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Décisions

CA Colmar, ch. 3 a, 29 janvier 2024, n° 22/03857

COLMAR

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

CALI PRO 68 (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Martino

Conseillers :

Mme Fabreguettes, Mme Deshayes

Avocats :

Me Chevallier-Gaschy, Me Laissue-Stravopodis

TJ Mulhouse, du 29 sept. 2022

29 septembre 2022

FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE

Selon devis et bon de commande en date du 7 mai 2019, Monsieur [E] [V] a confié à la Sas Cali Pro 68 des travaux de traitement de toiture de son pavillon consistant en un nettoyage haute pression, application d'un agent d'assainissement incolore, application d'un fixateur primaire d'accroche et en l'application d'une peinture hydrofuge, au prix de 8 600 €.

La Sas Cali Pro 68 a émis une facture en règlement de ses travaux en date du 20 septembre 2019 pour un montant de 8 600 €.

Par courrier du 4 novembre 2019, Monsieur [E] [V] a dénoncé de nouvelles infiltrations d'eau par les tuiles et l'absence d'étanchéité de 65 % de la toiture malgré le traitement des tuiles, objet des travaux. Il a refusé de signer le procès-verbal de réception.

Par acte d'huissier de justice en date du 27 novembre 2019, la Sas Cali Pro 68 a sommé Monsieur [E] [V] de régler le montant des travaux exécutés puis a obtenu contre Monsieur [E] [V] une ordonnance d'injonction de payer la somme de 8 600 € en principal.

Monsieur [E] [V] a formé opposition à ladite ordonnance.

A l'initiative de l'assureur de Monsieur [E] [V], une expertise d'assurance amiable contradictoire a été mise en oeuvre, qui a donné lieu à un rapport du 14 janvier 2020 de la Sas Saretec qui a conclu que la réclamation de Monsieur [E] [V] est fondée dans la mesure où, si les travaux réalisés sont conformes à ceux prévus au devis, ils se révèlent cependant insuffisants pour traiter le problème préalablement signalé par Monsieur [E] [V], à savoir une humidification des recouvrements de tuiles, le traitement mis en oeuvre par la Sas Cali Pro 68 n'étant pas adapté pour une protection des zones de recouvrement.

Devant le tribunal judiciaire de Mulhouse, la Sas Cali Pro 68 a sollicité la condamnation de Monsieur [E] [V] à lui payer la somme de 8 600 € en principal outre 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Faisant valoir que la Sas Cali Pro 68 a manqué à son obligation de conseil en ne l'alertant pas sur l'inefficacité d'un traitement de la toiture, celle-ci devant nécessairement être remplacée compte tenu de sa nature poreuse et de son âge, Monsieur [E] [V] a reconventionnellement sollicité la condamnation de la Sas Cali Pro 68 à lui payer la somme de 8 600 € à titre de dommages intérêts, outre 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 29 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Mulhouse a :

-déclaré recevable l'opposition à l'injonction de payer formée par Monsieur [E] [V],

-mis à néant l'ordonnance d'injonction de payer du 23 janvier 2020 et statuant à nouveau :

-condamné Monsieur [E] [V] à payer à la Sas Cali Pro 68 la somme de 8 600 € avec intérêts à compter du 27 novembre 2019, date de sommation de payer,

-rejeté la demande en dommages intérêts formée par Monsieur [E] [V],

-condamné Monsieur [E] [V] aux dépens, en ce compris les frais de signification de l'ordonnance d'injonction de payer et à payer à la Sas Cali Pro 68 la somme de 700 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour rejeter la demande en paiement de dommages intérêts formée par Monsieur [E] [V], le premier juge a retenu que si le prestataire est tenu d'une obligation contractuelle de prévenir son cocontractant des tenants et aboutissants de la prestation projetée, de l'informer de l'adaptation de la prestation proposée à l'usage auquel elle est destinée et s'il doit rechercher les besoins de son client pour lui apporter un conseil personnalisé, ce devoir de conseil a pour corollaire le devoir de coopération et de collaboration du client qui doit délivrer une information précise de ses besoins afin que le prestataire puisse lui délivrer un produit conforme au but recherché.

Il a considéré que l'étude préalable réalisée portait uniquement sur la faisabilité de travaux d'isolation améliorant par un traitement hydrofuge l'isolation des combles dans le but de réaliser des économies d'énergie et que Monsieur [E] [V] ne prouve pas avoir signalé à la Sas Cali Pro 68 un problème d'humidification des recouvrements de tuiles, ce dont il a déduit qu'il n'est pas démontré un manquement de l'entreprise à son obligation de conseil ou d'information en phase précontractuelle.

Monsieur [E] [V] a interjeté appel à l'encontre de cette décision suivant déclaration en date du 13 octobre 2022.

Par ordonnance en date du 14 novembre 2023, le magistrat chargé de la mise en état a rejeté la demande d'expertise formée par Monsieur [V], ainsi que sa demande de communication d'un rapport d'expertise qui aurait été établi par la société Clé Expertises.

Par écritures notifiées le 20 juin 2023, Monsieur [E] [V] a conclu à l'infirmation du jugement déféré et demande à la cour de :

-prononcer la nullité du contrat conclu entre Monsieur [V] et la société Cali Pro en date du 7 mai 2019,

-déclarer recevable la demande en nullité du contrat comme constituant une défense au fond,

Subsidiairement,

-prononcer sa résolution,

-déclarer recevable la demande subsidiaire de résolution du contrat comme constituant une défense au fond, subsidiairement une demande reconventionnelle,

-débouter la partie adverse de toutes demandes, fins et conclusions,

-débouter la partie adverse de toute demande de condamnation quelle qu'elle soit,

-subsidiairement, condamner la partie adverse au paiement d'un montant de 8 600 € de dommages et intérêts équivalent au coût des travaux,

En tout état de cause,

-condamner la société Cali Pro à un montant de 1 500 € au titre du trouble de jouissance subi par l'appelant du fait de la persistance de infiltrations,

-condamner la société Cali Pro aux entiers frais et dépens, ainsi qu'à une indemnité au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il indique qu'il a été démarché par l'intimée, qui entendait lui proposer une solution de traitement de toiture et d'isolation ; que la proposition a été établie après visite des locaux et après avoir pris connaissance de l'état de la toiture ; qu'il avait fait part aux commerciaux qu'il entendait changer les tuiles de la toiture en raison d'infiltrations et qu'il lui a été répondu que le traitement proposé résoudrait ce problème ; que la première couche a été posée alors qu'il pleuvait, de sorte que le produit a été raviné.

Il fait valoir que la société Cali Pro a manqué à ses obligations découlant des dispositions de l'article 1112-1 du code civil dans sa version postérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; que lui-même ne doit établir que le lien de causalité entre le manquement à l'obligation d'information et le préjudice allégué ; que l'intimée avait été parfaitement informée par lui des infiltrations subies en toiture et du fait qu'il envisageait de changer les tuiles ; que les désordres étaient d'ailleurs apparents ; qu'elle a pourtant préconisé la mise en oeuvre d'un traitement hydrofuge sur une toiture dégradée et infiltrante en prétendant qu'il mettrait un terme aux infiltrations, alors qu'elle devait l'informer de ce que le traitement était inefficace pour ce faire et qu'elle devait même s'abstenir de contracter pour une prestation inutile et vaine ; que l'attitude des commerciaux qui l'ont convaincu de conclure est dolosive et entraîne la nullité du contrat, conformément aux dispositions de l'article 1130 du code civil ; que subsidiairement, l'intimée doit être condamnée au paiement de dommages et intérêts équivalents au coût des travaux inutiles, sur le fondement de l'article 1112-1 du code civil ; que ses demandes tendant à la nullité, subsidiairement à la résolution du contrat, ne sont pas irrecevables comme nouvelles en appel, car elles tendent à voir écarter les prétentions adverses tel que prévu à l'article 564 du code de procédure civile ; que plus précisément, la demande de nullité, subsidiairement de résolution du contrat, constitue une défense au fond recevable en tout état de cause ; que des moyens nouveaux peuvent par ailleurs être soumis en appel pour s'opposer aux prétentions de la partie adverse.

A titre très subsidiaire, il réitère sa demande de condamnation de l'intimée au paiement de dommages et intérêts équivalents au coût des travaux, dans la mesure où elle a engagé sa responsabilité en manquant à son obligation précontractuelle d'information et de conseil et en mettant en oeuvre des travaux qu'elle savait inutiles ; que l'intimée, en sa qualité de professionnelle, ne peut soutenir qu'elle n'était chargée que de l'isolation des combles, alors que le devis porte sur un traitement de toiture sans aucune isolation ; qu'une telle isolation était vaine si elle ne permettait pas de remédier aux problèmes d'infiltrations ; qu'elle a elle-même affirmé que la durée des tuiles béton était de trente ans et qu'en présence d'une toiture datant de quarante ans, elle aurait dû le dissuader de procéder à des travaux sur ces tuiles plutôt que de les changer.

Il soutient que l'intimée n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions de l'article 1792 du code civil pour conclure à la prescription de l'action pour des malfaçons apparentes depuis novembre 2019, au motif qu'elle n'a pas réalisé un ouvrage et qu'aucune réception des travaux n'a été faite ; que la responsabilité contractuelle de droit commun doit s'appliquer.

Par écritures notifiées le 1er août 2023, la Sas Cali Pro 68 a conclu ainsi qu'il suit :

-rejeter l'appel,

-juger que les demandes présentées par Monsieur [E] [V] devant la cour et tendant à ce qu'elles prononcent la nullité du contrat, ou subsidiairement sa résolution, ne tendent pas aux mêmes fins que l'action en responsabilité qu'il formait en première instance,

-juger irrecevables comme nouvelles les demandes présentées par Monsieur [E] [V] devant la cour et tendant à ce que soit prononcée la nullité du contrat conclu le 7 mai 2019, subsidiairement que la cour prononce la résolution dudit contrat,

-les rejeter,

En tous les cas,

-juger que la sas Cali Pro 68 n'a commis aucun manquement à ses obligations précontractuelles ou contractuelles,

-débouter Monsieur [E] [V] de l'intégralité de ses fins, moyens et prétentions,

-confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

-condamner Monsieur [E] [V] aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel,

-condamner Monsieur [E] [V] au versement d'une indemnité de 2 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour.

Elle fait valoir qu'en première instance, Monsieur [V] n'a jamais poursuivi ni requis l'anéantissement du contrat conclu entre les parties ; que la demande présentée à titre principal en appel ne poursuit pas les mêmes fins que celle formée en première instance pour manquement dans l'exécution du contrat dont l'existence n'était pas remise en cause ; que les demandes tendant à l'annulation ou à la résolution du contrat sont nouvelles et irrecevables en appel ; qu'elles ne constituent ni des demandes incidentes, voire reconventionnelles ou additionnelles, ni une défense au fond.

Elle soutient qu'il incombe à l'appelant de démontrer : quelle information, d'importance déterminante en lien avec le contrat, lui était due, conformément aux dispositions de l'article 1112-1 du code civil ; qu'il n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes si cette information lui avait été délivrée ; d'une manière générale, que son cocontractant aurait été défaillant dans le respect des ses obligations, eu égard aux travaux envisagés et réalisés ; qu'en l'espèce, l'appelant ne l'a pas mandatée pour remédier à des problèmes d'infiltrations ou de migration d'eau, mais uniquement pour mettre en oeuvre une isolation de ses combles devant lui permettre notamment de réaliser des économies d'énergie ; que le rapport de contrôle en phase précontractuelle a été réalisé sous l'égide de Monsieur [V], qui n'a signalé aucune infiltration ; qu'il a été parfaitement informé sur les travaux commandés ; que l'expert mandaté par l'assureur de l'appelant n'a pas noté l'existence d'infiltrations au moment de son intervention ; que la pose d'une couche de protection prolonge la vie de la tuile et que le fait qu'une seule tuile en béton âgée de quarante ans présente un phénomène de porosité ne peut lui être imputée, la vétusté de l'ouvrage étant nécessairement connue de son propriétaire ; que dans la phase contractuelle, elle n'était nullement tenue d'attirer l'attention du maître de l'ouvrage sur la nécessité d'effectuer davantage de travaux, dans la mesure où elle était uniquement mandatée pour effectuer des travaux de traitement aux fins d'isolation ; que l'expert a conclu que les travaux qu'elle a réalisés sont conformes à ceux prévus au devis ; qu'en l'absence de manquement à son obligation de conseil, la demande en nullité ou en résolution du contrat n'est pas fondée.

Elle critique les témoignages produits en appel recueillis postérieurement au jugement déféré, provenant de membres de sa famille ou d'amis ou voisins, dont l'impartialité est sujette à caution.

Elle fait valoir que s'agissant de vices qui auraient été apparents dès le mois de novembre 2019, l'action de Monsieur [V] est prescrite puisqu'il lui appartenait d'agir dans le délai d'un an prévu à l'article 1792-6 du code civil ; que l'appelant ne démontre pas avoir subi un préjudice conduisant à lui accorder des dommages et intérêts, ni au titre d'un manquement à l'obligation de conseil, ni en raison des travaux réalisés, ni au titre d'un trouble de jouissance ; que le jugement déféré doit nécessairement être confirmé en ce qu'il a condamné l'appelant au paiement de la facture relative aux travaux qui ont été parfaitement réalisés.

Motivation

MOTIFS

Sur la recevabilité des demandes en annulation, subsidiairement en résolution du contrat :

En vertu des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

En l'espèce, il est constant qu'en première instance, Monsieur [V], défendeur, avait opposé à la demande en paiement formée par la société Cali Pro 68 une demande en dommages et intérêts devant venir en compensation de la facture, motif pris d'un manquement de la demanderesse à son obligation de conseil.

Pour autant, il ne peut être conclu que la demande qu'il forme en appel, tendant à titre principal à l'annulation du contrat dont la demanderesse sollicitait l'exécution et subsidiairement à sa résolution, est irrecevable au regard des dispositions de l'article 564 du code civil, dans la mesure où elle tend à faire écarter les prétentions de la société Cali Pro 68.

La fin de non-recevoir soulevée par l'intimée sera en conséquence rejetée.

Sur la nullité du contrat :

En vertu des dispositions de l'article 1112-1 du code civil, celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation. Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties. Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie. Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir. Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.

L'article 1130 du même code dispose que l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

En l'espèce, la société Cali Pro a effectué le 24 avril 2019 une étude portant sur la maison individuelle dont Monsieur [V] est propriétaire, construite en 1980. Il a été constaté l'absence d'isolation des combles et il a été recommandé à Monsieur [V] une « toiture hydrofuge en double couche ».

En signant le 7 mai 2019 le devis soumis par cette société, l'appelant lui a confié des travaux de traitement de toiture consistant en  le nettoyage haute pression de sa toiture avec buse rotative, l'application d'un agent assainissant incolore, l'application d'un fixateur primaire d'accroche sur les tuiles béton, l'application d'une peinture hydrofuge au pinceau sur les tuiles de rives et l'application d'une peinture hydrofuge en deux couches de deux passes chacune sur les tuiles béton, pour le prix de 8 814,96 €, ramené à 8 600 €.

La société Cali Pro 68 a émis le 20 septembre 2019 une facture conforme de 8 600 €, que Monsieur [V] a refusé d'acquitter au motif, indiqué dans une lettre du 4 novembre 2019, qu'il a constaté des malfaçons liées à de nouvelles infiltrations, le fait que la tuile n'est pas lisse mais poreuse, que 65 % de sa toiture n'est pas étanche, que la société a quitté le chantier alors que les travaux n'étaient pas terminés ; qu'ils ne sont pas conformes au devis et qu'il subit beaucoup d'infiltrations d'eau par les tuiles.

Conformément à l'article précité, il incombe à l'appelant de rapporter la preuve qu'une information particulière lui était due par la société Cali Pro, professionnelle du bâtiment et que celle-ci a manqué à cette obligation.

Ce n'est qu'en appel qu'il produit diverses attestations, dont celle de Monsieur [O] [U], oncle de Madame [V], qui affirme le 15 octobre 2022 avoir assisté à la visite des deux commerciaux de la société intimée, avoir entendu Monsieur [V] leur dire qu'il comptait changer les tuiles de sa toiture car il avait constaté des infiltrations, être monté avec eux dans les combles et avoir entendu les deux commerciaux assurer à son neveu qu'il n'était pas nécessaire de changer les tuiles et que grâce à leur technique, « fini les infiltrations, Monsieur [V] aurait un toit tout neuf », ainsi que celle de Monsieur [J] [G], qui indique le 14 octobre 2022 qu'il était sur place lors d e la visite des deux commerciaux, qui ont assuré à Monsieur [V] qu'il n'était pas nécessaire de changer les tuiles et qu'avec deux couches d'hydrofuge, il n'aurait plus d'infiltrations au niveau des tuiles.

Ces deux témoignages, pas plus que celui de Madame [M] [V], épouse de l'appelant, ne peuvent emporter la conviction, en ce qu'ils sont postérieurs au jugement de première instance qui faisait grief au défendeur de ne pas prouver avoir fait part à la société des problèmes d'humidité de son toit ; qu'il est peu vraisemblable que Monsieur [V] se soit privé, devant le premier juge, de ces éléments de preuve qui viennent opportunément appuyer ses affirmations ; qu'il ne résulte au contraire pas de l'étude en date du 24 avril 2019, qui n'en fait aucune mention, ni d'aucun autre document probant que Monsieur [V] aurait indiqué à l'intimée l'existence d'infiltrations d'eau par les combles.

Cependant, dans son rapport d'expertise amiable contradictoire en date du 14 janvier 2020 dont l'intimée ne conteste pas le caractère probant, la société Saretec, mandatée par l'assureur de Monsieur [V], déclare avoir constaté depuis le comble de la maison une multitude de traces blanchâtres en sous-face des tuiles, essentiellement depuis les recouvrements longitudinaux, ainsi que des traces plus sombres d'aspect plus récent. Elle a noté en toiture l'application effective d'une couche teintée (hydrofuge), diverses aspérités de surface des tuiles, ainsi que divers bris de tuiles. Elle conclut que les travaux effectués par la société Cali Pro sont conformes à ceux prévus au devis, mais qu'ils sont cependant insuffisants pour traiter le problème dont elle dit qu'il a été préalablement signalé par les époux [V], à savoir une humidification des recouvrements de tuiles ; que le traitement de la société avait vocation à protéger la surface courante, mais n'est pas adapté pour une protection des zones de recouvrement ; que les travaux ne sont pas conformes aux attentes des époux [V].

Bien qu'il ne soit pas établi que le problème de toiture infiltrante avait été précédemment signalé par l'appelant, il convient de relever que la présence d'infiltrations, anciennes et plus récentes, était parfaitement visible sous la toiture, en raison des traces blanchâtres et plus sombres, donc plus récentes, relevées par la société Saretec, caractéristiques de pénétration d'eau par la couverture.

L'intimée, professionnelle de l'isolation des toitures, qui a procédé à une visite complète des lieux et à un contrôle notamment des combles et de la couverture de l'immeuble, aurait dû avoir constaté les marques durables d'infiltrations, sans qu'il soit besoin que le client démarché, simple consommateur, attire son attention sur l'état de la toiture dont elle connaissait au demeurant parfaitement l'âge.

Ainsi, elle ne pouvait proposer à Monsieur [V] et lui faire accepter des travaux d'isolation des combles, dont l'efficacité ne se conçoit que sur une toiture étanche.

Pour autant, à défaut de démonstration de ce que la société s'était engagée à mettre un terme aux infiltrations et a sciemment tu à son cocontractants leur inutilité à cette fin, le manquement de la société professionnelle à son obligation d'information et de conseil en phase précontractuelle n'est pas constitutif d'un dol, dont l'appelant ne rapporte pas la preuve, de sorte que la demande d'annulation du contrat ne peut prospérer.

Il en est de même de la demande tendant à la résolution du contrat, dans la mesure où il est établi que les travaux effectués par la société Cali Pro ne sont pas affectés de malfaçons et sont conformes au devis ; qu'aux termes de l'article 1112-1 précité, la sanction du manquement au devoir d'information consiste, outre la responsabilité de celui qui en était tenu, en l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.

En l'absence d'annulation ou de résolution du contrat, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il condamne Monsieur [V] au paiement de la prestation.

Sur la demande indemnitaire :

Il est établi que l'intimée ne pouvait, en sa qualité de professionnelle, avoir ignoré le caractère non étanche à l'eau de la couverture de l'immeuble de l'appelant. Elle ne saurait, pour échapper à son obligation de conseil, se retrancher derrière le fait que Monsieur [V] ne démontre pas lui avoir fait part de ce qu'il avait eu à déplorer des infiltrations. Il ne peut être en effet retenu à charge pour ce dernier de n'avoir pas su que l'état de sa toiture, dont la société pouvait se convaincre seule, aurait une incidence sur le traitement hydrofuge qui lui était proposé.

Les travaux qu'elle a entrepris sont certes conformes au devis et ne présentent par eux-mêmes pas de malfaçons, mais il a été clairement conclu par la société Saretec que le traitement qu'elle a mis en oeuvre est inefficace, en ce qu'il a vocation à protéger la surface courante mais n'est pas adapté pour une protection des zones de recouvrement. Les travaux facturés sont inutiles, dans la mesure où ils ne peuvent réellement assurer une meilleure isolation de combles situés sous une toiture non étanche, qui a vocation à être changée, en grande partie sinon en son intégralité, ce d'autant que l'intimée admet que l'étanchéité d'une tuile béton est garantie trente ans, qu'elle aurait dû voir que la toiture de l'immeuble [V], posée en 1980 soit quarante ans avant le devis, n'était plus étanche ; qu'il lui incombait donc d'informer son client de l'inutilité d'effectuer des travaux coûteux pour améliorer l'isolation de son logement par un traitement posé sur une toiture qui avait vocation à être changée où à tout le moins à subir des travaux d'ampleur.

La faute de la société Cali Pro a causé à Monsieur [V] un préjudice correspondant au coût de la prestation, de sorte que l'intimée sera condamnée à lui verser la somme de 8 600 € à titre de dommages et intérêts, portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

La demande de dommages et intérêts pour trouble de jouissance du fait de la persistance d'infiltrations sera en revanche rejetée, n'étant pas établi que les travaux d'isolation des combles avaient pour but de remédier à ces infiltrations.

Il convient de constater la compensation des créances réciproques des parties.

Sur les frais et dépens :

Les dispositions du jugement déféré quant aux frais et dépens seront infirmées.

Partie essentiellement perdante, la société Cali Pro sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, déboutée de sa demande au titre des frais non compris dans les dépens et sera condamnée à payer à l'appelant la somme de 1 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

DECLARE recevables, mais mal fondées, les demandes formées par Monsieur [E] [V] en nullité ou résolution du contrat,

INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts formée par le défendeur, l'a condamné aux dépens ainsi qu'à payer la somme de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau de ces chefs,

CONDAMNE la Sas Cali Pro 68 à payer à Monsieur [E] [V] la somme de 8 600 € à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

CONSTATE la compensation des créances réciproques des parties,

REJETTE la demande de la Sas Cali Pro 68 fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la Sas Cali Pro 68 aux dépens de l'instance,

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus,

Y ajoutant,

DEBOUTE Monsieur [E] [V] de sa demande en dommages et intérêts pour troubles de jouissance,

CONDAMNE la Sas Cali Pro 68 à payer à Monsieur [E] [V] la somme de 1 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la Sas Cali Pro 68 aux dépens de l'instance d'appel.