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Décisions

CA Angers, ch. com. A, 6 février 2024, n° 22/01621

ANGERS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Pépinières Renault (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Corbel

Conseillers :

Mme Robveille, M. Benmimoune

Avocats :

Me Rouxel-Chevrollier, Me Dizier, Me Loiseau

CA Angers n° 22/01621

5 février 2024

FAITS ET PROCÉDURE

La société (SAS) Pépinières Renault cultive à [Localité 4] (53), sur 80ha, des plantes d'extérieurs ornementales, dans le cadre de son objet social d'exploitation et de culture de terres pour la production de produits de pépinières d'horticulture.

La société (SAS) Pépinières [O] [G] commercialise à distance sur l'ensemble du territoire français des plants végétaux, exclusivement auprès d'une clientèle de particuliers.

Elle se fournit auprès de producteurs, dont la société Pépinières Renault et ce depuis plus de trente ans, avec laquelle cependant aucun contrat écrit n'a été établi.

Les relations commerciales entre la société Pépinière Renault la société Pépinières [O] [G] s'établissent chaque année pour la vente des végétaux de la première à la seconde, en fonction d'une campagne annuelle lancée au premier trimestre de l'année n par des appels d'offres de la société Pépinières [G] aux fournisseurs, pour une période de livraison des végétaux s'échelonnant de septembre de l'année n ( plantes automnales) à juin de l'année n+1 ( plantes printemps/été).

Début 2022, la société Pépinières Renault a sollicité la société Pépinières [O] [G] pour qu'elles établissent un contrat écrit régissant la vente par la première à la seconde des végétaux, destiné à s'appliquer à chaque campagne.

Des discussions ont alors été entamées entre les parties sur la mise en place d'un contrat écrit qui ont donné lieu à partir de mars 2022 à de nombreux échanges, avec établissement de plusieurs versions de projets de contrat cadre. 

En parallèle, la société Pépinière Renault a sollicité de la société Pépinières [O] [G] au titre du solde des comptes de la campagne de fourniture des végétaux 2021/2022, le paiement de la somme de 12 276,61 euros au titre des sommes restant dues par cette dernière sur les factures des végétaux fournis entre septembre 2021 et avril 2022, correspondant à un escompte de 3 % appliqué indûment selon elle par sa cliente, ainsi que le paiement de la somme de 37'362,44 euros au titre des commandes passées par la société Pépinières [G] dont au final elle n'a pas pris livraison au 30 juin 2022.

S'agissant de la campagne 2022/2023, la société Pépinière Renault a écrit début mai 2022 à la société Pépinière [O] [G] en lui indiquant qu'à défaut de signature d'un contrat écrit au plus tard fin mai 2022, considérant les quantités de végétaux demandées comme un simple prévisionnel, sans engagement pour l'une comme pour l'autre, elle ne lui fournirait que les plantes disponibles au moment de la commande qui lui sera passée, au tarif et aux conditions générales de vente en vigueur au moment de la commande, en joignant celles applicables au premier mai 2022.

Elle a confirmé sa position dans un mail du 21 juin 2022.

Par lettre officielle du 2 août 2022 de son conseil au conseil de la société Pépinière Renault, la société Pépinière [O] [G] a sollicité de la société Pépinières Renault qu'elle lui confirme :

- sa renonciation à une quelconque revendication de facturation complémentaire pour les campagnes 2021-2022,

- s'agissant des réservations effectuées pour la campagne 2022-2023, qu'elle les valide et lui confirme qu'elles seront livrées aux termes et conditions en vigueur depuis 30 ans, selon le fichier de réservation adressé le 28 juin, soit avec une première livraison en septembre puis des livraisons échelonnées jusqu'en juin de l'année suivante, avec affinement tout au long de la saison, en étroite collaboration entre elles, en fonction de l'actualisation de ses prévisions pouvant donner lieu à des annulations sur certaines lignes de produits,

- qu'elle est d'accord pour reporter la discussion sur la mise en adéquation du contrat existant au regard de la loi EGALIM 2 à l'issue des travaux de l'interprofession tendant à l'élaboration d'un contrat type.

Estimant que les délais de réponse sollicitée par la SAS Pépinières Renault étaient incompatibles avec la livraison qu'elle attendait, la SAS Pépinières [O] [G] a saisi le président du tribunal de commerce d'Angers d'une requête aux fins d'être autorisée à l' assigner en référé à heure indiquée.

Par acte du 26 août 2022, la société Pépinière [O] [G], dûment autorisée en vertu d'une ordonnance du 17 août 2022 du président du tribunal de commerce d'Angers, a fait assigner la société Pépinières Renault à l'audience de référé du 6 septembre 2022, 9 heures, du président du tribunal de commerce d'Angers, au visa des articles 873, 485 du code de procédure civile et 1103 du code civil, aux fins de :

- voir ordonner la poursuite de l'exécution du contrat aux termes et conditions habituels pour la saison en cours, soit jusqu'au 30 juin 2023 et notamment :

* tarification sur la base de la proposition tarifaire annuelle faite par la société Pépinières Renault au moment de la réponse à l'appel d'offres,

* validation et acceptation par la société Pépinières Renault de la réservation faite par elle selon le fichier Excel envoyé à la société Pépinières Renault le 21 juin 2022,

* livraison à partir du 10 septembre 2022 aux conditions et modalités habituelles,

* pilotage partagé des besoins en consommation selon l'évolution de son carnet de commande, au travers d'estimations réactualisées régulièrement et communiquées à la société Pépinières Renault (dites 'tendances'), et le cas échéant d'annulations,

- voir ordonner la livraison par la société Pépinières Renault des marchandises objets des réservations de juin 2022, dès le 10 septembre 2022,

- assortir la condamnation d'une astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

- débouter la société Pépinières Renault de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Pépinières Renault à lui verser la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

En l'état de ses dernières écritures soutenues devant le président du tribunal de commerce d'Angers à l'audience de référé du 6 septembre 2022, la SAS Pépinières [O] [G] a demandé, au visa des articles 873 et 485 du code de procédure civile, et 1103 du code civil, de :

- se déclarer compétent territorialement pour statuer sur le présent litige,

- se déclarer compétent pour statuer en référé sur le présent litige,

- ordonner la poursuite de l'exécution du contrat aux termes et conditions habituels pour la saisie en cours, soit jusqu'au 30 juin 2023, et notamment :

* tarification sur la base de la proposition tarifaire annuelle faite par la société Pépinières Renault au moment de la réponse à l'appel d'offres,

* validation et acceptation par la société Pépinières Renault de la réservation faite par elle selon le fichier Excel envoyé à la société Pépinières Renault le 21 juin 2022,

* livraison à partir du 13 septembre 2022 aux conditions et modalités habituelles,

* pilotage partagé des besoins en consommation selon l'évolution de son carnet de commande, au travers d'estimations réactualisées régulièrement et communiquées à la société Pépinières Renault (dites 'tendances'), et le cas échéant d'annulations,

- ordonner la livraison par la société Pépinières Renault à elle-même, des marchandises objets des réservations de juin 2022, dès le 13 septembre 2022,

- assortir la condamnation d'une astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

- débouter la société Pépinières Renault de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Pépinières Renault à lui verser la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même aux entiers dépens.

Aux termes de conclusions d'incompétence territoriale et subsidiairement sur le fond, la SAS Pépinières Renault a sollicité, in limine litis, que le tribunal de commerce d'Angers statuant en référé se déclare incompétent au profit du tribunal de commerce de Laval statuant en référé, sur le fondement de l'article 46 du code de procédure civile et de ses conditions générales de vente.

Subsidiairement, elle a demandé au juge des référés du tribunal de commerce d'Angers :

- qu'il se déclare incompétent en raison d'une contestation manifestement sérieuse sur les droits et obligations des parties,

- qu'il déclare irrecevables les demandes adverses pour violation de l'ordre public et du droit de la vente,

- qu'il juge n'y avoir lieu à référé.

Reconventionnellement, elle a demandé qu'il condamne la société Pépinières [G] à lui payer par provision la somme de 49.638,65 euros avec intérêts de droit à compter du 8 juillet 2022.

Plus subsidiairement, elle a demandé au président du tribunal de commerce de juger la société Pépinières [G] non fondée en toutes ses demandes, et de l'en débouter.

Très subsidiairement, elle a sollicité la condamnation de la société Pépinières [G] à lui payer la somme de 204.605,55 euros en contrepartie des marchandises objet des listes échangées entre les parties, les 15 et 21 juin 2022.

Elle a sollicité également la condamnation de la société Blui payer la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par ordonnance de référé du 13 septembre 2022, le président du tribunal de commerce d'Angers:

- s'est déclaré territorialement compétent pour connaître du litige,

- a ordonné la poursuite de l'exécution du contrat aux termes et conditions habituels pour la saison en cours, jusqu'au 31 décembre 2022, et notamment :

* tarification sur la base de la proposition tarifaire annuelle faite par la société Pépinières Renault au moment de la réponse à l'appel d'offres,

* validation et acceptation par la société Pépinières Renault de la réservation faite par elle selon le fichier Excel envoyé à la société Pépinières Renault le 21 juin 2022,

* livraison à partir du prononcé de l'ordonnance et pour une période se terminant le 31 décembre 2022,

* pilotage partagé des besoins en consommation selon l'évolution de son carnet de commande, au travers d'estimations réactualisées régulièrement et communiquées à la société Pépinières Renault,

- a ordonné la livraison par la société Pépinières Renault des marchandises objets de réservations de juin 2022, dès le prononcé de l'ordonnance et jusqu'au 31'décembre 2022,

- a débouté la société Pépinières Renault de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- a condamné la société Pépinières Renault à verser à la société Pépinières [O] [G] la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- a condamné la société Pépinières Renault aux entiers dépens, y compris les frais de greffe taxés et liquidés à la somme de 40,65 euros.

Par déclaration du 27 septembre 2022, la SAS Pépinières Renault a relevé appel de cette ordonnance de référé en chacune de ses dispositions ; intimant la SAS Pépinières [O] [G].

L'affaire a fait l'objet le 6 octobre 2023 d'un avis de clôture au 20 février 2023 et de fixation à l'audience du 7 mars 2023.

La clôture a été reportée au 6 mars 2023.

La Société Pépinières Renault a conclu le 4 novembre 2022, le 4 janvier 2023, le 14 février 2023 et le 24 février 2023 et la société Pépinière [O] [G] a conclu le 5 décembre 2022, le 20 février 2023, le 3 mars 2023 et le 6 mars 2023 ( annulant et remplaçant les conclusions du 3 mars 2023).

Par conclusions de procédure du 6 mars 2023, la société Pépinières Renault, au visa des articles 15 et 16 du code de procédure civile, a sollicité que soient rejetées des débats les conclusions de la société Pépinières [G] notifiées les 3 et 6 mars 2023, pour violation du contradictoire et que cette dernière soit condamnée aux dépens et à une indemnité de procédure de 5 000 euros.

L'affaire a été évoquée à l'audience du 7 mars 2023.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Aux termes de ses conclusions du 24 février 2023 auxquelles il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la SAS Pépinières Renault demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance du tribunal de commerce d'Angers du 13 septembre 2022 en toutes ses dispositions,

- se déclarer incompétent territorialement au profit du tribunal de commerce de Laval, sur le fondement de l'article 42 du code de procédure civile, sous réserve de la fin de non-recevoir et de l'application de l'article D. 442-3 du code de commerce,

- juger la demande de la SAS Pépinières [O] [G] irrecevable sur le fondement de l'article L631-28 du code rural, à défaut de saisine préalable du médiateur des relations commerciales agricoles, avant délivrance de l'assignation du 26 août 2022,

- juger la demande de la SAS Pépinières [O] [G] irrecevable en tant que présentée devant une juridiction n'ayant pas compétence juridictionnelle pour statuer, suivant l'article D. 442-3 du code de commerce, le litige relevant des articles L. 442-1 à L. 442-4, L. 442-6 I et II du code de commerce,

Subsidiairement,

- se déclarer incompétent en raison d'une contestation manifestement sérieuse sur les droits et obligations des parties,

- juger n'y avoir lieu à référé,

- débouter la SAS Pépinières [O] [G] de son appel incident,

Plus subsidiairement, statuant sur la demande reconventionnelle,

- condamner la SAS Pépinières [O] [G] à lui payer par provision la somme de 49.638,65 euros avec intérêts de droit à compter du 8 juillet 2022 date de la mise en demeure de payer une retenue sur facture et de la marchandise résiliée sans droit et sans titre,

- juger non fondée la SAS Pépinières [O] [G] en toutes ses demandes et l'en débouter,

Très subsidiairement,

- condamner la SAS Pépinières [O] [G] à lui payer la somme de 204.606,55 euros en contrepartie des marchandises objet des listes échangées entre les parties, les 15 et 21 juin 2022,

- la condamner à lui payer la somme de 8.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Aux termes de conclusions déposées le 6 mars 2023 qui font l'objet de conclusions de procédure tendant à les voir écarter, la SAS Pépinières [O] [G] demande à la cour de:

à titre liminaire,

- ordonner l'irrecevabilité de la présente procédure pour fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la société Pépinières Renault,

en toute hypothèse,

- confirmer l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce d'Angers en date du 13 septembre 2022 en ce qu'elle:

* s'est déclaré territorialement compétent pour connaître du présent litige,

* a ordonné la poursuite de l'exécution du contrat aux termes et conditions habituels pour la saison en cours, sauf en ce qu'elle a fixé la date butoir au 31'décembre 2022, et notamment :

- tarification sur la base de la proposition tarifaire annuelle faite par la société Pépinières Renault au moment de la réponse à l'appel d'offres,

- validation et acceptation par la société Pépinières Renault de la réservation faite par elle selon le fichier Excel envoyé à la société Pépinières Renault le 21 juin 2022,

- livraison à partir du prononcé de l'ordonnance aux conditions et modalités habituelles,

- pilotage partagé des besoins en consommation selon l'évolution de son carnet de commande, au travers d'estimations réactualisées régulièrement et communiquées à la société Pépinières Renault,

* a ordonné la livraison par la société Pépinières Renault des marchandises objets de réservations de juin 2022, dès le prononcé de l'ordonnance, sauf en ce qu'elle a fixé la date butoir des livraisons au 31 décembre 2022,

* a débouté la société Pépinières Renault de toutes ses demandes, fins et conclusions,

* a condamné la société Pépinières Renault à verser à la société Pépinières [O] [G] la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

* a condamné la société Pépinières Renault aux entiers dépens,

- débouter la société Pépinières Renault de toutes ses demandes fins et conclusions,

- condamner la société Pépinières Renault à lui verser la somme de 8.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DECISION:

- Sur l'incident de procédure tendant à voir écarter les conclusions signifiées le 3 et le 6 mars 2023 par la société Pépinières [O] [G] :

Les conclusions signifiées par la société Pépinières [O] [G] le 3 mars 2023, ne sont pas tardives comme ayant été signifiées avant la clôture.

En outre, il résulte de leur comparaison avec les précédentes écritures signifiées le 20 février 2023, que le seul ajout figurant au dispositif des conclusions de la société Pépinières [G] du 3 mars 2023, est la mention tendant à voir débouter la société Pépinières Renault qui est l'appelante principale, de toutes ses demandes, fins et conclusions, ce qui n'appelait pas de réponse particulière de cette dernière.

Le corps des conclusions du 3 mars 2023 de la société Pépinières [O] [G] déposées en réponse aux conclusions notifiées le 24 février 2023 par l'appelante, contient principalement en ajout la reproduction partielle d'une nouvelle pièce communiquée avec ces conclusions ( pièce 39) consistant en un listing de ses

réservations de plantes à la société Pépinière Renault sur les huit dernières campagne, les extraits de sa comptabilité correspondant à ses achats réels sur la même période et un tableau comparatif de synthèse sur les huit dernières années des quantités de végétaux réservés avec les quantités de végétaux achetés et réglés par la société Pépinières [O] [G] à la société Pépinières Renault.

L'analyse du contenu de la pièce 39, à laquelle se livre la société [O] [G] dans le corps de ces conclusions, en ce qu'elle tend seulement à illustrer le fait déjà allégué par la société [O] [G] dans ses conclusions prises précédemment, que depuis de nombreuses années il existait une différence entre la quantité des végétaux réservés au regard de la réponse de la société Pépinières Renault à l'appel d'offre du premier trimestre de l'année et la quantité des végétaux réellement achetés et réglés par la société Pépinières [O] [G] à l'issue de la campagne annuelle, tenant selon elle à un mécanisme de régulation tout au long de la campagne pour affiner en fonction des prévisions de la société [O] [G] les réservations pouvant donner lieu à des annulations ou ajouts sur certaines lignes de produits, ne soulève pas un moyen nouveau.

Les autres ajouts ponctuels et minimes ne contiennent pas non plus de nouveaux moyens soulevés par la société Pépinières [O] [G].

La société Pépinières [O] [G] a fait signifier le 6 mars 2023, soit le jour de la clôture, des conclusions ' récapitulatives annulant et remplaçant les conclusions signifiées le 3 mars 2023".

Leur examen révèle qu'elles ont été prises par l'intimée uniquement pour pouvoir modifier dans leur corps la reproduction partielle de la pièce 39 communiquée avec les conclusions du 3 mars 2023, à savoir le tableau comparatif de synthèse, qui contenait dans celles-ci, par erreur, des cases non renseignées.

Il en résulte que tant les conclusions du 3 mars 2023 que celles du 6 mars 2023 n'appelaient pas une réponse nécessaire de la société Pépinières Renault, dont il est rappelé qu'elle avait déjà conclu quatre fois, la dernière fois le 24 février 2023, en s'expliquant notamment largement dans la discussion sur le mode des relations commerciales entre les parties et les conséquences à en tirer.

Il convient de relever que la société Pépinières Renault n'a pas sollicité au final le rabat de l'ordonnance de clôture pour pouvoir répondre aux conclusions de la société Pépinières Renault des 3 et 6 mars 2023 .

Ainsi en définitive, il n'y a lieu ni d'écarter des débats les conclusions déposées le 3 mars 2023 par la société Pépinières [O] [G], ni celles du 6 mars 2023.

- Sur la fin de non-recevoir tirée du prétendu défaut d'intérêt de la société Pépinière Renault à agir en appel:

La société Pépinière [O] [G] fait valoir que l'ordonnance critiquée du 13'septembre 2022 revêtue de l'exécution provisoire a été pleinement exécutée par la société Pépinière Renault qui lui a livré, conformément aux réservations faites en juin 2022, les marchandises réservées, jusqu'au 31 décembre 2022.

Elle conclut que la période concernée par l'ordonnance du 13 septembre 2022 étant pleinement écoulée et les dispositions de cette ordonnance ayant toutes été exécutées, sans qu'il soit selon elle possible de revenir sur cette exécution, les demandes de la société Pépinières Renault en cause d'appel sont sans objet.

Elle en déduit que faute d'intérêt de la société Pépinière Renault à agir en appel, son appel est irrecevable.

Sur ce :

L'exécution de l'ordonnance de référé du 13 septembre 2022, ne fait pas disparaître l'intérêt de la société Pépinières Renault, qui n'y a pas renoncé, à soumettre à l'examen de la cour la décision qui l'a condamnée à la livraison à la société Pépinières [G] des marchandises objets de réservations de juin 2022, dès le prononcé de l'ordonnance et jusqu'au 31 décembre 2022, l'a déboutée de toutes ses demandes, fins et conclusions et l'a condamnée à verser à la société Pépinières [O] [G] la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

La fin de non-recevoir tirée du prétendu défaut d'intérêt à agir de la société Pépinière Renault à agir en appel sera en conséquence rejetée.

- Sur l'exception d'incompétence territoriale :

La société Pépinières Renault reproche au juge des référés du tribunal de commerce d'Angers de s'être déclaré territorialement compétent pour connaître du litige, en faisant valoir en premier lieu, que son siège se trouve dans la Mayenne et que le litige ne relève d'aucune exception à la règle générale de compétence territoriale de la juridiction du lieu du domicile du défendeur prévue à l'article 42 du code de procédure civile, dans la mesure où les demandes reposent sur un contrat de vente dont l'existence, contestée, n'est pas établie ; en second lieu que l'option de compétence prévue par l'article 46 du code de procédure civile n'est pas applicable en l'espèce, dès lors que l'option en matière contractuelle concerne le lieu de la livraison effective de la chose et non celui d'une livraison supposée ou à intervenir.

La société Pépinière [O] [G] soutient que c'est à bon droit que le juge des référés du tribunal de commerce d'Angers a rejeté l'exception d'incompétence territoriale au profit du juge des référés du tribunal de commerce de Laval soulevée par la société Pépinière Renault, au regard de l'option de compétence prévue par l'article 46 alinéa 2 du code de procédure civile dont elle disposait, dès lors que le litige concerne l'exécution d'un contrat de vente de végétaux par la société Pépinières Renault dont la livraison devait intervenir à son siège situé dans le ressort de la juridiction des référés du tribunal de commerce d'Angers.

Sur ce :

Aux termes de l'article 46 du code de procédure civile alinéa 2, le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, en matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l'exécution de la prestation de service.

L'option de compétence prévue par l'article 46, alinéa 2, du code de procédure civile a vocation à s'appliquer même lorsque le litige porte sur l'existence du contrat.

En outre, au sens de l'article 46 du nouveau Code de procédure civile, le lieu de livraison effective s'entend de celui où la livraison a été ou doit être effectuée.

En l'espèce, le contrat sur lequel repose les demandes de la société Pépinières [O] [G], invoqué par celle-ci comme liant les parties, portant sur la vente par la société Pépinières Renault de végétaux à la société Pépinières [O] [G] dont la livraison devait s'effectuer à cette dernière, la société [O] [G] pouvait en l'état de cette seule circonstance, se prévaloir de l'option de compétence prévue par l'article 46, alinéa 2du code de procédure civile.

L'ordonnance de référé du 13 septembre 2022 critiquée sera dès lors confirmée en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la société Pépinières Renault.

- Sur la fin de non-recevoir des demandes de la société Pépinières Birant tirée de la violation de l'article L 631-28 du code rural et de la pêche maritime:

La société Pépinières Renault soutient que les parties s'opposant sur le contenu et les obligations respectives résultant d'un contrat d' approvisionnement en produits agricoles, elles se trouvent dans le cadre de l'article L 631-28 du code rural et de la pêche maritime prévoyant la saisine obligatoire préalable à toute poursuite judiciaire, du médiateur des relations commerciales agricoles.

Elle prétend que la société Pépinières [G] n'ayant pas accompli cette saisine préalable, ses demandes sont irrecevables.

Sur ce:

En cas de trouble manifestement illicite ou de dommage imminent, les dispositions de l'article L. 631-28 du code rural et de la pêche maritime instituant une procédure de médiation obligatoire et préalable ne font pas obstacle à la saisine du juge des référés.

Les dispositions de l'article L 631-28 du code rural et de la pêche maritime invoquée par l'appelante ne privaient donc pas la société Pépinières Bruant de la faculté de saisir le juge des référés sur le fondement de l'article 873 alinéa premier du code de procédure civile.

La fin de non-recevoir sera en conséquence rejetée.

- Sur la fin de non-recevoir des demandes de la société Pépinières [G] tirée du défaut de pouvoir du juge des référés du tribunal de commerce pour statuer sur un litige relevant des articles L. 442-1 à L. 442-4, L. 442-6 I et II du code de commerce :

La société Pépinière Renault soutient que la situation des parties relève de la qualification de relations commerciales établies, en faisant observer que cette qualification est invoquée par la société Pépinières [O] [G] dans la lettre de son avocat du 28 juin 2022.

Il en résulte selon elle une fin de non-recevoir des demandes formées devant la juridiction des référés du tribunal de commerce d'Angers, dès lors que celle-ci ne dispose pas du pouvoir de statuer sur une relation relevant de la qualification de relation commerciale établie, en application des articles L 442-4 et D 442-3 du code de commerce.

La société Pépinières [O] [G] conclut au rejet de la fin de non-recevoir, en faisant valoir que ses demandes ne sont pas fondées sur les dispositions des articles L. 442-1, L. 442-2, L. 442-3, L. 442-7 et L. 442-8 du code de commerce, mais sur les articles 873 et 485 du code de procédure civile et 1103 du code civil.

Sur ce :

Le juge des référés saisi ne peut ordonner les mesures sollicitées que dans les limites de ses pouvoirs juridictionnels.

Si en application de l'article L. 442-4 III du code de commerce , les litiges relatifs à l'application des articles L. 442-1, L. 442-2 , L. 442-3, L. 442-7 et L. 442-8 du code de commerce, sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret, en l'espèce, le litige dont le juge des référés du tribunal de commerce d'Angers a été saisi et soumis en cause d'appel à la cour d'appel d'Angers statuant avec les pouvoirs du juge des référés, ne porte pas sur la responsabilité et les conséquences dommageables de la rupture brutale d'une relation commerciale établie, situation visée par l'article L. 442-1 II (anciennement L. 442-6 I 5°), dans la mesure où il ressort des écritures de la société [O] [G] qu'elle sollicite la livraison de végétaux en exécution d'un contrat dont elle revendique l'existence et qui aurait cours selon elle entre les parties au moment où elle forme sa demande.

En outre, la défense au fond de la société Pépinières Renault n'apparaît pas non plus reposer sur une discussion autour de la résiliation brutale ou non d'une relation commerciale établie, puisqu'elle prétend qu'il n'y a pour la campagne 2022, exclusivement concernée par les demandes, aucun contrat conclu entre les parties, celui-ci ne pouvant selon elle être considéré comme valablement formé tant qu'il n'y a pas eu de commandes passées par la société Pépinières [O] [G] avec accord sur la chose, le prix et les autres conditions générales de vente.

Autrement dit, la demande sur laquelle la juridiction des référés du tribunal de commerce d'Angers, puis en appel de sa décision la cour d'appel d'Angers sont invitées à statuer, ne se rattache pas à une situation litigieuse dans le cadre de laquelle l'application de l'article L 442-1 II du code de commerce est envisagée.

Par ailleurs, la demande reconventionnelle de la société Pépinières Renault en paiement de la somme provisionnelle de 49 638,65 euros, correspondant en partie au règlement du solde de facture des végétaux livrés sur la campagne 2021/2022,

qu'elle réclame à la société Pépinière [O] [G] et en partie à des sommes qu'elle considère comme dues, à raison d'annulation de ventes sur cette campagne à l'initiative de cette dernière, étant précisé qu'il est constant que les

parties n'ont signé aucun contrat écrit régissant leur relations commerciales, n'apparaît pas non plus se rattacher à l'application de dispositions des articles L. 442-1, L. 442-2 , L. 442-3, L. 442-7 et L. 442-8 du code de commerce visés par L. 442-4 III du code de commerce.

La fin de non-recevoir soulevée par la société Pépinière Renault sera en conséquence rejetée.

- Sur la demande en référé présentée sur le fondement de l'article 873 du code de procédure civile :

La société Pépinières [G] prétend qu'elle justifie du préjudice certain qui serait le sien si elle ne se voyait pas livrer les productions réservées à cause du blocage dont faisait preuve la société Pépinières Renault, dans la mesure où les catalogues à destination de sa clientèle avaient déjà été imprimés et que nombre des productions réservées étaient annoncées dans ceux-ci à titre de cadeaux pour ses clients.

Elle soutient en outre que l'existence d'un contrat historique entre les parties n'est pas contestable et qu'il n'y a aucune incertitude sur les conditions du contrat dont il a été demandé la poursuite pour la campagne en cours, celles-ci étant identiques chaque année et partagée d'un commun accord entre les deux sociétés liées contractuellement depuis plus de trente ans.

Elle estime que ce n'est que parce que la société Pépinières Renault a entendu revenir sur ces conditions contractuelles historiques, courant 2022, en refusant de livrer les marchandises réservées, qu'elle n'a eu d'autre choix que de saisir le président du tribunal de commerce, compte tenu du péril imminent dans lequel elle s'est retrouvée, en faisant valoir que si les conditions du contrat avaient été remises en question avant 2022 par la société Pépinières Renault, le litige aurait été porté bien plus tôt devant les juridictions.

Elle en déduit qu'elle est fondée en ses demandes formées sur le fondement de l'article 873 alinéa premier du code de procédure civile.

Elle relève que le juge des référés a fait droit à sa demande en ordonnant la poursuite du contrat et les livraisons, mais seulement jusqu'au 31 décembre 2022, alors que sa demande portait sur la poursuite du contrat jusqu'au 30 juin 2023, ce qui l'a amené à former appel incident.

Elle indique qu'ayant néanmoins fait assigner depuis lors la société Pépinières Renault en référé devant le président du tribunal de commerce afin que doit ordonnée dans la continuité de l'ordonnance du 13 septembre 2023 la poursuite du contrat jusqu'au terme de la saison 2022/2023, soit au 30 juin 2023 et ayant obtenu le 27 décembre 2023 une ordonnance faisant droit à sa demande, elle ne forme plus dans la procédure d'appel contre l'ordonnance de référé du 13'septembre 2023, de demande aux fins de voir ordonner la poursuite jusqu'au 30 juin 2023.

La société Pépinières Renault soutient que la société Pépinières [G] à laquelle il incombe de démontrer que les conditions de l'article 873 alinéa premier sont réunies quant à sa demande, ne fait pas cette démonstration.

Elle prétend principalement qu'en l'absence de commandes de la société Pépinières [G] fondée sur un accord des parties sur les conditions de celles-ci, aucun contrat n'a pu se former entre elles, de sorte qu'aucun blocage de livraisons ne pourrait lui être imputé qui serait à l'origine d'un dommage imminent.

Elle soutient que le juge des référés ne pouvait statuer sur la demande en touchant au fond du droit et qu'il a outrepassé ses pouvoirs en lui imposant de livrer des produits en prévoyant au titre des conditions contractuelles de celles-ci un « pilotage partagé des besoins en consommation selon l'évolution de son carnet de commande, au travers d'estimations réactualisées régulièrement et communiquées à la société Pépinières Renault ».

Elle conclut à l'irrecevabilité des demandes ou à leur mal fondé, comme touchant au fond du droit et comme n'étant pas justifiées par la démonstration d'un trouble manifestement illicite ou d'un dommage imminent.

Sur ce :

Aux termes de l'article 872 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

L'article 873 alinéa premier du code de procédure civile dispose que le président peut, dans les mêmes limites et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Il en résulte que si l'existence d'une contestation sérieuse n'interdit pas au juge des référés de prendre les mesures prévues à l'article 873 alinéa premier du code de commerce, encore faut-il que celui qui en forme la demande fasse la preuve du dommage imminent , soit du dommage non encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation devait perdurer sans que des mesures soient prises pour l'éviter.

Il appartient ainsi à la société Pépinières [O] [G] de démontrer que si la situation présente au moment où elle forme sa demande et qui serait imputable à la société Pépinières Renault qui refuserait de lui livrer les végétaux objets de la réservation faite selon fichier Excel envoyé le 21 juin 2022, dans les conditions du contrat qu'elle qualifie d'historique qui les lierait encore pour la campagne 2022/2023 en cours, devait perdurer, elle subirait sûrement un préjudice.

Il est constant que la société Pépinières Renault et la société Pépinières [O] [G] n'ont établi aucun contrat écrit entre elles concernant les ventes par la première de végétaux qu'elle produits, à la seconde, mais que depuis plus de trente ans, la société Pépinières Renault compte parmi les fournisseurs de la société [O] [G] pour son activité de vente à distance sur l'ensemble du territoire français de plants végétaux, exclusivement auprès d'une clientèle de particuliers.

Il résulte des pièces versées aux débats que chaque campagne annuelle de fourniture de végétaux débute pour la société [O] [G] par un appel d'offre émis par celle-ci au cours du premier trimestre, auquel répond la société Pépinières Renault, la campagne 2022/2023 n'apparaissant pas y avoir dérogé.

Il en ressort néanmoins également que la société [O] [G] comme la société Pépinières Renault s'accordent pour considérer que ce premier échange n'est pas suffisant pour obliger la première à acquérir l'intégralité des produits figurant sur la réponse de la société Pépinières Renault et la seconde à fournir toute la liste de produits y figurant.

Il apparaît que pour chaque campagne, les deux sociétés doivent trouver ensuite un accord sur les quantités, les produits et voir sur les prix, des végétaux que l'une devra fournir à l'autre, les négociations se déroulant jusqu'en juin pour aboutir à la livraison des végétaux entre septembre et décembre pour la campagne automne/hiver et entre avril et juin de l'année suivante pour la campagne printemps/été.

S'agissant de la société [G], cela résulte notamment de sa lettre du 8 avril 2022, aux termes de laquelle elle rappelle à la société Renault que la période était arrivée à laquelle il fallait pour elle réserver et pour la société Renault mettre en culture, en précisant qu' elle devait nécessairement connaître les prix et conditions pour l'automne 2022 et le printemps/été 2023 afin de décider si elles travailleraient ensemble pour ces deux saisons à venir, ainsi que d'une lettre officielle du 19 septembre 2022 de son conseil, aux termes de laquelle celui-ci indique que la réservation ne sert que de base aux commandes passées ensuite au fil de l'eau pendant la campagne.

S'agissant de la société Pépinières Renault, celle-ci écrit dans ses conclusions que la phase d'appel d'offres est une phase permettant à chaque partie de connaître la disponibilité des produits et les demandes présentes et que durant la seconde phase qui s'ouvre, la société [O] [G] conserve la possibilité de passer commande ou de ne pas le faire selon ses besoins, selon les achats qu'elle a pu faire auprès d'autres producteurs ou selon ses orientations de ventes au détail, tandis qu'elle même dispose du droit de donner ou non son accord aux commandes suivant ses disponibilités à la date de celles-ci ( page 5).

Concernant les négociations pour la campagne 2022/2023, dans sa lettre du 8'avril 2022 sus citée, la société [O] [G] prenant acte de la volonté récemment annoncée de la société Pépinière Renault (28 mars 2022) d'établir un contrat écrit entre elles, considère au regard de la proximité de la période à laquelle il est nécessaire qu'elle transmette ses réservations pour qu'elles soient mises en culture, que si contrat il doit y avoir pour cette année, il doit être simple et minimaliste. Elle questionne en outre clairement la société Pépinière Renault en lui posant la question de savoir s'il ne devait pas y avoir de contrat signé, est-ce qu'elle n'accepterait pas ses réservations ou de la garder comme client pour l'année à venir et lui demande de faire connaître sa positions clairement d'ici le 15 avril 2022.

Aux termes d'un mail du 18 mai 2022, la société Pépinière Renault qui adresse une quatrième version du contrat qu'elle souhaite voir signer, indique clairement qu'au vu de l'urgence, cette proposition de contrat devra être signée au plus tard le 25 mai 2022, en précisant qu'à défaut, il n'y aura pas de réservation de sa part, rappelant qu'elle considère les quantités demandées comme un simple prévisionnel, sans engagement pour l'une ou l'autre des parties et qu'elle fournira les plantes disponibles au moment de la commande de la société [O] [G], au tarif en vigueur le jour de la commande, en appliquant ses conditions générales de vente en vigueur au moment de la commande, en joignant à son envoi celles en vigueur au premier mai 2022.

Par mail du 3 juin 2022, la société Pépinières [O] [G] rappelle avoir offert d'établir le contrat en respectant un calendrier, ou bien de rester dans le cadre contractuel en vigueur ou bien de formaliser pour cette année un cadre contractuel minimaliste pour se laisser du temps afin de négocier les termes d'un nouveau contrat, mais qu'en réponse, la société Pépinières Renault lui avait fait part de sa position inflexible sur la mise en place d'un nouveau contrat pour les réservations 2022/2023.

Elle indique qu'il est grand temps de réserver les plantes, en précisant que son catalogue général doit être entièrement achevé d'ici trois semaines, tout en convenant qu'il reste des points de désaccord sur le contrat à établir (conditions tarifaires, conditions d'engagement-politique d'annulation).

Par lettre du 10 juin 2022, la société Pépinières Renault réitère ses conditions exposées le 18 mai 2022, en indiquant qu'en l'absence de contrat écrit, les commandes ne pourront être passées que dans le cadre de ses conditions générales de vente pour la période d'automne 2022, selon les tarifs transmis dans sa réponse à l'appel d'offre, applicables jusqu'au 15 décembre 2022 et que la validation par ses soins des quantités ne sera ferme qu'au 5 septembre, en fonction de la réussite des cultures.

La société Pépinières [O] [G] répond le jour même en admettant n'avoir pas encore envoyé ses réservations, à l'exception de trois produits, mais qu'elles sont prêtes à l'être.

Elle explique également dans sa réponse qu'elle considère qu'en attendant la rédaction d'un contrat écrit, il est nécessaire de continuer à fonctionner une saison de plus, offrant d'ouvrir une discussion au cas par cas pour chaque produit, avec des 'aménagements de manière pragmatiques' de façon à rassurer la société Pépinières Renault sur les pertes et méventes, tels son engagement de fournir des explications sur la variation des quantités réservées par rapport à la campagne précédente ou à son appel d'offre, qui devront susciter en retour une information des Pépinières Renault sur ce qui pose difficulté pour les végétaux déjà en culture ou sur ce qui risque de poser difficulté pour l'automne 2022 pour ceux non encore en culture.

Par mail du 13 juin 2023, la société Pépinières Renault répond qu'elle est d'accord pour recevoir les commandes de la société [O] [G] qui seront régies par ses conditions générales de vente, aux prix indiqués dans les appels

d'offre de mars/avril 2022, valables jusqu'au 15 décembre 2022, précisant que les commandes seront considérées comme des commandes fermes suivant article 3 des CGV et qu'elle ne pourra valider les quantités exactes qu'au 15 septembre 2022.

La société Pépinières [O] [G] lui répond le 15 juin 2022 par mail et par lettre, en indiquant que dans l'attente d'un contrat écrit, elle considère que les relations commerciales doivent se poursuivre telles qu'elles existent à ce jour, avec la nécessité pour la société Pépinières Renault de prendre ses réservations sans plus attendre, aux conditions habituelles maintenues et notamment l'absence de facturation des écarts entre les produits réservés pour la saison automne et printemps/été et les produits demandés en livraison, ainsi que la pratique de l'escompte.

Elle joint un fichier de réservation pour un montant de 203 786 euros, en précisant avoir eu une approche prudente, dans la mesure où elle explique que toutes ses opérations commerciales ne sont pas bouclées à ce jour, notamment pour l'automne, qu'elle envisage de compléter cette réservation avec une quantité significative d'une variété de plante en godets à offrir en cadeau à ses clients, pour des livraison à l'automne et éventuellement pour des opérations commerciales de début de saison de printemps, en ajoutant qu'elle souhaite en tout état de cause une réponse rapide quant à cette réservation, en particulier sur les produits qui pourraient poser problème, dans la mesure où son catalogue général d'automne est prévu pour partir dans quelques jours chez l'imprimeur.

Aux termes de sa réponse du 20 juin 2022, la société Pépinière Renault sollicite l'envoi de la totalité des besoins de la société Pépinières [O] [G], en une seule fois, par une réservation globale et sans rajout ultérieur, mais surtout précise qu'elle validera la réservation lorsqu'elles se seront mises d'accord sur les conditions de celle-ci .

Par mail du 21 juin 2022, la société Pépinière Renault rappelle encore que le fichier reçu le 15 juin 2022 intégrant les "plantes souhaitées" ne peut être considéré comme une validation de commande puisque la société [O] [G] refuse pour l'instant ses conditions de vente envoyées précédemment.

Après réception de ces mails, la société Pépinières [O] [G] a adressé un nouveau mail le 21 juin 2022 à la société Pépinières Renault en joignant une réservation actualisée venant clore selon elle les quantités réservées pour 2022/2023, sans tenir compte des observations de la société Pépinières Renault.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, l'évidence d'une situation dans laquelle la réservation faite par la société Pépinières [G] selon fichier Excel envoyé à la société Pépinières Renault le 21 juin 2022, entraînerait à elle seule l'obligation pour cette dernière de livrer tous les végétaux concernés, de surcroît aux conditions du contrat qu'elle qualifie dans ses écritures d'historique, qui seraient toujours en vigueur pour la campagne 2022/2023 en cours mais qu'elle ne définit pas précisément, n'apparaît pas établie, ni par là même n'est établie l'imputabilité à la société Pépinière Renault de la situation de blocage qui serait à l'origine du dommage imminent invoqué par la société Pépinières [O] [G].

En outre, il résulte des échanges entre les deux sociétés sus rappelés, que la société Pépinières [O] [G] connaissait la position de la société Pépinières Renault depuis à tout le moins le 18 mai 2022, laquelle lui a été rappelée à plusieurs reprises et n'a jamais varié et qu'elle n'en a pas tiré les conséquences qu'elle même invoquait dans sa lettre dès le 8 avril 2022 (absence de réservations), alors que quels que soient les mérites de la position de la société Pépinières Renault qui n'a pas à être appréciée par le juge des référés, la société [O] [G] avait en mai 2022 la possibilité de se tourner sans attendre vers un autre fournisseur pour les produits désirés ou de ne pas inclure les produits de la société Pépinières Renault qui ne faisaient pas l'objet d'un accord, dans ses catalogues qui, selon le contenu de ses mails, n'étaient pas encore partis à l'imprimeur, en réglant ensuite, le cas échéant, les conséquences du refus de la société Pépinières Renault d'accepter des réservations pour la campagne 2022/2023.

A ce titre, c'est justement que la société Pépinières Renault souligne que l'affirmation, qu'elle conteste, de la société [O] [G] selon laquelle la société Pépinières Renault serait pour elle un fournisseur stratégique par le volume et la nature des produits dont nombreux seraient exclusifs à ladite société et en particulier ceux faisant l'objet d'opérations commerciales, telle l'offre portant sur une variété particulière d'hortensia (framboisine), n'est pas démontrée; alors que de son côté la société Pépinières Renault qui affirme qu'aucun des produits vendus à la société Pépinières [G] n'est exclusif de sa production et qu'ils sont disponibles auprès d'autres vendeurs, verse aux débats des extraits de sites de vente en ligne de producteurs ou de distributeurs offrant les produits prétendument exclusifs à la société Pépinières Renault.

Ainsi en définitive, au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de considérer que la société [O] [G] ne rapporte pas la preuve d'un dommage imminent qui se produirait nécessairement du fait d'une situation de blocage des livraisons des végétaux figurant dans le fichier du 21 juin 2022, imputable à la société Pépinières Renault, qui justifierait que les mesures conservatoires sollicitées soient prises à l'encontre de cette dernière.

Il convient dès lors d'infirmer la décision du juge des référés du tribunal de commerce d'Angers du 13 septembre 2022, en ce qu'elle a :

- ordonné la poursuite de l'exécution du contrat aux termes et conditions habituels pour la saison en cours, jusqu'au 31 décembre 2022, et notamment :

* tarification sur la base de la proposition tarifaire annuelle faite par la société Pépinières Renault au moment de la réponse à l'appel d'offres,

* validation et acceptation par la société Pépinières Renault de la réservation faite par elle selon le fichier Excel envoyé à la société Pépinières Renault le 21 juin 2022,

* livraison à partir du prononcé de l'ordonnance et pour une période se terminant le 31 décembre 2022,

* pilotage partagé des besoins en consommation selon l'évolution de son carnet de commande, au travers d'estimations réactualisées régulièrement et communiquées à la société Pépinières Renault,

- ordonné la livraison par la société Pépinières Renault des marchandises objets de réservations de juin 2022, dès le prononcé de l'ordonnance et jusqu'au 31 décembre 2022.

Statuant à nouveau, les demandes de la société Pépinières [O] [G] fondées sur les dispositions de l'article 873 alinéa premier du code de procédure civile, seront rejetées.

- Sur la demande reconventionnelle de la société Pépinières Renault :

La société Pépinières Renault sollicite la condamnation de la société [O] [G] à lui payer la somme provisionnelle de 49 638, 65 euros se décomposant comme suit :

- 12 276, 61 euros au titre d'un solde de factures de fourniture de marchandises demeuré impayé malgré mise en demeure du 8 juillet 2022,

- 37 362,44 euros au titre du prix de marchandises objets d'une réservation au titre de la campagne 2021/2022, acceptée par elle, valant commande et dont l'annulation postérieure n'a pas en revanche été acceptée par elle.

Elle fait valoir qu'elle justifie par les pièces produites d'une obligation de paiement de la société Pépinières [O] [G], non sérieusement contestable.

La société Pépinières [O] [G] conclut au rejet de la demande comme se heurtant à des contestations sérieuses, en faisant valoir que les sommes sont réclamées au titre de conditions contractuelles à propos desquelles les parties sont en désaccord et qui nécessitent un débat sur le fond.

Sur ce :

La somme de 12 276, 61 euros correspond au prix de produits dont la société Pépinières [O] [G] ne conteste pas avoir été livrée.

Elle considère néanmoins ne pas en être tenue dans la mesure où selon elle, le règlement du prix des ventes de végétaux pour la campagne 2021/2022 dans le court délai fixé par les parties (8 jours après la réception de la facture), lui ouvrait droit à un escompte de 3 %, dans le cadre contractuel en vigueur entre les parties.

Il sera rappelé qu'il n'existe aucun contrat écrit entre les parties.

Au soutien de sa demande, la société Pépinières verse aux débats les échanges de mail relatifs à la question de l'escompte entre octobre 2020 et juillet 2022 ainsi que les lettres de rappel et la mise en demeure du 8 juillet 2022.

Il ressort d'un mail de la société Pépinières Renault du 21 octobre 2020, qu' en réponse au questionnement de la société Pépinières [G] sur le fait qu'elle bénéficie toujours ou non d'un escompte de 3 % sous paiement à huit jours, elle a répondu par la négative en indiquant : "pas d'escompte", "paiement à 30 jours", "ces mentions sont portées sur nos facture".

S'en est suivi un échange entre le 21 et le 23 octobre 2020, aux termes duquel la société Pépinière Renault a indiqué qu'elle continuerait d'accorder un escompte de 3 % à la seule condition d'un accord dérogeant à ses CGV et sous réserve de paiement dans un délai maximum de cinq jours, en précisant que l'accord ne sera valable que pour l'automne 2020 et le printemps 2021, à revoir lors des négociations pour la saison 2021/2022.

Le 9 mars 2021, la société Pépinières Renault a adressé un mail à la société Pépinières [O] [G] pour confirmer, suite à leur rencontre, et dans la continuité du mail du 20 octobre 2020, qu'à partir de juillet 2021, elle n'appliquera pas d'escompte pour paiement anticipé, en joignant leurs échanges de mail d'octobre 2020.

Le 5 octobre 2021, alors que la société Pépinières Renault faisait observer que la société Pépinières [O] [G] avait appliqué à son dernier paiement un escompte de 3% contraire à leurs conditions générales de vente, ce qui lui avait été notifié à plusieurs reprises, la société Pépinières [O] [G] a répondu ne pas en avoir trace.

Il lui était alors renvoyé une nouvelle fois la justification de l'absence d'escompte depuis juillet 2021, avec tous les échanges de mail.

La société Pépinières [O] [G] a néanmoins pour la campagne 2021/2022 continué à déduire des factures 3 % du montant en cas de paiement immédiat.

Au vu de ces éléments, l'obligation de la société Pépinières [O] [G] de paiement de la somme de 12 276, 61 euros à la société Pépinières n'apparaît pas sérieusement contestable.

La somme de 37 362,44 euros est réclamée au titre du coût de produits dont les commandes auraient été annulées unilatéralement par la société Pépinières [O] Brian, sans l'accord de la société Pépinières Renault, qui considère que dans le cadre contractuel en vigueur entre les deux sociétés, la réservation globale lui ayant été adressée pour la campagne 2021/2022 et ayant été acceptée par elle, ne peut plus donner lieu à des annulations de produits y figurant , sauf accord entre les parties.

Les produits concernés par la demande en paiement de la société Pépinières Renault n'ont pas été livrés à la société Pépinières [O] [G] .

La société Pépinières Renault se prévaut de ses conditions générales de vente qu'elle entend voir appliquer pour la campagne 2021/2022 concernant la faculté de résiliation des commandes, tandis que la société [O] [G] soutient que les accords commerciaux qui seraient en vigueur entre les parties depuis plus de trente ans, permettaient d'ajuster les quantités de produits effectivement acquis, même après l'envoi de son fichier de réservation, sans avoir à s'acquitter de pénalités, faculté qu'elle qualifie de « pilotage indispensable à travers des interactions avec ses fournisseurs » dans l'objectif d'éviter d'avoir à écouler les produits en surplus.

L'absence de contrat signé entre les parties ne permet pas de s'appuyer sur des clauses contractuelles pour analyser les droits et obligations respectives des deux sociétés et en particulier la faculté pour l'une d'annuler des commandes et pour l'autre de signifier qu'elle ne sera pas en mesure de livrer certaines commandes et les conséquences.

Il ressort des échanges de lettres ou de mails entre les sociétés et des factures acquittées, qu'il existe chaque année, sur les huit dernières années, une différence entre les 'réservations' et les produits effectivement livrés et payés en fin de campagne annuelle.

Cependant, il apparaît également que des nouvelles négociations étaient ouvertes pour chaque campagne et que certaines règles pouvaient être discutées ou remises en cause à cette occasion, de sorte qu'il est difficile d'en tirer des conclusions quant à une faculté contractuelle de l'acquéreur de révision de ses "réservations" en cours de saison de culture, sans une analyse approfondie du contenu des accords entre les parties, en particulier quant aux effets attribués par celles-ci à la notion de "réservation", qui relève du fond.

La solution du litige concernant la demande en paiement de la somme de 37'362,44 euros , se heurte ainsi à des contestations sérieuses.

Dès lors en définitive, il convient d'infirmer le jugement critiqué en ce qu'il a rejeté la demande de la société Pépinières Renault et statuant à nouveau, la société Pépinières [O] [G] sera condamnée à payer à la société Pépinières Renault, la somme provisionnelle de 12 276,61 euros avec intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 2022.

- Sur la demande en paiement de la somme de 204 606,55 euros:

Cette demande reconventionnelle qui apparaît formée par la société Pépinières Renault uniquement si la cour faisait droit à la demande tendant à voir ordonner les livraisons des produits figurant sur la liste adressée le 15 juin 2022 ou le 21'juin 2022, se trouve sans objet.

- Sur les dépens et frais irrépétibles :

L'ordonnance du 13 septembre 2022 sera infirmée en ce qu'elle a condamné la société Pépinières Renault à payer à la société Pépinières [O] [G] une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux dépens.

Statuant à nouveau et y ajoutant, la société Pépinières [O] [G] sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Il n'apparaît pas toutefois inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,

- REJETTE la demande tendant à voir écarter des débats les conclusions déposées le 3 mars 2023 et le 6 mars 2023 par la société Pépinières [O] [G] ;

- REJETTE la fin de non-recevoir tirée du prétendu défaut d'intérêt à agir de la société Pépinière Renault à agir en appel ;

- CONFIRME l'ordonnance de référé critiquée en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la société Pépinières Renault et en ce qu'elle a rejeté la demande

- INFIRME l'ordonnance de référé critiquée pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- REJETTE la fin de non-recevoir des demandes de la société Pépinières Birant tirée de la violation de l'article L. 631-28 du code rural et de la pêche maritime;

- REJETTE la fin de non-recevoir des demandes de la société Pépinières [G] tirée du défaut de pouvoir du juge des référés du tribunal de commerce pour statuer sur un litige relevant des articles L. 442-1 à L. 442-4, L. 442-6 I et II du code de commerce :

- REJETTE la demande de la société Pépinières [O] [G] présentée sur le fondement de l'article 673 alinéa premier du code de procédure civile tendant à voir ordonner la poursuite de l'exécution du contrat aux termes et conditions habituels jusqu'au 31 décembre 2022 et notamment :

* tarification sur la base de la proposition tarifaire annuelle faite par la société Pépinières Renault au moment de la réponse à l'appel d'offres,

* validation et acceptation par la société Pépinières Renault de la réservation faite par elle selon le fichier Excel envoyé à la société Pépinières Renault le 21 juin 2022,

* livraison à partir du 13 septembre 2022 jusqu'au 31 décembre 2022,

* pilotage partagé des besoins en consommation selon l'évolution de son carnet de commande, au travers d'estimations réactualisées régulièrement et communiquées à la société Pépinières Renault,

- CONDAMNE la société Pépinières [O] [G] à payer à la société Pépinières Renault la somme provisionnelle de 12 276,61 euros avec intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 2022 ;

- REJETTE le surplus des demandes reconventionnelles de la société Pépinières Renault ;

- CONDAMNE la société Pépinières [O] [G] aux dépens de première instance et d'appel;

- REJETTE les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.