Livv
Décisions

Cass. com., 15 novembre 2023, n° 22-21.878

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

Mme Comte

Avocat général :

Mme Texier

Avocat :

SCP Piwnica et Molinié

Douai, du 7 juill. 2022

7 juillet 2022

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 7 juillet 2022), le 13 juin 2017, reprochant à l'Exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) du Bas Pommereau de vendre des produits non issus de la ferme, dans le magasin qu'elle exploite sous l'enseigne Aubers'so des légumes, en violation de la réglementation en vigueur, la société Chez [P], qui exploitait une supérette à proximité, l'a assignée pour actes en concurrence déloyale.

2. La société Chez [P] a été dissoute à compter du 31 mars 2022, M. [P], son ancien gérant, ayant été désigné liquidateur.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. L'EARL du Bas Pommereau, devenue la société Aubers'so des légumes, reproche à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à la prescription de l'action en responsabilité pour concurrence déloyale et de déclarer l'action de la société Chez [P] recevable, alors « que l'action en concurrence déloyale, de nature délictuelle, est soumise au régime de la prescription de l'article 2224 du code civil et que le point de départ de la prescription quinquennale court à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, c'est-à-dire au jour où le demandeur a eu connaissance du comportement dénoncé, peu important que ce comportement s'inscrive dans la durée ; que pour déclarer recevable l'action en concurrence déloyale exercée par la société Chez [P], la cour d'appel a retenu que "l'événement allégué comme étant celui qui donne naissance à l'action est la vente par l'EARL du Bas Pommereau de produits non issus de la ferme, sans que ce fait générateur ne soit réduit par le demandeur à la date à laquelle le défendeur a commencé la pratique qui lui est reprochée" et que "par conséquent, dès lors que l'assignation été délivrée le 13 juin 2017, la société Chez [P] ne saurait être prescrite à invoquer, ainsi qu'elle le fait, la pratique alléguée comme fautive en cours non seulement à la date de l'assignation, mais encore dans les cinq années en arrière" ; qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel qui n'a pas fait partir le délai quinquennal du jour où la société Chez [P] a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son action en concurrence déloyale, a violé l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 2224 du code civil :

4. Selon ce texte, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

5. Pour déclarer recevable l'action en concurrence déloyale engagée par la société Chez [P], l'arrêt retient que la pratique alléguée comme fautive était en cours à la date de l'assignation, et dans les cinq années précédentes.

6. En statuant ainsi, alors qu'une action en concurrence déloyale, de nature délictuelle, est soumise au régime de la prescription de l'article 2224 du code civil, la cour d'appel, qui n'a pas fait partir le délai quinquennal du jour où la société Chez [P] a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, peu important que les agissements déloyaux se soient inscrits dans la durée, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 juillet 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée.