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Décisions

Cass. com., 17 juillet 2001, n° 99-17.819

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

Mme Champalaune

Avocat général :

M. Jobard

Avocats :

SCP Thomas-Raquin et Benabent, Me Blondel

Lyon, 3e ch. civ., du 11 juin 1999

11 juin 1999

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, (Lyon, 11 juin 1999) et les productions, que la société Roland Château a intenté en 1995 une action contre la société Etablissements Quinson et sa holding la société Les Grands Chais de France, en nullité d'un modèle de flacon déposé courant octobre 1994 et en dommages-intérêts pour concurrence déloyale ; que parallèlement, la société Quinson a assigné la société Roland Château pour des faits de parasitisme fondés sur la mise sur le marché d'une copie quasi-servile de ce flacon ; qu'après jonction de ces deux instances, le tribunal de commerce, a, par jugement du 12 juin 1997 prononcé la nullité du dépôt de modèle de la société Quinson pour absence de nouveauté et d'originalité, l'a condamnée à des dommages-intérêts pour dénigrement envers la société Roland Château et l'a déboutée de son action fondée sur la concurrence déloyale par parasitisme ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que les sociétés Quinson et Grands Chais de France font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande tendant à faire juger que la société Roland Château avait commis des agissements parasitaires en profitant des efforts de promotion réalisés par elles en vue de la diffusion d'un modèle modernisé de bouteille, inspiré du traditionnel "pot lyonnais" pour lancer la fabrication d'une adaptation quasiment identique du même objet, et d'avoir en conséquence condamné les mêmes sociétés à verser des dommages-intérêts à la société Roland Château pour avoir contesté indûment les agissements de la société Quinson auprès de clients communs, alors, selon le moyen :

1 ) que des agissements peuvent présenter un caractère parasitaire même s'il n'en résulte pas un risque de confusion ; qu'en énonçant que "la société Roland Château n'a pas procédé par voie d'imitation servile et ne peut donc se voir imputer des faits de parasitisme économique", et en considérant ainsi que l'absence de copie servile suffisait par elle-même à exclure tout fait de parasitisme, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

2 ) que constitue un agissement parasitaire fautif toute exploitation des efforts commerciaux d'un concurrent, qu'il s'agisse d'efforts d'ordre technique ou d'ordre commercial ; qu'après avoir elle-même constaté que la société Roland Château "a entendu tirer parti de la promotion conférée au pot lyonnais traditionnel par la réédition que les sociétés appelantes en avaient faite à grande échelle", la cour d'appel ne pouvait refuser de qualifier de fautif ce comportement parasitaire sans méconnaître les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant exclu le fait allégué de parasitisme par copie servile en constatant que la société Roland Château avait commercialisé une bouteille déclinant les mêmes caractéristiques propres à tous les pots lyonnais mais différant de celle de la société Quinson, la cour d'appel, qui a relevé par motifs adoptés que l'idée d'une bouteille inspirée du pot lyonnais a été réalisée avant l'action de la société Quinson sans publicité ni action commerciale antérieure et que la société Quinson a repris une idée existante, et qui a accueilli la demande en nullité du dépôt de la bouteille litigieuse comme visant à l'appropriation d'un genre connu, ce dont il résultait que les efforts de promotion invoqués par la société Quinson portaient sur un produit dans le domaine public, a, à bon droit, retenu que le comportement également critiqué selon lequel la société Roland Château a entendu tirer partie de la promotion conférée au pot lyonnais traditionnel par la réédition que les sociétés Quinson et Grands Chais de France en avaient faite à grande échelle n'était pas constitutif de parasitisme et a légalement justifié sa décision ; qu'il suit de là que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen :

Attendu que les sociétés Quinson et Grands Chais de France font grief à l'arrêt d'avoir fixé à un million de francs le montant des dommages-intérêts dus à la société Roland Château, alors qu'en réparant ainsi des "pertes indirectes" tenant à la captation d'une "clientèle virtuelle", la cour d'appel a réparé un préjudice indirect et incertain, en violation de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir constaté que la campagne de déstabilisation et de dénigrement effectuée par les sociétés Quinson et Grands Chais de France a entraîné des annulations de commandes ou de réservation de la part de certains clients privant la société Roland Château d'une marge bénéficiaire de 918 000 francs, l'arrêt retient que le montant du préjudice peut être évalué à 1 000 000 de francs en tenant compte des pertes indirectes résultant de la captation par les sociétés Quinson et Grands Chais de France d'une clientèle virtuelle ; qu'en l'état de ces appréciations, dont il ressort que la cour d'appel a indemnisé la perte de chance subie par la société Roland Château dans la conquête de la clientèle du fait des agissements déloyaux des sociétés Quinson et Grands Chais de France, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.