Livv
Décisions

CA Chambéry, 1re ch., 30 janvier 2024, n° 22/01319

CHAMBÉRY

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pirat

Conseillers :

Mme Reaidy, Mme Real del Sarte

Avocat :

Me Alsoufi

TJ Thonon-les-Bains, du 30 juin 2022

30 juin 2022

Faits et procédure

Par acte sous seing privé en date du 7 mars 2020, M. [G] [W] a fait l'acquisition d'un véhicule de collection Lancia Delta auprès de la société [B] Auto ([B]) moyennant un prix de 26 900 euros dont 24 000 euros réglés par chèque de banque à l'ordre de M. [V] [B].

Rencontrant des difficultés pour faire immatriculer le véhicule à son nom, M. [W] a fait assigner, par acte en date des 16 et 23 février 2021 la société [B] et M. [B] devant le tribunal judiciaire de Thonon les bains sur le fondement des articles 1604, 1217 du code civil et L. 217-4 à L. 217-14 du code de la consommation, aux fins notamment de voir prononcer la résolution de la vente avec remboursement du prix de vente outre paiement de dommages intérêts.

Par jugement en date du 30 juin 2022, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a :

- Prononcé la résolution du contrat de vente du 7 mars 2020 ;

- Condamné in solidum la société [B] et M. [B] à payer à M. [W] la somme de 24 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2020 ;

- Débouté M. [W] de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 3 000 euros ;

- Débouté la société [B] de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 2 500 euros ;

- Condamné la société [B] à payer à M. [W] la somme de 1 200 euros au titre des frais de gardiennage et débouté ce dernier de sa demande formée à ce titre à l'encontre de M. [B] ;

- Condamné in solidum la société [B] et M. [B] à payer la somme de 2 500 euros à M. [W] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; 

- Condamné in solidum la société [B] et M. [B] au paiement des entiers dépens de l'instance.

La société [B] et M. [B] ont interjeté appel de cette décision en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente, les a condamnés au paiement de diverses sommes et a rejeté leurs demandes.

Par ordonnance en date du 6 juillet 2023, le conseiller de la mise en état a débouté la société [B] et M. [B] de leur demande tendant à voir ordonner la restitution de la carte grise du véhicule Lancia immatriculé EM 180 QW, débouté les parties de leurs demandes d'indemnité procédurale et dit que les dépens de l'incident suivraient le sort des dépens de la procédure au fond.

Exposé du litige,

Prétentions des parties,

Aux termes de leurs conclusions en date du 30 août 2023, régulièrement notifiées par la voie du RPVA, et auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, la société [B] et M. [B] demandent à la cour de :

- Réformer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

En conséquence,

Sur le volet concernant la société [B]

- Débouter M. [W] de l'ensemble de ses demandes,

- Le condamner à titre reconventionnel sur le fondement des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile au paiement de la somme 2.500 euros pour procédure abusive,

- Le condamner aux entiers dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur le volet concernant M. [V] [B]

- Prononcer sa mise hors de cause,

- Condamner M. [W] aux entiers dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions en date du 6 septembre 2023, régulièrement notifiées par voie électronique et auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, M. [W] demande à la cour de :

Vu les dispositions de l'artic|e R. 631-3 du code de la consommation,

Vu les dispositions des articles 1582, 1604, 1217 du code civil,

Vu les dispositions des articles L. 217-4 a L. 217-14 du code de la consommation,

- Dire mal-fondés la société [B] et M.[B] en leur appel.

- Confirmer le jugement en ce qu'il a :

- prononcé la résolution du contrat de vente conclu le 07 mars 2020 entre M. [W] et la société [B].

- condamné in solidum M. [B] et la société [B] à payer la somme de 2 500 euros a M. [W] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société [B] et M. [B] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société [B] de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 2 500 euros,

- condamné in solidum M. [B] et la société [B] au paiement des entiers dépens de l'instance,

Statuant à nouveau,

- Condamner in solidum la société [B] et M. [B] à payer à M. [W] la somme de 26 900 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2020,

- Condamner in solidum la société [B] et M. [B] à payer à M. [W] la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts.

- Condamner in solidum la société [B] et M. [B] à payer à M. [W] la somme de 3 500 euros au titre des frais de gardiennage exposés à ce jour, somme à parfaire jusqu'à la restitution du véhicule intervenue le vendredi 24 février 2023.

En tout état de cause,

- Condamner in solidum la société [B] et M. [B] à payer à M. [W] la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en remboursement des frais qu'il est contraint d'engager pour assurer sa défense devant la cour et M. [B] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture est en date du 9 octobre 2023.

Motivation

Motifs et décision

I - Sur la résolution de la vente

Selon l'article 1194 du code civil, « les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l'équité, l'usage ou la loi. »

L'article L. 217-4 du code de la consommation dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2021-1247 du 29 septembre 2021 énonce : « Le vendeur livre un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance. »

L'article 1615 du code civil dispose que : « L'obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel. »

Ainsi le bien vendu doit être conforme aux normes administratives dont, éventuellement, il relève.

Les accessoires juridiques englobent, l'ensemble des documents administratifs qui sont indispensables pour attester la qualité de propriétaire du vendeur, ou pour garantir les spécifications de la chose, ou pour permettre l'utilisation normale de celle-ci.

Entre dans cette catégorie, la carte grise du véhicule automobile, de sorte que la livraison d'un véhicule dont le numéro d'identification frappé sur le châssis, ne correspond pas à celui porté sur le certificat d'immatriculation remis à l'acheteur constitue un manquement à l'obligation de délivrance qui s'apprécie au jour de la vente et est de nature à entraîner la résolution de cette dernière (Civ. 1ère, 25 janvier 2005, n° 02-12.072 : - 1re Civ., 24 janvier 2006, n° 04-11.903 - 1re Civ., 1 juin 2017, n° 16-13.977 )

Et, selon une jurisprudence constante, la résolution du contrat est admise, quelle que soit la raison de l'inexécution, y compris lorsqu'elle résulte de la force majeure (1re civ., 13 nov. 2014, n° 13-24.633 : « la résolution d'un contrat synallagmatique peut être prononcée en cas d'inexécution par l'une des parties de ses obligations, quel que soit le motif qui a empêché cette partie de remplir ses engagements et alors même que cet empêchement résulterait de la force majeure » (1re civ., 8 juin 2016 n° 15-18.929).

En l'espèce, c'est par une motivation pertinente que la cour adopte expressément, que le premier juge a relevé que :

- Il résulte du certificat de cession et du bon de commande transmis par la société [B] à M. [W] que les parties ont contractuellement convenu de la livraison d'un véhicule comportant le numéro d'identification ZLA831AB000484879.

- Le certificat d'immatriculation du véhicule remis à M. [W] porte un autre numéro d'identification de sorte que la vente ne peut être considérée comme conforme puisque les documents remis à l'acheteur concernent un véhicule différent.

- La remise en mains propres à M. [W] du contrôle technique, le jour de la vente, lequel fait état de cette différence de numérotation ne peut permettre de considérer que la délivrance est conforme aux stipulations contractuelles, alors qu'un contrôle technique n'a pas de valeur contractuelle et que la formulation de cette différence ne peut s'analyser en une mention claire et compréhensible du défaut affectant le véhicule et des conséquences en découlant qui ont une incidence sur la conformité du bien à l'usage d'un véhicule.

Il sera ajouté que :

- L'argumentation de la société [B] et de M. [B] repose sur l'absence de vice caché alors que la demande est fondée sur l'absence de délivrance conforme.

- Il résulte des mentions de la carte grise litigieuse portant un numéro VIN erroné que la première immatriculation de ce véhicule est en date du 11 juillet 1989.

- Le 12 octobre 2019, la société [B] a fait l'acquisition de ce véhicule auprès de M.[M] [L] qui l'avait immatriculé sous son nom le 22 mai 2017 (pièce n° 7 [W]).

Pour autant, la société [B] a attendu le 5 mars 2020 pour déclarer cet achat auprès du système d'immatriculation des véhicules. (pièce n° 8 [W]).

Or à cette date, la vente au profit de M. [W] était décidée puisque le contrôle technique en vue de la vente a été effectué à l'initiative de la société [B] le 4 mars 2020 (pièce n° 3 [W]).

La société [B] était détentrice d'une attestation établie le 29 juin 2017 par la société FCA France aux termes de laquelle cette société, en qualité de représentante accréditée en France de FCA Italy SPA, a certifié que le véhicule de marque Lancia, modèle Delta immatriculé EM 180 QW avait le numéro d'identification suivant : ZLA831AB000484879 et non le numéro ZLA33100000484879, comme indiqué par erreur sur la carte grise.

Force est de constater qu'elle n'a pas remis cette attestation à M. [W], ni avisé ce dernier du problème, manquant ainsi à son obligation d'information et de conseil en qualité de vendeur professionnel.

Il résulte des pièces produites que le prix de vente d'un montant de 26 900 euros n'incluait pas les frais d'immatriculation et de carte grise qui venaient en supplément. La société [B] a fait régulariser par M. [W] un mandat au profit de la société S3 Toulouse en vue d'effectuer les formalités d'immatriculation avec l'envoi d'un chèque d'un montant de 204,76 euros à l'ordre de cette société (pièce n° 4 [W]).

Contrairement aux allégations de la société [B], cette dernière ne démontre pas que l'absence d'immatriculation aurait pour cause la crise sanitaire puis l'inertie de M. [W] à effectuer un nouveau contrôle technique.

Au contraire, il résulte de l'accusé d'enregistrement adressé par le système d'immatriculation des véhicules que la société S3 a effectué auprès du SIV et pour le compte de M. [W] une première démarche enregistrée sous le numéro 18869469 le 17 juin 2020 à 17h19.

La demande était la suivante : « Bonjour, en tant que professionnel habilité au SIV, dûment mandaté par la personne ci-dessous, je souhaite effectuer une demande de changement de titulaire en vous confiant le dossier car par le SIV, ça ne marche pas ET la modification du numéro de série. Vous trouverez ci-joint l'attestation. Merci. »(pièce n° 5 [B])

Ainsi, la société S3 a formé une double demande : d'une part un changement de titulaire de la carte grise et d'autre part une modification du numéro de série en joignant l'attestation de la société FCA France.

La société [B] est taisante quant aux réponses données par le SIV à cette demande, mais il y a tout lieu de penser que cette dernière n'a pas abouti puisqu'une nouvelle demande a été présentée le 25 septembre 2020 enregistrée sous le numéro 21195726, laquelle a donné lieu à la réponse suivante adressée par l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) :

« Demande envoyée par le CERT (centre d'expertise et de ressource des titres, antenne locale de l'ANTS ndlr) le 19/10/2020 11:16

bonjour, veuillez joindre le procès-verbal du contrôle technique de moins de 6 mois. L'article R 323-22 du code de route stipule que le contrôle technique doit avoir eu lieu dans les six mois précédant la date de demande d'établissement du nouveau certificat d'immatriculation. Votre PV de contrôle technique a été établi le 04/03/2020 et la date de votre demande de changement de titulaire le 25/09/2020, crdt. »

Au vu de l'ensemble de ces éléments, le jugement qui a prononcé la résolution de la vente sera confirmé.

En revanche, il sera infirmé quant au montant du prix de vente à restituer à M. [W], l'acompte d'un montant de 2 900 euros versé par chèque le 1er mars 2020 préalablement à la vente n'étant pas contesté par les appelants de sorte le montant du prix de vente à restituer s'établit à la somme de 26 900 euros.

II - Sur la mise hors de cause de M. [V] [B]

En l'absence d'élément nouveau, c'est par une motivation pertinente que la cour adopte expressément que le premier juge a rejeté la demande de mise hors de cause de M. [V] [B] lequel a été le bénéficiaire du chèque de banque d'un montant de 24 000 euros remis en règlement du prix de vente.

III - Sur les demandes indemnitaires de M. [W]

Ce dernier justifie du paiement de la somme trimestrielle de 300 euros à compter de mars 2020 pour la location d'un garage.

Il sera fait droit à sa demande au titre des frais de gardiennage à hauteur de la somme de 3 500 euros et le jugement sera infirmé sur le quantum mais confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de condamnation in solidum de M. [B] qui n'a pas lui-même procédé à la vente.

Il sera également confirmé en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire complémentaire à hauteur de la somme de 3 000 euros, cette demande n'apparaissant ni fondée ni justifiée.

IV -Sur la demande indemnitaire de la société [B] pour procédure abusive

La société [B] qui succombe en ses prétentions tant en première instance qu'en appel est mal fondée à faire valoir l'existence d'une procédure abusive à son encontre de sorte que le jugement qui a rejeté sa demande sera nécessairement confirmé.

V - Sur les mesures accessoires

La société [B] et M. [V] [B] qui échouent en leur appel, sont tenus aux dépens exposés devant la cour.

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel au profit de M. [W] au regard du montant déjà alloué par le premier juge.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné in solidum la société [B] autos et M. [V] [B] à payer à M. [G] [W] la somme de 24 000 euros en remboursement du prix du véhicule et condamné la société [B] autos à payer à M. [G] [W] la somme de 1 200 euros au titre des frais de gardiennage,

L'infirme de ces chefs et statuant à nouveau,

Condamne in solidum la société [B] autos et M. [V] [B] à payer M. [G] [W] la somme de 26 900 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2020,

Condamne la société [B] autos à payer à M. [G] [W] la somme de 3 500 euros au titre des frais de gardiennage,

Y ajoutant,

Condamne in solidum la société [B] autos et M. [V] [W] aux dépens d'appel,

Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile devant la cour.