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Décisions

Cass. com., 21 juin 1994, n° 91-21.425

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Gomez

Avocat général :

M. de Gouttes

Avocats :

Me Choucroy, SCP Piwnica et Molinié

Paris, du 23 sept. 1991

23 septembre 1991

Sur le moyen unique pris en sa première branche :

Vu l'article 4 de la loi du 31 décembre 1964 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué que la société La Poire en deux, exploitant un restaurant, a engagé, le 20 décembre 1986, en qualité de directeur salarié, M. Jean-Charles Y... ; que l'impulsion donnée par ce dernier à la société a conduit à modifier l'enseigne du restaurant qui est devenue Jean-Charles et ses amis ; qu'un projet de cession d'actions au profit de M. Jean-Charles Y... pour l'acquisition du restaurant a été conclu, mais n' a pas été mené à son terme ; que le 28 avril 1988, M. Y... a été licencié en compagnie de son épouse Mme Claude Y... qui occupait les fonctions de réceptionniste ; que M. Y..., qui n'était pas lié par une clause de non-concurrence, a acquis, le 17 juin 1989, à proximité de l'établissement où il travaillait auparavant, un fonds de commerce et, avec son épouse, a entrepris son exploitation sous l'enseigne Jean de X... correspondant à la société créée à cette fin ; que la société La Poire en deux a, le 12 mai 1990, fermé son restaurant pour rénovation et l'a rouvert, en octobre 1990, sous la nouvelle enseigne Richemond Trémoille ; que M. Y... a, le 31 juillet 1990 déposé la marque Jean-Charles et ses amis et en a fait l'enseigne de son établissement ; que la société La Poire en deux a assigné la société Jean de X... et les époux Y... en annulation du dépôt, usurpation de l'enseigne et concurrence déloyale ;

Attendu que pour décider que le dépôt effectué par M. Y... était régulier, la cour d'appel relève que la société La Poire en deux avait doté le restaurant qu'elle exploitait, après l'avoir fermé du 12 mai 1990 au mois d'octobre 1990, pour y faire effectuer des travaux de rénovation, d'une nouvelle enseigne et en déduit que cette société avait par là même renoncé à l'usage de l'enseigne déposée à titre de marque par M. Y... au mois de juillet 1990 ;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs impropres à démontrer qu'à la date du dépôt, M. Y... connaissait de manière non équivoque la volonté de la société La Poire en deux d'abandonner l'usage de son enseigne et qu'ainsi il savait que le signe qu'il déposait à titre de marque était disponible, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;

Et sur la troisième branche du moyen unique :

Vu l'article 1382 du Code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande de la société La Poire en deux fondée sur la concurrence déloyale l'arrêt retient que " Jean-Charles Y... n'a pas voulu se présenter comme le successeur de son ancien employeur, mais simplement fêter le droit de recouvrer après son abandon l'enseigne sous laquelle il s'était personnellement fait connaître " et que la société La Poire en deux ayant renoncé à l'enseigne Jean-Charles et ses amis comme signe de ralliement de sa propre clientèle ne peut lui reprocher d'avoir cherché à la détourner en reprenant l'usage de son prénom personnel " ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi sans rechercher si le comportement de M. Y... était susceptible d'entraîner une confusion entre les deux fonds de commerce dans l'esprit de la clientèle, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu en l'état de statuer sur la deuxième branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 septembre 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans.