CA Paris, Pôle 1 ch. 3, 6 février 2024, n° 23/13070
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
ISIS IMMOBILIER SELECTIF (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. CHAZALETTE
Conseillers :
Mme LEFEVRE, Mme GEORGET
Avocats :
Me BRANJONNEAU, SELARL DOLLA - VIAL & ASSOCIES
Par acte sous-seing privé du 16 février 1979, M. [D] [M], aux droits duquel vient M. [H] [M], a donné à bail à Mme [K] et M. [L], aux droits desquels se trouve la société Isis immobilier sélectif, un local commercial situé [Adresse 1].
Par acte sous-seing privé du 27 avril 2015, le bail a été renouvelé pour une durée de neuf années à compter du 1er avril 2015, moyennant le paiement d'un loyer annuel en principal de 27 300 euros hors charges et hors taxes, payable d'avance et trimestriellement.
Après avoir fait délivrer au preneur plusieurs commandements de payer, M. [M] a, par acte d'huissier de justice du 1er juin 2021, assigné la société Isis immobilier sélectif devant le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé, aux fins, notamment, de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire, ordonner l'expulsion de la société Isis immobilier sélectif et condamner celle-ci au paiement d'une provision.
Par ordonnance du 19 janvier 2022, le juge des référés a, notamment, renvoyé les parties à se pourvoir au fond, déclaré M. [M] irrecevable en sa demande de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire ensuite des commandements de payer délivrés les 20 juillet et 21 octobre, 26 janvier, 20 avril et 21 juillet 2021, débouté M. [M] de ses demandes au titre des commandements de payer délivrés les 1er et 17 septembre 2020 et l'a condamné à payer à la société Isis immobilier sélectif la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive. Le 14 février 2022, M. [M] a interjeté appel de l'ordonnance du 19 janvier 2022. Par arrêt du 29 septembre 2022, la cour d'appel de Paris a déclaré l'appel caduc.
Le 21 janvier 2022, M. [M] a fait délivrer au preneur un commandement de payer visant la clause résolutoire pour un montant de 682 euros au titre des charges impayées du 1er trimestre 2022.
Par acte d'huissier de justice du 21 mars 2022, M. [M] a fait assigner la société Isis immobilier sélectif devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins, notamment, de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire à compter du 21 février 2022 avec toutes les mesures subséquentes et de voir condamner la société Isis immobilier sélectif au paiement de diverses sommes.
Par ordonnance contradictoire du 31 mai 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, a :
dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire ensuite du commandement de payer délivré le 21 janvier 2022, ainsi que sur les demandes subséquentes ;
dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision à hauteur de la somme de 4 092 euros à valoir sur les charges du 1er , 2ème , 3ème trimestres 2022, 1er et 2ème trimestres 2023 ;
dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de M. [M] tendant à la communication par la société Isis immobilier sélectif de l'attestation d'assurance 2023 ;
dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de dommages et intérêts provisionnels présentée par M. [M] ;
condamné M. [M] à payer à la société Isis immobilier sélectif la somme de 1 000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive ;
condamné M. [M] à payer à la société Isis immobilier sélectif la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné M. [M] aux dépens ;
dit n'y avoir lieu à référé sur toute autre demande ;
rappelé que la décision bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit.
Par déclaration du 20 juillet 2023, M. [M] a relevé appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 20 novembre 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, M. [M] demande à la cour de :
le déclarer recevable et bien fondé en son appel ;
infirmer l'ordonnance rendue le 31 mai 2023 par le président du tribunal judiciaire de Paris ;
statuant à nouveau :
dire et juger que le juge des référés se déclarera incompétent au profit du juge du fond sur l'appréciation de la clause réputée non écrite, s'agissant d'une contestation sérieuse relevant de l'appréciation des juges du fond ;
déclarer recevable et bien fondée son action ;
constater l'absence de contestation sérieuse apparue hors délai du délai d'un mois des commandements de payer ;
constater l'acquisition de la clause résolutoire et en conséquence la résiliation de plein droit du bail commercial le liant à la société Isis immobilier sélectif, à compter du 21 février 2022 faute de proposition de règlement dans le délai d'un mois à compter de délivrance du commandement de payer ;
condamner la société Isis immobilier sélectif à lui verser à titre provisionnel une somme de 4 092 euros (682 x 7) au titre des provisions sur charges du 1er, 2ème, 3ème , 4ème trimestre 2022 et 1er, 2ème et 3ème trimestre 2023 ;
condamner la société Isis immobilier sélectif à rembourser les frais de commandement de payer du 21 janvier 2022 et du 25 juillet 2022 pour un montant de 244,14 euros et des frais d'opposition frauduleuse pour un montant de 30 euros ;
enjoindre la société Isis immobilier sélectif, dans les quarante huit heures de la signification de la décision à intervenir, de fournir au bailleur l'attestation d'assurance 2023 prévue par le bail s'agissant d'une obligation non sérieusement contestable et ce, sous astreinte de 100 euros par jour à compter du délai susvisé ;
ordonner l'expulsion de la société Isis immobilier sélectif ainsi que celle de tous occupants de son chef des lieux litigieux, avec l'assistance d'un serrurier, et d'un représentant des forces de l'ordre si besoin est, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance de référé à intervenir ;
ordonner la séquestration des objets mobiliers pouvant se trouver dans les lieux dans tel garde-meubles de son choix aux frais, risques et périls de la société Isis immobilier sélectif, et ce, en conformité avec les dispositions combinées des article L. 433-1 et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;
condamner par provision la société Isis immobilier sélectif à lui verser une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant des loyers, charges et taxes qui auraient été dus si le bail s'était poursuivi, à compter de la date de résiliation, et ce jusqu'à la libération complète et effective des lieux litigieux, par remise des clefs ;
débouter la société Isis immobilier sélectif de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
condamner la société Isis immobilier sélectif à verser une somme de 10 000 euros à titre de provision sur dommages intérêts ;
rappeler, en tant que de besoin, l'exécution provisoire de droit attachée à l'ordonnance de référé à intervenir ;
condamner la société Isis immobilier sélectif à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner Isis immobilier sélectif en tous les dépens
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 22 novembre 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, la société Isis immobilier sélectif demande à la cour de :
confirmer l'ordonnance rendue par le 31 mai 2023 en toutes ses dispositions ;
subsidiairement,
lui accorder un délai de six mois pour s'acquitter des sommes qui seraient dues et suspendre les effets de la clause résolutoire ;
dans tous les cas,
débouter M. [M] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
condamner M. [M] à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en cause d'appel et 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 7 décembre 2023.
Sur ce,
Sur la demande d'acquisition de la clause résolutoire pour défaut de paiement des charges du premier trimestre 2022
Selon l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
Selon l'article 835, alinéa 1er, du même code, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
En application de ces textes, il est possible, en référé, de constater la résiliation de plein droit d'un contrat de bail en application d'une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en oeuvre régulièrement.
Aux termes de l'article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Aux cas présent, le bail renouvelé conclu le 27 avril 2015 stipule que 'toutes les autres clauses et conditions du bail du 16 février 1979 et l'activité autorisée dans les lieux constatée dans l'acte du 25 septembre 1980 restant sans changement sauf les modalités de révision du loyer que cela entraîne.'
Le bail initial du 16 février 1979 contient une clause résolutoire ainsi rédigée : ' il est expressément convenu qu'à défaut de paiement d'un seul terme de loyer et accessoires à son échéance ou d'inexécution d'une seule des conditions du bail et un mois après un simple commandement demeuré infructueux, le bail sera résilié de plein droit si bon semble au bailleur sans qu'il soit besoin d'autres formalités judiciaires qu'une simple ordonnance de référé pour, si besoin était, contraindre le preneur à quitter les lieux et ordonner la vente des mobiliers et marchandises, ce, nonobstant toutes offres et conciliations ultérieures ; dans ce cas, les loyers versés d'avance resteraient acquis au bailleur à titre d'indemnité, sans préjudice de son droit au paiement des loyers courus ou à courir, y compris le terme commencé au moment de la sortie des lieux, du prix des réparations locatives et sous réserve de tous autres droits et actions.'
Cette clause et les dispositions de l'article L. 145-41 du code de commerce sont reproduites dans le commandement de payer délivré à la société Isis immobilier sélectif le 21 janvier 2022 pour une somme de 682 euros en principal au titre des charges afférentes au 1er trimestre 2022.
Pour s'opposer à l'acquisition de la clause résolutoire, la société Isis immobilier sélectif argue du caractère non liquide, ni certain ni exigible de la créance de 682 euros. Elle fait valoir que le bail prévoit des charges forfaitaires en violation des dispositions d'ordre public de l'article L. 145-40-2 du code de commerce de sorte que la clause doit être réputée non écrite.
Aux termes de l'article L.145-40-2, alinéa 1er, du code de commerce tout contrat de location comporte un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, comportant l'indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire. Cet inventaire donne lieu à un état récapitulatif annuel adressé par le bailleur au locataire dans un délai fixé par voie réglementaire. En cours de bail, le bailleur informe le locataire des charges, impôts, taxes et redevances nouveaux.
Il résulte de l'article L. 145-15 du même code que sont réputés non écrits, quelle qu'en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui ont pour effet de faire échec aux dispositions de l'article L. 145-40-2 précité.
Or, l'acte sous-seing privé de renouvellement du bail du 27 avril 2015 stipule que les charges forfaitaires de 10 % du loyer principal sont fixées à compter du 1er avril 2015 à 2 730 euros payables en quatre termes à échoir en sus du loyer principal.
Le premier juge a retenu à bon droit que, si la demande en paiement de la somme de 682 euros visée au commandement de payer litigieux correspondait au montant forfaitaire trimestriel de charges stipulé au bail, la contestation de l'exigibilité de cette somme, fondée sur la violation des dispositions d'ordre public de l'article L. 145-40-2 du code de commerce, faisait obstacle à la constatation, par le juge des référés, de l'acquisition de la clause résolutoire.
D'ailleurs, M. [M], tout en invoquant l'acquisition de la clause résolutoire, demande au juge des référés, et donc à la cour, de se déclarer incompétent au profit du juge du fond sur l'appréciation de la clause réputée non écrite, s'agissant d'une contestation sérieuse.
Par ailleurs, il est indifférent que le preneur n'ait pas élevé de contestation quant à l'exigibilité des sommes visées par le commandement de payer dans le délai d'un mois imparti pour payer les sommes sollicitées. De même, la seule mention 'provision sur charges' portée par le bailleur sur les avis d'échéance adressés à la locataire depuis l'année 2023 n'est pas de nature à remettre en cause le caractère sérieux de la contestation soulevée par l'intimée.
En conclusion, ainsi que pertinemment relevé par le premier juge, la société Isis immobilier sélectif élève une contestation sérieuse de son obligation de payer les causes du commandement du 21 janvier 2022.
Il n'y a donc pas lieu à référé sur la demande de constatation d'acquisition de la clause résolutoire et sur les demandes subséquentes.
L'ordonnance sera confirmée de ce chef.
Sur la demande de provision au titre des charges
M. [M] demande à la cour de condamner la société Isis immobilier sélectif à lui payer la somme de 4 092 euros (en réalité 4 774 euros) correspondant à sept échéances de 682 euros au titre des provisions sur charges de l'année 2022 et des trois premiers trimestres de l'année 2023.
Par des motifs pertinents, adoptés par la cour, le premier juge a dit n'y avoir lieu à référé sur cette demande qui se heurte à une contestation sérieuse concernant la régularité de la clause relative aux charges, stipulée au bail du 27 avril 2015, ainsi que relevé précédemment.
L'ordonnance sera confirmée de ce chef.
Y ajoutant, la cour dira, pour les mêmes motifs, n'y avoir lieu à référé sur la demande provisionnelle au titre du 3ème trimestre 2023 qui n'avait pas été soumise au premier juge.
Sur la demande de communication de l'attestation d'assurance 2023
Aux termes de l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Au cas présent, poursuivant l'infirmation de l'ordonnance, M. [M] demande d'enjoindre la société Isis immobilier sélectif de fournir 'l'attestation d'assurance 2023 prévue par le bail'. Il fait valoir qu'il appartient à la société Isis immobilier sélectif de justifier d'une police prévoyant, d'une part, l'assurance de la totalité des locaux loués pour les garanties prévues au bail, d'autre part, une clause de renonciation à tout recours contre le propriétaire.
Il n'est pas contesté que l'acte de renouvellement du 27 avril 2015 maintient les dispositions du bail initial aux termes desquelles le preneur s'engage à s'assurer contre les bris de glaces, l'incendie, les explosions et le dégât des eaux pour son mobilier, matériel et marchandises ainsi que pour les risques locatifs et le recours des voisins à une compagnie notoirement solvable, avec affectation au privilège du bailleur. Le bail ajoute que les polices d'assurance devront comporter une renonciation à tous recours contre le propriétaire et son mandataire. Enfin, le preneur s'engage à justifier à toutes réquisitions de l'existence et des termes desdites polices ainsi que l'acquit des primes.
La société Isis immobilier sélectif a produit quatre attestations de la société Normand assurances :
- la première, en date du 19 avril 2023, indique que le preneur est assuré auprès de la société Allianz IARD (police multirisque bureau n °48378682) au titre des garanties suivantes : incendie et événements assimilés, responsabilité civile incendie, tempête, grêle, neige, assistance ; dégâts des eaux, responsabilité civile dégâts des eaux ; vol / vandalisme ; dommages électriques ; bris de matériels électriques et/ou électroniques ; attentats ; catastrophes naturelles ; responsabilité civile exploitation ; défense pénale et recours suite à accident ;
- la deuxième, en date du 22 septembre 2023, précise que la police est valable du 1er janvier 2023 au 31 décembre 2023 ;
- la troisième, en date du 21 novembre 2023, confirme que la société Isis immobilier sélectif est assurée en tant que locataire total des locaux assurés.
M. [M] demande à la cour d'enjoindre à la société Isis immobilier sélectif de lui fournir 'l'attestation d'assurance 2023 prévue par le bail'. La cour observe, d'une part, que la clause du bail relative à l'obligation d'assurance du preneur, ci-dessus rappelée, n'évoque pas la remise 'd'une attestation', d'autre part, que M. [M] ne précise pas autrement sa prétention dans le dispositif de ses conclusions. Il sera donc considéré, au regard des pièces versées par l'intimée, que celle-ci a satisfait à la demande du bailleur.
L'ordonnance, qui a dit n'y avoir lieu à référé sur cette demande, sera confirmée sur ce point.
Sur la demande de M. [M] tendant au remboursement des frais de commandement de payer et d'opposition frauduleuse
M. [M] demande à la cour de condamner la société Isis immobilier sélectif à lui payer la somme de 244, 14 euros en remboursement des frais des commandements de payer du 21 janvier 2022 et du 25 juillet 2022 outre 30 euros au titre des frais d'opposition frauduleuse.
Cependant, le juge des référés, et partant, la cour, a pour seul pouvoir la condamnation au paiement d'une provision.
A titre surabondant, la cour relève que M. [M] succombe dans ses prétentions relatives à l'acquisition de la clause résolutoire et au paiement de provisions.
Il conservera donc la charge du coût des commandements de payer des 21 janvier 2022 et 25 juillet 2022.
Enfin, il sera jugé ci-après que le caractère frauduleux de l'opposition à paiement de deux chèques par le preneur n'est pas établi avec l'évidence requise en référé.
Ajoutant à l'ordonnance entreprise, la cour rejettera en conséquence la demande de M. [M] tendant à voir condamner l'intimée au paiement du coût des commandements de payer et des frais d'opposition.
Sur la demande de M. [M] tendant à la condamnation du preneur au paiement de dommages et intérêts à titre provisionnel
Arguant de la mauvaise foi du preneur, M. [M] demande à la cour de condamner la société Isis immobilier sélectif au paiement de la somme provisionnelle de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.
En premier lieu, M. [M] soutient que sa locataire a, sans fondement, formé opposition pour perte de deux chèques destinés au paiement du loyer du 3ème trimestre de l'année 2022 et du complément du dépôt de garantie. Il affirme que ces chèques ayant été encaissés, il a été tenu de payer des frais d'opposition.
Toutefois, la mauvaise foi alléguée de la société Isis immobilier sélectif n'est pas démontrée avec l'évidence requise en référé.
Ensuite, M. [M] fait valoir que les provisions sur charges appelées après le commandement de payer n'ont pas été réglées.
Or, il a été jugé précédemment que la demande de provision au titre des charges se heurtait à une contestation sérieuse.
La créance de dommages et intérêts apparaît donc sérieusement contestable.
Il n'y a pas lieu à référé de ce chef.
L'ordonnance sera confirmée sur ce point.
Sur la demande de dommages et intérêts formée par la société Isis immobilier sélectif au titre de l'abus du droit d'agir en justice
- sur la demande de dommages et intérêts au titre de l'assignation devant le juge des référés
M. [M] poursuit l'infirmation de l'ordonnance qui l'a condamné au paiement de la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts. La société Isis immobilier sélectif conclut à la confirmation de l'ordonnance entreprise.
Il résulte de l'article 1240 du code civil qu'une indemnisation au titre d'une procédure abusive peut être allouée que lorsqu'est caractérisée une faute faisant dégénérer en abus le droit d'exercer une action en justice.
Au cas présent, par une décision définitive du 19 janvier 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, qui a dit irrecevables les demandes de M. [M] aux fins de constatation de la clause résolutoire, l'a condamné à payer des dommages et intérêts à son preneur pour procédure abusive. Cette ordonnance a relevé que M. [M] avait fait délivrer à la société Isis immobilier sélectif, locataire depuis 44 ans, sept commandements de payer entre le 20 juillet 2020 et le 21 juillet 2021, pendant la période de crise sanitaire, puis deux autres après la saisine du juge des référés.
Or, dès le 21 janvier 2022, soit deux jours après le prononcé de l'ordonnance du 19 janvier 2022, M. [M] a fait délivrer à la société Isis immobilier sélectif un dixième commandement de payer puis l'a fait assigner le 21 mars 2021 devant le juge des référés pour voir constater l'acquisition de la clause résolutoire. De plus, alors que l'ordonnance du 19 janvier 2022 soulignait que le constat du caractère non écrit de la clause relative à la fixation des charges forfaitaires à 10 % du loyer relevait de la seule appréciation du juge du fond, le commandement de payer du 21 janvier 2022 est exclusivement fondé sur le paiement des charges locatives. Les demandes d'acquisition de la clause résolutoire et de paiement de provision au titre des charges impayées se heurtaient, à l'évidence, à une contestation sérieuse.
Dans ce contexte, la délivrance de l'assignation du 21 mars 2022 caractérise un abus du droit d'agir en justice de M. [M]. Cette faute a été génératrice de tracas pour la société Isis immobilier sélectif, qui,après avoir subi une première procédure initiée en vain quelques mois auparavant par son bailleur, a été de nouveau exposée à une procédure judiciaire et à la remise en cause de son bail, élément essentiel de l'exercice de son activité professionnelle. Ce préjudice sera réparé par l'octroi de la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts.
L'ordonnance sera confirmée de ce chef.
- sur la demande de dommages et intérêts pour appel abusif
En cause d'appel, la société Isis immobilier sélectif sollicite la condamnation de M. [M] à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif. Elle excipe du préjudice subi par l'acharnement procédural du bailleur.
Il apparaît,en effet, que M. [M] a interjeté appel avec une légèreté fautive en ne proposant aucun moyen sérieux pour s'opposer à la contestation sérieuse relative à la violation de l'article L. 145-40-2 du code de commerce et en admettant lui-même que l'appréciation de la régularité de la clause du bail afférente aux charges locatives relevait de l'appréciation du seul juge du fond.
Cette faute a été génératrice de préoccupation pour la société Isis immobilier sélectif qui a encore été contrainte d'opposer une défense à une action en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire devant la cour. Ce préjudice sera réparé par l'octroi de la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts.
M. [M] sera donc condamné à payer une somme de 1 000 euros à la société Isis immobilier sélectif en réparation du préjudice causé par son appel abusif.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Le sens de l'arrêt conduit à confirmer les dispositions de l'ordonnance relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.
En cause d'appel, M. [M], qui succombe, sera condamné à payer la somme de 3 000 euros à la société Isis immobilier sélectif au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Rejette la demande de M. [M] tendant à voir condamner la société Isis immobilier sélectif à rembourser les frais des commandements de payer du 21 janvier 2022 et du 25juillet 2022 pour un montant de 244,14 euros et des frais d'opposition pour un montant de 30 euros ;
Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision au titre des charges du 3ème trimestre 2023 ;
Condamne M. [M] au paiement de la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif ;
Condamne M. [M] aux dépens d'appel ;
Condamne M. [M] à payer à la société Isis immobilier sélectif la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.