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Décisions

Cass. crim., 11 octobre 2023, n° 23-80.819

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bonnal

Rapporteur :

Mme Chafaï

Avocat général :

Mme Bellone

Avocat :

SCP Célice, Texidor, Périer

Caen, du 31 janv. 2023

31 janvier 2023

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. M. [J] [R] a été mis en examen notamment des chefs susvisés.

3. Il a présenté une requête en nullité portant sur les opérations de perquisition diligentées dans les locaux de la société [1] et sur son interrogatoire de première comparution.

Examen des moyens

Sur le second moyen

4. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit l'exposant irrecevable à soulever un moyen de nullité relatif à la perquisition réalisée dans les locaux de la société [1] et dit n'y avoir lieu à annulation d'aucun acte ou pièce de la procédure, alors :

« 1°/ d'une part que si les enquêteurs peuvent, lors des perquisitions qu'ils diligentent, s'il y a lieu de procéder à des constatations ou examens techniques ou scientifiques, l'officier de police judiciaire a recours à toutes personnes qualifiées, c'est à la condition que les pièces de la procédure doivent établir que celles-ci sont inscrites sur l'une des listes prévues à l'article 157 du code de procédure pénale ou, à défaut, qu'elles ont prêté serment dans les conditions prévues à l'article 60 dudit code ; que le moyen de nullité tiré de l'absence de serment du tiers requis touche à l'authenticité des éléments de preuve, de sorte qu'il constitue un moyen d'ordre public pouvant être invoqués par quiconque y a intérêt ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure que les enquêteurs ont été assistés, au cours de la perquisition des locaux de la société [1], par MM. [I] et [T], « inspecteurs de la concurrence, consommation et répression des fraudes », qui intervenaient hors de leur champs de compétence en qualité de simples personnes qualifiées requises, au sens des articles 60 et 77-1 du code de procédure pénale ; qu'ainsi que le faisait valoir la défense, aucune de ces deux personnes, pourtant non-inscrites sur les listes d'experts de l'article 157 du code de procédure pénale, n'a, ainsi que l'impose l'article 60 du même code, prêté « par écrit, serment d'apporter leur concours à la justice en leur honneur et en leur conscience » ; qu'en se bornant, pour déclarer M. [R] irrecevable à agir contre ces mesures, à énoncer qu' « à supposer établies les irrégularités invoquées, seul [H] [W], ès qualité de représentant légal de la société [1], avait qualité pour s'en prévaloir », quand les irrégularités invoquées par l'exposant constituaient des moyens d'ordre public, touchant à l'authentification des éléments de preuve, et pouvant à ce titre être invoquées par quiconque y a un intérêt, la chambre de l'instruction a violé les articles 60, 77-1, 171, 802, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 60 et 77-1 du code de procédure pénale :

6. Il résulte de ces textes que si les officiers de police judiciaire, lors d'une enquête préliminaire, ont recours, lors de perquisitions et de saisies, à des personnes qualifiées pour les assister, celles-ci, si elles ne sont pas inscrites sur une liste d'experts, doivent prêter, par écrit, le serment d'apporter leur concours à la justice en leur honneur et en leur conscience.

7. Cette formalité est édictée en vue de garantir la fiabilité de la recherche et de l'administration de la preuve.

8. Pour déclarer irrecevable l'exception de nullité de la perquisition des locaux de la société [1] le 4 juillet 2019 à [Localité 2], prise de l'absence de prestation de serment des deux inspecteurs de la concurrence, consommation et répression des fraudes, assistant les enquêteurs en qualité de personnes qualifiées, la chambre de l'instruction énonce que seul M. [H] [W], représentant légal de la société [1] perquisitionnée, a qualité pour se prévaloir des irrégularités de la perquisition invoquées.

9. Les juges concluent que M. [R], qui ne peut justifier d'aucun droit sur les locaux de la société, ne démontre pas en quoi ces irrégularités auraient porté atteinte à ses intérêts propres et n'a pas qualité pour s'en prévaloir.

10. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.

11. En effet, la méconnaissance de la formalité du serment prêté par les personnes qualifiées requises non inscrites sur une liste d'experts, édictée en vue de garantir la fiabilité de la recherche et de l'administration de la preuve, peut être invoquée par toute partie qui y a intérêt.

12. La cassation est par conséquent encourue, sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre grief.

Portée et conséquences de la cassation

13. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives à l'irrecevabilité de l'exception de nullité de la perquisition de la société [1]. Les autres dispositions seront donc maintenues.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Caen, en date du 31 janvier 2023, mais en ses seules dispositions ayant déclaré irrecevable l'exception de nullité de la perquisition de la société [1], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rouen, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Caen et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.