Livv
Décisions

CA Versailles, ch. soc. 4-2, 1 février 2024, n° 22/03165

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 22/03165

1 février 2024

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80L

Chambre sociale 4-2 (Anciennement 6e chambre)

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 1er FEVRIER 2024

N° RG 22/03165 -

N° Portalis DBV3-V-B7G-VPD5

AFFAIRE :

[M] [G]

C/

SCP MANDATEAM

prise en sa qualité de mandataire liquidateur de la SAS SPLASH TOYS

Association AGS CGEA IDF OUEST

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Octobre 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT

N° Section : E

N° RG : 22/00335

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Nicolas COLLET-THIRY

Me Anne-Laure DUMEAU

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE PREMIER FÉVRIER DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, devant initialement être rendu le 21 décembre 2023 et prorogé au 25 janvier 2024 puis au 1er févier 2024, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Monsieur [M] [G]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentant : Me Nicolas COLLET-THIRY, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0215

APPELANT

****************

SCP MANDATEAM prise en sa qualité de mandataire liquidateur de la SAS SPLASH TOYS

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentant : Me Anne-Laure DUMEAU, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 et Me Jean-Michel HATTE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Gwenaelle LEROY, avocat au barreau de PARIS

Association AGS CGEA IDF OUEST

[Adresse 1]

[Localité 6]

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 Octobre 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,

En présence de: Madame [W] [A]

Greffier lors de la mise à disposition : Domitille GOSSELIN

Rappel des faits constants

La SAS Splash Toys, dont le siège social était situé à [Localité 7] dans les Hauts-de-Seine, avait pour activité la commercialisation sous toutes ses formes de jouets, jeux et articles de loisirs auprès d'une clientèle constituée de grandes enseignes telles qu'Auchan, Leclerc, La Grande Récré ou Toys R-Us. Elle employait plus de dix salariés et appliquait la convention collective du commerce de gros du 23'juin 1970.

M. [M] [G], né le 10'janvier 1960,'a été engagé par cette société, selon contrat de travail à durée indéterminée du 2'janvier 2014, en qualité de directeur marketing et vente international, statut cadre dirigeant, moyennant une rémunération mensuelle initiale de 13'500'euros.'

En dernier lieu, il percevait un salaire de base de 17 500 euros brut, une prime d'ancienneté de 151,78 euros brut, une valorisation de l'avantage en nature constituée par son véhicule de fonction à hauteur de 253,49 euros brut outre une rémunération variable de 12 000 euros pour le premier semestre et 14 000 euros pour le second.

Par courrier du'31 mars 2021, M. [G] a pris acte de la rupture de son contrat de travail dans les termes suivants :

"Par courriers du 17 février 2021 et du'9 mars 2021, je vous ai mis en demeure :

1/ de me rétablir des conditions de travail normales, en prenant sans délai toute mesure utile pour cesser et faire cesser toute pression, vexation ou mesures d'isolement à mon égard, et en me rétablissant dans l'ensemble de mes responsabilités.

2/ de régulariser sans délai mes droits en matière de salaire, en particulier en me payant mes primes du 2ème semestre 2019 et de 2020, et en me remboursant les retenues pratiquées sur mon salaire en mars, avril et'mai 2020'sous couvert de placement en activité partielle, en réalité inexistant.

Par courriers en réponse du 1er mars et du'22 mars 2021, vous avez cru pouvoir contester mes griefs et m'avez opposé un refus pur et simple de régulariser mes droits.

Cette situation est insupportable pour moi et je suis d'ailleurs en arrêt de travail depuis le 15'février 2021.

Dans ces conditions, je n'ai pas d'autre choix, la poursuite de mon contrat de travail étant impossible, que de vous notifier par la présente la rupture du contrat de travail qui nous lie, à vos torts exclusifs.

Compte tenu de mon état de santé, en raison duquel je suis placé en arrêt de travail, je ne suis pas en mesure d'exécuter mon préavis de deux mois prévus par mon contrat de travail.

Je vous prie donc de me faire parvenir sans délai mon solde de tout compte, mon certificat de travail et mon attestation Pôle emploi".

La société Splash Toys a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce d'Evreux du 17'février 2022, la société Mandateam, prise en la personne de Me [N] ayant été nommée mandataire liquidateur.

Soutenant que sa prise d'acte doit produire les effets d'un licenciement nul en raison d'une discrimination en raison de son âge et d'un harcèlement moral, M. [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre, par requête reçue au greffe le'15 mars 2022.

La décision contestée

Par jugement contradictoire rendu le 6 octobre 2022, la section encadrement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt a':

- dit que la prise d'acte produit les effets d'une démission,

- débouté le demandeur de ses autres demandes,

- reçu la SCP Mandateam en ses demandes et l'en a débouté,

- dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.

M. [G] avait présenté les demandes suivantes':

- dire et juger que la prise d'acte de la rupture du'31 mars 2021'produit les effets d'un licenciement nul ou à titre subsidiaire d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- fixer son salaire moyen de référence à la somme de 20 071,93 euros, compte tenu des rappels de salaires à intervenir,

- inscrire au passif de la société Splash Toys'les sommes suivantes :

. 32 500 euros à titre de rappel de primes pour le deuxième semestre 2019 et pour l'année 2020,

. 3 250 euros au titre des congés payés afférents,

. 6 082,26 euros à titre de remboursement des retenues sur salaires dans le cadre du prétendu placement en activité partielle de mars à'mai 2020,

. 608,22 euros au titre des congés payés afférents,

. 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail, discrimination et harcèlement moral,

. 60 215,79 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

. 6 021,58 euros au titre des congés payés afférents,

. 43 656,44 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

. 240 000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture produisant les effets d'un licenciement nul,

. 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

subsidiairement,

. 43 656,44 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- inscrire au passif de la société Splash Toys'les intérêts légaux à compter du jour de l'introduction de l'instance conformément à l'article 1344-1 du code civil,

- ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil,

- inscrire au passif de la société Splash Toys'les entiers dépens,

- ordonner l'exécution provisoire sur le tout au titre de l'article 515 du code de procédure civile,

- dire et juger que la décision à intervenir sera opposable à l'AGS dans les limites légales de sa garantie.

La société Mandateam ès qualités avait quant à elle conclu au débouté du salarié et avait sollicité la condamnation de celui-ci à lui verser une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La procédure d'appel

M. [G] a interjeté appel du jugement par déclaration du 19 octobre 2022 enregistrée sous le numéro de procédure 22/3165.

Par ordonnance rendue le 4 octobre 2023, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries le 19 octobre 2023.

Prétentions de M. [G], appelant

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 1er décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, M. [G] conclut à l'infirmation en toutes ses dispositions du jugement entrepris et demande à la cour d'appel, statuant de nouveau, de':

- dire et juger que la prise d'acte de la rupture du'31 mars 2021'produit les effets d'un licenciement nul ou à titre subsidiaire d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- fixer son salaire moyen de référence à la somme de 20 071,93 euros, compte tenu des rappels de salaires à intervenir,

- inscrire au passif de la société Splash Toys les sommes suivantes :

. 32 500 euros à titre de rappel de primes pour le deuxième semestre 2019 et pour l'année 2020, et 3 250 euros au titre des congés payés afférents,

. 6 082,26 euros à titre de remboursement des retenues sur salaires dans le cadre du prétendu placement en activité partielle de mars à'mai 2020, et 608,22 euros au titre des congés payés afférents,

. 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail, discrimination et harcèlement moral,

. 60 215,79 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 6 021,58 euros au titre des congés payés afférents,

. 43 656,44 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

. 240 000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture produisant les effets d'un licenciement nul ou à titre subsidiaire sans cause réelle et sérieuse,

. 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- inscrire au passif de la société Splash Toys les intérêts légaux à compter du jour de l'introduction de l'instance conformément à l'article 1344-1 du code civil,

- ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil,

- inscrire au passif de la société Splash Toys les entiers dépens,

- dire et juger que la décision à intervenir sera opposable à l'AGS dans les limites légales de sa garantie.

M. [G] a fait déposer son dossier sans se présenter à l'audience.

Prétentions de la SCP Mandateam ès qualités, intimée

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 27 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, la SCP Mandateam ès qualités demande à la cour d'appel de :

- confirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

- condamner M. [G] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Prétentions de l'Unédic, délégation AGS CGEA Île-de-France Ouest

L'Unédic, délégation AGS CGEA Île-de-France Ouest, n'a pas constitué avocat.

La déclaration d'appel lui a été signifiée le 2 décembre 2022, l'acte ayant été délivré à une personne habilitée à le recevoir.

L'arrêt sera réputé contradictoire en application des dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

MOTIFS DE L'ARRÊT

A titre liminaire, sur les difficultés économiques de la société Spash Toys et les relations avec M. [G], la société Mandateam ès qualités explique :

- Déjà fragilisée par une procédure de sauvegarde ouverte par le tribunal de commerce d'Evreux le 27 novembre 2014, la société Splash Toys a connu d'importantes difficultés liées à la perte à la fin de l'année 2018 du contrat de distribution des produits de la société de droits américains MGA lequel était géré par M. [G], à la fermeture imposée par l'état des magasins non essentiels en mars 2020 et novembre 2020 clients de la société du fait de la pandémie de la Covid, à un nouveau confinement en janvier-février 2021 (les stocks de permanent n'ayant pu être livrés, la société a été contrainte de solder ses stocks, pour libérer de la trésorerie et assurer ses achats pour les saisons suivantes, ce qui a généré une perte sèche de 2 millions d'euros), à la perte en mars 2021 du contrat de distribution avec la société Famosa suite à son rachat par la société Giochi Preziosi, ce qui a entraîné une perte de 15 millions d'euros sur l'année 2021 et par l'arrêt par la société Carrefour d'achat des produits Splash Toys ;

- Par courrier en date du 16 novembre 2020, la société Splash Toys, face à ces difficultés économiques, a notifié à M. [G], après en avoir discuté avec lui, comme aux autres cadres, une proposition de modification de son contrat de travail, consistant en une réduction de son salaire de 17 500 euros à 14 000 euros, soit une baisse correspondant à 20%, cette proposition s'inscrivant dans le cadre de l'article L. 1222-6 du code du travail, c'est-à-dire dans le cadre de la procédure de modification du contrat de travail pour motif économique, mais qu'alors que tous les cadres de la société ont accepté une telle diminution et que M. [G] avait donné verbalement son accord, celui-ci a fait volte-face par courrier du 8 décembre 2020 et a notifié à son employeur son refus de cette diminution de son salaire ;

- Dans la foulée, M. [G] a notifié des arrêts de travail à son employeur à compter du 15 février 2021 et n'a jamais repris son travail puis, alors qu'il était en arrêt de travail, prétextant des manquements de la part de son employeur, il a, par courrier du 31 mars 2021, pris acte de la rupture de son contrat de travail ;

- Eu égard au caractère insurmontable des difficultés rencontrées, la société Splash Toys a été mise en liquidation judiciaire le 17 février 2022 alors qu'elle employait encore 15 salariés ;

- M. [G], qui était cadre dirigeant et le mieux payé de la société, a immédiatement proposé ses services à un ancien partenaire de la société Splash Toys, la société Princess Sam qui l'a engagé en qualité de vice-président le 1er juin 2021.

De son côté, M. [G] donne les explications suivantes :

- A partir du moment où il a notifié son refus de la diminution de salaire à son employeur, il appartenait à la société, soit de le licencier pour motif économique, soit d'y renoncer en se conformant à sa décision.

- La société a adopté une position ambigüe en ne le licenciant pas mais en multipliant les pressions à son encontre, en insistant pour qu'il revienne sur son refus et accepte la réduction de son salaire puis les mesures de rétorsions, comme sa mise à l'écart de décisions et réunions auxquelles il aurait dû participer, le retrait de dossiers stratégiques dont il avait jusque-là la responsabilité ou des propos injurieux et discriminatoires à son égard tenus en présence d'autres salariés de l'entreprise.

- Compte tenu du contexte, il a indiqué qu'il n'était pas opposé à une telle rupture éventuelle mais les discussions ont tourné court lorsque la présidente de l'entreprise, Mme [R], conjointe du directeur général, a absolument voulu faire écrire qu'il était à l'origine de la demande, ce qu'il refusait.

- Ces pressions et manoeuvres de la société se sont répercutées sur son état de santé et il a alors été placé en arrêt de travail par son médecin traitant à compter du 15 février 2021, ces arrêts étant prolongés pendant plusieurs mois.

- En parallèle, par courrier du 17 février 2021, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur, la situation étant bloquée après deux mises en demeures infructueuses et la poursuite du contrat de travail étant impossible.

- Parallèlement à la liquidation judiciaire de la société Splash Toys, ses dirigeants ont créé une autre société, dénommée Art of Toys et immatriculée le 1er mars 2022, présidée par M. [E], ancien salarié de la société Splash Toys et proche de ses dirigeants, qui a exactement la même activité que la société Splash Toys, qui a repris des éléments essentiels de l'activité tels que les moules (qui permettaient de produire tous les jouets sous la marque Splash Toys) et les IP (Propriété intellectuelle des produits développés et vendus par Splash Toys), et le dirigeant M. [R] a procédé à plusieurs dépôts de marque auprès de l'INPI afin de pouvoir poursuivre l'exploitation de marques au sein de la nouvelle société. Il apparaît également que la nouvelle société Art of Toys a repris l'activité de Splash Toys aux Pays-Bas et à Hong Kong, aux mêmes adresses.

Sur la prise d'acte

En vertu des dispositions de l'article L. 1231-1 du code du travail, le contrat de travail peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié. Le salarié peut mettre fin au contrat de travail unilatéralement en raison de faits imputables à l'employeur. Cette prise d'acte de la rupture produit les effets soit d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifient, soit d'une démission dans le cas contraire. C'est au salarié de rapporter la preuve de ces manquements et de leur gravité.

A l'appui de sa prise d'acte, M. [G] invoque plusieurs manquements de son employeur':

- le défaut de paiement de sa rémunération variable du deuxième semestre 2019 et de l'année 2020,

- le placement abusif en activité partielle,

- les pressions exercées à son encontre à la suite de son refus de diminuer son salaire avec':

. des propos dégradants, constitutifs d'une discrimination en raison de son âge,

. le retrait de responsabilités caractérisant une rétrogradation de fait.

S'agissant du défaut de paiement de la rémunération variable

M. [G] réclame paiement partiel de la prime du deuxième semestre 2019 et dénonce le défaut complet de paiement des primes de l'année 2020, soutenant qu'aucun objectif ne lui a été fixé pour cette période, en violation des stipulations contractuelles et qu'il n'est pas démontré que les objectifs n'auraient pas été atteints.

La société Mandateam ès qualités oppose que M. [G] connaissait parfaitement les objectifs du fait de son statut au sein de la société et savait pertinemment que ceux-ci n'avaient pas été atteints.

Le contrat de travail de M. [G] prévoit une part variable de rémunération dans les termes suivants': «'Article 5 ' Prime

Une prime à compter de l'exercice de 2014 pourra être attribuée à M. [G] [M] au 30 juin et 31 décembre de chaque année, en fonction des résultats semestriels de la société Splash Toys, basés sur le chiffre d'affaires, et les marges sur la partie export.

Chaque prime sera versée dans les 30 jours de la constatation de la réalisation des objectifs semestriels sous réserve qu'à la date d'exigibilité, M. [G] [M] fasse toujours partie des effectifs de la société Splash Toys.

Au 1er semestre, cette prime sera d'un montant maximum de 12 000 euros brut en cas de réalisation des objectifs.

Au 2nd semestre, cette prime sera d'un montant maximum de 14 000 euros brut en cas de réalisation des objectifs.

Les conditions d'obtention de ces primes seront fixées chaque année discrétionnairement par la société Splash Toys, en fonction du potentiel et de l'évolution de son secteur et de la politique commerciale de la société Splash Toys.

La société Splash Toys informera M. [G] [M] en début de chaque exercice des conditions d'obtention de ces primes.'» (pièce 1 du salarié).

Il n'est par ailleurs pas discuté que les primes réclamées n'ont pas été payées.

Il est constant que pour qu'une clause instituant une prime conditionnée à la réalisation d'objectifs soit opposable, les objectifs doivent être fixés par l'employeur et portés à la connaissance du salarié en début d'exercice.

S'agissant de la fixation des objectifs, le contrat de travail prévoit que ceux-ci sont fixés en «'fonction des résultats semestriels de la société Splash Toys, basés sur le chiffre d'affaires, et les marges sur la partie export'».

M. [G], qui était cadre dirigeant, était totalement associé à la gestion de l'entreprise et il avait la charge plus précisément de la filiale Hongkongaise.

M. [K], comptable de la société, indique dans une déclaration rédigée à Hong-Kong le 17 mai 2022 que':

«'Le seul critère de déclenchement des primes était que les ventes à l'international par le biais de la filiale Hongkongaise dont M. [G] avait la charge, soient rentables, c'est-à-dire qu'elle permettent de de dégager un bénéfice.

L'activité de la société Splash Toys LTD a été déficitaire au 2ème semestre 2019 et en 2020.

M. [G] était parfaitement informé que ses primes semestrielles étaient chaque année déclenchées uniquement si l'activité de la société Splash Toys LTD dont il avait la charge, était bénéficiaire (...)'» (pièce 4 du liquidateur).

M. [G] indique lui-même, page 8 de ses conclusions, que depuis son embauche en 2014, aucun objectif ne lui a jamais été fixé par la société.

Celui-ci ne les a jamais réclamés, même en 2020 lorsqu'il n'a perçu aucune prime, ce qui corrobore le fait qu'il connaissait pertinemment ces objectifs et le fait qu'ils n'étaient pas atteints.

La réponse qu'a apportée l'employeur à la réclamation de M. [G] du 1er mars 2021, est à ce titre, éclairante': « Maintenant, concernant tes primes, (cf ton contrat de travail) tu t'abrites encore une fois derrière un formalisme alors que tu sais pertinemment que les primes qui sont soumises à objectif et rentabilité, comment peux-tu motiver une demande de prime alors que je t'ai communiqué par email le chiffre d'affaires arrêté 31 mai 2020 envoyé par le comptable de Hong-Kong qui me précisait une perte de 75 % de la marge et 45 % de perte de chiffre d'affaires, je t'ai demandé en tant que responsable du bureau de Hong-Kong une explication que je dois transmettre à notre auditeur et suis à ce jour sans réponses ni explication de ta part.

De plus, tu connais également la situation financière de Splash Toys SAS puisque tu as reçu le document accompagnant notre courrier de demande de modification de contrat de travail et que [Y] avait informé l'ensemble du personnel et ce, dès le mois d'octobre qu'aucune prime ne serait versée par rapport à la situation financière de l'entreprise » (pièce 3 du liquidateur).

Au vu de ces éléments, il sera retenu que M. [G] avait parfaitement connaissance des critères d'attribution de sa rémunération variable.

En outre, l'attestation de M. [K] et l'ouverture d'une procédure collective démontrent que les objectifs n'ont pas été atteints.

Dans ces conditions, ce manquement n'est pas établi. M. [G] sera débouté de sa demande spécifique de paiement d'un rappel de rémunération variable, par confirmation du jugement entrepris.

S'agissant du placement en activité partielle

M. [G] soutient que, s'il a bien été informé de son passage en télétravail, il n'a jamais été informé qu'il était placé en activité partielle à 70 % et que ce n'est qu'en recevant son bulletin de salaire de mars 2020 qu'il a réalisé que son employeur l'avait placé sous ce régime. Il oppose qu'il avait pourtant travaillé à temps plein en l'absence de consigne claire.

La société Mandateam ès qualités oppose que la société Splash Toys avait bien informé le salarié de son placement en activité partielle, ce dont il ne peut dès lors se plaindre.

Pour établir que M. [G] avait connaissance de son placement en activité partielle, le liquidateur produit une attestation de M. [E], cadre dirigeant de l'entreprise, en ces termes': « Qu'en mars 2020, à la suite d'une décision de la direction, M. [G] nous a annoncé individuellement que nous serions en activité partielle à 70 %, y compris lui-même, période que nous avons respectée en travaillant surtout le matin »

« Durant cette période, le business était calme à l'image de l'activité commerciale de la France avec le débat des produits non essentiels dont nous faisions partie.

Il n'y avait donc pas beaucoup de travail en cette période et la communication avec M.'[G] devenait assez rare » (pièce 5 du liquidateur).

Elle produit également une attestation de M. [P], autre collègue de travail de M.'[G], en ces termes': « De plus, j'atteste qu'il fut porté à ma connaissance que M. [M] [G] a été également en chômage partiel au même titre que les autres salariés de l'entreprise durant la période de mars à mai 2020 » (pièce 6 du liquidateur).

Le salarié conteste de façon inopérante la force probante de ces attestations, dès lors que la preuve est libre en matière prud'homale, et qu'il ne verse de son côté aucune pièce utile à l'appui de sa position.

Au vu des éléments en présence, il sera retenu que M. [G] ne justifie pas d'un manquement de son employeur au titre de son placement en activité partielle. Il sera débouté de sa demande spécifique en paiement d'un rappel de salaire à ce titre, par confirmation du jugement entrepris.

S'agissant des pressions exercées à son encontre à la suite de son refus de diminuer son salaire accompagnées de propos dégradants, constitutifs d'une discrimination en raison de son âge et du retrait de responsabilités

En ce qui concerne les propos dégradants constitutifs selon le salarié d'une discrimination liée à l'âge

M. [G] soutient que les propos suivants ont été tenus en novembre et décembre 2020 à son égard':

« [M] est dépassé »,

[M] est « has been », « d'ancienne école »,

« Le [G] qui ne sait rien »,

« Le vieux »,

« à 63 ans, il doit s'arrêter, prendre sa retraite'».

M. [H] [T], directeur commercial, atteste en ces termes': « Lors de différents entretiens avec [Y] [R], ce dernier a dit à l'encontre de [M] [G] « qu'il est toujours aujourd'hui en train de bosser sur des bases d'il y a 15 ans » qu'il était maintenant « has-been », dépassé et qu'il « était préférable qu'il passe à autre chose », Le [G] qui ne sait rien, le vieux, qui doit s'arrêter et prendre sa retraite. Ses mots et expressions je les ai entendus à plusieurs reprises » (pièce 23 du salarié).

M. [D] [G], manager marketing et ventes internationales (et fils du salarié) atteste, quant à lui, dans le même sens : « Il [M. [R]] m'a présenté [M] [G] à de nombreuses reprises comme étant « has-been », « dépassé », « je ne sais pas ce qu'il fait de ses journées », « il va à Hong-Kong pour se balader ». [Y] [R] allait même jusqu'à prétendre et affirmer qu'il effectuait le travail de [M] [G]. Il revendiquait le fruit de son travail alors que ce n'était pas le cas » (Pièce n°24).

La société Mandateam ès qualités produit de son côté une attestation de Mme [B], salariée, qui déclare n'avoir jamais entendu de propos désobligeants de la part de la direction à l'égard de M. [G] (pièce 7 du liquidateur). Cette attestation est cependant sans intérêt probatoire puisqu'elle se limite à dire que l'intéressée n'a rien entendu, ce qui ne permet pas d'exclure que les propos ont bien été tenus.

M. [G] soutient que ces propos sont injurieux et vexatoires, qu'il sont au surcroît discriminatoires.

Toutefois, compte tenu des termes employés et de leur sens, ces propos ne peuvent être considérés comme injurieux ni même vexatoires mais s'analysent comme l'expression sans excès d'une opinion sur un collègue de travail, laquelle s'inscrit dans ce qui est autorisé au titre de la liberté d'expression.

Au demeurant, il sera relevé qu'il n'est pas prétendu que les propos auraient été tenus au salarié lui-même, ni que l'employeur en serait responsable et ils sont isolés.

Le fait présenté à l'appui de la prise d'acte n'est pas établi.

Il s'ensuit qu'aucune discrimination en raison de l'âge ne peut davantage être retenue, la demande étant exclusivement fondée sur les propos dénoncés précédemment, lesquels n'ont pas été retenus comme matériellement établis.

En ce qui concerne le retrait de responsabilités

M. [G] soutient d'abord à ce sujet qu'il a été mis à l'écart des relations avec le GIE CSJ (constitué en 2019 par les principaux clients de la société Splash Toys pour négocier au mieux les achats auprès des fournisseurs) en septembre 2020.

Il fait valoir qu'alors qu'il discutait avec le GIE depuis avril 2019 pour le compte de la société au sujet d'un éventuel investissement publicitaire, la direction a décidé de ne pas procéder à l'investissement envisagé et en a informé directement le GIE, ce qui constitue, selon lui une mise à l'écart.

Le liquidateur reconnaît cette situation mais la justifie, de façon fondée, par le pouvoir de direction dont dispose l'employeur, qui a ainsi pu légitimement renoncer à ce projet, le fait que la direction de l'entreprise ait décidé d'informer elle-même le GIE ne pouvant être considéré à lui seul comme un manquement de l'employeur à l'égard du salarié.

Au demeurant, le liquidateur souligne que le GIE concernait les ventes en France alors que M. [G] était responsable des ventes à l'international. Il ajoute que la société Splash Toys lui a répondu sur ce point le 1er mars 2021 en des termes confirmant que la décision a été prise au niveau de la direction de la société et que le salarié n'était pas directement intéressé': « Pour rappel, tu es responsable du marketing à l'international, comme stipulé dans ton contrat de travail. Tu fais références à une réunion du GIE qui concerne des centrales françaises certes dont tu t'es occupé avec la participation active de Mr [F] [E] en 2020.

[Y] [R] n'a jamais cru en ce GIE (et ce n'est pas manque de te l'avoir répété) et plus particulièrement avec en supplément un Covid qui est venu perturber l'ensemble du courant d'affaire.

[Y] a pris la décision de contacter M. [V] (responsable du GIE) pour discuter avec celui-ci du courant d'affaire que cette gamme devait développer par rapport à l'investissement TV que la société allait faire.

Le contrat signé en 2020 avec le GIE n'a généré que des pertes et du stock, [Y] a donc décidé de reprendre le contrôle sur la gestion des propositions pour le GIE.

Je ne pense pas que tu puisses remettre en cause les décisions de ton CEO qui vont dans le bon sens de la gestion de l'entreprise. » (pièce 11 du salarié).

M. [G] reproche en deuxième lieu à son employeur le fait d'avoir été mis à l'écart, à partir de novembre 2020, des réunions relatives au développement du site internet e-commerce Splash Toys, auquel il avait été auparavant associé.

La société Mandateam ès qualités explique et justifie que le site e-commerce de Splash Toys est un site marchand qui ne concerne que la France, que pour la mise en place de ce site, la société Splash Toys a engagé une collaboration avec les sociétés Kemedia et Wedoproduct qui sont des sociétés spécialisées dans le développement des sites marchands, avec lesquelles elle a travaillé sur le sujet depuis le mois de septembre 2020, puisque qu'aucun collaborateur de Splash Toys n'avait d'expérience dans ce domaine.

Elle oppose que M. [G] n'avait aucune compétence dans ce domaine, comme l'ensemble des salariés de l'entreprise, ce qui avait justifié une externalisation du développement du site et donc que la salarié ne soit plus en charge de ce projet.

La contestation de M. [G] sera écartée.

M. [G] soutient en troisième lieu avoir été mis à l'écart des réunions de présentation des produits aux commerciaux au mois de décembre 2020 et janvier 2021.

A l'appui de son allégation, M. [G] ne produit aucun élément de preuve utile tandis que le liquidateur produit les attestations concordantes de Mme [B] et de M. [P], qui confirment que le salarié a participé à la réunion de présentation des produits de la collection de fin d'année 2020 et des projets de collection pour le permanent 2021 où il a lui-même présenté certains articles et qu'il recevait en copie tous les courriels afférents, de sorte que ce fait n'est pas établi.

M. [G] invoque en dernier lieu le retrait de ses responsabilités au titre de l'activité du groupe à Hong-Kong et en Chine, ce qui représentait une part importante de son activité.

Il se limite cependant à rappeler les termes de sa propre lettre de contestation (sa pièce 10) sans rapporter la preuve de la réalité du retrait de ses attributions à Hong-Kong.

Au contraire, il produit une attestation rédigée par le manager général de la filiale de Hong-Kong qui confirme qu'il participait à de nombreuses réunions dans le cadre des showrooms ou chez les fournisseurs (pièce 21 du salarié).

En l'absence d'éléments probants, ce moyen ne sera pas retenu.

En définitive, aucun manquement n'étant retenu à l'encontre de l'employeur, M. [G] sera débouté de sa demande tendant à voir dire que sa prise d'acte doit produire les effets d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, ainsi que des demandes subséquentes, par confirmation du jugement entrepris.

Sur l'exécution fautive du contrat de travail

M. [G] sollicite l'allocation d'une somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail, discrimination et harcèlement moral tandis que la société Mandateam ès qualités s'oppose à la demande, considérant que les arrêts de travail produits ne mentionnent qu'un surmenage professionnel selon les propres indications du salarié au médecin et en aucun cas une dépression ou un syndrome d'anxiété et que le salarié ne fournit strictement aucun élément concernant sa situation depuis sa prise d'acte.

Aux termes de ses conclusions, M. [G] se limite à donner des éléments d'appréciation du préjudice subi, lesquels sont contestés par le liquidateur, sans évoquer de moyens à l'appui de sa demande, en violation des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile.

La discrimination en raison de l'âge a été précédemment écartée.

Quant à la demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail du fait d'un manquement à l'obligation de sécurité et du harcèlement moral, aucun des faits évoqués par ailleurs, lesquels ont été écartés, ne permet de retenir la responsabilité de la société.

M. [G] sera débouté de cette demande par confirmation du jugement entrepris.

Compte tenu de la teneur de la décision rendue, il n'y a pas lieu à fixation au passif de la société, ni à garantie de l'AGS.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure

Le jugement de première instance sera infirmé en ce qu'il a dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens et confirmé en ce qu'il a débouté les parties de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles.

M. [G], qui succombe dans ses prétentions, supportera les dépens en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

M. [G] sera en outre condamné à payer à la SCP Mandateam ès qualités une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 2'000'euros et sera débouté de sa propre demande présentée sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt réputé contradictoire,

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt le 6 octobre 2022, excepté en ce qu'il a dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE M. [M] [G] au paiement aux dépens de première instance et d'appel,

CONDAMNE M. [M] [G] à payer à la SCP Mandateam en qualité de mandataire liquidateur de la société Splash Toys une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE M. [M] [G] de sa demande présentée sur le même fondement.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, présidente, et par Mme Domitille Gosselin, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,