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Décisions

Cass. 2e civ., 8 février 2024, n° 21-18.702

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Martinel

Rapporteur :

M. Cardini

Avocat général :

M. Adida-Canac

Avocat :

SCP Jean-Philippe Caston

TJ Béthune, du 25 mars 2021

25 mars 2021

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° N 21-18.702 et B 23-10.075 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Béthune, 25 mars 2021), rendu en dernier ressort, sur des poursuites de saisie immobilière engagées par la société Crédit du Nord à l'encontre de M. [T], le bien saisi a été adjugé à M. [I].

Recevabilité du mémoire en défense contestée par le demandeur

3. M. [T] soutient que le mémoire déposé par le fonds commun de titrisation Ornus (le FCT), aux termes duquel celui-ci indique venir aux droits de la société Crédit du Nord à la suite d'une cession de créances, est irrecevable, dès lors que cette cession, qui ne lui a pas été signifiée conformément aux dispositions de l'article 1690 du code civil, lui est inopposable.

4. Cependant, il ressort de l'acte de cession de créances produit que celui-ci est soumis aux dispositions des articles L. 214-169 à L. 214-175 du code monétaire et financier.

5. Selon l'article L. 214-169, V, 1° et 2°, de ce code, l'acquisition ou la cession de créances par un organisme de financement s'effectue par la seule remise d'un bordereau dont les énonciations et le support sont fixés par décret, ou par tout autre mode d'acquisition, de cession ou de transfert de droit français ou étranger. Par dérogation à l'alinéa précédent, la cession de créances qui ont la forme d'instruments financiers s'effectue conformément aux règles spécifiques applicables au transfert de ces instruments. Le cas échéant, l'organisme peut souscrire directement à l'émission de ces instruments. Lorsqu'elle est réalisée par voie du bordereau mentionné au 1°, l'acquisition ou la cession des créances prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau lors de sa remise, quelle que soit la date de naissance, d'échéance ou d'exigibilité des créances, sans qu'il soit besoin d'autre formalité, et ce quelle que soit la loi applicable aux créances et la loi du pays de résidence des débiteurs.

6. Il en résulte que l'acte de cession de créances n'avait pas, pour être opposable à M. [T], à lui être signifié.

7. Le mémoire est, dès lors, recevable.

Recevabilité du pourvoi contestée par la défense

8. Selon l'article 615, alinéa 2, du code de procédure civile, en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, le pourvoi formé contre l'une n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance.

9. L'adjudicataire au profit duquel le bien saisi a été adjugé est partie au jugement d'adjudication, ce dont il résulte que tout pourvoi formé contre cette décision doit être dirigé contre celui-ci et l'ensemble des autres parties.

10. Après avoir formé un premier pourvoi, n° N 21-18.702, à l'encontre de la société Crédit du Nord, créancier poursuivant, de la société Banque populaire du Nord et du Trésor public, créanciers inscrits, M. [T] en a formé un second, n° B 23-10.075, à l'encontre de M. [I], adjudicataire.

11. Le FCT soutient que le premier pourvoi est irrecevable, faute d'avoir été dirigé contre l'adjudicataire, et que le second, qui ne l'a été que contre ce dernier, ne régularise pas la procédure.

12. Cependant, l'irrégularité affectant le pourvoi n° N 21-18.702, qui n'a pas été formé contre l'ensemble des parties au jugement d'adjudication attaqué, a été régularisée, en application de l'article 126 du code de procédure civile, par le pourvoi n° B 23-10.075, dirigé contre l'adjudicataire.

13. Le pourvoi est, dès lors, recevable de ce chef.

14. Par ailleurs, le FCT et la société Banque populaire du Nord soutiennent que le pourvoi est irrecevable, en l'absence d'excès de pouvoir.

15. Il résulte des articles 606, 607 et 608 du code de procédure civile et R. 322-60, alinéa 2, du code des procédures civiles d'exécution que le jugement d'adjudication ne statuant sur aucune contestation n'est susceptible d'aucun recours, sauf excès de pouvoir.

Examen des moyens

Sur les moyens des pourvois n° N 21-18.702 et B 23-10.075, rédigés en termes identiques, réunis

Enoncé du moyen

16. M. [T] fait grief au jugement de procéder à l'adjudication de son bien immobilier, alors « que nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ; que constitue un excès de pouvoir le fait pour un juge de statuer sans que le débiteur saisi ait été entendu ou appelé ; qu'en procédant à l'adjudication du bien immobilier de M. [T], non comparant, sans que celui-ci ait été appelé à l'audience, le juge de l'exécution a commis un excès de pouvoir et a violé l'article 14 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 14 du code de procédure civile :

17. Il résulte de ce texte que constitue un excès de pouvoir le fait pour un juge de statuer sans qu'une partie ait été entendue ou dûment appelée.

18. En prononçant l'adjudication du bien saisi, alors qu'il ne résulte ni du jugement ni du dossier de la procédure que le débiteur saisi avait été appelé à l'audience d'adjudication, le juge de l'exécution a commis un excès de pouvoir et violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 25 mars 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Béthune ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Béthune autrement composé.