneur, s'il est de jurisprudence constante que l'absence de régularisation des charges dans les conditions prévues au bail commercial rend sans cause les appels de provision à valoir sur leur paiement et permet au preneur d'en obtenir le remboursement, il est admis que le bailleur puisse établir la preuve du quantum des charges récupérables au cours de l'instance.

Il infère des développements ci-dessus que c'est par motifs pertinents auxquels la cour renvoie et qu'elle adopte que le premier juge a considéré que les justificatifs fournis par la société Adar bis devant lui établissaient le montant des charges récupérables pour les années 2011 à 2015, non prescrites et que, de ce fait, la demande en restitution des provisions versées n'était pas fondée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l'acquisition de la clause résolutoire

L'article L. 145-41 du code de commerce prévoit notamment que « Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. »

En l'espèce, le bail liant les parties prévoit sans sa partie relative à la « Clause résolutoire » que « A défaut de paiement d'un seul terme de loyer en principal et accessoires à son échéance exacte ou d'exécution d'une seule des conditions du présent bail et un mois après un simple commandement de payer ['] contenant mention de la présente clause restée sans effet, le présent bail sera résilié de plein droit ['].

La société Adar bis a délivré, le 24 mars 2017, à la société Lav'story un commandement, visant la clause résolutoire, d'avoir à payer la somme de 15.753,75 euros au titre d'un solde de charges sur la période 2010-2015, déduction faite des provisions appelées sur chacun des six exercices concernés à hauteur d'une somme annuelle de 1.440 euros.

Il n'est pas contesté que la société Lav'story ne s'est pas acquittée des causes du commandement dans le délai d'un mois. Nonobstant, il a été précédemment démontré que les sommes dont la paiement était demandé n'étaient pas causées de sorte que la clause résolutoire n'a pu jouer son effet.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les demandes de la société Adar bis de ce chef.

Sur la demande indemnitaire

L'article 1147 du code civil, dans sa version applicable au litige, prévoit que la faute commise par une partie dans l'exécution de l'une de ses obligations nées du contrat ouvre droit à l'octroi de dommages et intérêts pour son cocontractant du fait du préjudice en ayant résulté.

En l'espèce, il n'est pas contestable que la société Adar bis n'a pas procédé à la régularisation annuelle des charges conformément à ses engagements contractuels. Contrairement à ce que soutient le bailleur, si la régularisation tardive ne prive effectivement pas le bailleur de son droit à solliciter, le cas échéant, le paiement d'un reliquat de charges, le caractère tardif de cette demande peut s'il est fautif ouvrir droit à l'octroi de dommages et intérêts au profit du preneur dès lors qu'il en aura résulté un préjudice pour ce dernier.

La société Adar bis est venue aux droits du bailleur initial le 5 juillet 2005 et n'a adressé au preneur un premier avis de régularisation de charges que par courrier du 1er février 2016, qui sera d'ailleurs rectifié le 3 mai 2016, puis complété le 21 décembre 2016.

C'est par motifs pertinents auxquels la cour renvoie et qu'elle adopte que le premier juge a considéré que la tardiveté, voire la nouveauté, de la régularisation de charges cumulée sur cinq ans pour un montant conséquent caractérisait un comportement déloyal de la société Adar bis et caractérisait ainsi une faute dans l'exécution du contrat.

Le bailleur est mal fondé à prétendre que le refus de recherche d'une solution amiable par le preneur l'aurait contraint à délivrer ce commandement de payer, dès lors que le preneur contestait à bon droit l'exigibilité même des sommes dont le paiement lui était réclamé.

En outre, comme relevé par le preneur et ce point n'est pas discuté par le bailleur, ces demandes s'inscrivent dans un contexte contentieux plus global entre les parties concernant des désordres subis par le preneur dans le local, ayant donné lieu à expertise judiciaire, et délivrance d'une assignation en ouverture de rapport en date du 20 février 2017, soit avant la signification du commandement de payer, renforçant ainsi le caractère déloyal de la délivrance de cet acte.

De ce comportement a résulté un préjudice moral pour le preneur du fait du manquement du bailleur à l'exécution du contrat de bonne foi.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il fait droit à la demande de dommages et intérêts de la société Lav'story par motifs substitués.

Sur les demandes accessoires

Le jugement sera confirmé en ses demandes relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Succombant en ses prétentions, la société Adar bis supportera la charge des dépens d'appel et sera condamnée à payer à la société Lav'story la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, après débats contradictoire, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort ;

Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris, le 25 juin 202, sous le numéro de RG 17/6144 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la société Adar bis à payer à la société Lav'story la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Adar bis à supporter la charge des dépens d'appel.