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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-2, 25 janvier 2024, n° 22/16179

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 22/16179

25 janvier 2024

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 25 JANVIER 2024

N° 2024/65

Rôle N° RG 22/16179 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKOAO

[P] [N] épouse [E]

C/

S.A. SA D'HLM 3 F SUD

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Jean BADUEL

Me Lucile PALITTA

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par Monsieur le Président du Tribunal de proximité d'Aix-en-Provence en date du 15 Novembre 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 12-22-000551.

APPELANTE

Madame [P] [N] épouse [E]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/009544 du 16/12/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

née le 02 Octobre 1987 à [Localité 3],

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jean BADUEL de la SELARL RODET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SA D'HLM 3 F SUD,

dont le siège social est [Adresse 2]

représentée par Me Lucile PALITTA, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Décembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Angélique NETO, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Angélique NETO, Présidente

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

Mme Florence PERRAUT, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Caroline VAN-HULST.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Janvier 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Janvier 2024,

Signé par Mme Angélique NETO, Présidente et Mme Caroline VAN-HULST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Aux termes d'un contrat de bail en date du 23 décembre 2015, la société anonyme (SA) d'HLM Sud Habitat Groupe Logeo, aux droits de laquelle intervient la SA d'HLM 3F Sud, a donné à bail à M. [L] [E] et Mme [P] [E] née [N] un appartement à usage d'habitation situé [Adresse 1], à [Localité 4], moyennant un loyer mensuel initial de 513,96 euros, outre 90,58 euros de provisions sur charges.

Aux termes d'un contrat de location en date du 6 avril 2018, la SA d'HLM Logeo Méditerranée, aux droits de laquelle intervient la SA d'HLM 3F Sud, leur a également consenti un stationnement n° 90338022 situé au même endroit, moyennant un loyer mensuel initial de 41,73 euros, outre 3,84 euros de provisions sur charges.

Le 28 janvier 2022, la société d'HLM 3F Sud a fait signifier à M. [L] [E] et Mme [P] [E] née [N] un commandement de payer la somme de 3 893,21 euros en principal au titre d'un arriéré locatif arrêté au 6 janvier 2022, quittancement du mois de décembre 2021 inclus, visant la clause résolutoire insérée dans le contrat de bail.

Le commandement de payer étant demeuré infructueux, la société d'HLM 3F Sud a, par exploit d'huissier du 3 mai 2022, assigné M. [L] [E] et Mme [P] [E] née [N] devant le pôle de proximité du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence, statuant en référé, afin d'obtenir la résiliation du bail, leur expulsion et leur condamnation à lui verser diverses sommes à titre provisionnel.

Par ordonnance réputée contradictoire du 15 novembre 2022 (M. [E] n'ayant pas comparu), ce magistrat a :

constaté que les conditions d'application de la clause résolutoire étaient réunies à la date du 28 mars 2022 et qu'en conséquence le bail se trouvait résilié depuis cette date ;

rejeté la demande de délais formée par Mme [E] ;

condamné solidairement M. [L] [E] et Mme [P] [E] à payer à la société 3F Sud la somme de 7 953,04 euros à titre de provision à valoir sur les loyers, charges et indemnités d'occupation arrêtés au 30 septembre 2022, avec intérêts au taux légal à compter de cette date ;

condamné solidairement M. [L] [E] et Mme [P] [E] à payer à la société 3F Sud, en deniers ou quittance, une indemnité d'occupation mensuelle d'un montant égal à celui du loyer et des charges qui auraient été payés en cas de non résiliation à compter du 1er octobre 2022, et jusqu'à libération effective des lieux et remise des clefs ;

ordonné, à défaut de départ volontaire ou de meilleur accord entre les parties, l'expulsion de M. [L] [E] et Mme [P] [E] des lieux loués, ainsi que celle de tous occupants de leur chef, au besoin avec le concours de la force publique ;

dit qu'il serait procédé, conformément à l'article L 433-1 du code des procédures civiles d'exécution, à la remise des meubles se trouvant sur les lieux, aux frais de la personne expulsée, en un lieu désigné par celle-ci, et qu'à défaut, ils seraient laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier de justice chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer ;

rappelé que l'expulsion ne pouvait avoir lieu qu'à l'expiration du délai de deux mois qui suivrait la délivrance du commandement d'avoir à libérer les locaux, conformément aux dispositions de l'article L 412-1 du code des procédures civiles d'exécution ;

rappelé en outre que, nonobstant toute décision d'expulsion passée en force de chose jugée et malgré l'expiration des délais accordés au locataire, il devait être sursis à toute mesure d'expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu'au 31 mars de l'année suivante, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l'unité et les besoins de la famille ;

condamné M. [L] [E] et Mme [P] [E] à payer à la société 3F Sud la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné M. [L] [E] et Mme [P] [E] aux dépens de l'instance, en ce compris le coût du commandement de payer.

Par acte transmis au greffe le 6 décembre 2022, Mme [N] divorcée [E] a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions dûment reprises.

Dans ses dernières conclusions transmises le 2 février 2023, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens soulevés, elle sollicite de la cour qu'elle infirme l'ordonnance entreprise et, statuant à nouveau, qu'elle :

déboute la société 3F Sud de l'ensemble de ses demandes ;

prononce qu'elle bénéficiera de délais afin de régler la dette ;

prononce que la dette locative sera remboursée à hauteur de 10 euros par mois ;

statue ce que de droit sur les dépens ;

Dans ses dernières conclusions transmises 1er mars 2023, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens soulevés, la société d'HLM 3F Sud sollicite de la cour qu'elle :

confirme l'ordonnance entreprise ;

déboute Mme [N] épouse [E] de ses demandes ;

la condamne à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

la condamne aux dépens d'appel.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 20 novembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, si Mme [N] divorcée [E] sollicite l'infirmation de l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, tant dans sa déclaration d'appel que dans ses écritures, il convient de relever que les moyens développés ne portent que sur les délais de paiement et la suspension des effets de la clause résolutoire.

De plus, la société d'HLM 3F Sud, qui ne se réfère qu'au seul décompte communiqué lors de la première instance, n'entend pas réactualiser sa créance.

Enfin, aucun appel n'a été interjeté par M. [E], de sorte que la cour ne doit statuer que dans les limites de l'appel.

Dans ces conditions, l'ordonnance entreprise sera confirmée en toutes ses dispositions concernant M. [E]. S'agissant de Mme [N] divorcée [E], elle sera confirmée en ce qu'elle a constaté la résiliation du bail à effet au 28 mars 2022 et l'a condamnée, solidairement avec M. [E], à payer à la société 3F Sud la somme de 7 953,04 euros à titre de provision à valoir sur les loyers, charges et indemnités d'occupation arrêtés au 30 septembre 2022, avec intérêts au taux légal à compter de cette date.

Sur la demande de délais de paiement et la suspension des effets de la clause résolutoire

L'article 24 V de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989 dispose que le juge peut, même d'office, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, au locataire en situation de régler sa dette locative. Pendant le cours des délais ainsi accordés, les effets de la clause de résiliation de plein droit sont suspendus. Si le locataire se libère dans le délai et selon les modalités fixées par le juge, la clause de résiliation de plein droit est réputée ne pas avoir joué ; dans le cas contraire, elle reprend son plein effet.

En l'espèce, il résulte de ce qui précède que Mme [N] divorcée [E] était redevable de la somme provisionnelle de 7 953,04 euros arrêtée au 30 septembre 2022, quittancement du mois de septembre 2022 inclus.

En l'absence de communication d'un décompte actualisé, la cour ignore si la dette locative de Mme [N] divorcée [E] a augmenté depuis l'ordonnance entreprise.

Or, à l'examen des seuls décomptes versés aux débats, il apparaît que les locataires ont rencontré des difficultés à régler leurs loyers et charges à partir du mois de juillet 2021, soit à partir du moment où l'allocation pour le logement d'un montant mensuel de 375,71 euros ne sera plus versée et la réduction au titre du loyer solidarité d'un montant mensuel de 63,89 euros ne sera plus appliquée, les locataires continuant en revanche à régler la part résiduelle laissée à leur charge d'un montant mensuel de 206,07 euros.

Cette situation correspond à un moment où les époux [E] ne sont séparés. Après une ordonnance de non conciliation rendue par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence, en date du 22 février 2021, aux termes de laquelle la jouissance du logement a été attribuée à Mme [N] et la résidence des enfants, [G] [E], né le 1er juillet 2011, et [R] [O] [E], né le 15 août 2012, fixée au domicile de cette dernière, leur divorce sera prononcé le 16 juin 2022 par la chambre de la famille du même tribunal.

A l'examen des pièces de la procédure, Mme [N], qui n'exerce pas d'activité professionnelle, bénéficiait de prestations familiales à hauteur de 488,71 euros en août 2022, comprenant les allocations familiales sous conditions de ressources et le revenu de solidarité active, ainsi qu'une pension alimentaire mensuelle de 360 euros pour les deux enfants à compter du jugement de divorce.

Si l'allocation pour le logement n'a pas été rétablie, Mme [N] verse aux débats un courrier de la caisse d'allocations familiales, en date du 17 janvier 2023, indiquant que cette dernière pourrait percevoir un rappel d'allocations pour le logement d'un montant de 6 631,54 euros pour la période allant du mois de juillet 2021 au mois de décembre 2022 dans le cas où un protocole de cohésion sociale serait signé et respecté.

Par ailleurs, le fait même pour la bailleresse de ne pas produire de décompte actualisé tend à démontrer que Mme [N] a repris le paiement de ses loyers et charges courants à compter du mois d'octobre 2022 d'un montant mensuel de 655,52 euros, malgré ses ressources mensuelles de 848,71 euros.

Enfin, M. [E], qui est solidairement tenu des sommes auxquelles Mme [N] a été condamnée, exerçait, lorsque le jugement de divorce a été prononcé le 16 juin 2022, la profession de conducteur receveur depuis le 6 juillet 2015 pour laquelle il a perçu environ 2 000 euros de salaires par mois en 2020, outre 1 825 euros de revenus industriels et commerciaux au titre d'une activité de chauffeur VTC qu'il exerce depuis 2017. Si les décisions prises par le juge aux affaires familiales concernant le logement et la dette locative ne sont pas opposables à la bailleresse, il n'en demeure pas moins que la solidarité prononcée par le premier juge entre M. et Mme [E] oblige chacun d'eux à toute la dette et que le paiement fait par chacun d'eux les libère tous envers le créancier.

L'ensemble de ces éléments n'établissent donc pas une impossibilité pour l'appelante de faire face à sa dette locative et justifient de lui accorder les plus larges délais de paiement pour apurer sa dette locative de 7 953,04 euros en 36 mensualités de 220 euros chacune.

Les effets de la clause résolutoire insérée dans le contrat de bail sont donc suspendus. En cas de remboursement intégral par Mme [N] divorcée [E] de sa dette, en plus de la reprise du paiement du loyer et des charges courants, la résiliation du bail sera considérée comme n'ayant jamais été prononcée et le bail reprendra pleinement ses effets entre les parties.

A l'inverse, à défaut de paiement du loyer et des charges courants ou d'une seule des mensualités de remboursement à son échéance, la résiliation judiciaire du bail retrouvera pleinement ses effets et le bail sera automatiquement résilié.

A défaut de départ volontaire, il sera alors procédé à l'expulsion des occupants conformément aux articles L 411-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, et Mme [P] [N] divorcée [E] sera tenue de payer une indemnité d'occupation égale au montant du dernier loyer augmenté de la provision sur charges, soit à la somme de 655,52 euros arrêtée au mois d'octobre 2022, en réparation du préjudice causé par l'occupation illicite.

Ces indemnités seront dues jusqu'à libération effective des lieux matérialisée par la remise des clés à la bailleresse.

L'ordonnance entreprise sera donc infirmée en ce qu'elle n'a pas suspendu les effets de la clause résolutoire et a ordonné l'expulsion de Mme [P] [N] épouse [E] conformément à ce qui sera dit dans le dispositif de la décision.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La procédure de constatation de l'acquisition des effets de la clause résolutoire insérée dans le bail initiée par la bailleresse étant justifiée, il convient de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné Mme [N] divorcée [E] aux dépens de première instance, en ce compris le coût du commandement de payer, et l'a condamnée à verser à la bailleresse la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu du sens de la présente décision, les dépens d'appel seront laissés à la charge de Mme [N] divorcée [E].

En revanche, l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de la bailleresse.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans les limites de l'appel ;

Infirme l'ordonnance entreprise du 15 novembre 2022 en toutes ses dispositions critiquées en ce qui concerne uniquement Mme [P] [N] divorcée [E], sauf en ce qu'elle a :

constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire étaient réunies à la date du 28 mars 2022 et qu'en conséquence le bail se trouvait résilié depuis cette date ;

condamné Mme [P] [E] à payer à la SA d'HLM 3F Sud la somme de 7 953,04 euros à titre de provision à valoir sur les loyers, charges et indemnités d'occupation arrêtés au 30 septembre 2022, avec intérêts au taux légal à compter de cette date ;

condamné Mme [P] [E] à verser à la SA d'HLM 3F Sud la somme de 300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné Mme [P] [E] aux entiers dépens de première instance, en ce compris le coût du commandement de payer ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Autorise Mme [P] [N] divorcée [E] à se libérer de sa dette de 7 953,04 euros arrêtée au 30 septembre 2022, échéance du mois de septembre 2022 incuse, en 36 mensualités de 220 euros le 10 de chaque mois, la 36ème mensualité étant augmentée du solde de la dette ;

Dit que ces mensualités devront être payées en plus du loyer et des charges courants et en même temps qu'eux ;

Dit que la première mensualité sera due en même temps que le loyer et des charges courants du premier mois suivant la signification de la présente décision ;

Dit que les effets de la résiliation judiciaire sont suspendus pendant l'exécution des délais de grâce ;

Dit que si les délais sont respectés, la résiliation sera réputée n'avoir jamais joué et le bail reprendra pleinement ses effets entre les parties ;

Dit qu'au contraire, à défaut de paiement d'une seule mensualité ou du loyer et des charges courants à son terme exact :

1 ' le bail sera automatiquement résilié,

2 - le solde de la dette deviendra immédiatement exigible,

3 - à défaut pour Mme [P] [N] divorcée [E] d'avoir libéré les lieux deux mois après la notification au préfet du commandement d'avoir à quitter les lieux, il sera procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef, avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier, si besoin est, conformément aux dispositions des articles L 412-1 et suivants, R 412-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, et au transport des meubles laissés dans les lieux aux frais de l'expulsée dans tel garde-meubles choisi par cette dernière ou à défaut par l'huissier en charge des opérations conformément aux dispositions des articles L 433-1 et L 433-2 du code des procédures civiles d'exécution,

4 ' Mme [P] [N] divorcée [E] sera tenue au paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant du dernier loyer augmenté des provisions sur charges, tels qu'ils auraient été dus en cas de poursuite du bail, soit égale à la somme de 655,52 euros arrêtée au mois d'octobre 2022, avec possibilité de révision s'agissant des charges locatives ;

Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure pour les frais exposés en appel non compris dans les dépens ;

Condamne Mme [P] [N] divorcée [E] aux dépens de la procédure d'appel.

La greffière La présidente