CJUE, 1re ch., 8 février 2024, n° C-566/22
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Inkreal s.r.o.
Défendeur :
Dúha reality s.r.o.
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Arabadjiev
Juges :
M. von Danwitz, M. Xuereb, M. Kumin (rapporteur), Mme Ziemele
Avocat général :
M. de la Tour
Avocat :
Me Mráz
LA COUR (première chambre),
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 25, paragraphe 1, du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2012, L 351, p. 1).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Inkreal s.r.o. à Dúha reality s.r.o. au sujet de la désignation de la juridiction territorialement compétente pour connaître d’une demande de paiement introduite sur le fondement de la reprise à titre subrogatoire, par Inkreal, de deux créances détenues par FD à l’égard de Dúha reality.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Aux termes des considérants 3, 15, 19, 21, 22 et 26 du règlement no 1215/2012 :
« (3) L’Union [européenne] s’est donné pour objectif de maintenir et de développer un espace de liberté, de sécurité et de justice, entre autres en facilitant l’accès à la justice, notamment par le principe de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires et extrajudiciaires en matière civile. En vue de l’établissement progressif de cet espace, l’Union doit adopter des mesures relevant du domaine de la coopération judiciaire dans les matières civiles ayant une incidence transfrontière, notamment lorsque cela est nécessaire au bon fonctionnement du marché intérieur.
[...]
(15) Les règles de compétence devraient présenter un haut degré de prévisibilité et s’articuler autour de la compétence de principe du domicile du défendeur. Cette compétence devrait toujours être disponible, sauf dans quelques cas bien déterminés où la matière en litige ou l’autonomie des parties justifie un autre critère de rattachement. [...]
[...]
(19) L’autonomie des parties à un contrat autre qu’un contrat d’assurance, de consommation et de travail pour lequel n’est prévue qu’une autonomie limitée quant à la détermination de la juridiction compétente devrait être respectée sous réserve des fors de compétence exclusifs prévus dans le présent règlement.
[...]
(21) Le fonctionnement harmonieux de la justice commande de réduire au minimum la possibilité de procédures concurrentes et d’éviter que des décisions inconciliables ne soient rendues dans différents États membres. Il importe de prévoir un mécanisme clair et efficace pour résoudre les cas de litispendance et de connexité et pour parer aux problèmes résultant des divergences nationales quant à la date à laquelle une affaire est considérée comme pendante. [...]
(22) Cependant, pour renforcer l’efficacité des accords exclusifs d’élection de for et éviter les manœuvres judiciaires, il est nécessaire de prévoir une exception à la règle générale de la litispendance de manière à traiter de manière satisfaisante une situation particulière pouvant donner lieu à des procédures concurrentes. Une telle situation voit le jour lorsqu’une juridiction non désignée dans un accord exclusif d’élection de for a été saisie d’une procédure et que la juridiction désignée est saisie en second lieu d’une procédure ayant le même objet et la même cause entre les mêmes parties. [...]
[...]
(26) La confiance réciproque dans l’administration de la justice au sein de l’Union justifie le principe selon lequel les décisions rendues dans un État membre devraient être reconnues dans tous les États membres sans qu’une procédure spéciale ne soit nécessaire. En outre, la volonté de réduire la durée et les coûts des litiges transfrontières justifie la suppression de la déclaration constatant la force exécutoire préalable à l’exécution dans l’État membre requis. En conséquence, toute décision rendue par les juridictions d’un État membre devrait être traitée comme si elle avait été rendue dans l’État membre requis. »
4 L’article 25, paragraphe 1, de ce règlement dispose :
« Si les parties, sans considération de leur domicile, sont convenues d’une juridiction ou de juridictions d’un État membre pour connaître des différends nés ou à naître à l’occasion d’un rapport de droit déterminé, ces juridictions sont compétentes, sauf si la validité de la convention attributive de juridiction est entachée de nullité quant au fond selon le droit de cet État membre. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties. La convention attributive de juridiction est conclue :
a) par écrit ou verbalement avec confirmation écrite ;
b) sous une forme qui soit conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles ; ou
c) dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties ont connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée. »
Le droit tchèque
5 L’article 11, paragraphe 3, du zákon č. 99/1963 Sb., občanský soudní řád (loi no 99/1963 portant code de procédure civile, ci-après le « code de procédure civile ») est ainsi libellé :
« Dans le cas d’une affaire relevant de la compétence des juridictions tchèques et lorsque les conditions d’une compétence territoriale font défaut ou ne peuvent pas être déterminées, le Nejvyšší soud [Cour suprême, République tchèque] désigne la juridiction qui examinera et tranchera l’affaire. »
Le litige au principal et la question préjudicielle
6 FD, résidant en Slovaquie, et Dúha reality, société de droit slovaque établie en Slovaquie, agissant l’un en qualité de préteur et l’autre en qualité d’emprunteuse, ont conclu deux contrats de prêt d’argent, respectivement, les 29 juin 2016 et 11 mars 2017.
7 Chacun de ces deux contrats comprend une convention attributive de juridiction au contenu identique selon laquelle, en cas de survenance d’un litige qui ne peut être résolu par négociation, celui-ci « sera réglé dans le cadre d’une procédure devant la juridiction tchèque matériellement et territorialement compétente ».
8 Par une convention de cession de créances du 8 décembre 2021, FD a cédé les créances issues des deux contrats de prêt d’argent, d’un montant total de 153 740 euros, à Inkreal, société de droit slovaque établie en Slovaquie.
9 Dúha reality n’ayant pas remboursé les prêts d’argent, Inkreal a, le 30 décembre 2021, saisi le Nejvyšší soud (Cour suprême), qui est la juridiction de renvoi, d’une demande visant à obtenir, d’une part, le paiement des créances dues par Dúha reality et, d’autre part, la désignation de la juridiction tchèque territorialement compétente pour statuer au fond en vertu de l’article 11, paragraphe 3, du code de procédure civile, sur la base de la convention attributive de juridiction contenue dans les deux contrats de prêt d’argent.
10 Inkreal soutient qu’il s’agit d’une convention attributive de juridiction valide, conforme aux prescriptions de l’article 25, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012, et qu’il n’existe d’ailleurs pas d’autre compétence, spéciale ou exclusive, d’une juridiction en vertu de ce règlement.
11 À cet égard, la juridiction de renvoi précise que, selon la jurisprudence de la Cour, l’applicabilité du règlement no 1215/2012 est subordonnée à l’existence d’un élément d’extranéité. La juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir si ce règlement est applicable à la situation en cause au principal, où l’élément d’extranéité se limite à une convention attributive de juridiction visant les juridictions d’un État membre autre que celui où sont établies les parties contractantes. Tant la doctrine que la jurisprudence nationale des États membres auraient retenu des solutions divergentes à ce sujet.
12 Selon la juridiction de renvoi, si l’applicabilité du règlement no 1215/2012 pourrait se justifier, notamment, par la nécessité d’une interprétation uniforme de celui-ci et par la volonté, exprimée par le législateur de l’Union, de respecter l’autonomie contractuelle des parties, il n’en reste pas moins qu’une situation telle que celle en cause au principal pourrait se voir qualifiée de purement interne au motif que la simple volonté des parties ne saurait suffire à conférer un caractère international à leur relation contractuelle.
13 Dans ces conditions, le Nejvyšší soud (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« L’application du règlement [no 1215/2012] [peut-elle] être fondée, sous l’angle de l’existence d’un élément d’extranéité, nécessaire à l’applicabilité [de ce] règlement, sur la seule circonstance que les deux parties, résidant dans un même État membre, conviennent de la compétence des juridictions d’un autre État membre de l’Union européenne ? »
Sur la question préjudicielle
14 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 25, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012 doit être interprété en ce sens que relève de cette disposition une convention attributive de juridiction par laquelle les parties à un contrat établies dans un même État membre conviennent de la compétence des juridictions d’un autre État membre pour connaître de litiges nés de ce contrat, même si ledit contrat ne comporte aucun autre lien avec cet autre État membre.
15 Aux fins de répondre à cette question, il convient de rappeler, à titre liminaire, que l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union requiert de tenir compte non seulement de ses termes, mais également du contexte dans lequel elle s’inscrit ainsi que des objectifs et de la finalité que poursuit l’acte dont elle fait partie (arrêt du 22 juin 2023, Pankki S, C 579/21, EU:C:2023:501, point 38 et jurisprudence citée).
16 S’agissant des termes de l’article 25, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012, il ressort de cette disposition, tout d’abord, que si les parties, sans considération de leur domicile, sont convenues d’une juridiction ou de juridictions d’un État membre pour connaître des différends nés ou à naître à l’occasion d’un rapport de droit déterminé, ces juridictions sont compétentes, sauf si la validité de la convention attributive de juridiction est entachée de nullité quant au fond selon le droit de cet État membre. Ensuite, ladite disposition prévoit que cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties. Enfin, cette même disposition précise, à ses points a) à c), la manière dont la convention attributive de juridiction doit être conclue.
17 À cet égard, il y a lieu de constater que le libellé de l’article 25, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012 ne fait pas obstacle à ce qu’une convention attributive de juridiction par laquelle les parties à un contrat établies dans le même État membre conviennent de la compétence des juridictions d’un autre État membre pour connaître de litiges nés de ce contrat relève de cette disposition, même si ledit contrat ne comporte aucun autre lien avec cet autre État membre.
18 En ce qui concerne le contexte dans lequel s’inscrit l’article 25, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012, il est de jurisprudence constante que l’application des règles de compétence de ce règlement requiert l’existence d’un élément d’extranéité (voir, en ce sens, arrêts du 1er mars 2005, Owusu, C 281/02, EU:C:2005:120, point 25, ainsi que du 8 septembre 2022, IRnova, C 399/21, EU:C:2022:648, points 27 et 29).
19 À cet égard, il y a lieu de relever que le règlement no 1215/2012, tout en employant respectivement, à ses considérants 3 et 26, les notions de « matières civiles ayant une incidence transfrontière » et « litiges transfrontières », ne contient aucune définition de l’élément d’extranéité dont l’existence conditionne l’applicabilité de ce règlement (voir, en ce sens, arrêt du 3 juin 2021, Generalno konsulstvo na Republika Bulgaria, C 280/20, EU:C:2021:443, point 30).
20 Or, l’article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, instituant une procédure européenne d’injonction de payer (JO 2006, L 399, p. 1), définit la notion équivalente du « litige transfrontalier » comme étant « un litige dans lequel au moins une des parties a son domicile ou sa résidence habituelle dans un État membre autre que l’État membre de la juridiction saisie » (arrêt du 3 juin 2021, Generalno konsulstvo na Republika Bulgaria, C 280/20, EU:C:2021:443, point 31 et jurisprudence citée).
21 Dans la mesure où ces deux règlements relèvent tous les deux du domaine de la coopération judiciaire dans les matières civiles ayant une incidence transfrontière, il convient d’harmoniser l’interprétation des notions équivalentes auxquelles le législateur de l’Union a eu recours dans ceux-ci (arrêt du 3 juin 2021, Generalno konsulstvo na Republika Bulgaria, C 280/20, EU:C:2021:443, point 32 et jurisprudence citée).
22 Il y a également lieu de relever qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’un élément d’extranéité existe, en outre, lorsque la situation du litige concerné est de nature à soulever des questions relatives à la détermination de la compétence des juridictions dans l’ordre international (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2022, IRnova, C 399/21, EU:C:2022:648, point 28 et jurisprudence citée).
23 En l’occurrence, il convient de constater que, d’une part, le litige au principal répond à la définition de la notion de « litige transfrontalier », telle qu’indiquée au point 20 du présent arrêt, dès lors que les parties à ce litige sont établies dans un État membre autre que l’État membre de la juridiction qui a été saisie sur la base de la convention attributive de juridiction en cause.
24 D’autre part, ainsi que l’ont fait valoir le gouvernement tchèque et la Commission européenne, le litige au principal soulève une question relative à la détermination de la compétence internationale, plus précisément celle de savoir si les juridictions compétentes pour connaître de ce litige sont celles de la République tchèque, ou celles de la République slovaque en tant qu’État membre dans lequel les deux parties contractantes sont établies.
25 Dans ces conditions, une situation juridique telle que celle en cause au principal présente un élément d’extranéité au sens de la jurisprudence rappelée au point 18 du présent arrêt, l’existence d’une convention attributive de juridiction en faveur des juridictions d’un État membre autre que celui dans lequel les parties contractantes sont établies démontrant, en elle-même, l’incidence transfrontière du litige au principal.
26 L’interprétation de l’article 25 du règlement no 1215/2012 doit par ailleurs être effectuée à la lumière des objectifs de respect de l’autonomie des parties et de renforcement de l’efficacité des accords exclusifs d’élection de for, visés aux considérants 15, 19 et 22 de ce règlement.
27 En outre, s’agissant de la finalité du règlement no 1215/2012, la Cour a itérativement jugé que celui-ci vise à unifier les règles de conflit de juridictions en matière civile et commerciale au moyen de règles de compétence qui présentent un haut degré de prévisibilité et poursuit ainsi un objectif de sécurité juridique qui consiste à renforcer la protection juridique des personnes établies dans l’Union européenne, en permettant à la fois au demandeur d’identifier facilement la juridiction qu’il peut saisir et au défendeur de prévoir raisonnablement celle devant laquelle il peut être attrait (arrêt du 14 septembre 2023, EXTÉRIA, C 393/22, EU:C:2023:675, point 26 et jurisprudence citée). Dans ce contexte, l’objectif de sécurité juridique exige que le juge national saisi puisse aisément se prononcer sur sa propre compétence, sans être contraint de procéder à un examen de l’affaire au fond (arrêt du 28 janvier 2015, Kolassa, C 375/13, EU:C:2015:37, point 61 et jurisprudence citée).
28 À cet égard, il y a lieu de relever que l’interprétation de l’article 25, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012, selon laquelle une convention attributive de juridiction telle que celle en cause au principal est couverte par cette disposition, répond à l’objectif de sécurité juridique poursuivi par ce règlement.
29 En effet, d’une part, dans la mesure où des parties à un contrat, établies dans le même État membre, peuvent valablement convenir de la compétence des juridictions d’un autre État membre pour connaître de litiges nés de ce contrat, et ce sans qu’il soit nécessaire que ledit contrat présente des liens supplémentaires avec cet autre État membre, une telle possibilité contribue à assurer que le demandeur connaisse la juridiction qu’il peut saisir, que le défendeur prévoie celle devant laquelle il peut être attrait et que le juge saisi soit en mesure de se prononcer aisément sur sa propre compétence.
30 D’autre part, l’applicabilité de l’article 25, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012 à une convention attributive de juridiction telle que celle en cause au principal réduit la possibilité de procédures concurrentes et évite que des décisions inconciliables ne soient rendues dans différents États membres, ainsi que le commande l’objectif d’un fonctionnement harmonieux de la justice, visé au considérant 21 de ce règlement.
31 En effet, si, en l’occurrence, la juridiction compétente était déterminée non pas selon les dispositions du règlement no 1215/2012, mais selon les règles nationales de droit international privé des États membres concernés, il existerait un risque accru de conflits de compétence préjudiciables à la sécurité juridique, l’application de ces règles nationales étant susceptible de conduire à des solutions divergentes.
32 Il convient d’ajouter que l’objectif de sécurité juridique se trouverait également compromis si, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, l’article 25, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012 n’était applicable qu’à la condition qu’il existe, au-delà de la convention attributive de juridiction en faveur des juridictions d’un autre État membre, des éléments supplémentaires de nature à démontrer l’incidence transfrontière du litige concerné.
33 En effet, dès lors qu’une telle condition implique que le juge saisi devrait vérifier l’existence de tels éléments supplémentaires et en apprécier la pertinence, non seulement se verrait réduite la prévisibilité pour les parties contractantes de la juridiction compétente pour connaître de leur litige, mais l’examen, par le juge saisi, de sa propre compétence serait rendu plus complexe.
34 Or, la Cour a déjà jugé, dans ce contexte, que le choix de la juridiction désignée dans une convention attributive de juridiction ne peut être apprécié qu’au regard de considérations qui se rattachent aux exigences établies à l’article 25 du règlement no 1215/2012, des considérations relatives aux liens entre la juridiction désignée et le rapport litigieux ou au bien-fondé de la convention attributive de juridiction étant étrangères à ces exigences (voir, en ce sens, arrêt du 16 mars 1999, Castelletti, C 159/97, EU:C:1999:142, point 5 du dispositif).
35 Il y a lieu de souligner, par ailleurs, que l’applicabilité de l’article 25, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012 à une convention attributive de juridiction telle que celle en cause au principal reflète la confiance réciproque dans l’administration de la justice au sein de l’Union, visée au considérant 26 de ce règlement, et contribue ainsi à maintenir et à développer un espace de liberté, de sécurité et de justice, entre autres en facilitant l’accès à la justice, au sens du considérant 3 dudit règlement.
36 Enfin, la règle énoncée à l’article 1er, paragraphe 2, de la convention de La Haye, du 30 juin 2005, sur les accords d’élection de for, convention figurant à l’annexe I de la décision 2009/397/CE du Conseil, du 26 février 2009, relative à la signature, au nom de la Communauté européenne, de la convention sur les accords d’élection de for (JO 2009, L 133, p. 1), et approuvée par la décision 2014/887/UE du Conseil, du 4 décembre 2014 (JO 2014, L 353, p. 5), ne vient pas infirmer cette interprétation. En vertu de cette disposition, « une situation est internationale sauf si les parties résident dans le même État contractant et si les relations entre les parties et tous les autres éléments pertinents du litige, quel que soit le lieu du tribunal élu, sont liés uniquement à cet État ».
37 À cet égard, il convient de relever que, comme l’a fait valoir la Commission, la règle énoncée à l’article 1er, paragraphe 2, de cette convention reflète un choix propre aux auteurs de celle-ci, opéré au regard de la nécessité d’apporter une solution susceptible d’emporter une large adhésion au niveau international.
38 Or, à la différence des auteurs de ladite convention, le législateur de l’Union a fait le choix de ne pas insérer de règle similaire dans le règlement no 1215/2012, tout en soulignant, au considérant 3 de ce règlement, l’objectif de maintenir et de développer un espace de liberté, de sécurité et de justice en adoptant des mesures relevant du domaine de la coopération judiciaire dans les matières civiles ayant une incidence transfrontière.
39 Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 25, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012 doit être interprété en ce sens qu’une convention attributive de juridiction par laquelle les parties à un contrat établies dans un même État membre conviennent de la compétence des juridictions d’un autre État membre pour connaître de litiges nés de ce contrat relève de cette disposition, même si ledit contrat ne comporte aucun autre lien avec cet autre État membre.
Sur les dépens
40 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :
L’article 25, paragraphe 1, du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale,
doit être interprété en ce sens que :
une convention attributive de juridiction par laquelle les parties à un contrat établies dans un même État membre conviennent de la compétence des juridictions d’un autre État membre pour connaître de litiges nés de ce contrat relève de cette disposition, même si ledit contrat ne comporte aucun autre lien avec cet autre État membre.