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Décisions

CA Toulouse, etrangers, 31 janvier 2024, n° 24/00125

TOULOUSE

Ordonnance

Autre

CA Toulouse n° 24/00125

31 janvier 2024

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

Minute 24/126

N° RG 24/00125 - N° Portalis DBVI-V-B7I-P7LA

O R D O N N A N C E

L'an DEUX MILLE VINGT QUATRE et le mercredi 31 janvier à 17h40

Nous P. ROMANELLO, magistrat délégué par ordonnance de la première présidente en date du 20 DECEMBRE 2023 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Vu l'ordonnance rendue le 29 Janvier 2024 à 17H23 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse statuant sur la régularité du placement en rétention et ordonnant la prolongation du maintien au centre de rétention de

[O] [S]

né le 13 Janvier 2000 à [Localité 1] (ALGÉRIE)

de nationalité Algérienne

Vu l'appel formé le 30/01/2024 à 16 h 20 par courriel, par Me Laurent FABIANI, avocat au barreau de TOULOUSE;

A l'audience publique du mercredi 31 janvier 2024 à 15h00, assisté de P.GORDON, adjoint administratif faisant fonction de greffier, avons entendu :

[O] [S]

assisté de Me Laurent FABIANI, avocat au barreau de TOULOUSE

qui a eu la parole en dernier ;

avec le concours de [O] [C], interprète, qui a prêté serment,

En l'absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé;

En présence de M. [F] représentant la PREFECTURE DE [Localité 3] ;

avons rendu l'ordonnance suivante :

Exposé des faits

Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile et les dispositions du CESEDA,

Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 29 janvier 2024 à 17h23 qui a joint les procédures, constaté la régularité de la procédure et ordonné la prolongation pour une durée de 28 jours de la rétention de M. [O] [S] sur requête de la préfecture de [Localité 3] du 28 janvier 2024 et de celle de l'étranger du même jour ;

Vu l'appel interjeté par M. [O] [S] par courrier de son conseil reçu au greffe de la cour le 30 janvier 2024 à 16h20, soutenu oralement à l'audience, auquel il convient de se référer en application de l'article 455 du code de procédure civile et aux termes duquel il sollicite l'infirmation de l'ordonnance et sa remise immédiate en liberté pour les motifs suivants :

- L'arrêté portant placement en rétention administrative est insuffisamment motivé car il n'a pas tenu compte de l'attestation de la s'ur de l'intéressé, ainsi que des certificats médicaux hospitaliers.

- Les diligences pour parvenir à l'éloignement n'ont pas été suffisantes.

Entendu les explications fournies par l'appelant à l'audience du 31 janvier 2024 ;

Entendu les explications orales du préfet de [Localité 3] qui sollicite confirmation de l'ordonnance entreprise ;

Vu l'absence du ministère public, avisé de la date d'audience, qui n'a pas formulé d'observation.

SUR CE :

Sur la recevabilité de l'appel

En l'espèce, l'appel est recevable pour avoir été fait dans les termes et délais légaux.

Sur la régularité de l'arrêté de placement en rétention administrative

En application de l'article L741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3.

Aux termes de ce dernier article le risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :

1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;

4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;

5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;

6° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ;

7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ;

8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.

En l'espèce, l'appelant soutient que l'arrêté de placement en rétention est insuffisamment motivé ou entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ce que l'attestation de sa s'ur n'a pas été prise en compte.

Cependant, la décision critiquée cite les textes applicables à la situation de M. [O] [S] et énonce les circonstances de fait qui justifient l'application de ces dispositions.

Elle précise en effet notamment que l'intéressé :

- est entré en France irrégulièrement au cours de l'année 2020,

- a été condamné le 21 décembre 2022 par le tribunal correctionnel de Versailles pour des faits de recel en récidive à huit mois d'emprisonnement,

- a été condamné le 27 avril 2023 par le tribunal correctionnel de Toulouse à quatre mois d'emprisonnement pour vol et dégradation volontaire,

- n'a pas déféré à une précédente obligation de quitter le territoire français qui lui avait été notifiée le 23 février 2022,

- a fait l'objet d'une interdiction d'entrée de séjour sur l'ensemble de l'espace Schengen pour une durée de trois ans par les autorités suisses le 24 novembre 2022,

- ne peut justifier d'une entrée régulière et n'a pas demandé de titre de séjour,

- ne justifie pas de ressources et n'a pas de billet de transport pour exécuter la mesure d'éloignement,

- ne présente pas d'état de vulnérabilité, car s'il fait valoir être malade, au regard de ses déclarations peu circonstanciées et évasives, l'absence de tout document ne permet pas de corroborer ses dires,

- ne présente pas de garanties de représentation suffisantes faute de document d'identité ou de voyage en cours de validité et faute d'une adresse stable.

Le préfet n'est pas tenu de faire état dans sa décision de tous les éléments de la situation personnelle de l'étranger dès lors que les motifs qu'il retient suffisent à justifier le placement en rétention au regard des critères légaux, étant souligné que les circonstances doivent être appréciées au vu des éléments dont il disposait au jour de sa décision.

La cour rajoute que l'attestation délivrée par sa s'ur [L] [S] est particulièrement lacunaire puisque celle-ci se contente de décliner son identité et son adresse. En outre, comme souligné par le premier juge, un hébergement chez cette dame au bénéfice d'une assignation à résidence est impossible car l'intéressé n'a pas remis de passeport en cours de validité.

L'état de vulnérabilité

L'article L. 741-4 précise : « La décision de placement en rétention prend en compte l'état de vulnérabilité et tout handicap de l'étranger ».

Les arrêtés de placement en rétention administrative doivent comporter une mention relative à l'état de vulnérabilité, même succincte, ne serait-ce que pour l'écarter, sinon ils sont irréguliers.

En l'espèce la décision portant placement en rétention ne souffre d'aucun grief en insuffisance puisque, comme déjà expliqué, elle précise que l'intéressé ne présente pas d'état de vulnérabilité, car s'il fait valoir être malade, au regard de ses déclarations peu circonstanciées et évasives, l'absence de tout document ne permet pas de corroborer ses dires.

Il appartient donc à l'appelant de démontrer que son état de vulnérabilité n'a pas été suffisamment pris en compte.

Lors de son audition pendant le temps de son incarcération, il a indiqué souffrir de son épaule droite car il s'était fait renverser par une voiture en octobre 2022. Il porte toujours une attelle. En outre, il a été agressé en détention, il porte un pansement autour de la mâchoire et il a du mal à parler comme on peut le constater les agents de la police aux frontières.

Il verse au dossier un certificat médical du 13 décembre 2023 confirmant qu'il a été agressé le 10 décembre 2023 dans sa cellule par un autre détenu. Il a été admis à l'hôpital suite à un traumatisme crânien sans perte de connaissance. Il a bénéficié d'une intervention chirurgicale avec réduction en ostéosynthèse de deux fractures et il est resté hospitalisé jusqu'au 12 décembre 2023. Le médecin a constaté une fracture mandibulaire et des fractures radiculaires des dents 11 et 21. L'ITT au sens pénal a été fixé à 15 jours.

Devant la cour, l'intéressé a confirmé qu'il avait rencontré le personnel médical au sein du centre de rétention et que des antalgiques lui étaient régulièrement dispensés.

Sur question de la cour, il a expliqué qu'une prochaine opération sur son épaule droite devait être envisagée pour le mois d'avril 2024.

Monsieur [O] [S] n'a pas expliqué en quoi la mesure de rétention le priverait des soins dont il a besoin. Il sera rappelé que le centre de rétention administrative de [Localité 2] dispose d'une unité médicale composée du personnel de l'hôpital. Monsieur [O] [S] peut s'y voir dispenser les soins dans les mêmes conditions qu'à l'hôpital, puisque l'antenne médicale est parfaitement dotée en moyens techniques, alimentée en médicaments et gérée par des docteurs expérimentés.

Si effectivement comme son état le laisse supposé, une autre intervention doit avoir lieu au mois d'avril, c'est-à-dire dans un futur de 60 jours, cet événement n'est nullement incompatible avec la poursuite de la mesure de rétention au jour où statut la cour.

L'argument est donc à ce jour inopérant et sera rejeté.

La décision déférée sera en conséquence confirmée en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties,

Déclarons recevable l'appel interjeté par Monsieur [O] [S] à l'encontre de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Toulouse du 29 janvier 2024,

Confirmons ladite ordonnance en toutes ses dispositions,

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la PREFECTURE DE [Localité 3], service des étrangers, à [O] [S], ainsi qu'à son conseil et communiquée au Ministère Public.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE

P.GORDON P. ROMANELLO.