Livv
Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 6 février 2024, n° 20/00555

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

JORMA (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme SALMERON

Conseillers :

Mme MOULAYES, M. DE LA MOUTTE

Avocats :

Me DUGUET, Me OUSTALET-CORTES

TGI TOULOUSE, du 17 janv. 2020

17 janvier 2020

Par acte du 29 août 1996, [N] [Z] et [R] [T] épouse [Z] ont consenti à la Sarl Jorma un bail dérogatoire au statut des baux commerciaux portant sur des locaux sis [Adresse 1] à [Localité 2], aux fins d'exploitation d'un salon de coiffure.

A l'expiration du bail, le 31 août 1998, la Sarl Jorma s'est maintenue dans les lieux et un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux s'est substitué au précédent par application de l'article L145-5 alinéa 2 du code de commerce.

Suite à des impayés de loyers, les époux [Z] ont assigné la Sarl Jorma devant le tribunal de grande instance de Toulouse aux fins, notamment, de voir constater la résolution de plein droit du bail par le jeu de la clause résolutoire prévue au contrat et condamner la Sarl Jorma au paiement des charges et loyers impayés.

Le tribunal de grande instance de Toulouse a fait droit à ces demandes mais, au terme d'un arrêt du 1er décembre 2010, la cour d'appel de Toulouse a donné acte aux époux [Z] de l'abandon de leur demande tendant à constater la résolution du bail, débouté les époux [Z] de leur demande tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire du bail et l'expulsion de la Sarl Jorma. La cour d'appel a cependant confirmé la condamnation de cette dernière au paiement de la somme de 21.456,67 € au titre des arriérés de loyers et charges arrêtés au 9 octobre 2008.

Le 25 février 2016, les époux [Z] ont fait délivrer à la Sarl Jorma un nouveau commandement de payer visant la clause résolutoire, portant sur la somme de 6.899,58€ correspondant aux loyers et charges locatives arrêtés au 1er janvier 2016.

Le 4 mars 2016, la Sarl Jorma a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulouse d'une demande de suspension des effets de la clause résolutoire.

Par chèque du 23 mars 2016 à l'ordre de la Carpa, la Sarl Jorma a réglé les causes du commandement de payer du 25 février 2016.

Par ordonnance en date du 11 avril 2016, le juge des référés a débouté la Sarl Jorma de sa demande au motif qu'il existait une contestation sérieuse supposant l'intervention du juge du fond.

Par acte d'huissier de justice du 13 août 2018, la Sarl Jorma, a assigné les époux [Z] devant le tribunal de grande instance de Toulouse aux fins notamment de voir déclarer non écrite la clause d'indexation des loyers prévue au bail, condamner les époux [Z] au remboursement des loyers et sommes trop perçus, subsidiairement d'annuler la clause afférente au remboursement du droit au bail et à la taxe additionnelle, annuler la clause concernant la participation à la taxe foncière, annuler la clause afférente aux consommations d'eau et condamner les époux [Z] au paiement de la somme encaissée à ce titre.

Les époux [Z] ont soulevé l'irrecevabilité de la demande d'annulation des effets de la clause résolutoire pour prescription, l'irrecevabilité de la demande visant à faire déclarer non écrite la clause de révision du loyer, et l'irrecevabilité de la demande d'annulation des clauses concernant la taxe foncière et la consommation d'eau.

Par jugement du 17 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

- déclaré irrecevable l'action en annulation des effets de la clause résolutoire ;

- déclaré recevable l'action en reconnaissance du caractère non écrit de la clause d'indexation ;

- déclaré recevable l'action en répétition de l'indu portant sur les sommes payées postérieurement au 4 mars 2011 ;

- déclaré irrecevable l'action en restitution de l'indu portant sur les sommes payées antérieurement au 4 mars 2011 ;

- déclaré irrecevables les actions aux fins d'annulation de la clause prévoyant la participation du locataire au paiement de la taxe foncière et de la clause afférente aux consommations d'eau ;

- déclaré non écrite la clause d'indexation prévue au bail du 31 août 1998 ;

- condamné les époux [Z] à restituer à la Sarl Jorma la différence entre la somme de 1.107,73€ et le loyer effectivement payé par la locataire, chaque mois, entre le 5 avril 2011 et le 17 janvier 2020, date du présent jugement, déduction faite des sommes versées au titre des provisions sur charges et des régularisations de charges locatives.

- dit que la somme due produira intérêts au taux légal à compter du 13 août 2018 ;

- débouté la Sarl Jorma de sa demande de condamnation au remboursement de la somme mensuelle de 509,80 € ;

- débouté la Sarl Jorma de sa demande d'annulation de clause afférente au remboursement du droit au bail et de la taxe additionnelle ;

- débouté la Sarl Jorma de sa demande condamnation au paiement de la somme de 306,57€ ;

- condamné les époux [Z] aux dépens de l'instance,

- condamné les époux [Z] à payer à la Sarl Jorma la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire du présent jugement ;

- rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties.

Par déclaration en date du 13 février 2020, la Sarl Jorma a relevé appel du jugement. La portée de l'appel est l'infirmation des chefs du jugement qui ont :

- déclaré irrecevable l'action en annulation des effets de la clause résolutoire ;

- déclaré irrecevable l'action en restitution de l'indu portant sur les sommes payées antérieurement au 4 mars 2011 ;

- déclaré irrecevables les actions aux fins d'annulation de la clause prévoyant la participation du locataire au paiement de la taxe foncière et de la clause afférente aux consommations d'eau ;

- condamné les époux [Z] à restituer la différence entre la somme de 1.107,73 € et le loyer effectivement versé seulement à compter du 5 avril 2011 ;

- débouté la Sarl Jorma de sa demande de condamnation au remboursement de la somme mensuelle de 509,80 €.

Le 27 août 2021, les époux [Z] ont saisi le magistrat chargé de la mise en état d'un incident de procédure aux fins de déclarer irrecevables les conclusions de l'appelant du 9 août 2021 en application des articles 910 et 914 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 25 novembre 2021, le conseiller de la mise en état a :

- rejeté l'irrecevabilité des conclusions de la Sarl Jorma notifiées le 9 août 2021, les a déclarées recevables

- condamné les époux [Z] aux dépens de l'incident

- condamné les époux [Z] à verser à la Sarl Jorma la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture est intervenue le 12 décembre 2022.

L'affaire, qui devait être appelée à l'audience du 10 janvier 2023, a été défixée puis fixée à l'audience du 28 novembre 2023.

Prétentions et moyens

Vu les conclusions n°2 notifiées le 9 août 2021 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sarl Jorma demandant de :

- infirmer le jugement dont appel du 17 janvier 2020 en ses dispositions contestées ;

- dire et juger non écrite la clause de révision automatique des loyers et par tant imprescriptible comme enfreignant les dispositions d'ordre public de l'article L112-1 du code monétaire et financier

- l'annuler afin qu'elle ne puisse produire le moindre effet et ce à compter de la date de la première révision des loyers, soit celle du 29 août 1997 ;

- ramener le prix des loyers exigible à compter de cette date à la somme mensuelle de 762,25 € et dire et juger qu'il sera dû pendant toute la durée du bail liant les parties ;

- condamner en conséquence les époux [Z] in solidum à rembourser à la société Jorma toutes les majorations des loyers dépassant le loyer contractuel initial mensuel de 762,25 € réglés au titre des revalorisations et indexations annuelles successives à compter rétroactivement de la signature du bail du 29 août 1996 jusqu'au terme définitif dudit bail du fait de la nullité des effets de l'indexation susvisée sous réserve de la déduction des charges locatives réellement dues sur justificatifs ad hoc avec intérêts légaux à compter de la date de l'assignation du 13 août 2018 valant mise en demeure de payer et anatocisme ;

- annuler le commandement de payer du 25 février 2016 au motif de l'inexigibilité des sommes réclamées à tort par les époux [Z] en ce que plus particulièrement, ils ne sauraient valablement enjoindre la société Jorma d'avoir à régler la réactualisation des loyers depuis le 1er septembre 2011 à concurrence de la somme de 4.088,80 € du fait de l'annulation de la clause de révision desdits loyers, voire encore le loyer du mois de janvier 2016, pas plus que les provisions sur les charges locatives pour l'année 2012 faute de justifications expresses, comme enfin la clause pénale qui n'a pas sa raison d'être et le coût de cet acte ;

- confirmer l'annulation de la clause afférente au remboursement du droit au bail et à la taxe additionnelle qui n'a plus sa raison d'être et alors même que la Crl ne peut être réclamée au locataire ;

- annuler la clause concernant « la participation à la taxe foncière » comme insuffisamment explicite et sujette à permettre aux bailleurs d'imputer son prorata à sa seule guise ;

- annuler pareillement la clause afférente aux consommations d'eau ;

- condamner les époux [Z] au paiement de la somme de 306,57 € encaissée à ce titre avec intérêts légaux à compter de la présente assignation valant mise en demeure de payer ;

- démettre les époux [Z] de toutes leurs demandes, fins et conclusions comme irrecevables, injustes et en tout cas mal fondées ;

- confirmer la condamnation des époux [Z] in solidum aux dépens de première instance qui comprendront en outre le règlement de la somme de 3 000 € à valoir sur le remboursement des frais irrépétibles exposés par la société Jorma pour les besoins de sa défense en justice devant le tribunal de grande instance de Toulouse sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La Sarl Jorma soutient que si l'action en annulation de la clause d'indexation est imprescriptible, il doit en aller de même s'agissant de la demande en restitution des trop-perçus de loyers qui en découle ; elle s'estime donc légitime à solliciter le remboursement de ces trop-perçus depuis la signature du bail, et en prenant comme loyer de référence, le montant du loyer applicable à cette date.

Sur ce fondement, elle rappelle que le commandement de payer dont la nullité est soulevée, porte sur la réactualisation des loyers en application de la clause d'indexation qui a été réputée non écrite ; aucune prescription ne peut donc lui être opposée s'agissant de son action en nullité du commandement.

Elle relève ensuite l'ambiguïté de la clause du bail mettant à sa charge une participation à la taxe foncière, ainsi que de celle relative aux consommations d'eau, pour en solliciter la nullité ; elle conteste la prescription de son action de ce chef.

Elle soulève enfin l'irrecevabilité des demandes nouvelles des bailleurs en résolution du bail et en paiement des provisions sur charges, ces prétentions n'ayant pas été soutenues en première instance.

Vu les conclusions n°3 notifiées le 1er décembre 2022 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de Monsieur [N] [Z] et Madame [R] [T] épouse [Z] demandant, au visa des articles 1227 du code civil et 564 du code de procédure civile, de :

- confirmer le jugement rendu le 17 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Toulouse sauf en ce qui concerne les frais irrépétibles,

- le réformant à ce dernier égard, laisser à chaque partie la charge des frais irrépétibles de première instance par elle exposés

- y ajoutant, prononcer aux torts de la Sarl Jorma la résiliation du contrat de bail la liant aux époux [Z]

- ordonner l'expulsion de la Sarl Jorma ainsi que de tous occupants de son chef

- autoriser à cette fin le recours à la force publique

- ordonner que le sort des objets mobiliers restant dans les lieux sera soumis aux dispositions de l'article R433-1 du code des procédures civiles d'exécution

- condamner la Sarl Jorma à payer à [R] et [N] [Z] ensemble la somme de 7.989,16 € au titre de l'arriéré de charges acquis du 17 janvier 2020 au 24 octobre 2022, ce à parfaire selon le quantum du passif à la date de l'arrêt à intervenir, outre une juste indemnité d'occupation jusqu'à la libération des lieux égale au montant du loyer de 1.107,73 € mensuels majoré de la provision sur charges de 214 € par mois

- condamner la Sarl Jorma à payer à [R] et [N] [Z] ensemble la somme de 6.000 € au titre des frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner la Sarl Jorma aux dépens d'appel conformément à l'article 696 du code de procédure civile avec droit pour Me [E] [C] de recouvrer directement ceux dont il aurait fait l'avance conformément aux dispositions de l'article 699 dudit code

- prononcer la compensation entre les créances respectives des parties en application de l'article 1348 du code civil.

Les bailleurs ne contestent pas la décision du premier juge ayant déclaré non-écrite la clause d'échelle mobile qui ne prévoyait une variation qu'à la hausse ; ils affirment que selon une jurisprudence constante, la déclaration par le juge de ce qu'une clause d'échelle mobile est non-écrite fait naître un indu dont la répétition est soumise au délai de prescription de droit commun en l'absence de texte prévoyant un délai différent.

Ainsi, le remboursement des trop-perçus de loyers ne peut être recevable que pour les cinq années précédant l'assignation, ainsi que l'a décidé le jugement de première instance.

Ils reprennent à leur compte la motivation du jugement contesté s'agissant de la prescription de l'action en nullité du commandement de payer, la prescription biennale trouvant à s'appliquer en matière de baux commerciaux.

Sur la demande du preneur en annulation de la clause afférente au remboursement du droit au bail et à la taxe additionnelle, les bailleurs rappellent ne jamais avoir fait application de ces clauses, qui concernent des impôts désormais disparus ; en tout état de cause, ils rappellent que ce chef de jugement de première instance n'a pas été visé dans la déclaration d'appel et que les demandes présentées de ce chef sont irrecevables.

Ils affirment en outre que la demande en annulation des clauses du bail relatives à la participation du preneur au paiement de la taxe foncière et à la consommation d'eau est prescrite pour avoir été formée plus de cinq ans après la signature du bail ; ils ajoutent que le principe de concentration des moyens, puis l'exécution volontaire des clauses contestées, s'opposent à la recevabilité des demandes du preneur.

En tout état de cause, sur le fond, ils estiment ces clauses suffisamment précises pour ne pas être annulées.

Les bailleurs forment par ailleurs appel incident des dispositions du premier jugement relatives aux frais irrépétibles et sollicitent que soit prononcée la résolution du bail commercial liant les parties, la Sarl Jorma ne s'étant pas acquittée du paiement des provisions sur charges depuis le premier jugement ; ils demandent par ailleurs le paiement des sommes dues au titre des provisions sur charges, et la compensation des créances respectives des parties.

MOTIFS

Sur l'étendue de la saisine de la Cour

Il ressort des dispositions de l'article 901 4° du code de procédure civile que la déclaration d'appel doit comporter, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Selon l'article 562 de ce même code, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Il résulte en outre des articles 542 et 954 du code de procédure civile que l'appelant doit, dans le dispositif de ses conclusions, mentionner qu'il demande l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement ou l'annulation du jugement.

Il en résulte que la déclaration d'appel, qui mentionne les chefs de dispositif du jugement critiqués, délimite l'étendue de l'effet dévolutif de l'appel quand les conclusions, par l'énoncé dans leur dispositif de la demande d'infirmation ou d'annulation du jugement, déterminent quant à elles, la finalité de l'appel, qui tend à l'annulation ou à la réformation du jugement, dans les limites de la dévolution opérée par la déclaration d'appel.

Les conclusions ne sont pas susceptibles d'étendre l'effet dévolutif de l'appel.

Il est ainsi de jurisprudence constante que les chefs du jugement critiqué qui ne figurent pas sur la déclaration d'appel ne peuvent plus être discutés devant la Cour.

Dès lors la Cour n'est pas saisie de la demande en annulation de la clause afférente au remboursement du droit au bail et de la taxe additionnelle, ainsi que de la demande en paiement de la somme de 306,57 euros, qui n'ont pas été expressément visées dans la déclaration d'appel.

Par ailleurs, si la Sarl Jorma a visé dans sa déclaration d'appel le chef de jugement l'ayant déboutée de sa demande de condamnation au remboursement de la somme mensuelle de 509,80 €, il ne peut qu'être relevé que cette demande n'est pas reprise dans le dispositif de ses dernières conclusions, de sorte que la Cour n'en est pas saisie.

Il convient enfin de relever que les parties ne contestent pas le chef du premier jugement, ayant déclaré non-écrite la clause d'échelle mobile.

Le caractère non-écrit de cette clause est donc acquis aux débats.

Sur la demande en restitution du trop-perçu

Le preneur, tirant les conséquences du caractère non-écrit de la clause d'indexation du loyer, demande à la Cour de condamner le bailleur à lui restituer le trop-perçu résultant de l'application de cette clause, depuis l'origine du bail.

Il conteste le jugement de première instance en ce qu'il a déclaré son action prescrite pour les demandes remontant à plus de cinq années avant l'assignation, et tenu compte à titre de loyer de référence, du loyer applicable au jour où son action en répétition de l'indû n'était plus prescrite.

Il estime en effet que son action est imprescriptible, eu égard à l'effet rétroactif du réputé non-écrit, et que seul le loyer initial du bail peut être pris en compte pour calculer le trop-perçu.

L'action visant à voir déclarer non-écrite une clause d'échelle mobile ne prévoyant la variation qu'à la hausse, est en effet imprescriptible ; le réputé non écrit ne joue pas uniquement à compter de son prononcé mais a un effet rétroactif.

Le preneur est fondé à agir en répétition de l'indu, afin d'obtenir le remboursement des indexations indûment pratiquées ; en revanche, il est constant que cette action se trouve soumise à la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil.

Il ressort des dispositions de l'article 2224 du code civil que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

La prescription ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance.

En l'espèce l'assignation a été délivrée dans le cadre du présent litige le 13 août 2018 ; toutefois, la Sarl Jorma a invoqué pour la première fois l'inapplicabilité de la clause d'échelle mobile dans son assignation en référé délivrée aux bailleurs le 4 mars 2016.

C'est donc à bon droit que le premier juge a retenu que la demande en répétition de l'indu formée par la Sarl Jorma n'était recevable que pour les cinq années précédant l'assignation en référé du 4 mars 2016, soit à compter du 4 mars 2011.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

En revanche, c'est à tort qu'il a retenu comme loyer de référence, celui applicable au 4 mars 2011 ; en effet, dans la mesure où la clause d'échelle mobile est réputée non-écrite, elle est censée n'avoir jamais existé de sorte que le loyer à prendre en compte pour le calcul des restitutions ne peut être que celui convenu à l'origine du contrat.

Ainsi, la clause réputée non-écrite étant insérée au bail dérogatoire du 29 août 1996, c'est le loyer convenu à cette date entre les parties qui sera retenu comme loyer de référence, soit la somme mensuelle de 762,25 euros.

Le premier jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a condamné les époux [Z] à restituer à la Sarl Jorma la différence entre la somme de 1.107,73€ et le loyer effectivement payé par la locataire, chaque mois, entre le 5 avril 2011 et le 17 janvier 2020, date du jugement, déduction faite des sommes versées au titre des provisions sur charges et des régularisations de charges locatives.

Réformant ce jugement, il sera tenu compte de la différence entre la somme de 762,25 euros et le loyer effectivement payé entre le 5 avril 2011 et la date du présent arrêt.

Sur la demande en annulation des clauses relatives à la taxe foncière et à la consommation d'eau

La Sarl Jorma invoque l'absence de clarté de la clause mettant à sa charge une partie de la taxe foncière, et de la clause relative aux provisions sur charges locatives qui ne permet pas de déterminer si la consommation d'eau est intégrée à ces charges.

Elle demande à la Cour de prononcer la nullité de ces clauses.

Il ressort des dispositions de l'article L145-60 du code de commerce que les actions relatives au statut des baux commerciaux se prescrivent par deux ans.

Il est constant que cette prescription biennale s'applique aux actions en nullité des clauses du contrat de bail commercial.

La Sarl Jorma a eu connaissance du contenu des clauses contestées au jour de la signature du bail dérogatoire du 29 août 1996 ; ces clauses n'ont ensuite fait l'objet d'aucune modification, et la société preneuse n'est pas fondée à invoquer une découverte tardive de ces clauses du contrat.

Dès lors, le point de départ du délai de prescription biennale est la date de signature du bail dérogatoire, jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître le fait lui permettant d'exercer son action.

A la date de l'assignation, le délai de prescription biennale était en conséquence échu ; il conviendra de confirmer le jugement du 17 janvier 2020 ayant déclaré irrecevables les actions aux fins d'annulation de la clause prévoyant la participation du locataire au paiement de la taxe foncière et de la clause afférente aux consommations d'eau.

Sur la demande en nullité du commandement de payer du 25 février 2016

La Sarl Jorma demande à la Cour de prononcer la nullité du commandement de payer délivré le 25 février 2016, au motif qu'il se fondait sur des sommes indues, une partie des loyers réclamés constituant un trop-perçu du fait de la reconnaissance du caractère non-écrit de la clause d'échelle mobile.

Il ne peut qu'être relevé que cette demande du preneur est désormais sans objet, dans la mesure où les causes du commandement de payer ont disparu, la Sarl Jorma s'étant acquittée du montant réclamé par les bailleurs par chèque du 23 mars 2016 ; le paiement est donc intervenu dans le mois suivant la délivrance du commandement, de sorte que la clause résolutoire prévue au bail dérogatoire ne peut plus être mise en œuvre.

Par ailleurs, en exécution de la présente décision, le trop-perçu résultant de l'indexation du loyer sera remboursé par les époux [Z].

Ainsi le commandement de payer signifié le 25 février 2016 est désormais sans effet ; la demande de la Sarl Jorma est sans objet.

Le jugement du 17 janvier 2020 sera en conséquence infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande formée par la société preneuse de ce chef.

Sur les demandes reconventionnelles

Les époux [Z] demandent à la Cour de prononcer la résiliation du contrat de bail aux torts de la Sarl Jorma, d'ordonner son expulsion, et de condamner cette dernière au paiement des arriérés de charges depuis le premier jugement et jusqu'au 24 octobre 2022, à parfaire, outre une indemnité d'occupation.

Ces demandes sont formées pour la première fois devant la Cour ; il ressort de la lecture du jugement du 17 janvier 2020 qu'en première instance, les bailleurs se limitaient à conclure à l'irrecevabilité ou au débouté des demandes formées par la société preneuse.

Ainsi, la Sarl Jorma oppose aux intimés l'irrecevabilité de leurs demandes nouvelles devant la Cour.

Selon les dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Les articles 565 et 566 de ce même code ajoutent que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l'espèce les bailleurs affirment que leurs demandes ne procèdent que de l'évolution du litige depuis le premier jugement, qu'elles leur permettent d'opposer la compensation à leur locataire, et qu'elles sont destinées à faire écarter les prétentions de la Sarl Jorma de ne payer à l'avenir qu'un loyer sans indexation.

Il convient de rappeler que la demande en compensation n'est recevable en appel que si elle est opposée à une demande de la partie adverse ; elle doit être de nature à faire écarter une partie des prétentions adverses.

En l'espèce, les bailleurs sollicitent compensation de leur créance de charges, face au preneur qui agit en répétition de l'indû sur le montant des loyers ; leur demande en paiement est donc recevable en ce qu'elle vise à la compensation de créances respectives de loyers et charges.

Il ne peut toutefois qu'être relevé que les époux [Z] sollicitent le paiement de provisions sur charges depuis le mois de février 2020, alors que le principe même de la provision est d'être provisoire, et de ne constituer qu'une avance sur frais, donnant lieu chaque année à une régularisation en fonction des charges effectivement assumées par le propriétaire.

Ils ne versent aux débats aucun justificatif qui permettrait de chiffrer le montant réel des charges sur les années échues.

Dans la mesure où le décompte produit s'arrête au mois d'octobre 2022, les bailleurs étaient en mesure de communiquer à la Cour l'état des charges sur les années concernées, afin de déterminer leur créance définitive.

En l'état, les époux [Z] demandent à la Cour de leur allouer le paiement d'une créance incertaine et indéterminée, alors qu'un simple état des charges sur les années 2020 à 2022 permettrait de chiffrer leur créance de manière définitive.

Dans ces conditions, à défaut de rapporter la preuve du montant certain et exigible de leur créance, ils ne pourront qu'être déboutés de leur demande en paiement et en compensation.

Par ailleurs, les époux [Z] demandent à la Cour de prononcer la résiliation du bail, l'expulsion du preneur, de régler le sort des objets mobiliers susceptibles de rester dans les locaux, et de condamner le preneur au paiement d'une indemnité d'occupation.

Il est constant que la demande tendant à la résiliation est une demande nouvelle, en ce qu'elle a pour effet de mettre le contrat de bail à néant, lorsqu'auparavant les parties ne s'opposaient que sur l'application de ce contrat, lequel subsistait.

En première instance les bailleurs n'ont pas évoqué la possibilité de mettre fin au bail de la société preneuse, se limitant à contester la recevabilité ou le bien fondé de ses demandes ; ils n'ont ainsi pas envisagé d'autre solution que la poursuite du bail.

Leur demande en résiliation, formulée uniquement en appel, vise au contraire à la mise à néant du bail.

En conséquence, la demande en résiliation de bail ainsi que les demandes subséquentes, formées par les bailleurs, constituent des demandes nouvelles en appel, et seront donc déclarées irrecevables.

Sur les demandes accessoires

La Sarl Jorma n'a pas contesté dans sa déclaration d'appel les chefs de décision relatifs aux dépens et aux frais irrépétibles ; en revanche, les époux [Z] ont relevé appel incident s'agissant des frais irrépétibles.

Les époux [Z], qui succombent en leurs demandes, seront condamnés aux entiers dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour ces mêmes motifs, et pour des raisons d'équité, la Cour confirmera la décision du premier juge, condamnant les époux [Z] au paiement de la somme de 3 000 euros à la Sarl Jorma en application de l'article 700 du code de procédure civile.

En revanche, en cause d'appel, l'équité ne commande pas de faire application de ces dispositions ; les parties seront déboutées de leurs demandes de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant dans les limites de sa saisine, en dernier ressort, de manière contradictoire, et par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- déclaré irrecevable l'action en restitution de l'indu portant sur les sommes payées antérieurement au 4 mars 2011 ;

- déclaré irrecevables les actions aux fins d'annulation de la clause prévoyant la participation du locataire au paiement de la taxe foncière et de la clause afférente aux consommations d'eau

- condamné les époux [Z] à payer à la Sarl Jorma la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- condamné les époux [Z] à restituer à la Sarl Jorma la différence entre la somme de 1.107,73 € et le loyer effectivement payé par la locataire, chaque mois, entre le 5 avril 2011 et le 17 janvier 2020, date du présent jugement, déduction faite des sommes versées au titre des provisions sur charges et des régularisations de charges locatives.

- déclaré irrecevable l'action en annulation des effets de la clause résolutoire ;

Statuant à nouveau,

Condamne Monsieur [N] [Z] et Madame [R] [T] épouse [Z] à restituer à la Sarl Jorma la différence entre la somme de 762,25 € et le loyer effectivement payé par la locataire, chaque mois, entre le 5 avril 2011 et la date du présent arrêt, déduction faite des sommes versées au titre des provisions sur charges et des régularisations de charges locatives ;

Déclare sans objet la demande de la Sarl Jorma tendant à voir prononcer la nullité du commandement de payer du 25 février 2016 ;

Y ajoutant,

Déclare irrecevables la demande en résiliation de bail ainsi que les demandes subséquentes d'expulsion, de recours à la force publique, de règlement du sort des objets mobiliers et de condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation, formées par Monsieur [N] [Z] et Madame [R] [T] épouse [Z], en ce qu'elles constituent des demandes nouvelles en appel ;

Déboute Monsieur [N] [Z] et Madame [R] [T] épouse [Z] de leurs demandes en paiement des provisions sur charges et en compensation ;

Déboute la Sarl Jorma, Monsieur [N] [Z] et Madame [R] [T] épouse [Z] de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne solidairement Monsieur [N] [Z] et Madame [R] [T] épouse [Z] aux entiers dépens d'appel ;

Le greffier, La présidente,

.