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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-2, 1 février 2024, n° 23/09625

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Paris (SAS)

Défendeur :

Dag 83 (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pacaud

Conseillers :

Mme Neto, Mme Perraut

Avocats :

Me Alias, Me Lagadec, Me Albertini

TJ Toulon, du 4 juill. 2023, n° 23/00453

4 juillet 2023

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 16 janvier 2019, la société civile immobilière (SCI) DAG 83 a donné à bail commercial à monsieur [S] [V] des locaux situés [Adresse 1] à [Localité 5].

Par acte d'huissier du 21 mars 2022, elle a fait délivrer à son locataire un commandement, visant la clause résolutoire de payer, au principal, une somme de 4 857,11 euros.

Par acte de commissaire de justice, en date du 1er juillet 2022, elle l'a fait assigner devant le président du tribunal judiciaire de Toulon, statuant en référé, aux fins, au principal, d'entendre constater l'acquisition de la clause résolutoire, ordonner la libération des lieux et condamner M. [S] [V] à lui verser la somme de 6 912,92 euros ainsi qu'une indemnité d'occupation mensuelle de 650 euros HT et 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'affaire a été évoquée devant le juge des référés les 04 octobre 2022 et 18 novembre 2022, dates auxquelles la SAS Paris, à laquelle M. [V] avait apporté au capital le droit au bail, a réglé par chèque de banque les sommes de 5 000 euros, puis 6 077,16 euros, soit un total de 11 077,16 euros. Ces effets de paiement ont été remis à la barre au conseil de la bailleresse.

L'affaire a été renvoyée au 20 janvier 2023 pour désistement.

Après avoir été radiée, l'affaire a été rétablie au rôle le 21 mars 2023 à la demande de la SCI DAG 83, cette dernière se prévalant du délabrement du local.

Par ordonnance contradictoire, en date du 4 juillet 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulon a :

- condamné M. [S] [V] à payer à la SCI DAG 83 la somme de 3 008,94 euros à titre de provision sur la dette de loyers, charges et indemnités d'occupation arrêtée au 10 mai 2023, assortie des intérêts aux taux légaux à compter de la date du commandement de payer du 21 mars 2022 pour la somme de 701,05 euros, puis à compter de la signification de son ordonnance pour la somme de 2 307,89 euros, avec capitalisation annuelle ;

- constaté la résiliation du bail à compter du 21 avril 2022 ;

- dit que, faute par M. [S] [V] d'avoir libéré les lieux situés [Adresse 1], à [Localité 5] deux semaines après la signification de son ordonnance, il serait procédé à son expulsion et celle de tous occupants de son chef avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier, si besoin est, et au transport des meubles laissés dans les lieux aux frais de l'expulsé dans tel garde meubles désigné par lui ou, à défaut, par le bailleur aux risques et périls de M. [S] [V] ;

- condamné M. [S] [V] au paiement d'une astreinte provisoire de 10 euros par

jour de retard passé le délai de deux semaines après la signification de ladite ordonnance et ce, pendant toute la durée de l'occupation ;

- condamné M. [S] [V] à payer, à titre provisionnel, à la SCI DAG 83 une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du dernier loyer pratiqué à compter du 21 avril 2022 et jusqu'à parfaite libération des lieux ;

- rejeté toutes les autres demandes ;

- condamné M. [S] [V] à verser à la SCI DAG 83 la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [S] [V] aux dépens incluant le coût du commandement de payer du 21 mars 2022, de l'assignation du 1er juillet 2022 et de l'état des inscriptions de privilèges et nantissements.

Il a notamment considéré que :

- que les causes du commandement de payer n'avaient pas été apurées dans le mois de sa délivrance en sorte que la résiliaiton du bail était acquise par le jeu de la clause résolutoire, peu important qu'elles aient été ultérieurement réglées en cours de procédure ;

- que l'obligation du locataire de payer la somme de 3 008,94 euros au titre des loyers, taxe foncière et indemnité d'occupation, arrêtée au 10 mai 2023, n'était pas sérieusement contestable ;

- que les premiers impayés remontaient au quatrième trimestre 2020 et que M. [V] ne produisait aucun élément probant sur sa situation financière en sorte que sa demande de délais de paiement devait être rejetée.

Selon déclaration reçue au greffe le 19 juillet 2023, M. [V] et la SAS Paris ont interjeté appel de cette décision, l'appel portant sur toutes ses dispositions dûment reprises.

Par ordonnance en date du 21 juillet 2023, le président de chambre délégué par le premier président, les a autorisés à assigner à jour fixe la SCI DAG 83 devant la chambre 1-2 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en son audience du 5 décembre suivant.

Par dernières conclusions transmises le 21 août 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, ils sollicitent de la cour qu'elle infirme l'ordonnance entreprise et, statuant à nouveau :

- suspende les effets de la clause résolutoire ;

- juge que cette clause sera réputée n'avoir jamais jouée si la SAS Paris et M. [S] [V] s'acquittent de leurs obligations contractuelles ;

- condamne la SCI DAG 83 au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de la procédure.

Par dernières conclusions transmises le 20 septembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SCI DAG 83 sollicite de la cour qu'elle confirme l'ordonnance entreprise, déboute M. [V] de toutes ses demande et le condamne à lui verser la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens comprenant les frais de commandement de payer et d'état des nantissements et privilèges, ce dernier s'élevant à la somme de 23,28 euros.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'acquisition de la clause résolutoire

Aux termes de l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

L'article 835 du code de procédure civile dispose que le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection, dans les limites de sa compétence, peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Aux termes de l'article L. 145-41 alinéa 1 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux : le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

En application des dispositions de ces textes, il est possible, en référé, de constater la résiliation de plein droit d'un contrat de bail en application d'une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en oeuvre régulièrement.

En son paragraphe XXII, le bail commercial signé le 16 janvier 2019, par la SCI DAG 83 et M. [S] [V] stipule : A défaut de paiement à son échéance d'un seul terme de loyer et/ou indemnité d'occupation ou accessoires à l'échéance prévue ou d'inexécution de l'une quelconque des clauses du présent contrat et un mois après un simple commandement de payer ou une mise en demeure adressée par acte extra-judiciaire resté sans effet et exprimant la volonté du bailleur de se prévaloir de la présente clause, le bail sera résilié immédiatement et de plein droit, sans qu'il soit besoin de remplir aucune formalité judiciaire et nonobstant toutes offres ou consignations ultérieures.

Il résulte des pièces du dossier que, le 21 mars 2022, la SCI DAG 83 a fait délivrer à M. [V] un commandement, visant la clause résolutoire, de payer, au principal, la somme de 4 857,11 euros. Il s'induit par ailleurs du décompte, arrêté au 1er avril 2023, de la bailleuresse que ce n'est que les 27 février et 14 mars 2023 et donc en cours de procédure, que son locataire lui a fait deux versements d'un montant total de 13 132,97 (2 055,81 et 11 077,16 euros).

Les causes du commandement de payer n'avaient donc pas été réglées, un mois après sa délivrance, soit le 21 avril 2022, en sorte que le bail était résilié à cette date par le jeu de la clause résolutoire.

C'est dès lors par des motifs pertinents que le premier juge a constaté l'acquisition de la clause résolutoire au 21 avril 2022. L'ordonnance sera confirmée de ce chef.

Sur la dette locative et les délais de paiement rétroactifs

Aux termes de l'article L. 145-41 alinéa 1 alinéa 2 du du code de commerce, les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil, peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation des effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant l'autorité de chose jugée : la clause résolutoire ne joue pas si locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

L'article 1343-5 du code civil précise que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

En matière de baux commerciaux, tant qu'aucune décision constatant la résolution du bail n'est pas passée en force de chose jugée, le juge saisi d'une demande de délais peut les accorder et suspendre les effets de la clause résolutoire de façon rétroactive au locataire à jour de ses loyers.

Comme indiqué supra, M. [V] a réglé l'essentiel de sa dette locative en février et mars 2023 en réalisant deux règlement de 2 055,81 et 11 077,16 euros. Néanmoins ces paiements, portés au crédit de son compte locatif étaient insuffisants à la solder puisqu'il demeurait un reliquat de 906,85 euros, au 14 mars 2023, comme en atteste par le décompte produit par la SCI DAG 83. Il n'a en outre pas réglé les appels de loyers et charges du 2ème trimestre 2023, ce qui a abouti à un solde débiteur de son compte locataire de 3 214,74 euros au 10 mai 2023.

La dette locative était donc non sérieusement contestable à hauteur de cette somme mais la SCI DAG 83 n'ayant formé aucun appel incident à l'encontre de l'ordonnance entreprise, celle-ci sera confirmé en ce qu'elle a condamné M. [S] [V] à lui payer la somme de 3 008,94 euros à titre de provision sur la dette de loyers, charges et indemnités d'occupation arrêtée au 10 mai 2023, assortie des intérêts aux taux légaux à compter de la date du commandement de payer du 21 mars 2022 pour la somme de 701,05 euros, puis à compter de sa signification pour la somme de 2 307,89 euros, avec capitalisation annuelle.

Néanmoins et compte tenu des efforts de paiement réalisés en cours de procédure, lesquels attestent de capacités financières, il convient d'accorder à M. [V] et la SAS Paris des délais de paiements à hauteur de 4 trimestres pour s'acquitter de cette dette locative, à hauteur de 752 euros par trimestre et solde au dernier versement. Les délais ainsi accordés ont pour conséquence et effet de suspendre le jeu de la clause résolutoire dans les conditions développées au dispositif du présent arrêt.

L'ordonnance sera donc infirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de délais de paiement des appelants.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

L'existence d'une dette locative conséquente et ancienne au moment de la délivrance de l'acte introductif d'instance n'étant pas contestée, l'ordonnance déférée sera confirmée en ce qu'elle a condamné M. [S] [V] aux dépens et à verser à la SCI DAG 83 la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il ne paraît pas inéquitable de laisser à chacune des parties les frais non compris dans les dépens, qu'elle a exposés en cause d'appel. Il n'y a donc lieu de faire application des disposition de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [V] et la SAS Paris, qui succombent sur l'essentiel de leurs prétentions, supporteront les dépens de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :

- condamné M. [S] [V] à payer à la SCI DAG 83 la somme de 3 008,94 euros à titre de provision sur la dette de loyers, charges et indemnités d'occupation arrêtée au 10 mai 2023, assortie des intérêts aux taux légaux à compter de la date du commandement de payer du 21 mars 2022 pour la somme de 701,05 euros, puis à compter de la signification de son ordonnance pour la somme de 2 307,89 euros, avec capitalisation annuelle ;

- constaté la résiliation du bail à compter du 21 avril 2022 ;

- condamné M. [S] [V] à verser à la SCI DAG 83 la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [S] [V] aux dépens incluant le coût du commandement de payer du 21 mars 2022, de l'assignation du 1er juillet 2022 et de l'état des inscriptions de privilèges et nantissements ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Accorde à M. [S] [V] et la SAS Paris un délai de 4 trimestres pour s'acquitter de sa dette locative ;

Dit que M. [S] [V] et la SAS Paris sont autorisés à se libérer de leur dette locative en quatre échéances trimestrielles, égales et successives de 752 euros, la quatrième étant augmenté du solde ;

Dit que la première échéance, valant pour le premier trimestre 2024, devra être payée avant le 28 février 2024 et les autres au début chaque trimestre de l'année 2024, en même temps que les loyer et provisions sur charges courants ;

Suspend, pendant le cours de ces délais, les effets de la clause résolutoire, laquelle sera réputée n'avoir jamais joué si M. [S] [V] et la SAS Paris se libèrent de leur dette dans les délais précités en sus du paiement du loyer et charges courants ;

Dit qu'à défaut de paiement de l'arriéré ou du loyer et provisions sur charges courants :

- la totalité de la somme restant due deviendra immédiatement exigible ;

- la clause résolutoire reprendra son plein effet ;

- faute de départ volontaire des lieux loués, il pourra être procédé à l'expulsion M. [S] [V] et la SAS Paris et de tous occupants de leur chef, avec le concours de la force publique et d'un serrurier, passé le délai d'un mois suivant la délivrance d'un commandement d'avoir à libérer les lieux ;

- le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

- M. [S] [V] et la SAS Paris seront tenus, jusqu'à parfaite libération des lieux, au paiement, à titre provisionnel, d'une indemnité d'occupation égale au montant du loyer révisé, augmenté des charges qui auraient été dus, si le bail s'était poursuivi ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne in solidum M. [S] [V] et la SAS Paris aux dépens d'appel.