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Décisions

CA Orléans, ch. civ., 23 janvier 2024, n° 21/00717

ORLÉANS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Colson Properties (Sasu)

Défendeur :

Bizpropulsion (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Collomp

Conseillers :

M. Sousa, Mme Grua

Avocats :

Me Baron, Me Azoulay, Me Laval, Me Beauge-Gibier, Me Desplanques, Me Laloum

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de …

11 février 2021

FAITS ET PROCEDURE :

Le 17 juillet 2020, Mme [W] [N] a mandaté la société Colson Properties pour vendre le château de [6] à [Localité 8] dont elle était propriétaire, pour un prix de 1 060 000 euros.

Le 30 août 2020, Mme [N] a mandaté la société Bizpropulsion aux mêmes fins que la société Colson Properties.

Le 31 août 2020, elle a accepté une proposition d'achat qui lui a été présentée par des candidats acquéreurs, M. et Mme [P], présentés par la société Bizpropulsion.

Le 10 septembre 2020, M. [U], présenté par la société Colson Properties, a proposé d'acheter le château et ses dépendances au prix de 1 060 000 euros, à certaines conditions. Mme [N] a signé cette proposition.

Le 18 septembre 2020, Mme [N] a informé téléphoniquement la société Colson Properties de son intention de ne pas y donner suite.

Le 19 septembre 2020, Mme [N] a signé un compromis de vente au profit de la SAFER du Centre, intermédiaire des époux [P].

Par mail du 1er octobre 2020, le notaire de Mme [N], Me Bruel, a indiqué à la négociatrice de la société Colson Properties que Mme [N] ne souhaitait pas le mandater pour régulariser l'acte de vente au profit de M. [U].

Par acte d'huissier en date du 14 décembre 2020, la société Colson Properties et M. [U] ont fait assigner Mme [N] à jour fixe aux fins de voir déclaré la vente parfaite et en réparation de leur préjudice.

Le 14 janvier 2021 a été régularisé l'acte authentique de vente par Mme [N] au profit de la SAFER du Centre.

Par jugement en date du 11 février 2021, le tribunal judiciaire de Tours a :

- constaté l'intervention volontaire à la procédure de la société Bizpropulsion et la déclaré recevable,

- rejeté les demandes de la société Colson Properties visant à voir déclarer parfaite la vente entre Mme [N] et M. [U], à voir dire que la décision à intervenir vaudra vente, et qu'elle sera publiée au service de la publicité foncière,

- dit et jugé que les pourparlers qui s'étaient engagés entre Mme [N] et M. [U] ont été abusivement rompus par Mme [N] qui engage sa responsabilité à l'égard de M. [U] et la société Colson Properties,

- condamné en conséquence Mme [N] à verser à M. [U] une somme de 3.000 euros en réparation de son préjudice résultant de la rupture abusive des pourparlers,

- condamné Mme [N] à verser à la société Colson Properties une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice, en application des dispositions du mandat,

- condamné Mme [N] aux dépens de la présente instance,

- condamné Mme [N] à verser à M. [U] et à la société Colson Properties une indemnité globale de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au présent jugement,

- rappelé que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de droit.

Par déclaration en date du 7 mars 2021, la société Colson Properties et M. [U] ont relevé appel de l'intégralité des chefs de ce jugement sauf en ce qu'il a condamné Mme [W] [N] aux dépens de la présente instance et l'a condamnée à verser à M. [Y] [U] et à la société Colson Properties une indemnité globale de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Les parties ont constitué avocat et ont conclu.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 18 mars 2022, la société Colson Properties et M. [U] demandent à la cour de :

- recevoir M. [U] et la société Colson Properties en l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

Y faisant droit,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Tours en ce qu'il a constaté l'intervention volontaire à la procédure de la société Bizpropulsion et la déclaré recevable, rejeté les demandes de la société Colson Properties visant à voir déclarer parfaite la vente entre Mme [N] et M. [U], à voir dire que la décision à intervenir vaudra vente, et qu'elle sera publiée au service de la publicité foncière, dit et jugé que les pourparlers qui s'étaient engagés entre Mme [N] et M. [U] ont été abusivement rompus par Mme [N] qui engage sa responsabilité à l'égard de M. [U] et la société Colson Properties, condamné en conséquence Mme [N] à verser à M. [U] une somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice résultant de la rupture abusive des pourparlers, condamné Mme [N] à verser à la société Colson Properties une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice, en application des dispositions du mandat, débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au présent jugement.

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

- débouter Mme [N] et la société Bizpropulsion de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions.

- dire que Mme [N] a engagé son entière responsabilité par son comportement fautif constitutif d'un préjudice direct tant à M. [U] qu'à la société Colson Properties.

- condamner, en conséquence, Mme [N] à payer à M. [U] à titre de dommages et intérêts sur le fondement de la réticence abusive, la mauvaise foi, le dol et plus généralement la faute commise par Mme [N], la somme de 100 000 euros.

- condamner Mme [N] à payer à M. [U] la somme de 650 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2020, date du paiement, au titre des frais exposés pour faire réaliser le diagnostic termites.

- condamner Mme [N] à payer à la société Colson Properties la somme de 63.600 euros en application de l'article 8 du mandat de recherche d'acquéreurs avec intérêts au taux légal à compter de la date de mise en demeure, soit le 6 novembre 2020 outre la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de la réticence abusive, la mauvaise foi, le dol et plus généralement la faute commise par Mme [N].

A titre subsidiaire,

- condamner Mme [N] à payer à M. [U] la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts.

- condamner Mme [N] à payer à M. [U] la somme de 650 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2020, date du paiement, au titre des frais exposés pour faire réaliser le diagnostic termites.

- condamner Mme [N] à payer à la société Colson Properties la somme de 63.600 euros en application de l'article 8 du mandat de recherche d'acquéreurs avec intérêts au taux légal à compter de la date de mise en demeure, soit le 6 novembre 2020 outre la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de la réticence abusive, la mauvaise foi, le dol et plus généralement la faute commise par Mme [N].

En tout état de cause,

- condamner Mme [N] à payer à M. [U] et à la société Colson Properties, la somme de 5 000 euros à chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner Mme [N] aux entiers dépens.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 20 juillet 2021, Mme [N] demande à la cour de :

- dire et juger la société Colson Properties mal fondée en leur appel à l'encontre d'un jugement rendu le 11 février 2021 par le tribunal judiciaire de Tours.

- l'en débouter ainsi que de toutes ses demandes fins et conclusions.

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Tours rendu le 11 février 2021 en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Colson Properties et de M. [U] visant à voir déclarer parfaite la vente entre Mme [N] et M. [U], à voire dire que la décision à intervenir vaudra vente, et qu'elle sera publiée au service de la publicité foncière

En revanche,

- dire et juger Mme [N] recevable et bien fondée en son appel incident.

Y faisant droit,

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Tours rendu le 11 février 2021 en ce qu'il a dit que les pourparlers qui s'étaient engagés entre Mme [N] et M. [U] ont été abusivement rompus par Mme [N] qui engage sa responsabilité à l'égard de M. [U] et de la société Colson Properties et condamné en conséquences Mme [N] à verser à M. [U] la somme de 3 000 euros et à la société Colson Properties la somme de 5 000 euros en application des dispositions du mandat,

- infirmer le jugement du Tribunal Judiciaire de Tours rendu le 11 février 2021 en ce qu'il a condamné Mme [N] à verser à M. [U] et la société Colson Properties la somme globale de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les dépens,

Et, statuant à nouveau :

- dire et juger qu'aucune vente n'est intervenue entre Mme [N] et M. [U],

- dire et juger que Mme [N] n'a commis aucune faute dans la rupture des pourparlers institués entre M. [U],

- dire et juger que la société Colson Properties a manqué à ses obligations de conseil et d'information de nature à exonérer Mme [N] de toute responsabilité,

- constater le caractère abusif de la clause contenue à l'article 5 du mandat de la société Colson Properties au titre de l'indemnité,

En conséquence :

- débouter M. [U] et la société Colson Properties de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

Subsidiairement,

- réduire à 1 euro symbolique toute indemnisation mise à la charge de Mme [N] au bénéfice de M. [U] et la société Colson Properties

En tout état de cause :

- condamner M. [U] et la société Colson Properties à verser à Mme [N] la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 1er juin 2021, la société Bizpropulsion demande à la cour de :

- déclarer irrecevable ou en tout cas mal fondés M. [U] et la société Colson Properties en l'ensemble de leurs demandes et prétentions et les en débouter.

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

- condamner in solidum M. [U] et la société Colson Properties d'avoir à verser à la société Bizpropulsion une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 octobre 2023.

Motivation

MOTIFS

1 - Sur la responsabilité contractuelle de Mme [N] à l'égard de M. [U]

Moyens des parties

M. [U] sollicite à titre principal la condamnation de Mme [N] à lui payer une somme de 100 000 euros sur le fondement de la responsabilité contractuelle, en raison de la rupture abusive, donc fautive, du contrat de vente. Il soutient que contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, Mme [N] et lui-même étaient contractuellement liés. Il fait valoir que Mme [N] est à l'origine d'une rupture abusive de la relation contractuelle, que cette rupture unilatérale et fautive de ce contrat, ses mensonges et manipulations engagent sa responsabilité contractuelle et l'expose à réparer le préjudice en résultant.

Mme [N] soutient que le tribunal judiciaire de Tours a valablement constaté que la proposition d'achat formulée par M. [U] ne constituait pas une offre d'achat au sens de l'article 1113 du code civil mais une simple invitation à entrer en négociations, invitation qu'elle a acceptée en signant ce document. Elle souligne en effet que cette proposition ne porte pas de mentions précises de l'objet de la vente, et notamment l'indication du cadastre et de la superficie du terrain vendue, ne mentionne pas l'identité de la personne physique ou morale qui entend se porter acquéreur, que le terme choisi 'proposant' et non 'offrant' montre qu'il ne s'agit pas d'une offre d'achat et qu'il est en outre expressément stipulé que 'la présente proposition n'immobilisant pas le bien, il convient de fixer une date de signature de l'avant-contrat proche dans le temps' ce qui démontre que ce document n'entraîne pas de conséquence juridique. En outre, les conditions suspensives portant sur l'obtention d'un prêt n'ont pas été réalisées, pas plus que celle relative à l'acquisition de deux autres parcelles, qui supposait purgé le droit de préemption du fermier.

Réponse de la cour

En application de l'article 1113 du code civil :

'Le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s'engager.

Cette volonté peut résulter d'une déclaration ou d'un comportement non équivoque de son auteur'.

Suivant l'article'1114 du Code civil : 'L'offre, faite à personne déterminée ou indéterminée, comprend les éléments essentiels du contrat envisagé et exprime la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation. À défaut, il y a seulement invitation à entrer en négociation'.

Le contrat est conclu dès que l'acceptation parvient à l'offrant (article 1121 du code civil).

M. [U] soutient que les parties étaient contractuellement liées par l'acceptation par Mme [N] de son offre le 10 septembre 2020, de sorte que sa responsabilité contractuelle est engagée puisqu'elle a rompu unilatéralement et de façon fautive ce contrat et qu'il ne peut plus en demander l'exécution forcée, la vente étant intervenue au profit d'un tiers.

Toutefois, M. [U] soutient à tort que le contrat de vente s'est trouvé formé par la rencontre des volontés résultant de l'acceptation de son offre par Mme [N], apposée en bas de son offre.

En effet,d'une part l'offre de vente doit être suffisamment précise et comporter les éléments essentiels du contrat envisagé, ce qui ne peut être le cas, s'agissant d'une vente immobilière, d'un document qui se contente de la mention 'Chateau de [6] et ses dépendances', sans mentionner aucunement les 14 hectares de terre qui étaient compris dans le périmètre de la vente, de sorte que la détermination du bien objet de la vente est trop imprécise pour lier les parties en cas d'acceptation, faute de pouvoir déterminer l'objet précis du contrat.

De seconde part, la proposition d'achat a été faite avec réserves puisque M. [U] a subordonné sa proposition d'achat aux trois conditions suivantes : 'obtention d'un prêt ; les diagnostics termites pris à notre charge ne devront pas faire état de risques pour la structure du chateau ; acquisition des parcelles OOOZT22 et OOOZT26 (La Bicetterie)'.

Or Mme [N] a indiqué : 'Bon pour acceptation pour le prix de 1 060 000 euros', sans aucune acceptation expresse des conditions auxquelles M. [U] a subordonné son offre, s'agissant notamment de la possibilité d'acquérir deux autres parcelles de terre lui appartenant et qui étaient données à bail.

Il est d'ailleurs établi par les échanges de courriels versés aux débats avec la société Colson Properties que ne lui a pas même été remis, lors de la signature de ce document, un exemplaire de celui-ci, comportant la mention des réserves.

Enfin, il convient de relever que la proposition d'achat comporte la mention suivante ' La présente proposition n'entraînant pas l'immobilisation du bien il convient de fixer une date de signature de l'avant-contrat proche dans le temps'.

La renconte des volontés suffisant en principe à immobiliser le bien puisque le vendeur, une fois engagé, ne peut plus en disposer, il résulte de cette mention que les parties ont entendu subordonner la vente à la rédaction d'un avant-contrat.

Il en résulte que l'acceptation par Mme [N], d'une proposition d'achat pour le prix de 1 060 000 euros, qui était imprécise, ne constituait pas un contrat de vente parfait mais relevait de pourparlers contractuels.

En conséquence, les parties n'étant pas liées par un contrat, la responsabilité contractuelle de Mme [N] n'est pas engagée à l'égard de M. [U] pour rupture abusive d'un contrat.

2 - Sur la responsabilité délictuelle de Mme [N] à l'égard de M. [U]

Moyens des parties

M. [U] souligne qu'à supposer que la cour considère que les parties étaient simplement entrées en phase de pourparlers, Mme [N] a alors rompu abusivement ces pourparlers, ce qui justifie l'allocation de dommages et intérêts d'un montant supérieur à la somme de 3000 euros allouée par le tribunal. Il fait valoir en effet que ce n'est que le 14 janvier 2021 que son espoir de voir se concrétiser la vente s'est éteint, date à laquelle l'acte authentique de vente au profit d'un tiers a été signé. Il souligne que s'il avait su dès l'origine que Mme [N] s'était engagée par ailleurs, il aurait mobilisé son temps et son énergie à la recherche d'autres biens correspondant à ses attentes, et qu'il est fondé à solliciter des dommages et inérêts d'un montant de 15 000 euros correspondant à 15% du prix de vente, outre le paiement d'une somme de 650 euros correspondant au remboursement des frais exposés pour la réalisation du diagnostic termites.

Mme [N] s'oppose à ces demandes. Elle souligne qu'elle était tout-à-fait libre de rompre les négociation en cours avec M. [U]. Elle rappelle que la rupture des pourparlers ne peut donner lieu à versement de dommages et intérêts que lorsque la rupture est fautive, abusive, mais qu'en l'espèce, elle n'a été ni brutale, ni tardive. Elle fait valoir qu'elle a fait avertir M. [U] de la rupture de leurs négociations le 18 septembre 2020, soit 7 jours après que la proposition lui a été présentée et 3 jours après la réception d'une copie du document, et qu'en tout état de cause, en considération des conditions qu'il avait posées, il ne pouvait considérer la vente comme certaine. Si M. [U] estime qu'il a perdu du temps, c'est parce qu'il n'a pas accepté sa décision et qu'il a entendu la lui faire payer.

Réponse de la cour

En application de l'article 1112 du code civil :

'L'initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi.

En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser ni la perte des avantages attendus du contrat non conclu, ni la perte de chance d'obtenir ces avantages'.

En l'espèce, les parties sont entrées en pourparlers puisque Mme [N] a signé la proposition d'achat faite par M. [U].

La société Colson properties précise qu'elle a signé cette proposition d'achat le 11 septembre 2020.

Or elle avait préalablement, le 31 août 2020, déjà accepté une offre d'achat, émise par M. et Mme [P].

Elle n'ignorait donc pas, lorsqu'elle a signé le 11 septembre 2020 la proposition de M. [U], qu'elle avait déjà accepté une autre proposition.

Elle ne démontre nullement qu'elle n'a pas compris la portée du document qu'elle signait, dont les termes étaient clairs en ce qu'ils portaient sur une proposition d'achat du château et de ses dépendances à un prix supérieur.

Elle a d'ailleurs, dans un mail du 12 septembre 2020 à 0h05, adressé au représentant de la société Colson Properties, indiqué : 'J'ai été très contente d'apprendre la bonne nouvelle ce soir. Est-ce que vous pourriez m'envoyer par mail la proposition d'achat ainsi que le nom de la société financière (...)'. Elle avait donc compris qu'elle avait signé une proposition d'achat. Elle a, à cette même date, demandé à quelle date viendrait l'expert pour les termites. Il en résulte qu'elle avait compris les termes du document qu'elle avait signé et qu'elle n'a nullement informé ni le candidat acquéreur, ni l'agent immobilier, du fait qu'elle avait déjà accepté une proposition d'achat quelques jours plus tôt.

Elle ne démonte pas davantage leur avoir fait part clairement de la situation lorsqu'elle a reçu, le 15 septembre 2020, copie du document qu'elle avait signé, laissant au contraire M. [U] diligenter un diagnostic termites le 17 septembre suivant.

Dans ces conditions, il ne saurait être retenu qu'elle a satisfait aux exigences de la bonne foi prévues par l'article 1112 du code civil dans le déroulement des négociations précontractuelles et dans leur rupture. Mme [N] a en effet commis une faute dans la conduite des négociations contractuelles puisqu'elle a contresigné la proposition de M. [U] sans lui faire savoir qu'elle avait accepté quelques jours plus tôt la proposition d'achat du même bien au profit d'un tiers et qu'elle n'a informé la négociatrice que le 18 septembre 2020 de ce qu'elle de ce qu'elle n'envisageait plus de lui vendre son bien, après l'avoir néanmoins laissé dilgenter et financer un diagnostic termites destiné à vérifier que le chateau n'était pas infesté.

Elle doit donc réparer le préjudice qui en est résulté pour M. [U] consistant notamment dans l'espoir déçu de voir concrétiser cette vente.

Toutefois, d'une part, cet espoir déçu doit être mesuré à l'aune du fait que la réalisation de la vente ne revêtait aucun caractère certain, en considération des conditions imposées par M. [U] lui-même, tenant notamment à l'obtention d'un prêt de 800 000 euros et à l'acquisition de deux autres parcelles de terre, qui étaient données à bail rural et dont la vente à M. [U] était donc subordonnée à la purge préalable du droit de préemption du fermier. M. [U] n'a donc pas pu se projeter de façon certaine dans ce projet.

Il doit également être mesuré à l'aune du fait que le candidat acquéreur a su relativement rapidement que Mme [N] ne souhaitait plus lui vendre son bien. En effet, il résulte des pièces produites que M. [U] et la société Colson Properties ont été rapidement informée des difficultés tenant à la régularisation de la vente puisque, alors que Mme [N] avait contre-signé sa proposition le 11 septembre, elle a, dès le 18 septembre 2020, a infomé la société Colson Properties de son intention de renoncer à la vente. Un mail de M. [U] adressé au diagnostiqueur le 21 septembre 2020 montre qu'il savait qu'il y avait une difficulté. La société Colson Properties a par ailleurs été informée par un échange avec son notaire que Mme [N] avait signé une offre avec d'autres acquéreurs. Le mail du notaire en date du 1er octobre 2020, informant la société Colson Properties de ce que Mme [N] n'entendait pas le mandater pour régulariser la vente au profit de M. [U], ne laissait aucun doute quant au fait que Mme [N] n'entendait pas donner suite à cette proposition et que les négociations étaient rompues. Aucun avant-contrat n'a au demeurant été signé par les parties.

Si M. [U] a persisté dans son souhait de voir se concrétiser la vente et a agi en justice aux fins de voir déclarer la vente à son profit parfaite, Mme [N] ne saurait en être tenue pour responsable puisqu'elle avait fait connaître clairement sa décision de ne pas doner suite à sa proposition et de rompre les pourparlers.

En considération de ces éléments, la somme de 3000 euros allouée par le premier juge à M. [U] répare suffisamment le préjudice qui est résulté pour lui de la fautive rupture des pourparlers par Mme [N].

M. [U] sollicite également le paiement d'une somme de 650 euros correspondant au montant de la facture de la société CABEX IMMOBILIER qui a réalisé un état parasitaire/ termite du chateau de [6]. Il est constant que M. [U] a, en considération de la condition tenant à l'absence de termites, fait diligenter, avec l'accord de Mme [N] ainsi qu'il résulte des échanges de mail produits, ce diagnostic afin de vérifier l'absence de termites. Cette dépense est donc la conséquence des pourparlers engagés entre les parties.

Toutefois, la facture de cette société CABEX IMMOBILIER, d'un montant de 650 euros, est adressée à la société COLORS, personne morale distincte de M. [U] et celui-ci ne justifie pas qu'il a lui-même réglé cette dépense et qu'il en est résulté pour lui, demandeur à l'indemnisation, un préjudice personnel.

Il sera donc débouté de sa demande à ce titre.

3 - Sur la responsabilité contractuelle de Mme [N] à l'égard de la société COLSON PROPERTIES

Moyens des parties

La société Colson Properties sollicite le paiement d'une somme de 63 600 euros en application de l'article 8 du mandat de recherche. Elle fait valoir que Mme [N] s'était notamment engagée, au terme du mandat qu'elle lui a confié le 17 juillet 2020, à signaler toute modification juridique ou matérielle de nature à avoir une incidence sur l'opération objet du mandat liant les parties, que loin de lui signaler qu'elle avait accepté une autre offre d'achat, elle lui a menti et qu'elle est donc redevable, par application de l'article 8 du mandat de recherche, d'une indemnité forfaitaire d'un montant égal à celui de la rémunération toutes taxes comprises. Elle sollicite également la condamnation de Mme [N] à lui verser une somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de la mauvaise foi, du dol, de la réticence dolosive et plus généralement de son attitude volontairement fautive.

Mme [N] sollicite le rejet des demandes d'indemnisation de la société Colson Properties. Elle fait valoir :

- que la commission des clauses abusives retient que de telles clauses sont abusives dès lors qu'elles ne font pas référence à l'article 1152 du code civil, qui dispose qu'elles peuvent être modérées. Or l'article 5 du mandat de recherche ne fait pas référence à ce texte, de sorte qu'elle doit être réputée non écrite et à tout le moins lui être déclarée inopposable.

- que les circonstances qui entourent la signature obtenue de Mme [N] révèlent a minima un défaut de conseil et d'information puisqu'il lui a été indiqué par l'agent immobilier que la signature de l'offre d'achat ne l'engageait à rien.

- que le non-repect par Mme [N] du formalisme exigé par les clauses 5.1 et 5.2 du mandat conclu avec la société Colson Properties n'est que la résultante d'une faute de cette dernière qui était débitrice d'une obligation d'information et de conseil à son égard, qu'elle n'a pas mise en oeuvre.

Réponse de la cour

Mme [N] a signé le 17 juillet 2020 avec la société Colson Properties un mandat de recherches.

En application de celui-ci, dont elle était tenue de respecter les termes, elle s'obligeait notamment, au terme de son article 5.1, à 'signaler immédiatement au conseil immobilier toute modification juridique ou matérielle pouvant avoir une incidence sur l'opération objet du présent mandat' et au terme de l'article 5.2 'en cas de vente sans intervention du conseil immobilier, à un acquéreur non présenté par le conseil immobilier, à l'en informer sans délai par lettre recommandée avec accusé de réception, en lui précisant le nom de l'acquéreur et du notaire chargé d'authentifier la vente'.

Mme [N], loin de signaler à la société Colson Properties le fait qu'elle avait accepté une offre d'achat le 31 août 2020, modification juridique pouvant avoir une incidence sur son mandat puisqu'elle avait ce faisant accepté de vendre le bien à un acquéreur non présenté par l'agence, l'a au contraire tenue dans l'ignorance de cette acceptation au point de la laisser faire visiter le bien à M. [U] et de contresigner la proposition d'achat présentée par ce candidat acquéeur le 10 septembre.

Elle ne saurait se retrancher derrière le défaut d'information et de conseils de la société Colson Propoerties alors que la société Colson Properties ignorait, à cette date, qu'elle avait signé une offre avec un tiers. Il incombait précisément à Mme [N] de l'en informer, à tout le moins avant de la laisser effectuer des démarches avec un autre candidat acquéreur, et notamment de la laisser faire visiter le bien et présenter une offre, quand bien même elle aurait été, comme elle le soutient, mal informée sur la portée de la signature de la proposition de M. [U]. Il n'est en outre pas démontré que la société Colson Properties a manqué à ses obligations d'information et de conseil, alors que le document contre-signé par Mme [N] était rédigé en termes clairs et que les échanges de messages au cours des jours suivants démontrent qu'elle avait bien compris qu'elle avait contresigné la proposition d'un candidat acquéreur puisqu'elle se dit 'contente d'apprendre la bonne nouvelle', sollicite l'envoi de la proposition d'achat et le nom de l'acheteur ainsi que de ses sociétés au Luxembourg.

Mme [N] a donc manqué aux obligations de ce contrat en n'informant pas la société Colson Properties du fait qu'elle avait déjà accepté une offre, et ne saurait en imputer la faute à l'agence Colson Properties.

La sanction contractuellement prévue est la suivante :

'En cas de non-respect des obligations visées dans les stipulations expresses ci-dessus, le conseil immobilier aura droit à une indemnité forfaitaire, à titre de clause pénale, à la charge du vendeur, d'un montant égal à celui de la rémunération toutes taxes comprises du conseil immobilier prévue à l'article 8 du présent mandat.

Dans l'hypohtèse où, suite à la signature d'un avant-contrat avec un acquéreur présenté par le conseil immobilier et malgré la réalisation des conditions suspensives, la vente ne serait pas conclue par le fait ou l'inaction du vendeur, le vendeur devra au conseil immobilier, à titre d'indemnité forfaitair, les montants des honoraires mentionnés à l'article 8 du présent mandat'.

Cette clause est claire, lisible, sans ambiguïté et a une contrepartie parfaitement définie, de sorte qu'elle ne revêt aucun caractère abusif quand bien même elle ne précise pas que la pénalité prévue peut être modérée par le juge en application des dispositions de l'article 1231-5 du code civil. Elle est donc parfaitement valable.

L'article 8 stipule que :

'En cas de réalisation de la vente avec un acquéreur présenté par le conseil immobilier ou dirigé vers lui, ce dernier aura droit à une rémunération fixée à 5% HT du prix de vente, soit au taux de TVA en vigueur au jour des présentes 6% toutes taxes comprises'.

En application de ce texte, la société Colson Properties sollicite le paiement d'une indemnité égale à 5% du prix de la vente prévue avec M. [U], soit 63 600 euros.

Toutefois, en application de l'article 1231-5 du code civil :

'Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d'office, à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'alinéa précédent.

Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.

Sauf inexécution définitive, la pénalité n'est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure'.

En l'espèce, la somme de 63 600 euros réclamée est manifestement excessive en considération des diligences réalisées par la société Colson Properties en vue de la réalisation de la vente au profit de M. [U], dans la mesure où elle a su rapidement que Mme [N] n'entendait pas donner suite à la proposition de M. [U]. Elle a publié des annonces, fait visiter le bien à M. [U] à deux reprises, lui a fait signer une proposition d'achat qu'elle a ensuite soumise à Mme [N]. Elle a ensuite pris attache avec le notaire pour tenter d'éclaircir la situation après que Mme [N] l'ait informée par téléphone de sa volonté de ne pas poursuivre, lequel notaire lui a, dès le 1er octobre 2020, indiqué qu'il n'était pas mandaté pour régulariser des actes de vente.

En considération de ces éléments, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a réduit le montant de la clause pénale et l'a fixée à la somme de 5000 euros, outre les intérêts à compter du 14 décembre 2020, date de l'assignation de Mme [N] devant le tribunal judiciaire de Tours, le courrier adressé à Mme [N] le 6 novembre 2020 la mettant en demeure de signer une promesse de vente, mais ne comportant de mise en demeure de payer cette indemnité.

La société COLSON PROPERTIES sollicite également une somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de la mauvaise foi, du dol, de la réticence dolosive et plus généralement de son attitude volontairement fautive mais ne justifie pas du préjudice qu'elle souhaite voir indemniser à ce titre. Sa demande sera rejetée.

Sur la demande de la société BIZPROPULSION pour procédure abusive

Moyens des parties

La société Bizpropulsion sollicite la condamnation de M. [U] et de la société Colson Properties à lui verser une somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif. Elle relève que dans la mesure où désormais, il n'est plus sollicité par les appelants l'existence d'une vente parfaite

avec Mme [N], elle n'avait aucune raison d'être intimée à la procédure d'appel de sorte que cet appel doit être regardé comme étant à son égard abusif.

M. [U] et la société Colson Properties sollicitent le rejet des demandes de la société Bizpropulsion.

Réponse de la cour

Il n'est pas établi que le fait pour les appelants d'avoir intimé la société Bizpropulsion sans faire aucune demande à son égard lui ait causé d'autre préjudice que celui d'avoir dû engager des frais d'avocat pour assurer sa défense, frais pour lesquels lui sera allouée une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Bizpropulsion sera en conséquence déboutée de sa demande à ce titre.

Sur les demandes accessoires

M. [U] et la société Colson Properties, qui succombent en leur appel, seront tenus in solidum aux dépens de la procédure d'appel

Au regard des circonstances de la cause, il convient de les condamner à payer à la société Bizpropulsion une somme de 1200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Les autres demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées, en ce compris celle de Mme [N].

Dispositif

PAR CES MOTIFS

Statuant par mise à disposition au greffe, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME en ses dispositions critiquées le jugement entrepris ;

Y ajoutant :

REJETTE la demande de M. [U] en paiement d'une somme de 650 euros correspondant au coût du diagnostic termites ;

REJETTE la demande de Mme [N] tendant à voir constater le caractère abusif de la clause contenue à l'article 5 du mandat de l'agence Colson Properties ;

DIT que la condamnation de Mme [W] [N] à verser à la société Colson Properties une somme de 5000 euros sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 décembre 2020 ;

REJETTE la demande de la société Bizpropulsion en dommages et intérêts pour procédure abusive ;

CONDAMNE in solidum M. [U] et la société Colson Properties à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, une somme de 1200 euros à la société Bizpropulsion et rejette les autres demandes à ce titre ;

CONDAMNE in solidum M. [U] et la société Colson Properties aux dépens d'appel.