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Décisions

CA Agen, ch. soc., 6 février 2024, n° 22/01015

AGEN

Arrêt

Autre

CA Agen n° 22/01015

6 février 2024

ARRÊT DU

06 FEVRIER 2024

PF/LI

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N° RG 22/01015 - N° Portalis DBVO-V-B7G-DB5W

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[H] [K]

C/

S.A.S. AUCH HYPER DISTRIBUTION

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Grosse délivrée

le :

aux avocats

ARRÊT n° 26/2024

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Sociale

Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d'appel d'Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le six février mille neuf cent vingt quatre par Pascale FOUQUET, conseiller assistée de Laurence IMBERT, greffier

La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire

ENTRE :

[H] [K]

née le 18 Avril 1988 à [Localité 5]

'[Adresse 4]'

[Localité 2]

Représentée par Me Xavier DELAVALLADE, avocat au barreau de BORDEAUX

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 47001-2023-000076 du 03/02/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AGEN)

APPELANT d'un jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AUCH en date du 09 Novembre 2022 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. F 22/00012

d'une part,

ET :

S.A.S. AUCH HYPER DISTRIBUTION agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège;

[Adresse 3]

[Adresse 1]

Représentée par Me Michel JOLLY, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉ

d'autre part,

A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 05 décembre 2023 sans opposition des parties devant Pascale Fouquet, conseiller, qui a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience, et Anne-Laure Rigault, conseiller, assistés de Danièle Causse, greffier. Les magistrats en ont, dans leur délibéré rendu compte à la cour composée, outre eux-mêmes, de Valérie Schmidt, conseiller, en application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.

' '

'

Mme [K] a été engagée par la société Auch Hyper distribution par contrat à durée indéterminée à compter du 1er juin 2019 en qualité de prothésiste ongulaire.

La salariée a travaillé à temps partiel sur une base de 91 heures mensuelles réparties sur 21 heures par semaine pour une rémunération brute de 1182,99 euros, pauses rémunérées incluses.

Par avenant au contrat de travail du 9 septembre 2019, le temps de travail effectif mensuel a été porté à 103 heures et 18 minutes.

Le 31 octobre 2019, la salariée a informé son employeur qu'elle souhait revenir à son contrat initial, à savoir 20 heures de travail effectif hebdomadaire, en raison de l'état de santé de sa fille, née en 2010, handicapée à 80 %, qu'elle élève seule.

Un nouvel avenant a été conclu le 1er novembre 2019.

La salariée a sollicité des congés sans solde du 12 au 30 octobre 2020 pour s'occuper de son enfant ce qui a été accepté par l'employeur.

Le 10 janvier 2020, l'employeur lui a notifié un rappel à l'ordre pour un retard.

La salariée a été placée en chômage partiel à compter du 2 novembre 2020 en raison de la crise sanitaire et son contrat a été donc suspendu à compter de cette date.

La salariée a été placée en arrêt de travail à compter du 5 décembre 2020 et n'a pas repris son emploi.

Le 7 septembre 2021, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude, son état de santé faisant obstacle à tout reclassement dans un emploi.

La salariée a été convoquée à un entretien préalable fixé au 22 septembre 2022 auquel elle a déclaré ne pouvoir se présenter.

Par courrier du 28 septembre 2021, l'employeur a notifié à la salariée son licenciement pour inaptitude. Ses documents de fin de contrat lui ont été adressés.

Par requête reçue au greffe le 1er février 2022, Mme [K] a saisi le conseil de prud'hommes d'Auch en requalification de son licenciement et en condamnation de l'employeur à lui verser diverses indemnités.

Par jugement du 9 novembre 2022, le conseil de prud'hommes a :

- Déclaré les demandes de Mme [K] irrecevables,

- Débouté Mme [K] de l'ensemble de ses demandes,

- Débouté la société Auch Hyper Distribution de sa demande reconventionnelle

- Condamné Mme [K] aux dépens

Par déclaration enregistrée le 16 décembre 2022, Mme [K] a interjeté appel des chefs du jugement critiqués qu'elle cite dans sa déclaration d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 octobre 2023 et l'affaire a été fixée au 5 décembre 2023.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Par dernières conclusions enregistrées le 3 octobre 2023 auxquelles la cour se réfère expressément pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l'appelante, Mme [K] sollicite de la cour de :

- déclarer recevable et bien fondé son appel,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes le 9 novembre 2022,

- statuant de nouveau,

- dire et juger que son licenciement est discriminatoire,

- dire et juger qu'elle a été victime de faits de harcèlement moral,

- dire et juger que son licenciement a pour origine le comportement de l'employeur,

- dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Auch Hyper Distribution à lui payer les sommes de :

- 2380 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 238 euros de congés payés afférents

- 665,45 euros d'indemnité de licenciement

- 7097,94 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 20 000 euros sur le fondement de l'article 1240 du code civil

- condamner en tout état de cause la société Auch Hyper Distribution au paiement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ainsi qu'aux dépens.

A l'appui de ses prétentions, Mme [K] fait valoir que :

l'origine de son inaptitude a deux origines : la discrimination et le harcèlement moral

- elle est victime de discrimination fondée sur le handicap et sur sa situation familiale.

- le handicap de sa fille est évalué à 80 %par la MDPH.

- les changements d'horaire en sont la démonstration :l'employeur a voulu la faire travailler après 18 H et/ou les samedis alors qu'elle bénéficiait d'aménagement d'horaires pour s'occuper de sa fille sans aucun délai de prévenance

- le rappel à l'ordre est injustifié car la modification des horaires avait été convenue avec sa responsable

- l'employeur lui a proposé une rupture conventionnelle

- l'attestation de Mme [E] n'a pas de valeur probante car elle a été promue au poste d'adjointe de direction

- elle a subi un harcèlement moral

- l'employeur a refusé de retourner les formulaires de présence à la CAF pour recevoir l'allocation journalière de présence en remplacement de ses journées travaillées et elle en justifie

- la réponse de l'employeur est infondée et démontre le harcèlement moral

- l'attestation de Mme [N], cliente, démontre que l'employeur a relayé de fausses informations auprès de la clientèle en prétendant qu'elle avait démissionné

- elle a justifié de l'état de santé de sa fille dès son embauche et tout au long de la relation de travail

- le certificat médical mentionne un syndrome dépressif réactionnel à sa situation professionnelle

- la dégradation de son état psychologique est précisée dans son dossier médical versé aux débats

- l'employeur a toujours eu connaissance de son activité de micro entrepreneur, comme d'autres salariées, qui était insuffisamment rémunératrice et justifiait son contrat auprès de la société Auch Hyper Distribution

- l'employeur produit des photos extraites de Facebook qui sont anciennes et ne reflètent pas son état de santé actuel

- sur les conséquences financières :

- sur la demande en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : elle justifie ses revenus depuis son licenciement et sa précarité.

- sur la demande en dommages et intérêts fondée sur l'article 1240 du code civil :

- l'employeur n'a pas transmis dans les délais les documents nécessaires à la CAF ce qui lui l'a privée de revenus pendant plusieurs mois et une étude de la CAF a été nécessaire pour opérer un rattrapage sur les deux années antérieures

- elle n'a pas bénéficié de la mutuelle de prévoyance pendant trois mois

- elle justifie des faibles revenus provenant de son activité de micro entrepreneur

Par dernières conclusions enregistrées le 2 juin 2023 auxquelles la cour se réfère expressément pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l'intimée, la société Auch Hyper Distribution sollicite de la cour de :

- confirmer le jugement contesté en toutes ses dispositions,

- juger irrecevables ou injustifiées les demandes de Mme [K],

- débouter Mme [K] de l'intégralité de ses demandes

- condamner Mme [K] à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens

A l'appui de ses prétentions, la société Auch Hyper Distribution fait valoir que :

- la salariée ne rapporte aucune preuve de la discrimination alléguée et elle n'a jamais contesté le handicap de sa fille

- elle a toujours été compréhensive lors de ses demandes de modifications d'horaires comme en atteste Mme [E], sa collègue

- elle a modifié deux fois son temps de travail et donc ses horaires à sa demande

- elle conteste avoir voulu " la pousser vers la sortie " ainsi que toute menace alléguée

- la promotion de Mme [E] n'affecte en rien la force probante de son attestation

- elle ne l'a pas contrainte à accomplir les horaires que la salariée refusait

- elle a cherché des solutions pour les intégrer au planning mais la salariée refusait de travailler les autres samedis, le soir après 18h ainsi que les mercredis

- sur le harcèlement moral :

- elle a régulièrement échangé avec le médecin du travail et en justifie dès le 6 juillet 2021

- le médecin du travail a réalisé une étude de poste et n'a relevé aucun dysfonctionnement

- l'absence de formulaire de demande d'incapacité temporaire d'inaptitude prouve qu'il n'existe aucune inaptitude d'origine professionnelle

- le dossier médical indique seulement qu'elles étaient en conflit au sujet des horaires de travail

- la salariée ne présente aucun élément laissant présumer une situation de harcèlement moral

- elle a accepté ses demandes de changement d'horaires du 9 octobre 2019 et sa demande de congés sans solde formulée tardivement

- l'attestation de Mme [N] n'apporte aucun élément utile

- le certificat médical produit ne constitue pas la preuve d'un harcèlement moral ou la reconnaissance d'un manquement de l'employeur. Il s'agit des dires du patient rapportés par le médecin ce qu'il indique le 29 juin 2021

- au vu des photographies extraites de Facebook pendant son arrêt de travail qu'elle produit, la salariée apparaît souriante, mettant en avant son activité professionnelle de soins minceur et beauté

- elle constate son apparence de bien être sur les pages Facebook pendant ses arrêts de travail

- elle conteste tout " espionnage " car elle produit des données publiques

- elle n'a jamais reçu le formulaire de la CAF

- sur les demandes financières :

- l'ancienneté de la salariée était de 2 ans et 3 mois et sa demande est irrecevable car elle excède le barème. La salariée ne justifie pas d'un préjudice excédant le minimum légal et ne peut solliciter que la somme minimum de 3 548,97 euros correspondant à 3 mois de salaire

- selon l'article L1226-4 alinéa 3 du code du travail, l'indemnité de préavis n'est pas due

- l'indemnité légale de licenciement lui a été versée et elle en justifie

- sur la demande fondée sur 1240 du code civil: la salariée ne démontre aucune faute de sa part. Elle n'a reçu qu'un formulaire d'information de la CAF et non un formulaire obligatoire à retourner pour que la salariée perçoive l'allocation journalière de présence

- la salariée n'a émis aucune réclamation ni auprès d'elle ni auprès de la CAF

- de plus, la salariée ne précise pas quel préjudice indépendant du préjudice professionnel elle a subi

MOTIFS

I- Sur la recevabilité des demandes

La cour constate que le conseil de prud'hommes a utilisé le terme d'" irrecevabilité " sans caractériser en quoi les demandes étaient irrecevables et sans qu'une partie n'ait soulevé une fin de non-recevoir. Or, seules les dispositions de l'article 122 du code de procédure civile permettent à la juridiction de les soulever d'office.

La cour constate qu'aucune demande n'a été présentée devant le conseiller de la mise en état à ce titre.

La cour les déclare recevables et infirme le jugement du conseil de prud'hommes sur ce point.

II- Sur la rupture du contrat de travail

Mme [K] sollicite de voir déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse en soutenant que l'inaptitude est la conséquence directe de la discrimination dont elle a été l'objet et du harcèlement moral dont elle a été victime du fait de son employeur ce qui a dégradé son état de santé.

En effet, lorsqu'il est établi que l'inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l'employeur l'ayant provoquée, le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse.

Il résulte des dispositions des articles L.1232-1 et L.1235-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, et qu'en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Aux termes de l'article L1132-1 du code du travail, " aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, d'horaires de travail, d'évaluation de la performance, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d'un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de sa qualité de lanceur d'alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d'alerte, au sens, respectivement, du I de l'article 6 et des 1° et 2° de l'article 6-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. "

Mme [K] soutient que les dispositions de l'article L3121-49 du code du travail, destinées aux proches d'une personne handicapée de bénéficier d'un aménagement d'horaire individualisés propre à faciliter l'accompagnement de la personne, n'ont pas été respectées

Elle soutient que :

- l'employeur a tenté de lui imposer des changements d'horaire pour travailler après 18h et/ou le samedi alors qu'elle devait bénéficier d'horaires aménagés

- l'employeur ne procédait à aucun délai de prévenance

- elle a fait l'objet d'un rappel à l'ordre alors que la modification de ses horaires le 10 janvier 2020 avait été convenue avec sa responsable

- l'employeur lui a proposé une rupture conventionnelle pour ne pas avoir à gérer ses impératifs horaires et aménagements

- elle a dû prendre des congés sans solde pour s'occuper de sa fille

- elle conteste l'attestation de Mme [E] comme étant dénuée de force probante

A l'appui, elle produit :

- la lettre de l'employeur du 1er novembre 2019

- le rappel à l'ordre du 10 janvier 2020

- sa lettre du 8 octobre 2020 pour prise de congés sans solde

Les éléments de fait, ainsi présentés, ne constituent pas une discrimination au sens de l'article L1132-1 du code du travail, mais concourent plus exactement à la démonstration d'un harcèlement moral comme elle l'indique également en page 10 de ses conclusions : " ces discriminations opérées par l'employeur sont devenues des faits de harcèlement moral ".

À titre liminaire, il convient de rappeler que l'article L 1152-1 du code du travail dispose que " Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ".

Il résulte de cet article que le harcèlement moral est constitué, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel, ce qui signifie que le harcèlement moral est caractérisé par la constatation de ses conséquences telles que légalement définies, peu important l'intention, malveillante ou non de son auteur.

Par ailleurs, l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité à l'égard de ses salariés qui lui impose de prendre toute mesure nécessaire pour prévenir tout harcèlement moral et de sanctionner les salariés qui se rendraient auteurs de tels agissements.

Méconnaît l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l'employeur qui ne justifie pas avoir pris toutes les mesures de prévention des articles L4121-1 et L4121-2 du code du travail et qui, informé de l'existence faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, n'a pas pris les mesures immédiates propres à le faire cesser

En vertu de l'article L 1154-1 du code du travail, la charge de la preuve du harcèlement moral ne pèse pas sur le salarié qui est uniquement tenu de présenter des éléments qui permettent de présumer l'existence d'un tel harcèlement.

Pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments présentés par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et dans l'affirmative d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral et sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La salariée a été placée en arrêt de travail à compter du 5 décembre 2020 et n'a pas repris son emploi.

Le 7 septembre 2021, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude, son état de santé faisant obstacle à tout reclassement dans un emploi.

En l'espèce, Mme [K] soutient qu'elle a été victime de harcèlement moral au travail en raison de :

- l'absence de renvoi du formulaire d'informations complémentaires à la CAF par l'employeur afin de lui permettre de percevoir l'allocation d'éducation d'enfant handicapé

- la dégradation de son état psychologique

- l'employeur a répandu auprès de la clientèle qu'elle avait démissionné

A l'appui, Mme [K] produit :

- la lettre d'information de la CAF du 26 juillet 2021 à l'employeur, à retourner complétée et signée pour bénéficier de l'allocation de présence

- un extrait de son dossier médical auprès de la médecine du travail

- le certificat médical du docteur [M] du 29 juin 2021

- l'attestation de Mme [N], cliente

Mme [K] présente ainsi des éléments de faits qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une situation de harcèlement moral, de sorte qu'il appartient à l'employeur de prouver que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral et sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

L'employeur produit plusieurs pièces pour démontrer l'absence de harcèlement moral :

- l'attestation de Mme [E], esthéticienne

- l'avenant du 09 septembre 2019

- le courrier du 31 octobre 2019

- l'avenant du 1er novembre 2019

- sa réponse à la demande de congés sans solde

- l'étude de poste produite

- les captures d'écran du compte Facebook de Mme [K]

- les arrêts de travail

En premier lieu, la cour dans son pouvoir souverain considère que l'attestation de Mme [E], dont la force probante est contestée, présentent suffisamment de garanties pour être retenue, le seul lien de subordination étant insuffisant pour l'écarter.

En second lieu, la cour constate que Mme [K] n'apporte aucune pièce démontrant que l'employeur a tenté de lui imposer des horaires tardifs la mettant en difficulté par rapport à sa fille. Au contraire, ce dernier justifie, par production de l'avenant du 9 septembre 2019, du courrier du 31 octobre 2019, de l'avenant du 1er novembre 2019 et de sa réponse à la demande de congés sans solde de la salariée, qu'il a, par deux fois, aménagé les horaires de travail dans le sens demandé par la salariée.

Mme [E] dans son attestation du 2 septembre 2022 confirme cette organisation : " [H] travaillait du mercredi au samedi avec des horaires que nous lui avions aménagés suite à sa demande par rapport à ses impératifs personnels (') J'avais l'impression qu'elle n'était jamais satisfaite malgré tous les changements effectués en accord avec elle "

En outre, la déclaration de sa " démission " auprès d'une cliente, et non de la clientèle, émane d'une employée et non de l'employeur et ne constitue pas un agissement constitutif de harcèlement moral.

Le médecin du travail lors de son étude de poste n'a relevé aucun dysfonctionnement. Le praticien n'a, de plus, rempli aucun formulaire de demande d'indemnité temporaire d'inaptitude démontrant ainsi qu'il n'existait aucune origine professionnelle à l'inaptitude.

Les termes du certificat médical du docteur [M] sont la reprise de ses dires et ne constituent pas des constatations médicales. Son dossier médical fait état " d'un litige avec son employeur concernant les horaires de travail pour prise en charge d'enfant handicapé du 19 avril 2021 "et n'évoque aucune maladie professionnelle.

Les deux pièces médicales, si elles mentionnent un état anxieux, ne font que relater les propos de Mme [K] sur son origine et sont donc dépourvues de toute valeur probante à cet égard.

Enfin, l'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail le 7 septembre 2021 ne fait pas ressortir un lien entre un manquement de l'employeur et l'inaptitude constatée.

Il résulte des pièces produites par l'employeur que les agissements invoqués par la salariée sont étrangers à tout fait de harcèlement moral. Les faits invoqués par la salariée ne sont pas établis dans leur matérialité en tant qu'agissements répétés caractérisant un harcèlement moral.

Il n'est pas non plus établi de lien direct entre le licenciement pour inaptitude de Mme [K] et la dégradation de son état de santé du fait de l'employeur.

De ce fait, le licenciement pour inaptitude de Mme [K], médicalement constaté le 7 septembre 2021, est fondé. Il y a lieu de débouter la salariée de toutes ses demandes subséquentes :

- 2 380 euros au titre de l'indemnité de préavis,

- 238 euros au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis,

- 665,45 euros d'indemnité de licenciement

- 7 097,94 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ,

La cour confirme le jugement entrepris en ce qu'il n'est pas établi que le licenciement pour inaptitude résulte d'une discrimination et d'un harcèlement moral de la part de l'employeur ayant entraîné une dégradation de son état de santé et, en conséquence, a débouté la salariée de toutes ses demandes susmentionnées.

III- Sur la demande au titre de l'article 1240 du code civil

Il est établi que le document " demande d'informations complémentaires " adressé par la CAF le 26 juillet 2021 n'a pas été retourné par l'employeur qui affirme ne pas l'avoir reçu . Or, le formulaire du 26 juillet 2021 qui a été adressé par la CAF à l'employeur est intitulé en son recto " demande d'informations complémentaires " par lequel il lui est demandé de transmettre une attestation importante pour la prise en charge.

Faute d'avoir transmis à la CAF le document complété dans les délais, Mme [K] a subi un préjudice dans le retard du versement de l'allocation journalière de présence entraînant un rattrapage sur deux années. Le fait qu'elle ne l'ait pas réclamé plus tôt ne la prive pas de demander réparation à ce jour.

Mme [K] justifie de son préjudice par la production de l'attestation de paiement Pôle emploi du 14 janvier 2022 et de ses relevés de situation personnelle de novembre et décembre 2021.

Il convient en conséquence de condamner l'employeur à lui verser la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts et d'infirmer le jugement déféré de ce chef.

IV- Sur les demandes annexes :

Mme [K], qui succombe en sa demande principale, sera condamnée aux dépens d'appel

L'équité commande de laisser la charge des frais non répétibles à chacune des parties et

Le jugement de première instance sera confirmé du chef des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR après en avoir délibéré, publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement du 9 novembre 2022 en ce qu'il a

- débouté Mme [K] de sa demande aux fins de déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse

- débouté Mme [K] de ses demandes en indemnité de préavis et congés payés sur préavis, indemnité de licenciement et dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- condamné Mme [K] aux dépens

- débouté Mme [K] de sa demande en frais non répétibles de procédure

- débouté la société Auch Hyper Distribution de sa demande en frais non répétibles de procédure

INFIRME le jugement du 9 novembre 2022 en ce qu'il a

- déclaré irrecevables les demandes de Mme [K],

- débouté Mme [K] de sa demande en dommages et intérêts sur l'article 1240 du code civil,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- DECLARE recevables les demandes de Mme [K],

- CONDAMNE la société Auch Hyper Distribution à payer à Mme [K] la somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts,

- CONDAMNE Mme [K] aux dépens d'appel,

- DEBOUTE les parties de leurs demandes en frais non répétibles de procédure.

Le présent arrêt a été signé par Pascale FOUQUET, conseiller et par Laurence IMBERT, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,