CA Douai, premier président, 5 février 2024, n° 23/00756
DOUAI
Ordonnance
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
France Maternité Enseigne Bébé 9 (Sté)
Défendeur :
Dreets des Hauts de France Pôle C
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Château
Avocats :
Me Bessonet, Me Lasseron
EXPOSE DE LA CAUSE
La société France Maternité est une société coopérative à conseil d'administration ayant son siège social [Adresse 9] à [Localité 17], qui exerce sous l'enseigne BEBE 9 une activité de vente d'articles pour mamans et enfants.
Le 20 janvier 2023, Mme [E] [I], sous-directrice des affaires juridiques, des politiques de la concurrence et de la consommation, indiquant agir pour le ministre de l'économie et par délégation, a adressé à M. [P] [U], directeur régional adjoint de la direction de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) des Hauts-de-France une demande d'enquête tendant à établir l'existence de pratiques anti-concurrentielles prohibées par les articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne susceptibles d'être mises en œuvre dans le secteur des articles de puériculture.
Par requête du 20 janvier 2023, M. [U], chef du pôle concurrence, consommation, répression des fraudes et métrologie de la DREETS des Hauts de France, a saisi le juge des libertés du tribunal judiciaire de Lille afin qu'il autorise les enquêteurs habilités par les articles L. 450-1, A. 450-1 et A. 450-2 du code de commerce à procéder aux visites et saisies dans les locaux des entreprises suivantes :
* Columbus trading-partners GMBH & CO. KG, établissement secondaire et unique sur le territoire national français, [Adresse 12], [Localité 8] ;
mais aussi
* Stokke France, siège social [Adresse 4] ;
* [B] distribution, siège social [Adresse 4] ;
* [R], siège social [Adresse 2] ;
* domicile de Mme [X] [XS] [PV], situé [Adresse 1], country manager France chez Stokke [B] ;
* Aubert France, siège social [Adresse 6] ;
* [G], enseigne Orchestra, siège social [Adresse 21], [Localité 5] ;
* France maternité enseigne BEBE9, siège social [Adresse 9], [Localité 17] ;
* Vert Baudet, siège social [Adresse 3] ;
Il exposait notamment que :
le 5 juin 2019, un ancien salarié de la société Columbus, employé au sein de l'établissement français de cette dernière, a saisi les services de la DGCCRF et a souhaité signaler une infraction ou un manquement, en indiquant qu'il lui était reproché de ne pas appeler ses clients pour leur faire remonter les prix de ventes et que le directeur France demandait de bloquer les livraisons des clients qui ne respectaient pas les prix de vente définis par lui-même et la direction en Allemagne ; il confirmait ses propos lors de son audition du 25 juin 2019 par la DCCCRF, précisant que M. [L], directeur général France de Cybex, demandait à ses commerciaux, suite à des difficultés multiples au sujet des prix avec les enseignes Aubert, Bébé9, Autour de bébé et Babylux de « faire remonter les prix à une date fixe pour que tout le monde remonte en même temps et avec ordre de menacer le client de rupture de livraison en cas de refus de remonter le prix »; un système visant au strict respect des consignes tarifaires avait été mis en place par la création de groupes sur le réseau de communication Whatsapp des téléphones des équipes commerciales du fournisseur ;
ces allégations ont été confirmées par des revendeurs de la marque Cybex et notamment le 3 mars 2022 par la représentante de Babyboo France, le 9 mars 2022 par la représentante de la société Inter-praticien indépendante qui exploite le magasin à enseigne Bébécash [Localité 19], le 7 avril 2022 par le représentant du groupe LDLC, qui exploite les magasins à l'enseigne « l'armoire de bébé », le 23 septembre 2022 par deux représentants de la société Natal développement, qui exploite six magasins sous l'enseigne Natal Market à [Localité 19] et [Localité 15], et qui ont produit des SMS échangés les 27 novembre 2019, 23 juin 2022 et 15 septembre 2022 avec Colombus à ce sujet;
- ces revendeurs ont indiqué que les sociétés du groupe [B], dont [B] distribution qui a intégré le groupe Stokke en décembre 2021, et qui commercialisent les produits de la marque Stokke avaient des pratiques similaires à celles de la société Colombus :
l'analyse comparative des relevés de prix opérés par les agents de la DGCCRF le 28 octobre 2022 sur des produits de marque cybex et stokke sur les sites internet de 22 revendeurs, dont Bébé 9 sur une centaine de produits et modèles fait apparaître les mêmes prix de vente à un euro prêt;
Au vu de ces éléments, il indiquait que les agissements ainsi décrits pouvaient s'analyser comme un ensemble de pratiques permettant de présumer une entente entre chaque fournisseur visé et les revendeurs de distribution respectifs, atteinte à la libre fixation des prix pratiqués par les revendeurs de ces produits, pratiques prohibées par les articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du TFUE, ayant pour effet d'homogénéiser les prix publics de vente sur tous les points de vente physique et à distance des articles de puériculture.
Par ordonnance du 23 janvier 2023, le juge des libertés de Lille a :
autorisé M. [P] [U] à procéder ou à faire procéder, dans les locaux des entreprises suivantes, aux visites et aux saisies prévues par les dispositions de l'article L. 450-4 du code de commerce afin de rechercher la preuve des agissements qui entrent dans le champ des pratiques prohibées par l'article L. 420-1 du code de commerce et 101 du traité fondateur de l'Union Européenne (ci-après TFUE) dans le secteur des articles de puériculture, ainsi que toute manifestation de ces comportements prohibés :
* Columbus trading-partners GMBH 1 CO. KG, établissement secondaire et unique sur le territoire national français, [Adresse 12], [Localité 8] ;
* Stokke France, siège social [Adresse 4] ;
* [B] distribution, siège social [Adresse 4] ;
* [R], siège social [Adresse 2] ;
* domicile de Mme [X] [XS] [PV], situé [Adresse 1] ;
* Aubert France, siège social [Adresse 6] ;
* [G], enseigne Orchestra, siège social [Adresse 21], [Localité 5] ;
* France maternité enseigne BEBE9, siège social [Adresse 9], [Localité 17] ;
* Vert Baudet, siège social [Adresse 3] ;
autorisé par ailleurs ces mêmes opérations dans les locaux des entreprises des mêmes groupes qui seraient situés aux mêmes adresses ;
lui a laissé le soin de désigner parmi les enquêteurs habilités par les articles L. 450-1, A. 450-1 et A. 450-2 du code de commerce, ceux placés sous son autorité pour effectuer les visites et saisies autorisées ;
constaté le concours à lui apporter en tant que de besoin du chef du pôle concurrence, consommation, répression des fraudes et métrologie de la Direction régionale et interdépartementale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS) d''Ile-de-France, des chefs de pôle concurrence, consommation, répression des fraudes et métrologie de la Direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) d'Auvergne-Rhône-Alpes, du Centre-Val-de-Loire, de Normandie, de Nouvelle-Aquitaine, de Bourgogne-Franche-Comté, de Grand-Est, de Bretagne, de Corse, d'Occitanie, des Pays-de-la-Loire, de Provence-Alpes-Côte d'Azur, de la directrice de la Direction départementale de la protection des populations (DDPP) d'Indre-et-Loire et de la cheffe du Service national des enquêtes de la DGCCRF, qui désigneront, parmi les agents mentionnés aux articles L. 450-1, A. 450-1 et A. 450-2 du code de commerce placés sous leur autorité, ceux chargés d'effectuer les visites et saisies autorisées ;
indiqué que pour assister aux opérations de visite et de saisie et le tenir informé de leur déroulement, les chefs de service ci-après nommeront les officiers de police territorialement compétents qui pourront agir de concert ou séparément :
* commissaire de police [FP] [W], chef du commissariat de police de [Localité 13] la Garenne ;
* major [KM] [K], commandant de brigade adjoint à [Localité 18] ;
* [J] [Y], commissaire de police, chef de la sûreté urbaine d'[Localité 10] ;
* commandante [Z] [T], cheffe de la brigade mobile de recherche zonale Nord ;
* capitaine [TG] [V], commandant de la brigade de [Localité 16] ;
* capitaine [O] [C], compagnie de [Localité 20] commandant de compagnie de gendarmerie départementale adjoint ;
* [D] [TS], commissaire divisionnaire, chef de la division Ouest de [Localité 11] ;
dit que les occupants des lieux ou leurs représentants peuvent faire appel à un conseil de leur choix sans que cela n'entraîne la suspension des opérations de visite et de saisie ;
indiqué que les entreprises visées par la présente ordonnance peuvent à compter de la date de l'opération de visite et de saisie dans les locaux consulter la requête et les documents susvisés au greffe de notre juridiction ;
indiqué que les entreprises visées par l'ordonnance peuvent en application de l'article L. 450-4 sixième alinéa du code de commerce interjeter appel de celle-ci devant le premier président de la cour d'appel de Douai suivant les règles prévues par le code de procédure pénale, que cet appel est formé par déclaration au greffe du tribunal judiciaire de Lille dans un délai de 10 jours à compter de la notification de l'ordonnance ; que l'appel n'est pas suspensif ; que l'ordonnance du premier président de la cour d'appel est susceptible d'un pourvoi en cassation selon les règles prévues par le code de procédure pénale ; que les pièces saisies sont conservées jusqu'à ce qu'une décision soit devenue définitive ;
indiqué qu'en application du dernier alinéa de l'article L. 450-4 du code de commerce, le déroulement des opérations de visite et saisie peut faire l'objet d'un recours devant le premier président de la cour d'appel de Douai, suivant les règles prévues par le code de procédure pénale ; que ce recours est formalisé par déclaration au greffe du tribunal judiciaire de Lille dans un délai de 10 jours à compter de la remise du procès-verbal de visite et saisie ; que le recours n'est pas suspensif ; que l'ordonnance du premier président de la cour d'appel est susceptible de pourvoi en cassation selon les règles du code de procédure pénale ; que les pièces sont conservées jusqu'à ce qu'une décision soit devenue définitive ;
dit que l'ordonnance sera caduque si les opérations de visite et de saisie ne sont pas effectuées avant le 2 mai 2023.
Les opérations de visite et saisies se sont déroulées le 2 février 2023 dans les locaux de la société France Maternité à [Localité 17].
Par déclaration au greffe du tribunal judiciaire de Maître Marine Richet avocate au barreau de Lille, substituant Maître François Frassati, avocat au barreau de Bordeaux, en date du 9 février 2023, la société France Maternité a interjeté appel de l'ordonnance du 23 janvier 2023 du juge des libertés de Lille.
A l'audience du 16 octobre 2023 à laquelle cette affaire a été appelée et retenue,
La société France Maternité représentée par Maître William Lasseron, demande, au visa de l'article 6 la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et libertés fondamentales, des articles 12 et 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, de l'ordonnance numéro 58- 1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique, du décret n° 2019- 1594 du 31 décembre 2019 relatif aux emplois de direction de l'État, du décret n° 2019- 1545 du 9 décembre 2020 relatif à l'organisation omission des directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités, des directions départementales de l'emploi, du travail et des solidarités et des directions départementales de l'emploi, du travail, des solidarités de la protection des populations, des articles L. 450-4 et R. 450-2 du code de commerce et des articles 31,122 et 700 du code de procédure civile, de :
- infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du 23 janvier 2023 du juge des libertés de la détention du tribunal judiciaire de Lille,
À titre liminaire :
- juger irrecevable la requête présentée par la DREETS des hauts de France,
- annuler les actes pris en exécution de l'ordonnance infirmée à savoir les procès-verbaux de visite et de saisie du 2 février 2023 n° 0202 2023/FRANCE MATERNITE/PAP et n° 0202 2023/FRANCE MATERNITE/NUM et du 8 mars 2023 n° 108032023//FRANCE MATERNITE.SFP,
- ordonner la restitution des documents saisis au cours des opérations de visite et saisies annulaient une fois la décision du premier président de la cour d'appel de Douai devenue définitive,
à titre principal :
- rejeter la requête de la DREETS hauts de France aux fins de visite domiciliaire dans les locaux de sa société,
- annuler les actes pris en exécution de l'ordonnance infirmée à savoir les procès-verbaux de visite et de saisie du 2 février 2023 n° 0202 2023/FRANCE MATERNITE/PAP et n° 0202 2023/FRANCE MATERNITE/NUM et du 8 mars 2023 n° 108032023//FRANCE MATERNITE.SFP,
- ordonner la restitution des documents saisis au cours des opérations de visite et saisies annulaient une fois la décision du premier président de la cour d'appel de Douai devenue définitive,
en tout état de cause :
condamner la DREETS hauts de France à lui payer la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens.
La DGCCRF représentée par M. [P] [U], substitué à l'audience par Mme [BT] [H], munie d'un pouvoir, demande à la présente juridiction de :
- dire et juger mal fondé l'appel formé par la société France Maternité à l'encontre de l'ordonnance,
- débouter la société France Maternité de toutes ses demandes,
- confirmer la validité de l'ordonnance du 23 janvier 2023,
- condamner en conséquence la société France Maternité aux entiers dépens.
Les moyens développés par la société France Maternité et par la DGCCRF à l'appui de leurs demandes seront repris dans le cadre de la motivation de la présente décision.
MOTIFS DE LA DECISION
1. Sur l'irrecevabilité de la requête saisissant le juge des libertés du tribunal judiciaire de Lille
1.1 en raison de l'absence de nomination régulière de Mme [I]
La société France Maternité fait valoir que Mme [E] [I], qui a signé le 20 janvier 2023, en qualité de sous-directrice des affaires juridiques, des politiques de la concurrence et de la consommation, la demande d'enquête en date du 20 janvier 2023 adressée à M. [U] tendant à établir l'existence de pratiques anti-concurrentielles prohibées par les articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne, susceptibles d'être mises en œuvre dans le secteur des articles de puériculture, fondement de la requête présentée au juge des libertés du tribunal judiciaire de Lille le même jour, n'a pas été nommée régulièrement à ce poste dès lors que le décret du 19 janvier 2023 portant son détachement de la magistrature n'était pas contresigné par le ministre de l'économie et ne visait pas la proposition du ministère de la Justice.
L'administration soutient quant à elle que Mme [I] avait compétence pour signer la demande d'enquête.
Sur ce,
L'article 72 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 dans sa version applicable en décembre 2022 et janvier 2023, issue de la loi du 8 août 2016, articles 25 (V) et 47 prévoyait que :
« la mise en position de détachement, de disponibilité ou "sous les drapeaux" est prononcée par décret du Président de la République, sur proposition du garde des sceaux, ministre de la justice et après avis de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard du magistrat selon que celui-ci exerce des fonctions du siège ou du parquet. Cet avis porte sur le respect des dispositions du troisième alinéa de l'article 12, de l'article 68 et de l'article 4 s'il s'agit d'un magistrat du siège. Dans le cas où la demande du magistrat concerne une mise en position de détachement ou de disponibilité pour exercer une activité libérale ou une activité lucrative, salariée ou non, dans une entreprise ou un organisme privé, cet avis porte également sur la compatibilité des fonctions envisagées par le magistrat avec les fonctions qu'il a occupées au cours des trois dernières années.
Les décrets portant détachement sont, en outre, contresignés par le ministre auprès duquel les magistrats sont détachés. Ce contreseing n'est pas nécessaire en cas de renouvellement du détachement lorsque ces conditions demeurent identiques à celles prévues par le décret initial. »
En l'espèce, il existe :
- un premier arrêté du 2 décembre 2022, publié au journal officiel du 7 décembre 2022, du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique qui porte nomination de Mme [E] [I], magistrate du premier grade, comme sous-directrice du droit de la concurrence, droit de la consommation et des affaires juridiques à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, à l'administration centrale du ministère de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique à compter du 1er janvier 2023 pour une durée de 3 ans avec une période probatoire de 6 mois.
- un deuxième décret en date du 19 janvier 2023, du président de la République, publié au journal officiel du 21 janvier 2023, sous la rubrique mesures nominatives du ministère de la justice, indiquant que par décret du président de la République en date du 19 janvier 2023, vu l'avis du conseil supérieur de la magistrature lors de sa séance du 25 octobre 2022, Mme [E] [I], magistrate du premier grade est placée en position de détachement pour exercer les fonctions de sous-directrice du droit de la concurrence, droit de la consommation et des « fraudes » à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, à l'administration centrale du ministère de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique pour une durée de 3 ans à compter du 1er janvier 2023.
- un troisième décret du président de la République en date du 21 février 2023 indiquant que les dispositions du décret du 19 janvier 2023 portant détachement de Mme [I] sont modifiées comme suit : les mots « sous-directrice du droit de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes » sont remplacés par les mots : « sous-directrice de droit de la concurrence, du droit de la consommation et des affaires juridiques ».
En conséquence à la date de signature de la demande d'enquête, Mme [I] avait bien été nommée sous-directrice de droit de la concurrence, du droit de la consommation et des affaires juridiques à compter du 1er janvier 2023 par arrêté du 2 décembre 2022 régulièrement publié au journal officiel le 7 décembre 2022 et avait été placée en position de détachement par décret du 19 janvier 2023 avec effet au 1er janvier 2023.
La société France Maternité est en conséquence mal fondée à voir juger que la requête devant le juge des libertés de Lille était irrecevable faute de nomination régulière de Mme [I]
1.2 en raison de l'absence de délégation de signature de Mme [I].
La société France Maternité soutient qu'à la date du 20 janvier 2023, Mme [I] qui n'a été placée en position de détachement que par décret du 19 janvier 2023 publié le 21 janvier 2023 ne pouvait bénéficier de délégation de signature qu'à compter du 22 janvier 2023 et ne pouvait donc régulièrement signer la demande d'enquête le 20 janvier 2023.
Toutefois, l'administration fait justement observer que Mme [I] avait été nommée par arrêté le 2 décembre 2022 du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, publié au journal officiel du 7 décembre 2022 à compter du 1er janvier 2023 et que le 20 janvier 2023, elle pouvait signer la requête litigieuse en application de l'article 1er du décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement qui précise que « A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter de l'enregistrement de cet acte au recueil spécial mentionné à l'article L. 861-1 du code de la sécurité intérieure, lorsqu'il est fait application de cet article, ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité :
1° Les secrétaires généraux des ministères, les directeurs d'administration centrale, les chefs des services à compétence nationale mentionnés au premier alinéa de l'article 2 du décret du 9 mai 1997 susvisé et les chefs des services que le décret d'organisation du ministère rattache directement au ministre ou au secrétaire d'Etat ;
2° Les chefs de service, directeurs adjoints, sous-directeurs, les chefs des services à compétence nationale mentionnés au deuxième alinéa de l'article 2 du décret du 9 mai 1997 susvisé ainsi que les hauts fonctionnaires et les hauts fonctionnaires adjoints mentionnés aux articles R. 1143-1 et R. 1143-2 du code de la défense.
La société France Maternité est en conséquence mal fondée à voir juger que la requête devant le juge des libertés de Lille était irrecevable faute de délégation régulière de signature à Mme [I].
1.3 en raison de l'incompétence de la DREETS des Hauts de France pour mener des enquêtes inter-régionales
La société France Maternité soutient qu'en application de l'article 7 I du décret n° 2020-1545 du 9 décembre 2020, un arrêté du ministère chargé de l'économie aurait dû charger la DREETS des Hauts de France de réaliser l'enquête litigieuse relative aux pratiques anti-concurrentielles dans plusieurs régions et qu'il n'existe pas en l'espèce, alors même que la requête visait des visites et saisies au sein de locaux de sociétés situées hors des Hauts de France, à savoir en région Provence-Alpes-Côte d'Azur pour les sociétés Stokke France et [B] Distribution, Ile de Franc pour la société [R], Grand-Est pour la société Aubert, Occitanie pour la société [G] et Nouvelle-Aquitaine pour elle-même.
En réalité la requête litigieuse a pu être régulièrement soumise par M. [U] en sa qualité de chef du pôle concurrence, consommation, répression des fraudes et métrologie de la DREETS des Hauts de France en application :
- de l'article 7 II de ce même décret, de l'article L. 450-1.II du code de commerce, dès lors qu'il avait été habilité par la sous-directrice sous-directrice du droit de la concurrence, droit de la consommation et des affaires juridiques,
- de l'article L. 450-1.III du code de commerce et de l'article L. 450-4 du code de commerce dans sa version en vigueur issue à l'article 2 de l'ordonnance n° 2021-649 du 26 mai 2021, qui prévoit que lorsque ces lieux sont situés dans le ressort de plusieurs juridictions et qu'une action simultanée doit être menée dans chacun d'eux, une ordonnance unique peut être délivrée par l'un des juges des libertés et de la détention compétents.
Dès lors sera rejeté le moyen tenant à l'absence de qualité à agir de M. [U].
2. Le non-respect des conditions de fond de l'article L. 450-4 du code de commerce
2.1 Sur l'absence de présomptions à l'égard de la société France Maternité
L'article L. 450-4 alinéa 2 du code de commerce oblige le juge à vérifier que la demande d'autorisation qui lui est soumise est fondée ; cette demande doit comporter tous les éléments d'information en possession du demandeur de nature à justifier la visite. Lorsque la visite vise à permettre la constatation d'infractions aux dispositions du livre IV du présent code en train de se commettre, la demande d'autorisation peut ne comporter que les indices permettant de présumer, en l'espèce, l'existence des pratiques dont la preuve est recherchée. En l'espèce, dans le cadre de la vérification du caractère bien-fondé de la demande d'autorisation,
Le juge des libertés et de la détention de Lille devait rechercher s'il existait bien des indices suffisamment sérieux et probants pour permettre de présumer la participation à des pratiques anti concurrentielles de la part de la société France-Maternité dans le secteur de vente d'articles de puériculture tels que les sièges autos pour enfants, les poussettes, les nacelles à partir des éléments d'information que lui soumettait l'administration requérante à travers les pièces versées à l'appui de la requête.
Pour obtenir cette autorisation du juge des libertés et de la détention de Lille, M. [U] chez du pôle C de la DREETS des Hauts de France avait joint, outre la demande d'enquête du ministre de l'économie, en date du 20 janvier 2023, soixante-sept autres annexes, l'annexe 9 étant divisée en 9 et 9-1.
La société France Maternité soutient qu'elle n'est citée que dans sept annexes (3,5,7,13,17,20,et 27) et dans les relevés de prix (annexes 14,25,26 et 34) sur les soixante-sept alors qu'en réalité la société France-Maternité exploitant sous l'enseigne Bébé 9, n'est pas citée dans les annexes 7, 13 et 17, mais est citée dans les onze annexes suivantes :
3 : procès-verbal de déclaration d'un ancien salarié de la société Colombus en date du 5 juin 2019, révélant les pressions opérées par Colombus sur leurs distributeurs dont Bébé 9 sur les prix de vente de leurs produits,
5 : procès-verbal de déclaration et copie de documents du 3 mars 2022 de responsables de la société LDLC sur la surveillance des prix de vente par ses concurrents dont Bébé 9 et sa concertation en retour avec la société Colombus,
8 : procès-verbal de déclaration et copie de documents du 23 septembre 2022 de responsables de la société Natal Développement sur les pratiques de la société Colombus pour imposer ses prix, précisant que la société Bébé est un de ses concurrents sur le marché,
15 : procès-verbal de déclaration et copie de documents du 7 avril 2022 de responsables de la société LDLC sur les contrats de distribution avec la société [B], citant la société Bébé 9 comme étant sa concurrente comme distributeur de produits de puériculture,
19 : procès-verbal de déclaration et copie de documents du 7 avril 2022 de responsables de la société LDLC sur les contrats de distribution avec la société Stokke, citant la société Bébé 9 comme étant sa concurrente comme distributeur de produits de puériculture,
20 : procès-verbal de déclaration et copie de documents du 23 septembre 2022 de responsables de la société Natal Développement sur les pratiques de fixation des prix des sociétés [B] et Stokke précisant que la société Bébé 9 est un des cinq plus importants concurrents sur le marché,
27 : procès-verbal de déclaration et copie de documents du 23 septembre 2022 de responsables de la société Natal Développement sur les pratiques de fixation des prix de la société [R] précisant que la société Bébé 9 est un des concurrents sur le marché,
43 : retranscription de conversations Whatsapp entre M. [F] et Mme [N] entre le 3 septembre 2019 et le 19 mai 2022,
64 : fiche Diane France Maternité
66 : procès-verbal de déclaration et copie de documents du 23 septembre 2022 de responsables de la société Natal Développement sur les pratiques de fixation des prix de la société Bubagoo précisant que la société Bébé 9 est un des concurrents sur le marché,
67 : tableau d'exemples de prix pratiqués par les sociétés Aubert, Orchestra, Vert Baudet et Bébé 9.
Enfin, si les annexes 14, 25, 26 et 34 correspondants à des relevés de prix des produits Cybex, [B], Stokke et Joie ne visent pas directement la société France Maternité, ils sont essentiels pour retenir la similitude des prix de vente par France Maternité relevés en annexe 67 avec les prix des fabricants.
La présente juridiction retient que la requête était la même pour obtenir l'autorisation de saisie tant dans les locaux de la société France Maternité que dans les locaux des sept autres personnes morales et au domicile de Mme [PV] personne physique, de sorte qu'il n'est pas anormal que seule une partie des documents versés à l'appui de la requête concerne la société France Maternité.
Enfin, ce n'est pas le nombre de documents qui est important, mais bien leur pertinence.
L'annexe 3 est très précise sur les pratiques de la société Colombus visant à imposer des prix de revente aux distributeurs, sous peine de non-distribution des produits, énonçant le nom des personnes mises en cause.
L'annexe 5 qui correspond à l'audition de la responsable et d'une personne ayant pour fonction d'acheteur dans la société l'armoire de bébé en date du 7 avril 2022 qui témoigne de la dépendance des distributeurs vis à vis de Colombus dans la fixation de ses prix des produits commercialisés par cette société, le prix conseillé pouvant être un prix imposé,
Les annexes 8, 20,27 et 66 qui correspondent à l'audition de Mme [A] [S] et son époux [M] [F] en date du 23 septembre 2022, révèlent des éléments précis quant aux fonctionnements des fabricants Colombus, Stokke, [B] et Oultlander quant aux pratiques de prix imposées aux distributeurs. Ces énonciations sont corroborées par les échanges Whatsapp fournis en annexe 43.
Les arguments de la société France Maternité relatifs aux faits que les relevés de prix du 28 octobre 2022 ont été réalisés 28 jours avant le Black Friday et qu'il s'agissait de prix au plus haut pour conserver la possibilité de faire des promotions valides au sens de l'article L. 112-1-1 du code de la consommation n'explique pas l'alignement des prix de vente entre les différents distributeurs et des modèles similaires de fabricants.
Il existait donc bien des présomptions de participation de la société France Maternité à des pratiques anti-concurrentielles.
2.2. Sur l'objet général et indéterminé de l'ordonnance
Si la société France Maternité allègue que l'ordonnance du 23 janvier 2023 autorisant les visites et saisies avait un objet général et indéterminé, la présente juridiction note que l'ordonnance a limité la recherche d'agissements qui entrent dans le champ des pratiques prohibées par l'article L. 420-1 du code du commerce et 101 du TFUE dans le secteur particulier des articles de puériculture auprès de quatre sociétés de fabrication et de quatre sociétés de revente, nommément désignés, après avoir retenu des présomptions de pratiques anti-concurrentielles relatives à la fixation de prix de ventes imposés pour des articles de puériculture - sièges auto et poussettes- ce qui constitue un objet déterminé.
2.3 Sur les demandes au fond de la société France maternité
Au vu de l'ensemble de ces éléments, le juge des libertés était légitime à retenir à l'encontre de la société France Maternité l'existence d'indices suffisamment sérieux permettant de présumer la participation de cette société à des pratiques anti-concurrentielles relatives à la fixation des produits de puériculture et ainsi autoriser la visite domiciliaire sollicitée.
3. Sur le caractère mal fondé des demandes
En conséquence, est mal fondé le recours formé par la société France Maternité à l'encontre de l'ordonnance du juge des libertés en date du 23 janvier 2023 autorisant les opérations de visite et saisie à son siège de [Localité 17], opérations prévues à l'article L. 450-4 du code de commerce afin de rechercher la preuve des agissements qui entrent dans le champ des pratiques prohibées par l'article L. 420-1 du code de commerce et 101 du traité fondateur de l'Union Européenne (ci-après TFUE) dans le secteur des articles de puériculture, ainsi que toute manifestation de ces comportements prohibés et cette ordonnance sera confirmée et la société France Maternité sera déboutée de l'ensemble de ses demandes au fond.
4. Les dépens et indemnité d'article 700 du code de procédure civile
La société France Maternité, partie perdante, sera condamnée aux dépns de l'instance et sa demande d'indemnité d'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
Déclare recevable mais mal fondé le recours formé par la société France Maternité à l'encontre de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lille,
Déboute la société France Maternité de l'ensemble de ses demandes tendant à voir la présente juridiction :
- infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du 23 janvier 2023 du juge des libertés de la détention du tribunal judiciaire de Lille,
- juger irrecevable la requête présentée par la DREETS des hauts de France,
- annuler les actes pris en exécution de l'ordonnance infirmée à savoir les procès-verbaux de visite et de saisie du 2 février 2023 n° 0202 2023/FRANCE MATERNITE/PAP et n° 0202 2023/FRANCE MATERNITE/NUM et du 8 mars 2023 n° 108032023//FRANCE MATERNITE.SFP,
- ordonner la restitution des documents saisis au cours des opérations de visite et saisies annulaient une fois la décision du premier président de la cour d'appel de Douai devenue définitive,
- rejeter la requête de la DREETS hauts de France aux fins de visite domiciliaire dans les locaux de sa société,
- annuler les actes pris en exécution de l'ordonnance infirmée à savoir les procès-verbaux de visite et de saisie du 2 février 2023 n° 0202 2023/FRANCE MATERNITE/PAP et n° 0202 2023/FRANCE MATERNITE/NUM et du 8 mars 2023 n° 108032023//FRANCE MATERNITE.SFP,
- ordonner la restitution des documents saisis au cours des opérations de visite et saisies annulaient une fois la décision du premier président de la cour d'appel de Douai devenue définitive,
Confirme l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Lille du 23 janvier 2023,
Condamne la société France Maternité aux dépens de la présente instance,
Déboute la société France Maternité de sa demande d'indemnité d'article 700 du code de procédure civile.