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Décisions

CA Douai, 3e ch., 18 janvier 2024, n° 18/06499

DOUAI

Arrêt

Autre

CA Douai n° 18/06499

18 janvier 2024

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 18/01/2024

****

N° de MINUTE : 24/11

N° RG 18/06499 - N° Portalis DBVT-V-B7C-R7W5

Jugement (N° 17/04129) rendu le 19 Octobre 2018 par le Tribunal de grande instance de Lille

APPELANTES

SA Mma Iard

[Adresse 2]

[Localité 9]

SA Mma Iard Assurances Mutuelles, venant aux droits et obligations de la Société Azur Assurances

Intervenant volontaire

[Adresse 2]

[Localité 9]

Représentées par Me Pierre Vandenbussche, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉS

Monsieur [E] [J]

[Adresse 3]

[Localité 7]

Madame [R] [I] épouse [J]

[Adresse 3]

[Localité 7]

Madame [Y] [J]

[Adresse 3]

[Localité 7]

Monsieur [M] [J]

né le [Date naissance 1] 2000 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentés par Me Sebastien Petit, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assistés de Me Nicolas Pelletier, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant

Caisse Primaire d'Assurance Maladie

[Adresse 4]

[Localité 8]

Défaillante à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 14 janvier 2019 à personne habilitée

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Harmony Poyteau

DÉBATS à l'audience publique du 19 octobre 2023 après rapport oral de l'affaire par Claire Bertin

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 18 janvier 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président, et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 4 septembre 2023

****

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

Le 30 septembre 2006 alors qu'il circulait sur sa motocyclette sur l'autoroute A22 en direction de Gand, M. [E] [J] (M. [J]) a été victime d'un accident corporel de la circulation routière, impliquant le véhicule conduit par M. [A] [N], assuré auprès de la société MMA Iard.

La motocyclette, qui progressait sur la voie de gauche, a été percutée par le véhicule automobile de M. [N] qui s'est déporté brusquement de droite à gauche, cherchant à éviter un véhicule qui s'était inséré sans précaution devant lui, et avait franchi la ligne blanche continue qui séparait la voie de jonction entre l'autoroute A22 et la route nationale RN356.

M. [J] a présenté des suites de la collision des fractures du coccyx, de l'aileron sacré S4S5, de l'humérus droit, du scaphoïde gauche, des tibia et péroné droits avec perte de substance osseuse, du fémur gauche, un 'dème cérébral, un traumatisme crânien, et des opacités pulmonaires.

Une expertise amiable a été réalisée par les docteurs [X] et [S] ; sur la base du rapport déposé le 8 mars 2010, la société MMA Iard a présenté une offre d'indemnisation qu'a refusée M. [J]. L'assureur a cherché à lui opposer une faute de nature à limiter son droit à indemnisation de 25%, lui reprochant d'avoir conduit sa motocyclette à vitesse excessive et sous stupéfiants.

Afin d'obtenir l'indemnisation de leurs préjudices à la suite de ce fait dommageable, M. [E] [J], son épouse, Mme [R] [I], ses enfants, Mme [Y] [J] et M. [M] [J] alors mineur, ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Lille la société MMA Iard et la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Lille par actes d'huissier délivrés le 16 juillet 2015.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement rendu le 19 octobre 2018, le tribunal judiciaire de Lille a notamment :

1. rejeté l'intervention volontaire de la société MMA Iard assurances mutuelles ;

2. dit que M. [J] avait droit à l'indemnisation intégrale des conséquences de l'accident survenu le 30 septembre 2006 ;

3. condamné la société MMA Iard à payer à M. [J] les sommes suivantes à titre de dommages et intérêts :

a. 4 493,04 euros pour les dépenses de santé restées à sa charge ;

b. 2 441,08 euros pour les frais divers ;

c. 16 758 euros pour l'assistance par tierce personne temporaire ;

d. 10 023,66 euros pour la perte de gains professionnels actuels ;

e. 31 177,50 euros pour le déficit fonctionnel temporaire ;

f. 60 000 euros pour les souffrances endurées ;

g. 10 000 euros pour le préjudice esthétique temporaire ;

h. 16 511,88 euros pour les frais d'adaptation du véhicule ;

i. 33 776,35 euros pour l'assistance par tierce personne spécialisée définitive ;

j. 150 000 euros pour l'incidence professionnelle ;

k. 180 000 euros pour le déficit fonctionnel permanent ;

l. 5 000 euros pour le préjudice d'agrément ;

m. 40 000 euros pour le préjudice esthétique permanent ;

n. 10 000 euros pour le préjudice sexuel ;

4. dit que le paiement des sommes précitées interviendra sous déduction des provisions déjà versées et dûment quittancées ;

5. sursis à statuer sur la liquidation des postes de préjudices afférents à la perte de gains professionnels futurs, à l'assistance par tierce personne non spécialisée définitive, à l'aménagement du domicile et du couchage ainsi qu'à l'aide à la mobilité ;

6. condamné la société MMA Iard à verser à M. [J] les provisions suivantes :

263 790,81 euros au titre de l'assistance par tierce personne définitive non spécialisée ;

165 000 euros au titre des frais d'adaptation du logement, du couchage et de la locomotion ;

7. condamné la société MMA Iard à payer à Mme [R] [I] les sommes suivantes :

19 659,36 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de sa perte de revenus ;

15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice sexuel ;

8. condamné la société MMA Iard à payer à M. [M] [J] devenu majeur la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

9. condamné la société MMA Iard à payer à Mme [Y] [J] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

10. ordonné la capitalisation des intérêts à échoir au titre des sommes précitées par année entière à compter du jugement ;

11. sursis à statuer sur le montant définitif de l'assiette de la pénalité due par la société MMA Iard en application des articles L. 211-9 et suivants du code des assurances ;

12. condamné la société MMA Iard à payer à M. [J], à titre provisionnel, les intérêts au double du taux légal sur la somme de 1 349 853,51 euros, et ce du 31 mai 2007 jusqu'au jugement ;

13. ordonné la capitalisation des intérêts tels qu'échus sur cette somme par année entière à compter du 16 juillet 2015 ;

14. condamné la société MMA Iard à verser au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) la somme de 50 000 euros au titre de l'article L. 211-14 du code des assurances et dit qu'une copie du jugement serait adressée à cet organisme par le greffe du tribunal judiciaire de Lille ;

15. condamné la société MMA Iard aux dépens de Mme [R] [I], M. [M] [J], Mme [Y] [J] ;

16. condamné la société MMA Iard aux dépens exposés par M. [E] [J] au titre du jugement ;

17. condamné la société MMA Iard à payer à M. [E] [J] la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

18. ordonné l'exécution provisoire à hauteur de 750 000 euros ;

19. avant dire droit, confié à Mme [V] [G] une mesure d'expertise médicale de M. [J] pour décrire et quantifier ses besoins en assistance par une tierce personne après le 1er février 2010, pour dire si son licenciement prononcé pour inaptitude au poste le 2 décembre 2016 trouvait son origine dans les séquelles de l'accident, et pour chiffrer le montant des frais médicaux futurs hors pension d'invalidité ;

20. avant dire droit, confié à M. [E] [L] une mesure d'expertise en ergothérapie portant sur le logement et l'adaptation des matériels de la victime hors véhicule automobile ;

21. réservé les dépens futurs ;

22. débouté les parties du surplus de leurs demandes.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 30 novembre 2018, les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles ont formé appel, dans des conditions de forme et de délai non contestées, de ce jugement en toutes ses dispositions.

4. La procédure :

Suivant ordonnance d'incident rendue le 12 décembre 2019, le magistrat chargé de la mise en état a complété la mission de l'expert [G] en l'invitant à procéder à l'évaluation des besoins de M. [J] en assistance par une tierce personne à compter de la consolidation de son état, et de déterminer le lien de causalité entre son licenciement et le fait dommageable initial ; il a également élargi la mission d'expertise en ergothérapie sur le logement et l'adaptation des matériels en la confiant à un collège d'experts, à savoir M. [K] [T], architecte, et M. [E] [L], ergothérapeute.

Suivant ordonnance d'incident du 27 mai 2021, le magistrat chargé de la mise en état a confié à l'expert [G] mission d'évaluer les besoins de la victime en assistance par une tierce personne jusqu'à la consolidation de son état, et sur l'ensemble de ses composantes, puis à compter de sa consolidation, et destinée exclusivement à satisfaire les besoins correspondant aux travaux de jardinage et d'entretien de son domicile.

Par arrêt avant dire droit du 13 avril 2023, la cour a ordonné la réouverture des débats, révoqué l'ordonnance de clôture, invité les parties à formuler toutes observations utiles notamment sur les points suivants :

- le motif pour lequel la société MMA Iard assurances mutuelles, venant aux droits de la société Azur assurances, entendait intervenir volontairement à l'instance aux côtés de la société MMA Iard, et l'intérêt qu'elle poursuivait dans ce cadre ;

- s'agissant des pertes de gains professionnels futurs, de l'incidence professionnelle et du déficit fonctionnel permanent, la production du décompte actualisé des débours de la CPAM de Roubaix-Tourcoing arrêté au 20 mars 2023, et l'imputabilité des créances du tiers payeur sur les sommes revenant à M. [J] ;

- s'agissant des frais de véhicule adapté, le surcoût strictement imputable à l'adaptation au handicap du véhicule appartenant à la victime au moment de l'accident, et le cas échéant l'offre de l'assureur y afférente ;

- la double indemnisation de l'ensemble des préjudices réclamés par Mme [I] ;

puis a renvoyé la cause et les débats devant le magistrat chargé de la mise en état, et ordonné sursis à statuer sur l'ensemble des prétentions des parties, en ce compris les dépens et les frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

5. Les prétentions et moyens des parties :

5.1. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 29 juin 2023, la société MMA Iard et la société MMA Iard assurances mutuelles, venant aux droits de la société Azur assurances, (les MMA) appelantes principales, demandent à la cour de réformer le jugement critiqué en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

- sur le fond, dire et juger que M. [J] a commis une faute de conduite limitant son droit à indemnisation de 25% ;

- fixer l'indemnisation du préjudice corporel de M. [J] de la façon suivante :

4 542,54 euros au titre des dépenses de santé actuelles ;

2 441,08 euros au titre des frais divers ;

5 490 euros au titre des frais d'expertise ;

62 045 euros au titre de l'assistance par une tierce personne avant consolidation ;

10 023,66 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels ;

86 080,72 euros au titre des dépenses de santé futures ;

570 781,75 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs ;

30 000 euros au titre de l'incidence professionnelle ;

197 290,87 euros au titre des frais de logement adapté ;

18 872,04 euros au titre des frais de véhicule adapté ;

854 089,91 euros au titre de l'assistance permanente par une tierce personne ;

26 281,25 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

25 000 euros au titre des souffrances endurées ;

154 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

15 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

- réduire de 25% les sommes allouées à M. [E] [J] et aux victimes indirectes en considération des fautes de conduite de celui-ci ;

- tenir compte des provisions déjà versées par leurs soins à hauteur de 983 100 euros pour M. [J], et de 10 000 euros pour Mme [I] ;

- débouter M. [J], son épouse et ses deux enfants du surplus de leurs demandes.

5.2. Aux termes de leurs conclusions notifiées le 11 mai 2023, M. [E] [J], Mme [R] [I] épouse [J], Mme [Y] [J], M. [M] [J], intimés et appelants incidents, demandent à la cour, au visa de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985, des articles 455-1-1 du code de la sécurité sociale, L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances, 1343-2, 1342-7, 1346, 1301 du code civil, L. 313-1 du code monétaire et financier, de :

- confirmer le jugement querellé en ce qu'il a :

dit que M. [J] avait droit à l'indemnisation intégrale des conséquences de l'accident survenu le 30 septembre 2006 ;

condamné la société MMA Iard à verser à M. [M] [J] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

condamné la société MMA Iard à verser à Mme [Y] [J] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

ordonné la capitalisation des intérêts légaux à compter du jugement ;

ordonné la capitalisation des intérêts au double du taux légal au titre des articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances dont l'assiette était constituée de la créance indemnitaire de la victime et de la créance de la CPAM sans déduction des provisions à compter du 16 juillet 2015, date de délivrance de l'assignation à l'assureur en cause, et ayant énoncé pour la première fois cette prétention) ;

condamné la société MMA Iard à verser au FGAO la somme de 50 000 euros au titre de l'article L. 211-14 du code des assurances, et dit qu'une copie du jugement serait adressée à cet organisme par le greffe de la juridiction ;

condamné la société MMA Iard aux dépens de Mme [R] [I], de M. [M] [J], de « Mme [Y] d'expertise » ;

- réformer le jugement entrepris pour le surplus ;

- y ajoutant, fixer le préjudice de M. [J] comme suit :

Poste de préjudice

Montant en euros

Quote-part à la charge du responsable à hauteur de 100%

Part revenant à la victime directe

Solde revenant à la CPAM

Préjudices patrimoniaux [en euros]

Préjudices patrimoniaux avant consolidation

Dépenses de santé actuelles

249 537,42

249 537,42

5 859,87

243 677,55

Frais divers

133 921,08

133 921,08

133 921,08

0

Pertes de gains professionnels actuels

68 368,16

68 368,16

12 754,32

55 613,84

Total

451 826,66

451 826,66

152 535,27

299 291,39

Préjudices patrimoniaux après consolidation

Dépenses de santé futures

137 158,65

137 158,65

104 035,52

33 123,13

Pertes de gains professionnels futurs

2 074 403,69

2 074 403,69

2 062 497,01

11 906,68

Incidence professionnelle

300 000

300 000

300 000

0

Frais de logement adapté

212 502,81

212 502,81

212 502,81

0

Frais de véhicule adapté

1 033 066,61

1 033 066,61

1 033 066,61

0

Assistance par une tierce personne

1 688 452,12

1 688 452,12

1 688 452,12

0

Total

5 445 583,88

5 445 583,88

5 400 554,07

45 029,81

Total des préjudices patrimoniaux

5 897 410,54

5 897 410,54

5 553 089,34

344 321,20

Préjudices extra-patrimoniaux [en euros]

Préjudices extra-patrimoniaux avant consolidation

Déficit fonctionnel temporaire

34 641,66

34 641,66

34 641,66

0

Souffrances endurées

75 000

75 000

75 000

0

Préjudice esthétique temporaire

12 000

12 000

12 000

0

Total

121 641,66

121 641,66

121 641,66

0

Préjudices extra-patrimoniaux après consolidation

Déficit fonctionnel permanent

300 000

300 000

300 000

0

Préjudice d'agrément

25 000

25 000

25 000

0

Préjudice esthétique permanent

45 000

45 000

45 000

0

Préjudice d'établissement

40 000

40 000

40 000

0

Préjudice sexuel

10 000

10 000

10 000

0

Total

420 000

420 000

420 000

0

Total des préjudices extra-patrimoniaux

541 641,66

541 641,66

541 641,66

0

Total des préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux

6 439 052,20

6 439 052,20

6 094 731

344 321,20

en conséquence,

- condamner les MMA à verser à M. [J] une indemnité de 6 094 731 euros ;

- surseoir à l'indemnisation du préjudice de M. [J] résultant de l'acquisition d'un véhicule adapté aux besoins d'aides techniques préconisés par les experts judiciaires si la juridiction n'était pas suffisamment éclairée au regard des rapports de M. [E] [L] validant les aides techniques nécessaires à l'autonomie de la victime et imposant l'acquisition d'un véhicule particulier, et ordonner une expertise pour déterminer le véhicule le plus adapté à l'état séquellaire de la victime et aussi à la nécessité de transporter les aides techniques ;

- juger que les MMA n'ont pas présenté d'offre provisionnelle dans le délai de huit mois de l'accident survenu le 30 septembre 2006, soit avant le 31 mai 2007, ni d'offre définitive dans le délai de cinq mois à compter de la connaissance de la consolidation de l'état de santé de la victime, le rapport des docteurs [S] et [X] étant daté du 3 mars 2010, soit avant le 3 août 2010, et juger que la proposition d'indemnisation du 4 avril 2011 à hauteur de 126 694,48 euros est dérisoire, en conséquence, condamner les MMA à payer les intérêts au double du taux légal échus sur la créance indemnitaire de la victime et la condamnation au titre des débours de la CPAM, sans déduction des provisions, sur la période du 31 mai 2007 jusqu'à l'arrêt ;

- condamner les MMA à verser à Mme [I] les sommes suivantes :

20 000 euros au titre de son préjudice d'affection et d'accompagnement ;

29 257,71 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de sa perte de revenus ;

10 000 euros au titre de son préjudice sexuel ;

100 000 euros au titre de la perte de l'exécution du devoir de secours et d'assistance qu'elle est en droit d'attendre de son mari ;

40 000 euros au titre de sa perte de perspective d'évolution sur le marché du travail, de la perte nécessaire de ses droits à la retraite ;

- condamner les MMA à verser à Mme [I], Mme [Y] [J] et M. [M] [J], la somme de 15 000 euros chacun à titre d'indemnité pour résistance abusive ;

- juger, à titre principal et vu l'article 1342-7 du code civil, que les MMA seront condamnées au stade de l'obligation à la dette, aux sommes dues au titre de l'article A. 444-32 du code de commerce (ancien article 10 du tarif des huissiers) en cas d'absence des condamnations volontaires de la part de la société MMA Iard ; à titre subsidiaire, juger, vu les articles 1301 et 1346-1 du code civil, que les MMA garantiront au stade de la contribution à la dette les sommes avancées au titre de l'article A. 444-32 du code de commerce ;

- juger que les paiements s'imputeront d'abord sur les intérêts ;

- juger que les intérêts légaux seront capitalisés à compter du jugement de première instance et, à défaut, à compter de l'arrêt ;

- juger que les intérêts au double du taux légal seront capitalisés à compter du 16 juillet 2015, date de l'assignation délivrée à l'assureur en cause et ayant énoncé pour la première fois la demande d'anatocisme ;

- juger que l'article L. 313-3 du code monétaire et financier trouvera à s'appliquer ;

- condamner les MMA à payer à M. [E] [J] une indemnité de 30 000 euros uniquement pour la première instance, et 50 000 euros pour l'instance d'appel par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner les MMA aux entiers frais et dépens, y compris les frais d'expertise.

5.3. La CPAM de Lille, régulièrement intimée, n'a pas constitué avocat devant la cour.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, alors d'une part que les MMA sollicitent de retenir le barème BRCIV 2023 pour capitaliser les dépenses futures et, d'autre part, que les consorts [J] considèrent qu'il y a lieu d'appliquer le barème de capitalisation de la Gazette du palais 2022 avec le taux d'intérêt de -1% pour évaluer les frais futurs, la cour rappelle que le choix du barème de capitalisation, support de l'évaluation des préjudices futurs, relève du pouvoir souverain du juge du fond.

Il sera retenu l'application du dernier barème de capitalisation édité dans la Gazette du palais du 31 octobre 2022, qui est fondé sur une espérance de vie issue des tables de mortalité 2017-2019, et sur un taux d'intérêt de 0% corrigé de l'inflation, ce qui permet ainsi de protéger la victime contre les effets de l'érosion monétaire, et constitue le référentiel le mieux adapté à l'espèce.

I - Sur l'intervention volontaire de la société MMA Iard assurances mutuelles

Aux termes des articles 328 et 329 du code de procédure civile, l'intervention volontaire est principale ou accessoire.

L'intervention est volontaire lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme ; elle n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention.

Invitées à s'expliquer sur le motif pour lequel la société MMA Iard assurances mutuelles, venant aux droits de la société Azur assurances, entendait intervenir volontairement à l'instance aux côtés de la société MMA Iard, les MMA font valoir en cause d'appel qu'elles portent en co-assurance un portefeuille de risques parmi lequel se trouve la police d'assurance dont bénéficiait le véhicule impliqué dans l'accident dont M. [J] a été victime.

Les intimés ne contestent pas dans leurs écritures d'appel cette intervention volontaire à l'instance, et présentent même des demandes à l'encontre des deux sociétés d'assurance.

Dès lors, en sa qualité de co-assureur, la société MMA Iard assurances mutuelles sera reçue en son intervention volontaire, et le jugement querellé réformé sur ce point.

II - Sur l'étendue du droit à indemnisation de la victime directe

Le premier juge a considéré que M. [J] avait droit à l'indemnisation intégrale des conséquences de l'accident survenu le 30 septembre 2006.

Au soutien de leur appel, les MMA considèrent que :

- M. [J] a commis une faute de conduite de nature à réduire son droit à indemnisation de 25% ;

- à cet égard, M. [J] conduisait sa motocyclette à vitesse excessive et avait consommé du cannabis lorsque s'est produit l'accident ; inattentif, il a manqué de maîtrise dans la conduite de son engin ;

- en outre, il a régularisé le 6 novembre 2013 un procès-verbal de transaction avec son assureur, lequel mentionnait « droit à indemnité : 75% » et portait sur le règlement d'une provision complémentaire ; il convient d'entériner cette transaction.

Les consorts [J], réclamant la confirmation du jugement querellé, font valoir que :

- l'implication du véhicule automobile assuré par la société Azur assurances, aux droits de laquelle viennent les MMA, dans l'accident survenu le 30 septembre 2006 n'est pas contestée ;

- lors de sa manœuvre d'évitement sur l'autoroute, M. [N] n'a pas vérifié la présence d'un autre conducteur sur la voie de gauche, et n'a pas vu la motocyclette qui arrivait ;

- il n'existe pas de lien de causalité entre la présence de cannabis à un très faible taux dans le sang de la victime, et la réalisation du préjudice qu'elle a subi ;

- le témoin, qui indique avoir été dépassé par la droite par une motocyclette qui circulait à une vitesse excessive, n'a pas assisté à l'accident, n'a pas été en mesure de reconnaître la marque ni le type de l'engin ; la vitesse de la motocyclette au moment de l'accident reste impossible à évaluer.

Sur ce, les moyens soutenus par les appelantes ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.

Il convient seulement de souligner et d'ajouter les points suivants :

- Si les MMA entendent se prévaloir d'un procès-verbal de transaction régularisé le 6 novembre 2013 avec M. [J], lequel mentionnait « droit à indemnité : 75% » et portait sur le règlement d'une provision complémentaire de 10 000 euros, elles ne demandent pas expressément dans leur dispositif que soit « entériné l'accord intervenu entre les parties » (comme elles le mentionnent en page 16 de leurs écritures), mais seulement qu'il soit jugé que M. [J] a commis une faute de conduite limitant son droit à indemnisation de 25%.

- Le lien de causalité s'apprécie entre la faute commise et le dommage, et non entre la faute et l'accident. Pour réduire le droit à indemnisation d'une victime conductrice, il suffit donc que la faute de la victime ait eu une incidence sur son dommage et il n'importe pas qu'elle ait eu une influence dans la manière dont s'est déroulé l'accident.

En l'espèce, le lien de causalité n'est pas démontré entre la présence de cannabis dans le sang de la victime et le dommage corporel subi, dès lors que le motocycliste progressait normalement dans sa voie de circulation sans commettre de défaut de maîtrise, que son inattention alléguée à la conduite n'est pas démontrée, et qu'il a subi un dommage sans aucun rapport avec son état physique et sa consommation de produits stupéfiants.

- Le seul témoignage indirect d'un automobiliste, selon qui une motocyclette l'avait doublé par la droite « à une vitesse excessive » plusieurs centaines de mètres avant l'accident, est manifestement insuffisant à caractériser une faute de conduite du motocycliste de nature à réduire son droit à indemnisation, alors que le témoin n'a pas assisté à la collision, n'a pas reconnu l'engin accidenté, et que ses seules déclarations ne permettent pas de quantifier la vitesse de progression de la motocyclette à l'instant de la collision.

En conséquence, le jugement dont appel est confirmé en ce qu'il a dit que M. [J] avait droit à l'indemnisation intégrale des conséquences de l'accident survenu le 30 septembre 2006.

III - Sur l'indemnisation du préjudice de la victime directe

Dans son rapport d'expertise médicale déposé le 16 juin 2020, l'expert [G] a retenu une date de consolidation au 1er février 2010 (à l'âge de 37 ans, M. [J] étant né le [Date naissance 5] 1972), et fixé le déficit fonctionnel permanent à 55% en raison notamment d'une impotence sévère du membre supérieur droit avec une épaule non fonctionnelle et des douleurs neuropathiques invalidantes, une raideur modérée du poignet gauche, un enraidissement très important du membre inférieur droit avec un raccourcissement de deux centimètres, des douleurs neuropathiques plantaires, des douleurs de la jambe et la cuisse gauches, des troubles mnésiques et un retentissement psychologique.

S'il a pu reprendre le 1er février 2010 au même poste son activité professionnelle de vendeur automobile dans l'importation, qu'il exerçait au moment de l'accident, M. [J] a été déclaré inapte à son poste de travail le 26 octobre 2016 par le médecin du travail, et licencié pour inaptitude le 2 décembre 2016, l'expert considérant que ce licenciement était bien imputable aux séquelles de l'accident survenu le 30 septembre 2006.

A - Sur l'évaluation des préjudices

1 - Sur l'évaluation des préjudices patrimoniaux

a - Sur les préjudices patrimoniaux temporaires avant consolidation

1° - Sur les dépenses de santés actuelles

Le premier juge a fixé la créance de dépenses de santé actuelles restées à la charge de la victime à la somme de 4 493,04 euros.

M. [J] sollicite une indemnité de 5 859,87 euros au titre des dépenses de santé actuelles restées à sa charge, après actualisation suivant le barème 2023 des coefficients d'érosion monétaire pour l'année 2006.

Les MMA offrent une indemnisation de 4 542,54 euros au titre des dépenses de santé actuelles non prises en charge par les organismes sociaux.

Sur ce, les dépenses de santé actuelles correspondent à l'ensemble des frais médicaux, hospitaliers, pharmaceutiques, et paramédicaux exposés par la victime ou pris en charge par les organismes sociaux durant la phase temporaire d'évolution de la pathologie traumatique jusqu'à la date de la consolidation.

Les créances résultant du relevé de débours définitif de la CPAM de Roubaix-Tourcoing du 20 mars 2023 pour un montant de 243 677,07 euros sont imputables à l'accident corporel.

Les MMA ne contestent pas que les dépenses de lit médicalisé, pharmacie, bassin, table de lit, alèse, fauteuil garde-robe et portique de lit d'un coût total de 4 542,54 euros sont restées à la charge de la victime.

Tenu de statuer à la date la plus proche de l'arrêt, le juge du fond doit faire application du coefficient d'érosion monétaire lorsque la victime le demande.

Conformément à la demande, il convient d'appliquer les coefficients d'érosion monétaire applicables aux cessions intervenant en 2023 publiés au bulletin officiel des finances publiques - impôts (BOI) du 15 février 2023 sous la référence BOI-ANNX-000097, lesquels s'élèvent à 1,290 en 2006.

M. [J] est fondé à recevoir, après application du coefficient d'érosion monétaire, les sommes suivantes en remboursement des dépenses de santé actuelles qu'il a exposées en 2006 et qui sont restées à sa charge : 4 542,54 x 1,290 = 5 859,87 euros.

Il y a lieu de fixer le poste des dépenses de santé actuelles en lien avec le fait dommageable à la somme de 249 536,94 euros (soit 243 677,07 + 5 859,87).

En conséquence, il convient de condamner les MMA à payer à M. [J] la somme de 5 859,87 euros au titre des dépenses de santé actuelles restées à charge, et de fixer la créance de la CPAM de Roubaix-Tourcoing à la somme de 243 677,07 euros au titre des dépenses de santé actuelles.

2° - Sur les pertes de gains professionnels actuels

Le premier juge a octroyé à M. [J] une somme de 10 023,66 euros réparant les pertes de gains professionnels actuels.

M. [J] réclame une somme de 12 754,32 euros après actualisation de ses pertes de revenus suivant les coefficients d'érosion monétaire mentionnés ci-avant.

Si les MMA déclarent s'en rapporter à la justice sur ce poste, elles proposent, dans le dispositif de leurs écritures, la fixation des pertes de gains professionnels actuels à la somme de 10 023,66 euros.

Sur ce, les pertes de gains professionnels actuels correspondent aux pertes de gains liées à l'incapacité provisoire de travail et tendent à la réparation exclusive du préjudice patrimonial temporaire subi par la victime du fait de l'acte dommageable, c'est à dire aux pertes actuelles de revenus éprouvées par cette victime du fait de son dommage jusqu'à sa date de consolidation. L'indemnisation des pertes de gains professionnels étant égale au coût économique du dommage pour la victime, la perte de revenus se calcule en net et hors incidence fiscale.

Après application des coefficients d'érosion monétaire, M. [J] justifie de ses pertes de gains professionnels avant consolidation à hauteur de 12 754,32 euros, somme qui n'est discutée par les appelantes.

Pendant cette même période du 30 septembre 2006 au 31 janvier 2010, M. [J] a perçu, suivant le relevé définitif de débours du 20 mars 2023 de la CPAM de Roubaix-Tourcoing, des indemnités journalières pour un montant global de 55 613,84 euros.

Il convient de condamner les MMA à payer à M. [J] la somme de 12 754,32 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels restées à sa charge, et de fixer à ce titre la créance de la CPAM de Roubaix-Tourcoing à la somme de 55 613,84 euros.

3° - Sur les frais divers hors tierce personne temporaire

Il s'agit des frais divers exposés par la victime avant la date de consolidation de ses blessures, tels les honoraires du médecin assistant la victime aux opérations d'expertise, les frais de déplacement et transport survenus durant la maladie traumatique, dont le coût et le surcoût sont imputables à l'accident, les frais liés à l'hospitalisation, les frais de garde d'enfant, ou encore les frais de correspondance.

=> Sur les frais divers proprement dits

Le premier juge a alloué à la victime une indemnisation de 2 441,08 euros au titre des frais divers comprenant les frais de déplacement et le remboursement des objets détruits dans l'accident.

Les MMA sollicitent la confirmation du jugement dont appel s'agissant des frais de déplacement à hauteur de 2 131,83 euros et des matériels et vêtements détruits dans l'accident pour 309,25 euros.

M. [J] sollicite la confirmation du jugement à ce titre.

Dans ces conditions, l'offre des MMA de l'indemniser à ce titre à hauteur de 2 441,08 euros sera déclarée satisfaisante comme réparant son entier préjudice.

=> Sur les frais d'assistance à expertise

Si aucune demande n'a été présentée au premier juge de ce chef, les parties s'accordent en appel pour le remboursement des frais d'assistance à l'expertise architecturale à hauteur de 3 840 euros, et d'assistance par un médecin conseil à l'expertise médicale à hauteur de 1 650 euros.

En revanche, les MMA refusent de prendre en charge le coût d'intervention de M. [Z], ergothérapeute, à hauteur de 1 900 euros, considérant que cette dépense a été supportée volontairement par la victime dans le cadre de sa stratégie judiciaire.

Il s'observe cependant que M. [J] a obtenu la mise en œuvre d'une expertise en ergothérapie et d'un complément d'expertise médicale relatif au besoin en aide humaine sur la base de deux rapports établis à sa demande par l'ergothérapeute [Z], puis a bénéficié de l'assistance de celui-ci lors de l'expertise judiciaire en ergothérapie, de sorte que l'intervention de ce professionnel a été rendue indispensable à l'évaluation complète de ses préjudices, et s'avère entièrement imputable au fait dommageable.

En conséquence, il sera accordé à M. [J] une indemnisation de 7 390 euros (soit 3 840 + 1 650 + 1 900) en remboursement des frais d'assistance à expertise.

Au total, le poste des frais divers hors tierce personne temporaire est fixé à la somme de 9 831,08 euros (soit 2 441,08 + 7 390).

4° - Sur l'assistance temporaire par une tierce personne

Le premier juge a accordé à la victime une somme de 16 758 euros au titre de l'assistance temporaire par une tierce personne.

Les MMA offrent une indemnisation de 62 045 euros sur la base d'un taux horaire de 10 euros, pour le besoin en aide humaine et l'aide à la parentalité jusqu'à consolidation.

Considérant le rapport du 11 avril 2022 de l'expert [G], M. [J] réclame, sur la base d'un taux horaire de 20 euros, une indemnisation de 124 090 euros comprenant l'aide à la parentalité.

Sur ce, il s'agit d'indemniser les dépenses liées à la réduction d'autonomie, qui peuvent être temporaires entre le dommage et la consolidation ; l'évaluation doit se faire au regard de l'expertise médicale et de la justification des besoins, et non au regard de la justification de la dépense, afin d'indemniser la solidarité familiale.

Dans son rapport d'expertise médicale du 11 avril 2022, l'expert [G] admet la nécessité d'une aide par tierce personne non spécialisée de type aide-ménagère :

- 3 heures par jour, 7 jours sur 7, du 19 décembre 2006 au 20 décembre 2007, hors période d'hospitalisation, c'est-à-dire :

du 19 décembre 2006 au 17 février 2007 ;

du 17 avril au 20 décembre 2007 ;

- 2 heures 30 par jour, 7 jours sur 7, du 21 décembre 2007 au 31 janvier 2010, hors période d'hospitalisation, c'est-à-dire :

du 21 décembre 2007 au 24 janvier 2008 ;

du 29 janvier au 30 septembre 2008 ;

du 1er octobre au 31 décembre 2008 ;

du 1er janvier 2009 au 31 janvier 2010.

L'aide à la parentalité, laissée à l'appréciation souveraine du juge, a été nécessaire :

- à raison d'une 1 heure 15 par jour, 7 jours sur 7 pour [Y], du 30 septembre 2006 au 31 janvier 2010 ;

- à raison de 1 heure 30 par jour pour [M], 7 jours sur 7, du 30 septembre 2006 au 31 janvier 2010.

Pour la période s'écoulant du 30 septembre 2006 au 31 janvier 2010, il sera retenu un taux horaire de 18 euros pour l'aide active aux tâches ménagères et à la parentalité, incluant les charges sociales, jours fériés et congés payés, dont l'assistance familiale doit également bénéficier.

Ce poste de préjudice sera donc calculé de la manière suivante :

- du 19 décembre 2006 au 17 février 2007 (61 jours) : 61 x 3 x 18 = 3 294 euros ;

- du 17 avril au 20 décembre 2007 (248 jours) : 248 x 3 x 18 = 13 392 euros ;

- du 21 décembre 2007 au 24 janvier 2008 (35 jours) : 35 x 2.5 x 18 = 1 575 euros ;

- du 29 janvier au 30 septembre 2008 (246 jours) : 246 x 2.5 x 18 = 11 070 euros ;

- du 1er octobre au 31 décembre 2008 (92 jours) : 92 x 2.5 x 18 = 4 140 euros ;

- du 1er janvier 2009 au 31 janvier 2010 (396 jours) : 396 x 2.5 x 18 = 17 820 euros.

Les parties ne contestent pas l'aide à la parentalité telle que proposée par l'expert [G] :

- du 30 septembre 2006 au 31 janvier 2010 (1 220 jours), 1 heure 15 par jour pour Mme [Y] [J] : 1 220 x 1.25 x 18 = 27 450 euros ;

- du 30 septembre 2016 au 31 janvier 2010 (1 220 jours), 1 heure 30 par jour pour M. [M] [J] : 1 220 x 1.5 x 18 = 32 940 euros.

En conséquence, M. [J] est bien fondé à obtenir une indemnisation totale de 111 681 euros au titre de l'assistance temporaire par une tierce personne, en ce compris l'aide à la parentalité (soit 3 294 + 13 392 + 1 575 + 11 070 + 4 140 + 17 820 + 27 450 + 32 940).

b - Sur les préjudices patrimoniaux permanents après consolidation

1° - Sur les dépenses de santé futures

Le premier juge a débouté M. [J] de sa demande au titre des dépenses de santé futures restées à sa charge.

Sur la base du rapport d'expertise en ergothérapie de M. [L], les MMA offrent une indemnité de 86 080,72 euros pour l'acquisition et le renouvellement en viager d'un fauteuil roulant manuel, d'un raptor, d'un siège de douche rabattable avec accoudoirs, d'un lit double, de paires d'embout pour cannes anglaises.

Sur la base du rapport d'expertise en ergothérapie de M. [L], M. [J] réclame une indemnité de 104 035,52 euros pour l'acquisition et le renouvellement en viager d'un fauteuil roulant manuel, d'un raptor, d'un siège de douche rabattable avec accoudoirs, d'un lit double, de paires d'embout pour les cannes anglaises.

Sur ce, les dépenses de santé futures correspondent aux frais médicaux et pharmaceutiques (non seulement les frais restés à la charge effective de la victime, mais également les frais payés par des tiers (sécurité sociale, mutuelle...), les frais d'hospitalisation, mais également les frais paramédicaux (infirmiers, kinésithérapie etc.), même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l'état pathologique de la victime après la consolidation.

Les appelantes ne s'opposent pas au principe de l'indemnisation viagère des aides techniques nécessaires à garantir l'autonomie de la victime, mais proposent chacune l'application d'un barème de capitalisation distinct.

Le décompte définitif de débours de la CPAM de Roubaix-Tourcoing du 20 mars 2023 fait état de dépenses de santé futures à hauteur de 33 123,13 euros.

=> Sur le fauteuil roulant manuel

L'expert [L], dans son rapport du 9 septembre 2020, fixe le prix de cet équipement renouvelable tous les cinq ans à la somme de 2 921 euros, avec un reste à charge de 2 317,35 euros après prise en charge partielle de la CPAM.

L'indemnisation de cet équipement se calcule de la façon suivante pour un homme âgé de 42 ans à la date du premier renouvellement le 1er février 2015, soit cinq ans après la consolidation :

2 317,35 + (2 317,35/5 x 38,527) (prix d'un euro de rente viagère pour un homme de 42 ans suivant barème de capitalisation de la Gazette du palais publié en 2022 avec un taux d'intérêt de 0%) = 20 173,46 euros.

=> Sur le forfait maintenance du fauteuil roulant manuel

L'expert [L] prévoit un forfait annuel de maintenance de 150 euros non pris en charge par la sécurité sociale.

L'indemnisation du forfait maintenance se calcule de la façon suivante pour un homme âgé de 37 ans à la consolidation :

150 x 43,246 (prix d'un euro de rente viagère pour un homme de 37 ans suivant barème de capitalisation de la Gazette du palais publié en 2022 avec un taux d'intérêt de 0%) = 6 486,90 euros.

=> Sur le raptor

L'expert ergothérapeute préconise d'équiper le fauteuil roulant manuel d'une 3ème roue motorisée de type raptor à renouveler tous les sept ans pour faciliter les déplacements extérieurs sur longue distance ; le prix de cet équipement s'élève à la somme de 6 715 euros et n'est pas remboursé par la sécurité sociale.

L'indemnisation de cet équipement se calcule de la façon suivante pour un homme âgé de 44 ans à la date du premier renouvellement le 1er février 2017, soit sept ans après la consolidation :

6 715 + (6 715/7 x 36,663) (prix d'un euro de rente viagère pour un homme de 44 ans suivant barème de capitalisation de la Gazette du palais publié en 2022 avec un taux d'intérêt de 0%) = 41 885,29 euros.

=> Sur le forfait maintenance du raptor

L'ergothérapeute prévoit que ce matériel nécessite un forfait maintenance et réparation de 150 euros tous les trois ans et demi, lequel n'est pas pris en charge par la caisse.

L'indemnisation du forfait maintenance se calcule de la façon suivante pour un homme âgé de 37 ans à la consolidation :

150/3,5 x 43.246 (prix d'un euro de rente viagère pour un homme de 37 ans suivant barème de capitalisation de la Gazette du palais publié en 2022 avec un taux d'intérêt de 0%) = 1 853,40 euros.

=> Sur le siège de douche rabattable avec accoudoirs

L'expert [L] fixe le prix de cet équipement renouvelable tous les sept ans à la somme de 785,32 euros, sans prise en charge par la caisse.

L'indemnisation de cet équipement se calcule de la façon suivante pour un homme âgé de 44 ans à la date du premier renouvellement le 1er février 2017, soit sept ans après la consolidation :

785,32 + (785,32/7 x 36,663) (prix d'un euro de rente viagère pour un homme de 44 ans suivant barème de capitalisation de la Gazette du palais publié en 2022 avec un taux d'intérêt de 0%) = 4 898,49 euros.

=> Sur le lit double

L'ergothérapeute prévoit l'acquisition et le renouvellement tous les dix ans d'un lit double réglable en hauteur avec inclinaison du buste et des membres inférieurs avec plicature des genoux, au prix de 3 300 euros, avec un reste à charge de 2 270 euros après prise en charge partielle de la CPAM.

L'indemnisation de cet équipement se calcule de la façon suivante pour un homme âgé de 47 ans à la date du premier renouvellement le 1er février 2020, soit dix ans après la consolidation :

2 270 + (2 270/10 x 33,908) (prix d'un euro de rente viagère pour un homme de 47 ans suivant barème de capitalisation de la Gazette du palais publié en 2022 avec un taux d'intérêt de 0%) = 9 967,12 euros.

=> Sur les deux paires d'embouts pour les cannes anglaises

L'expert [L] valide le changement annuel des deux paires d'embouts par an à hauteur de 10 euros sans prise en charge par la sécurité sociale.

L'indemnisation pour les embouts se calcule de la façon suivante pour un homme âgé de 37 ans à la consolidation :

10 x 43.246 (prix d'un euro de rente viagère pour un homme de 37 ans suivant barème de capitalisation de la Gazette du palais publié en 2022 avec un taux d'intérêt de 0%) = 432.46 euros.

En conséquence, les dépenses de santé futures restées à la charge de M. [J] s'élèvent à la somme de 85 697,12 euros (soit 20 173,46 + 6 486,90 + 41 885,29 + 1 853,4 + 4 898,49 + 9 967,12 + 432,46).

Considérant l'offre d'indemnisation faite par l'assureur, celui-ci sera condamné à payer à M. [J] une indemnisation de 86 080,72 euros au titre des dépenses de santé futures restées à la charge de ce dernier, et la créance de la CPAM de Roubaix-Tourcoing sera fixée à la somme de 33 123,13 euros à ce titre.

2° - Sur les pertes de gains professionnels futurs

Le premier juge a ordonné avant dire droit une expertise médicale, et sursis à statuer sur ce poste dans l'attente des conclusions de l'expert [G].

Les MMA offrent une indemnisation de 570 781,75 euros au titre des perte de gains professionnels futurs, faisant valoir que :

- l'expert [G] a considéré que l'inaptitude prononcée le 2 décembre 2016 et le licenciement subséquent avaient pour origine directe et certaine les séquelles subies à la suite de l'accident du 30 septembre 2006 ;

- le raisonnement de M. [J], selon lequel ses revenus professionnels n'auraient cessé de croître dans l'avenir jusqu'à atteindre un revenu annuel de 47 000 euros en 2023, est dénué de fondement ;

- vendeur dans une concession automobile, le parcours professionnel de M. [J] et la progression de sa rémunération avant le fait dommageable demeurent inconnus ;

- pour calculer les pertes de gains professionnels futurs à compter du 1er janvier 2017, il convient de retenir la moyenne des trois dernières années de revenus de la victime de 2013 à 2016, soit un revenu annuel net de référence de 29 651 euros, et de la capitaliser jusqu'à l'âge de 65 ans sur la base d'un euro de rente du BCRIV à 19,25.

M. [J] réclame une indemnisation de 2 062 497,01 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs, la créance de la CPAM s'élevant de 2010 à 2016 à la somme de 11 906,68 euros au titre des indemnités journalières et des arrérages échus en invalidité ; il fait valoir que :

- l'expert judiciaire retient l'aggravation progressive de son état de santé séquellaire du fait d'une activité professionnelle incompatible avec les crises récidivantes d'érysipèle et la destruction de son système lymphatique ;

- la médecine du travail, dans deux avis du 10 et 26 octobre 2016, le déclare définitivement inapte à un poste de commercial, mais apte à un reclassement professionnel sur un poste sans position assise, ni piétinement prolongé, ni mobilisation fréquente, par exemple du télétravail ; - la position assise ou debout prolongée lui est proscrite en raison des crises d'érysipèle ; il ressent des douleurs mécaniques nécessitant la prescription de puissants antalgiques, et doit fréquemment allonger sa jambe ;

- afin de tenir compte de l'évolution prévisible de son salaire, il établit que, sur la période de 2010 à 2012, ses salaires évoluent proportionnellement au coefficient de 1,028 ; il en déduit, suivant une progression constante et linéaire, qu'il aurait dû obtenir un salaire annuel net de 35 826 euros en 2013 jusqu'à 47 289 euros en 2023 ;

- il subit donc des pertes de gains professionnels futurs échus du 1er février 2010 au 1er juillet 2023 de 278 093.88 euros, et ce après déduction de l'aide au retour à l'emploi qu'il a perçue de 2017 à 2019 ;

- à compter du 1er juillet 2023, il calcule ses pertes de gains professionnels futurs à échoir sur la base d'un salaire annuel net de référence de 47 289 euros, avec une capitalisation viagère suivant barème de capitalisation publié à la Gazette du palais 2022, et ce pour tenir compte de ses pertes de droit à la retraite.

Sur ce, les pertes de gains professionnels futurs résultent de la perte de l'emploi ou du changement d'emploi directement imputable au dommage ; ce poste de préjudice correspond à la perte ou à la diminution des revenus consécutive à l'incapacité permanente, et est évalué à partir des revenus antérieurs afin de déterminer la perte annuelle à compter de la date de consolidation.

Au moment de l'accident, M. [J] était embauché comme vendeur en contrat à durée indéterminée depuis le 23 avril 2004 par l'établissement Inter car import à la Madeleine ; il percevait avant l'accident un salaire mensuel net imposable moyen de 2 580,61 euros (cumul annuel net imposable de 28 944,99 euros au 31 décembre 2005 ; cumul net imposable de 25 247,80 euros du 1er janvier au 30 septembre 2006), ce qui correspond à un revenu annuel net moyen de 30 967,32 euros.

Dans son rapport du 16 juin 2020, l'expert [G] expose que M. [J] a repris son activité professionnelle de vendeur automobile dans l'importation le 1er février 2010 au même poste en utilisant une chaise plus haute en raison de la raideur de l'épaule droite ; il est déclaré inapte à son poste par le médecin du travail le 26 octobre 2016, et licencié le 2 décembre 2016 ; son inaptitude au poste occupé antérieurement au fait dommageable a pour origine directe et certaine les séquelles subies à la suite de l'accident survenu le 30 septembre 2006.

L'expert [G] estime en page 23 de son rapport que M. [J] est « porteur d'une inaptitude absolue et définitive à toute activité professionnelle ».

Des pièces versées au débat, il apparaît que M. [J] ne perçoit plus de pension d'invalidité depuis le 1er novembre 2010, étant en outre précisé que l'allocation de retour à l'emploi versée par Pôle emploi en 2017, 2018, 2019, est dépourvue de caractère indemnitaire et ne donne pas lieu à recours subrogatoire, de sorte qu'il n'y pas lieu à déduction de celle-ci de l'indemnité allouée à la victime pour évaluer sa perte de gains professionnels futurs.

Alors que son déficit fonctionnel permanent est fixé à 55%, et que la position assise ou debout prolongée, le piétinement et la mobilisation fréquente lui sont proscrits, son état séquellaire lui interdit totalement et définitivement la reprise de son activité professionnelle antérieure de commercial dans le secteur automobile, étant ici relevé que ses avis d'impôt sur le revenu 2017 à 2021 montrent qu'il n'a pas retravaillé depuis son licenciement pour inaptitude le 2 décembre 2016.

Sa reconversion professionnelle en télétravail, comme suggérée par le médecin du travail dans ses avis du 10 et 26 octobre 2016, et sans qualification spécifique, s'avère impossible, d'autant que ses séquelles lourdes liées notamment à l'impotence du bras droit, aux douleurs neuropathiques diffuses, aux crises d'érysipèle, lesquelles lui imposent de nombreuses restrictions positionnelles, sont incompatibles avec un retour à tout emploi.

En l'espèce, alors que l'inaptitude professionnelle de M. [J] à l'origine de son licenciement est en lien de causalité direct et certain avec le fait dommageable survenu le 30 septembre 2006, il ne peut reprendre aucune activité professionnelle.

Il en résulte que la perte de revenus futurs en lien de causalité avec le fait dommageable est bien directe et certaine pour la victime.

=> Sur les pertes de gains professionnels futurs échus de 2010 à 2016

Suivant les avis d'impôt sur le revenu produits et les écritures de M. [J], celui-ci a perçu les revenus suivants après consolidation :

en 2010, 30 131 euros de salaire net imposable et indemnités journalières

2 835 euros d'heures supplémentaires exonérées d'impôts

2 395.61 euros à titre d'arrérages échus en invalidité

en 2011, 30 786 euros de salaire net imposable et indemnités journalières

3 108 euros d'heures supplémentaires exonérées d'impôts

en 2012, 32 878 euros de salaire net imposable et indemnités journalières

1 967 euros d'heures supplémentaires exonérées d'impôts

en 2013, 37 101 euros de salaire net imposable

610 euros d'indemnités journalières

en 2014, 23 051 euros de salaire net imposable

2 105 euros de pension de prévoyance IPSA des salariés de l'automobile

en 2015, 27 306 euros de salaire net imposable

748 euros d'indemnités journalières

en 2016, 21 098 euros de salaire net imposable

4 763 euros d'indemnités journalières.

Sur la période de 2010 à 2016, suivant relevé des débours définitifs du 20 mars 2023, M. [J] a reçu de la CPAM de Roubaix-Tourcoing les sommes suivantes :

8 932,36 euros d'indemnités journalières versées entre le 14 octobre 2020 et le 25 octobre 2016 ;

- 2 395,61 euros au titre des arrérages échus en invalidité du 19 mai au 1er novembre 2010 ;

soit une somme totale de 11 327,97 euros.

Après consolidation, le revenu annuel net moyen de M. [J] de 2010 à 2016 s'élevait donc à la somme de 31 554,66 euros (soit 220 882,61 euros / 7 ans).

Il n'en résulte pour M. [J] aucune perte de gains professionnels échus pour la période post-consolidation s'écoulant de 2010 à 2016.

La créance de débours de la CPAM de Roubaix-Tourcoing s'élève à la somme de 11 327,97 euros sur cette même période.

=> Sur les pertes de gains professionnels futurs échus de 2017 à 2023

A compter du 1er janvier 2017 après le licenciement pour inaptitude professionnelle lequel est imputable au fait dommageable, M. [J] n'a plus perçu aucun revenu salarial ni pension d'invalidité, hormis une allocation de retour à l'emploi de 2017 à 2019, laquelle ne revêt pas un caractère indemnitaire et ne donne pas lieu à recours subrogatoire contre la personne tenue à réparation.

Sans qu'il y ait lieu de suivre le raisonnement de l'intimé, selon lequel ses revenus de vendeur automobile devaient dès 2013 croître de façon régulière et linéaire suivant un calcul opéré à partir des rémunérations reçues en 2010, 2011 et 2012, et un coefficient annuel de progression égal à 1,028, ce qui n'est nullement établi en l'espèce, la cour peut retenir, pour calculer les pertes de gains professionnels futurs échus de 2017 à 2023, un salaire annuel net moyen de référence de 31 554,66 euros.

Le préjudice de la victime peut être liquidé comme suit : 31 554,66 euros x 7 ans = 220 882,62 euros.

=> Sur les pertes de gains professionnels futurs à échoir

Il y a lieu de capitaliser le préjudice annuel à compter du 1er janvier 2024, date la plus proche de l'arrêt avec la table de capitalisation 2022 de Gazette du palais prévoyant un taux d'intérêt de 0%, et de retenir le calcul jusqu'à 65 ans, âge prévisible de départ à la retraite de M. [J], et non la vie entière comme il le réclame.

Les arrérages à échoir pour un homme de 51 ans (né le [Date décès 6] 1972) suivant barème de capitalisation de la Gazette du palais 2022 retenu à la date la plus proche de l'arrêt, et coefficient de capitalisation de 13,353 (prix de l'euro de rente temporaire jusqu'à 65 ans) s'élève à la somme de 421 349,37 euros (31 554,66 x 13,353).

En conséquence, la cour évalue à 642 231,99 euros la somme due au titre des pertes de gains professionnels futurs échus et à échoir (soit 220 882,62 + 421 349,37).

Le poste des pertes de gains professionnels futurs échus et à échoir est fixé à la somme de 653 559,96 euros, dont la somme de 642 231,99 euros revient à M. [J] et la somme de 11 327,97 euros revient à la CPAM de Roubaix-Tourcoing.

3° - Sur l'incidence professionnelle

Le premier juge a alloué à M. [J] une indemnité de 150 000 euros au titre de l'incidence professionnelle.

Les MMA sollicitent l'infirmation du jugement querellé, et offrent une indemnisation de 30 000 euros à ce titre, exposant que :

- la perte de chance alléguée de bénéficier d'une évolution professionnelle ou d'une promotion n'est pas établie par la victime ;

- celle-ci ne souffre pas d'une pénibilité accrue au travail, dès lors qu'elle ne travaille plus ;

- la perte de droits à la retraite n'est pas démontrée dès lors qu'elle peut reprendre une activité professionnelle.

M. [J] réclame une indemnisation de 300 000 euros pour ce poste, faisant valoir que :

- il subit une dévalorisation voire un déclassement total sur le marché du travail, ne pouvant plus envisager un emploi en dehors de son domicile compte tenu de ses crises d'érysipèle ;

- il a perdu une chance d'évoluer dans son travail, de pouvoir encadrer une équipe ; il n'a plus de travail, n'est plus inscrit à Pôle emploi, et vit grâce aux revenus de son épouse ;

- il a connu une aggravation de la pénibilité de son travail, laquelle s'est traduite par un aménagement de son poste, la mise en place d'un mi-temps thérapeutique, et une forte consommation médicamenteuse d'antibiotiques, de relaxants musculaires, d'antalgiques, d'antipyrétiques, d'anticoagulants, d'anti-inflammatoires et d'antiseptiques ; il a usé son organisme en s'efforçant de retravailler entre 2010 et 2016 ;

- il subit une perte de droits à la retraite laquelle a été indemnisée par la capitalisation viagère des pertes de gains professionnels futurs ;

- l'indemnisation accordée en première instance ne tient pas compte de l'incidence professionnelle résultant du licenciement et de la perte de son emploi.

Sur ce, l'incidence professionnelle correspond aux conséquences patrimoniales de l'incapacité ou de l'invalidité permanente subie par la victime dans la sphère professionnelle du fait des séquelles dont elle demeure atteinte après consolidation, autres que celles directement liées à une perte ou diminution de revenus. Ce poste tend, notamment, à réparer les difficultés futures d'insertion ou de réinsertion professionnelle de la victime résultant d'une dévalorisation sur le marché du travail, d'une perte de chance professionnelle, de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi ou du changement d'emploi ou de poste. Il comprend également la perte de droits à la retraite que la victime va devoir supporter en raison de ses séquelles, c'est à dire le déficit de revenus futurs imputable à l'accident, qui va avoir une incidence sur le montant de la pension de retraite à laquelle elle pourra prétendre.

L'expert [G] estime que M. [J] est « porteur d'une inaptitude absolue et définitive à toute activité professionnelle » ; des suites de la fracture ouverte du tibia et de la perte de substance osseuse ayant nécessité une greffe du péroné, il présente un lymph'dème du membre inférieur droit, qui se majore au prorata de l'activité physique, et se complique fréquemment de crises d'érysipèle ; ses séquelles sont majorées avec le temps et rendent le travail de plus en plus pénible ; la reprise de l'activité professionnelle du fait de la station assise prolongée, de la marche nécessaire, et du piétinement a été à l'origine d'une aggravation du lymph'dème qui n'avait pas le temps de régresser le soir pendant les périodes de repos à domicile.

S'agissant du préjudice lié à la dévalorisation et au déclassement sur le marché du travail, dès lors que la cour a jugé M. [J] inapte à toute activité professionnelle, celui-ci ne peut s'envisager que sur la période de 2010 à 2016, au cours de laquelle M. [J] a continué à travailler.

Les éléments produits ont caractérisé un déclassement dans l'entreprise et une dévalorisation de M. [J] sur le marché du travail pour la période de 2010 à 2016, compte tenu de la limitation de ses capacités physiques et de la répétition de ses arrêts de travail.

Il a également été exposé à une impotence sévère du bras droit, de multiples douleurs neuropathiques, un enraidissement du poignet gauche et de la jambe droite et, partant, à une grande fatigue et pénibilité dans l'exercice de son métier.

S'agissant du préjudice lié à l'évolution de carrière, il n'est pas démontré en son principe, dans la mesure où M. [J] n'apporte pas d'élément d'appréciation précis sur le déroulement de carrière auquel il pouvait s'attendre, mais surtout dans la mesure où il ne peut plus travailler.

Enfin, la cour prend en considération la perte des droits à la retraite consécutive au licenciement du 3 décembre 2016, dans la mesure où il a depuis lors définitivement cessé de travailler à l'âge de 43 ans.

En conséquence, ce poste est fixé à la somme de 150 000 euros.

4° - Sur les frais de logement adapté

Le premier juge a sursis à statuer sur ce poste, et accordé à la victime une provision de 165 000 euros à valoir sur la liquidation ultérieure de son préjudice.

Les MMA offrent une indemnité de 197 290,87 euros en remboursement des frais de logement adapté, exposant que :

- l'expert [T] a estimé le coût des travaux de réalisation d'une extension à la somme TTC de 181 440,87 euros ;

- durant les travaux, M. [J] s'est relogé temporairement avec sa famille dans une maison sise à [Localité 12] pour la somme de 15 850 euros.

M. [J] réclame une indemnité de 212 502,81 euros, après application du coefficient d'érosion monétaire, en réparation des frais de logement adapté et de relogement temporaire, sur la base des conclusions des experts [L] (ergothérapeute) et [T] (architecte), qui préconisent l'aménagement et la création d'une extension du rez-de-chaussée au prix TTC de 181 440,87 euros.

Sur ce, les frais de logement adapté concernent les frais que doit débourser la victime directe à la suite du dommage pour adapter son logement à son handicap et bénéficier ainsi d'un habitat en adéquation avec ce handicap ; l'indemnisation intervient sur la base de factures, de devis ou même des conclusions du rapport de l'expert sur la consistance et le montant des travaux nécessaires à la victime pour vivre dans son logement ; il s'ensuit que ce poste d'indemnisation concerne le remboursement des frais que doit exposer la victime à la suite de sa consolidation, de sorte qu'il y a lieu d'indemniser ce poste de préjudice en fonction des besoins de la victime même si elle ne produit pas de factures mais uniquement des devis.

L'intimé a fait exécuter les travaux préconisés d'octobre 2021 à novembre 2022. L'ampleur du chantier a nécessité le relogement temporaire de sa famille, de sorte qu'il a été contraint de louer successivement, du 16 octobre 2021 au 19 novembre 2022, trois immeubles d'habitation à [Localité 12], [Localité 11] puis [Localité 10], et de régler les loyers à hauteur de 18 100 euros, 2 799 euros et 1 402 euros, soit une somme totale de 22 301 euros.

Les frais de logement adapté exposés en 2022 s'élèvent à la somme globale de 203 741,87 euros (soit 181 440,87 + 22 301).

Conformément à la demande, il convient d'appliquer les coefficients d'érosion monétaire applicables aux cessions intervenant en 2023 publiés au bulletin officiel des finances publiques - impôts (BOI) du 15 février 2023 sous la référence BOI-ANNX-000097, lesquels s'élèvent à 1,043 en 2022.

M. [J] est fondé à recevoir, après application du coefficient d'érosion monétaire, les sommes suivantes en remboursement des frais de logement adapté qu'il a exposés en 2022 : 203 741.87 x 1,043 = 212 502,77 euros.

Il y a lieu de fixer le poste des frais de logement adapté en lien avec le fait dommageable à la somme de 212 502,77 euros.

5° - Sur les frais de véhicule adapté

Le premier juge a alloué à M. [J] une somme de 16 511,88 euros correspondant au surcoût de l'achat d'un véhicule équipé d'une boîte de vitesse automatique et son renouvellement régulier.

Les MMA offrent une indemnisation de 18 872.04 euros au titre des frais de véhicule adapté, indiquant que :

- M. [J] souhaite disposer à vie d'un véhicule Volskwagen Touareg de luxe muni d'une boîte de vitesse automatique ;

- M. [J] ayant besoin d'un véhicule adapté avec boîte de vitesse automatique, elles acceptent de prendre en charge le surcoût strictement imputable à l'adaptation du véhicule actuel au handicap, et non l'achat d'un nouveau véhicule ;

- le cas échéant, elles ne s'opposent pas sur ce point à la mise en œuvre d'une expertise judiciaire telle que sollicitée par la victime.

M. [J] réclame une indemnisation de 1 033 006,61 euros au titre des frais de véhicule adapté ; il fait valoir que :

- selon l'expert ergothérapeute, ses déplacements nécessitent l'usage d'un fauteuil roulant manuel léger équipé d'une troisième roue motorisée, et la configuration suffisamment spacieuse de son garage permet les transferts du fauteuil au véhicule automobile ;

- il a besoin d'un véhicule muni d'une boîte automatique, avec un bas de caisse surélevé, un coffre de grande dimension pour transporter son fauteuil ;

- il est fondé à réclamer, dès sa date de consolidation, le prix d'acquisition d'un véhicule Volkswagen Touareg adapté à son état séquellaire à hauteur de 96 745,76 euros et son renouvellement tous les cinq ans ;

- si la cour s'estime insuffisamment éclairée, elle peut surseoir à statuer et ordonner une expertise pour déterminer le véhicule le plus adapté à ses séquelles et au transport de ses aides techniques.

Sur ce, l'indemnisation de ce poste de préjudice ne consiste pas dans la valeur totale d'un véhicule adapté, mais seulement dans la différence de prix entre le prix du véhicule adapté nécessaire et le prix du véhicule dont se satisfaisait la victime.

En effet, le principe de la réparation intégrale du préjudice conduit à indemniser la victime sans perte ni profit pour elle-même, celle-ci devant être replacée dans une situation aussi proche que possible de celle qui aurait été la sienne si le fait dommageable ne s'était pas produit ; il impose donc de rétablir l'équilibre de vie rompu, et de permettre à la victime de disposer de tous les moyens favorisant sa reconstruction.

Au soutien de sa prétention, M. [J] se contente de fournir un devis du 18 février 2021 correspondant à l'achat d'un véhicule automobile Volkswagen Touareg hybride tout-terrain au prix TTC de 96 745,76 euros, alors qu'il ne démontre pas qu'antérieurement à l'accident, il était propriétaire d'un véhicule de cette gamme, ni que son véhicule antérieur, dont l'existence n'est elle-même pas démontrée, ne pouvait être équipé en option d'une boîte de vitesse automatique et aménagé pour le transport d'un fauteuil.

L'article 146 du code de procédure civile dispose qu'une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver. En aucun cas, une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.

En l'espèce, il n'y a pas lieu de pallier à la carence M. [J], qui ne motive pas sérieusement sa demande d'expertise judiciaire, dans l'administration de la preuve ; il convient de rejeter sa demande subsidiaire d'expertise judiciaire afin de déterminer le véhicule le plus adapté à ses séquelles et au transport de ses aides techniques.

La cour constatant toutefois l'existence du préjudice dans son principe, il lui appartient d'en évaluer l'indemnisation, dès lors qu'elle ne peut refuser de statuer sur la liquidation d'un préjudice au seul motif de la défaillance probatoire de la victime.

Dans ces conditions, il convient d'indemniser le surcoût lié à l'équipement du véhicule avec transport de matériel encombrant, surélévation, et boîte de vitesse automatique, à la somme globale de 12 000 euros avec un renouvellement des aménagements tous les sept ans.

L'indemnisation des frais de véhicule adapté se calcule de la façon suivante :

12 000 + [(12 000 euros / 7 ans) x 36,663] (prix d'un euro de rente viagère pour un homme âgé de 44 ans, âge atteint par M. [J] sept ans après sa consolidation à l'occasion du premier renouvellement de l'aménagement du véhicule), soit 74 850,86 euros.

Le jugement attaqué sera réformé de ce chef.

6° - Sur l'assistance permanente par une tierce personne

Le premier juge a ordonné sursis à statuer sur l'assistance non spécialisée, allouant à ce titre à M. [J] une provision de 263 790,81 euros, et fixé le préjudice au titre de l'assistance spécialisée à la somme de 33 776,35 euros.

Les MMA offrent de ce chef une indemnisation de 854 089,91 euros sur la base d'un taux horaire de 14 euros.

M. [J] réclame une indemnisation de 1 688 452,12 euros en réparation de son besoin permanent en aide humaine sur la base d'un taux horaire de 22,64 euros correspondant à l'embauche effective d'une aide-ménagère, et de 20 euros pour le surplus.

Sur ce, le poste de préjudice lié à l'assistance d'une tierce personne indemnise la perte d'autonomie de la victime restant atteinte, à la suite du fait dommageable, d'un déficit fonctionnel permanent la mettant dans l'obligation de recourir à un tiers pour l'assister dans l'ensemble des actes de la vie quotidienne ; ainsi ne se limite-t-il pas à l'indemnisation des seuls besoins vitaux de la victime, mais indemnise également sa perte d'autonomie dans la vie quotidienne et sociale. L'indemnisation au titre de l'assistance tierce personne doit se faire en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée, de sorte que l'indemnité allouée au titre de ce poste de préjudice ne doit pas être réduite en cas d'assistance bénévole par un proche de la victime.

Conformément à la jurisprudence de la cour, il sera retenu, après consolidation, un taux horaire de 20 euros pour l'aide-ménagère active et l'aide à la parentalité, de 16 euros pour l'entretien du domicile et du jardin, et de 12 euros pour la surveillance passive pendant les crises d'érysipèle, ces sommes incluant les charges sociales, jours fériés et congés payés, dont l'assistance familiale doit en tout état de cause bénéficier.

Contrairement à ses allégations, M. [J] ne produit pas les justificatifs des frais effectivement engagés pour l'embauche d'une assistante ménagère.

=> S'agissant de l'assistance viagère par une aide-ménagère

Dans son rapport du 16 juin 2020, l'expert [G] relève, s'agissant du besoin en aide humaine après consolidation, que les capacités de M. [J] sont limitées par la douleur qu'il ressent malgré son traitement antalgique, qu'il réalise toutes les activités de la vie quotidienne au prix d'efforts et de douleurs importants, qu'il a en outre souffert depuis 2010 de crises d'érysipèle, consécutives au lymph'dème séquellaire du membre inférieur droit.

Elle admet la nécessité d'une aide par tierce personne non spécialisée de type aide-ménagère viagère définitive à raison de 2 heures 30 par jour, sept jours sur sept, depuis le 1er février 2020.

Du 1er février 2010 au 31 décembre 2023, date la plus proche de l'arrêt (5 082 jours), il est dû la somme suivante : 20 euros x 5 082 jours x 2,5 heures = 254 100 euros.

A compter du 1er janvier 2024, les besoins annuels de M. [J] en assistance par aide-ménagère s'élèvent à la somme de 18 250 euros, soit 2,5 heures x 365 jours x 20 euros.

Sur la base du prix d'un euro de rente viagère pour un homme âgé de 51 ans au 1er janvier 2024 publié à la Gazette du palais 2022 (soit indice de 30,329), les besoins à échoir sont évalués à la somme de 553 504,25 euros (soit 18 250 x 30,329).

Il revient à M. [J] une somme de 807 604,25 euros (soit 254 100 + 553 504,25) pour assurer son assistance viagère par une aide-ménagère.

=> S'agissant de la majoration de l'assistance durant les crises d'érysipèle

Dans son rapport du 16 juin 2020, l'expert [G] majore, lors des poussés d'érysipèle, la nécessité d'une aide par tierce personne non spécialisée de type aide-ménagère viagère définitive de la façon suivante :

une tierce personne de substitution, 6 heures 30 par jour ;

une tierce personne de surveillance passive, 8 heures par jour.

Elle rappelle que ces crises d'érysipèle ont évolué avec une fréquence de trois à quatre épisodes par an entre le 1er février 2010 et le 2 décembre 2016 ; puis avec une fréquence d'un à deux épisodes par an depuis le 3 décembre 2016 ; leur durée est de 4 à 5 jours.

Du 1er février 2010 au 2 décembre 2016, le calcul pour quatre épisodes annuels d'érysipèle pendant cinq jours s'opère de la façon suivante :

4 épisodes x 6,83 ans x 5 jours x 6,5 heures x 20 euros = 17 758 euros

4 épisodes x 6,83 ans x 5 jours x 8 heures x 12 euros = 13 113,60 euros

soit un total de 30 871,60 euros.

Du 3 décembre 2016 au 31 décembre 2023 (2 585 jours), le calcul pour deux épisodes annuels d'érysipèle pendant cinq jours s'opère de la façon suivante :

2 épisodes x 5 jours x 7,08 ans x 6,5 heures x 20 euros = 9 204 euros

2 épisodes x 5 jours x 7,08 ans x 8 heures x 12 euros = 6 796.80 euros

soit un total de 16 000,80 euros.

A compter du 1er janvier 2024, sur la base du prix d'un euro de rente viagère pour un homme âgé de 51 ans au 1er janvier 2024 publié à la Gazette du palais 2022 (soit indice de 30,329), les besoins à échoir sont évalués de la façon suivante :

2 épisodes x 5 jours x 6,5 heures x 20 euros x 30,329 = 39 427,70 euros

2 épisodes x 5 jours x 8 heures x 12 euros x 30,329 = 29 115.84 euros

soit un total de 68 543,54 euros.

Il revient à M. [J] une somme de 115 415,94 euros (soit 30 871,60 + 16 000,80 + 68 543,54) pour assurer son assistance viagère par une aide-ménagère.

=> S'agissant de l'aide à la parentalité

Dans son rapport du 16 juin 2020, l'expert [G] laisse l'aide à la parentalité à l'appréciation souveraine du juge, mais indique qu'elle a été nécessaire :

- à raison de 1 heure 30 par jour pour les 2 enfants jusqu'au 5 février 2012, date à laquelle [Y] a eu 15 ans ;

- de 45 minutes par jour pour [M] jusqu'au 8 juin 2015, date à laquelle il a eu 15 ans.

Du 1er février 2010 au 5 février 2012 (735 jours), le calcul pour l'aide à la parentalité s'opère de la façon suivante : 1,5 heures x 735 jours x 20 euros = 22 050 euros.

Du 6 février 2012 au 8 juin 2015 (1219 jours), le calcul pour l'aide à la parentalité jusqu'à ce que l'enfant [M] atteigne l'âge de quinze ans, s'opère de la façon suivante : 0,75 heures x 1219 jours x 20 euros = 18 285 euros.

Il revient à M. [J] une somme de 40 335 euros (soit 22 050 + 18 285) pour indemniser l'aide à la parentalité.

=> S'agissant de l'entretien du domicile

Dans son rapport d'expertise médicale du 11 avril 2022, l'expert [G] admet la nécessité, concernant l'activité d'entretien du domicile au-delà du 1er février 2010, d'une aide par tierce personne non spécialisée quatre heures par week-end.

La cour retient un taux horaire de 16 euros pour rémunérer la tierce personne pour l'entretien du domicile de la victime, lequel inclut les charges sociales, jours fériés et congés payés.

Du 1er février 2010 au 31 décembre 2023 (5082 jours ou 726 week-ends), le besoin en aide humaine pour l'entretien du domicile se calcule de la façon suivante : 4 heures x 726 fins de semaine x 16 euros = 46 464 euros.

A compter du 1er janvier 2024, sur la base du prix d'un euro de rente viagère pour un homme âgé de 51 ans au 1er janvier 2024 publié à la Gazette du palais 2022 (soit indice de 30,329), les besoins à échoir sont évalués de la façon suivante :

4 heures x 52 semaines x 16 euros x 30,329 = 100 934,91 euros.

Il revient à M. [J] une somme de 147 398,91 euros (soit 46 464 + 100 934,91) pour assurer l'entretien de son domicile.

=> S'agissant de l'entretien du jardin

Dans son rapport d'expertise médicale du 11 avril 2022, l'expert [G] admet également la nécessité, concernant l'activité de jardinage, de l'acquisition d'un robot pour la tonte de 250 m² de gazon, pour un montant d'environ 3 299 euros, outre d'une aide par tierce personne non spécialisée trois heures par semaine, entre le 16 février et le 14 octobre de chaque année.

La cour retient un taux horaire de 16 euros pour rémunérer la tierce personne pour l'entretien du jardin de la victime, lequel inclut les charges sociales, jours fériés et congés payés.

M. [J] n'inclut pas dans ses prétentions le remboursement du prix d'acquisition du robot pour tondre.

Du 1er février 2010 au 31 décembre 2023 pendant 34,28 semaines du 16 février au 14 octobre de chaque année, le besoin en aide humaine pour l'entretien du jardin se calcule de la façon suivante : 3 heures x 34,28 semaines x 13 ans x 16 euros = 21 390,72 euros.

A compter du 1er janvier 2024, sur la base du prix d'un euro de rente viagère pour un homme âgé de 51 ans au 1er janvier 2024 publié à la Gazette du palais 2022 (soit indice de 30,329), les besoins à échoir sont évalués de la façon suivante :

3 heures x 34,28 semaines x 16 euros x 30,329 = 49 904,55 euros.

Il revient à M. [J] une somme de 71 295,27 euros (soit 21 390,72 + 49 904,55) pour assurer l'entretien du jardin.

Au total, le poste relatif à l'assistance permanente par une tierce personne sera fixé à la somme de 1 182 049,37 euros (soit 807 604,25 + 115 415,94 + 40 335 + 147 398,91 + 71 295,27).

2 - Sur l'évaluation des préjudices extra-patrimoniaux

a - Sur les préjudices extra-patrimoniaux temporaires

1° - Sur le déficit fonctionnel temporaire

Le premier juge a fixé ce poste à la somme de 31 177,50 euros, retenant une indemnisation de 30 euros par jour.

Les MMA offrent une somme de 26 281,25 euros réparant le déficit fonctionnel temporaire sur la base de 25 euros par jour.

M. [J] sollicite une indemnisation de 34 641,66 euros à ce titre, s'appuyant pour l'essentiel sur le rapport des experts amiables [S] et et [X], lequel a été entériné sur ce point par l'expert [G], et réclamant une indemnisation de 33,33 euros par jour.

Sur ce, les moyens soutenus par les appelantes ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.

Il convient seulement de souligner et d'ajouter les points suivants :

- Le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la consolidation la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante, en ce compris le préjudice d'agrément temporaire et le préjudice sexuel temporaire ; le déficit fonctionnel temporaire peut être total ou partiel.

- De l'examen du rapport d'expertise amiable du 3 mars 2010, il apparaît que MM. [S] et [X] ont retenu une gêne temporaire totale dans toutes les activités personnelles du 30 septembre 2006 au 15 février 2008, puis une gêne temporaire partielle dans toutes les activités personnelles (non ludiques et sportives) du 16 février 2008 au 31 janvier 2010.

- Compte tenu des séquelles de la victime, les parties s'accordent dans leurs écritures pour retenir un déficit fonctionnel temporaire total durant 503 jours, puis un déficit fonctionnel temporaire partiel de 75% durant 715 jours, bien que les experts n'aient pas quantifié ce taux.

- Sur une base journalière de 30 euros par jour, conforme au principe de réparation intégrale, ce préjudice est évalué comme suit :

- au titre du déficit fonctionnel temporaire total : 30 x 503 = 15 090 euros

- au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel de 75% : 30 x 75% x 715 = 16 087,50 euros

soit un total de 31 177,50 euros.

Ce poste sera fixé à la somme de 31 177,50 euros.

2° - Sur les souffrances endurées

Le premier juge a indemnisé ce poste à hauteur de 60 000 euros.

Les MMA offrent une somme de 25 000 euros pour réparer les souffrances endurées.

M. [J] sollicite une indemnisation de 75 000 euros, faisant valoir qu'il a subi un traumatisme crânien, pas moins de six interventions chirurgicales, une hospitalisation complète pendant plus d'un an, une rééducation intensive pendant deux ans, une réaction dépressive, et de multiples complications infectieuses.

Sur ce, les moyens soutenus par les appelantes ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.

Il convient seulement de souligner et d'ajouter les points suivants :

- Ce poste a pour objet d'indemniser toutes les souffrances tant physiques que morales subies par la victime entre la naissance du dommage et la date de la consolidation, du fait des blessures subies et des traitements institués.

- Les experts amiables ont évalué les souffrances endurées à une échelle de 6 sur 7 les qualifiant ainsi d'importantes, et prenant en considération tant les souffrances physiques que morales subies des suites de l'accident.

C'est par une exacte appréciation des faits et de la cause que le premier juge a fixé ce poste à la somme de 60 000 euros.

3° - Sur le préjudice esthétique temporaire

Le premier juge a accordé à M. [J] une indemnisation de 10 000 euros à ce titre.

Les MMA concluent au débouté de la demande au titre du préjudice esthétique temporaire, considérant qu'un tel préjudice n'est instauré que pour les grands brûlés ou les traumatisés de la face qui nécessitent un traitement correctif très long, et que la victime n'en rapporte pas la preuve.

M. [J] réclame une indemnisation de 12 000 euros de ce chef.

Sur ce, les moyens soutenus par les appelantes ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.

Il convient seulement de souligner et d'ajouter les points suivants :

- Il s'agit d'indemniser pendant la maladie traumatique, et notamment pendant l'hospitalisation, une altération de l'apparence physique, même temporaire, de la victime. Il s'agit d'un préjudice distinct du préjudice esthétique permanent qu'il convient d'indemniser quand bien même l'expert judiciaire ne l'aurait pas spécifiquement mentionné dans ses conclusions.

- Considérant notamment l'alitement prolongé, l'important délabrement et l''dème de la jambe droite, le port d'un fixateur externe, la nécessité d'une greffe osseuse, les déplacements avec cannes anglaises et fauteuil roulant, les photographies versées au débat, et la période de consolidation d'une durée de près de trois ans et demi, le montant du préjudice esthétique temporaire subi a été exactement évalué à la somme de 10 000 euros.

b - Sur les préjudices extra patrimoniaux permanents

1° - Sur le déficit fonctionnel permanent

Le premier juge a accordé à M. [J] une somme de 180 000 euros réparant son déficit fonctionnel permanent.

M. [J] demande la somme de 300 000 euros sur une base de 5 454 euros le point.

Les intimées offrent la somme de 154 000 euros sur une base de 2 800 euros le point.

Sur ce, le déficit fonctionnel permanent correspond au préjudice non économique lié à la réduction du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel de la victime après consolidation ; il s'agit d'indemniser pour la période postérieure à la consolidation, la perte de qualité de vie, les souffrances et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales du fait des séquelles tant physiques que psychiques qu'elle conserve.

Au-delà du préjudice non économique lié à la réduction du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel de la victime, ce poste vise également l'indemnisation des douleurs subies après la consolidation et l'atteinte à la qualité de vie de la victime.

En l'espèce, les experts amiables ont fixé le déficit fonctionnel permanent de M. [J], âgé de 37 ans à la consolidation, à 55% en considération d'une impotence sévère du membre supérieur droit avec une épaule non fonctionnelle, des douleurs neuropathiques invalidantes, une raideur modérée du poignet gauche, un enraidissement très important du membre inférieur droit avec un raccourcissement de deux centimètres, des douleurs neuropathiques plantaires, des douleurs de la jambe et la cuisse gauches, des troubles mnésiques et un retentissement psychologique, étant précisé que les parties s'accordent sur cette évaluation.

Compte tenu de ces éléments, des pièces versées au débat, des douleurs neuropathiques ressenties quotidiennement par la victime, des troubles majeurs rencontrés dans ses conditions d'existence pour exercer pleinement ses fonctions paternelles et maritales, de sa perte d'élan vital, des difficultés d'accessibilité auxquelles il est confronté, il convient d'évaluer ce préjudice à la somme de

220 000 euros.

Il revient à ce titre à M. [J] des dommages et intérêts à hauteur de 220 000 euros.

2° - Sur le préjudice esthétique permanent

Le premier juge a fixé l'indemnisation de ce préjudice à la somme de 40 000 euros.

M. [J] réclame une somme de 45 000 euros pour réparer son préjudice esthétique définitif.

Les intimées offrent une indemnisation de 15 000 euros à ce titre.

Sur ce, il s'agit d'indemniser l'altération définitive de l'apparence physique de la victime.

Les experts [X] et [S], ainsi que l'expert [G], prévoient un préjudice esthétique permanent qu'ils qualifient d'assez important (5 sur une échelle de 7).

Considérant les constatations des experts, le bilan cicatriciel très vaste associé à la déformation et l''dème des membres inférieurs, l'atrophie musculaire visible du bras droit, la récurrence des crises d'érysipèle, la forte claudication apparente, l'état d'affaiblissement et de dépendance dans lesquels la victime se présente dorénavant aux yeux des tiers, et son âge à la consolidation, le montant du préjudice esthétique permanent a été exactement évalué à la somme de 40 000 euros.

Il revient à ce titre à M. [J] des dommages et intérêts à hauteur de 40 000 euros.

3° - Sur le préjudice d'agrément

Le premier juge a octroyé à la victime une somme de 5 000 euros au titre du préjudice d'agrément.

Les MMA concluent au débouté de la demande de ce chef, considérant que la victime ne justifie pas de la pratique antérieure à l'accident d'une activité spécifique sportive ou de loisirs.

M. [J] réclame une indemnisation de ce chef à hauteur de 25 000 euros, expliquant être privé de la pratique de la moto, et des jeux sportifs avec ses enfants.

Sur ce, le préjudice d'agrément vise exclusivement à réparer le préjudice lié à l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs, étant rappelé que la réduction des capacités de la victime avec toutes les répercussions qu'elle a nécessairement sur sa vie quotidienne est par ailleurs réparée au titre du déficit fonctionnel. Ce préjudice concerne les activités sportives, ludiques ou culturelles devenues impossibles ou limitées en raison des séquelles de l'accident.

Il appartient à la victime de justifier de la pratique de ces activités, notamment par la production de licences sportives ou de bulletins d'adhésion à des associations, mais également par tout autre mode de preuve licite, tels des témoignages ou des clichés photographiques, l'administration de la preuve d'un tel fait étant libre. L'appréciation du préjudice s'effectue concrètement, en fonction de l'âge et du niveau d'activité antérieur. La preuve du préjudice d'agrément peut se faire par tout moyen.

En l'espèce, les experts [X] et [S] (en pages 19 et 21 de leur rapport amiable du 8 mars 2010) retiennent un préjudice d'agrément, considérant que les séquelles constatées sont incompatibles avec la pratique de la motocyclette.

Comme l'a exactement apprécié le premier juge, M. [J] ne peut plus circuler à motocyclette, alors que les témoignages produits attestent que ce loisir revêtait pour lui une particulière importance et qu'il l'exerçait intensément avec passion depuis son adolescence.

Compte tenu de l'âge de la victime, des doléances exprimées, et des séquelles corporelles présentées qui interdisent la pratique des activités de loisirs pour lesquelles il montrait une réelle appétence, le préjudice subi par M. [J] sur ce poste a été exactement évalué à la somme de 5 000 euros.

4° - Sur le préjudice sexuel

Le premier juge a indemnisé le préjudice sexuel de M. [J] à hauteur de 10 000 euros, retenant un bouleversement de sa vie intime, désormais entravée par les séquelles et douleurs ressenties, et impactée par une altération de son humeur entraînant une baisse de sa libido.

La victime réclame la confirmation du jugement attaqué sur ce point, invoquant notamment la nécessité de faire chambre à part avec son épouse, la privation de tout épanouissement sexuel du fait de son handicap physique.

Les appelantes concluent au débouté de ce chef, faisant valoir que les experts n'ont pas décrit ce poste.

Sur ce, ce préjudice s'apprécie, en fonction de l'âge et de la situation de la victime, eu égard à l'atteinte à la morphologie des organes sexuels, à la libido et à la fonction procréatrice.

Si les experts amiables et judiciaire n'ont pas mentionné de préjudice sexuel, et s'il n'existe pas pour M. [J] d'atteinte à la morphologie de ses organes sexuels ni à sa fonction reproductrice, il demeure qu'au regard de l'importance de son handicap en raison de l'impotence fonctionnelle du bras droit, de l'épaule droite et des deux membres inférieurs, et des troubles de la libido qui y sont associés, l'impact de l'accident est suffisamment caractérisé chez un homme jeune âgé de 37 ans à la consolidation, limité physiquement dans l'exercice de sa vie sexuelle, et affecté sur le plan psychique par l'altération de ses capacités et la modification de son aspect physique.

Au regard de ces éléments, il convient de lui accorder une somme de 10 000 euros de nature à réparer son entier préjudice sexuel.

5° - Sur le préjudice d'établissement

Le premier juge a débouté M. [J] de sa demande de préjudice d'établissement.

Les MMA concluent au débouté de la demande de ce chef.

La victime réclame une indemnisation de ce chef à hauteur de 40 000 euros, expliquant les difficultés rencontrées pour exercer son rôle de chef de famille et d'époux, et son déclassement dans la cellule familiale.

Sur ce, le préjudice d'établissement répare, en raison de la gravité du handicap, la perte de la faculté de réaliser un projet de vie familiale, tel se marier, fonder une famille, élever des enfants.

La cour observe que M. [J], avec son épouse avec qui il partage le quotidien, a élevé ses deux enfants et a pu mener une vie conjugale et familiale, de sorte qu'il ne subit pas de préjudice distinct de celui déjà compensé au titre des souffrances endurées, du déficit fonctionnel permanent, du besoin en aide humaine ou de l'aide à la parentalité.

La victime n'a nullement été privée de la possibilité de réaliser un projet de vie conjugale et familiale.

Il convient de débouter M. [J] de sa demande de réparation d'un préjudice d'établissement.

B - Sur la liquidation des préjudices de la victime directe

M. [J] ne conteste pas avoir déjà reçu des MMA des provisions à valoir sur la liquidation de son préjudice pour un montant total cumulé de 983 100 euros.

Au vu de l'ensemble des éléments énoncés, il revient à M. [J] et la CPAM de Roubaix-Tourcoing, sauf à déduire les provisions de 983 100 euros qu'il a déjà reçues, les sommes suivantes :

249 536,94 euros au titre des dépenses de santé actuelles,

dont la somme de 5 859,87 euros revenant à la victime,

dont la somme de 243 677,07 euros revenant à la caisse ;

68 368,16 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels,

dont la somme de 12 754,32 euros revenant à la victime,

dont la somme de 55 613,84 euros revenant à la caisse ;

9 831,08 euros au titre des frais divers proprement dits ;

111 681 euros au titre de l'assistance temporaire par une tierce personne ;

119 203,85 euros au titre des dépenses de santé futures,

dont la somme de 86 080,72 euros revenant à la victime,

dont la somme de 33 123,13 euros revenant à la caisse ;

653 559,96 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs,

dont la somme de 642 231,99 euros revenant à la victime,

dont la somme de 11 327,97 euros revenant à la caisse ;

150 000 euros au titre de l'incidence professionnelle ;

212 502,77 euros au titre des frais d'aménagement du logement ;

74 850,86 euros au titre des frais de véhicule adapté ;

1 182 049,37 euros au titre de l'assistance permanente par une tierce personne ;

31 177,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

60 000 euros au titre des souffrances endurées ;

10 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

220 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

40 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

5 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;

10 000 euros au titre du préjudice sexuel ;

débouté au titre du préjudice d'établissement.

En conséquence, il revient à M. [J] une somme de 2 864 019,48 euros réparant son entier préjudice corporel, dont à déduire la provision de 983 100 euros déjà reçue, et la créance de débours définitifs de la CPAM de Roubaix-Tourcoing sera fixée à la somme de 343 742,01 euros.

IV - Sur l'indemnisation du préjudice des victimes indirectes

A - Sur l'indemnisation du préjudice de l'épouse

1 - Sur le préjudice d'affection et d'accompagnement

Le premier juge a accordé à l'épouse une somme de 15 000 euros réparant son préjudice d'affection et d'accompagnement.

Les MMA concluent au débouté de la demande de ce chef, considérant que Mme [I] ne démontre pas de bouleversement profond dans ses conditions d'existence, que son mari ne présente pas de handicap grave, et que les souffrances de ce dernier ont été limitées dans le temps, puisqu'il a pu reprendre son activité professionnelle.

Mme [I] sollicite une somme de 20 000 euros, indiquant que son mari métamorphosé depuis l'accident a perdu sa joie de vivre, qu'elle l'a accompagné durant son long parcours hospitalier et médical, qu'elle-même a été placée en arrêt-maladie pendant six semaines à la suite de manifestations dépressives, que le pronostic vital de son époux s'est trouvé engagé à deux reprises, et qu'il a failli perdre sa jambe droite ;

Sur ce, il s'agit d'indemniser le préjudice des proches de la victime blessée, lesquels ont été exposés à la souffrance de celle-ci et justifient avec elle d'un lien affectif réel.

Des témoignages et des pièces médicales, il résulte que l'épouse a été exposée au traumatisme initial subi par son mari, puis à sa sédation artificielle, à ses soins et interventions chirurgicales, et à ses lourdes séquelles physiques associées à ses souffrances et à sa réduction d'autonomie, de sorte qu'elle a pu légitimement craindre pour sa vie puis pour son intégrité physique, et qu'elle s'est trouvée confrontée durablement à son handicap physique et ses changements d'humeur, et à la nécessité de l'assister et l'accompagner au quotidien dans son douloureux parcours de soins.

Le jugement querellé sera confirmé en ce qu'il lui a alloué la somme de 15 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice d'affection et d'accompagnement.

2 - Sur la perte de revenus de l'épouse

Le premier juge lui a accordé une indemnité de 19 659,36 euros réparant sa perte de revenus du fait de l'accident subi par son époux.

Mme [I] réclame en appel une somme actualisée de 29 257,71 euros sur la base d'une attestation de perte de gains émanant de son employeur, qui expose la réduction de son temps de travail hebdomadaire entre le 20 novembre 2006 et le 31 octobre 2017.

Les MMA ne discutent ni le principe ni le quantum de la somme réclamée par Mme [I] à ce titre, déclarant seulement qu'ils lui avaient déjà versé une provision de 10 000 euros le 9 octobre 2017 à valoir sur la réparation de son préjudice personnel.

Sur ce, dans un certificat de travail du 18 novembre 2020 (pièces 21 et 78 des intimés), la société Cyrillus, employeur de Mme [I], a indiqué que sa salariée, au terme d'un arrêt de travail du 6 octobre au 19 novembre 2006, avait sollicité et obtenu la modification du volume horaire de son travail hebdomadaire de 34 à 24 heures sur la période du 20 novembre 2006 au 30 avril 2010, puis de 34 à 32 heures sur la période du 1er mai 2010 au 31 octobre 2017.

Les MMA ne contestent ni le principe ni le quantum de la créance de l'épouse, et ce malgré la réparation du besoin en aide humaine déjà accordée à la victime directe, ni davantage l'imputabilité directe et certaine de la diminution temporaire de son temps de travail à l'accident subi par son conjoint le 30 septembre 2006.

Dans ces conditions, il convient d'accorder à Mme [I] une somme de 29 257,71 euros réparant sa perte de revenus professionnels, par suite de la diminution de son temps de travail hebdomadaire pour s'occuper de son conjoint handicapé et de son foyer, pour la période s'écoulant du 20 novembre 2006 au 31 octobre 2017.

Le jugement dont appel est réformé sur ce point.

3 - Sur le préjudice sexuel de l'épouse

Le premier juge a accordé à l'épouse une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice sexuel.

Les MMA concluent au débouté de la demande de l'épouse, considérant que les experts n'ont même pas retenu un tel préjudice sexuel pour l'époux.

Mme [I] allègue subir un préjudice sexuel identique à celui de son mari, du fait de son abstinence forcée, du fort retentissement psychologique de l'accident sur ce dernier, de l'état séquellaire de celui-ci, et de la séparation de leurs lits ; elle sollicite une indemnisation de 10 000 euros en réparation de son préjudice sexuel personnel.

Sur ce, Mme [I] justifie d'une communauté de vie effective et affective de longue date avec son mari ; elle-même subit un préjudice sexuel personnel en raison de la baisse de libido et du manque d'appétence sexuelle de son partenaire, de ses limitations positionnelles, ce préjudice étant consécutif au handicap subi par le mari pendant la maladie traumatique, puis à ses séquelles après consolidation.

Le jugement querellé sera confirmé en ce qu'il lui a alloué la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice sexuel personnel.

4 - Sur la perte de chance de bénéficier du devoir de secours et d'assistance de son conjoint

Le premier juge a débouté l'épouse de sa demande la qualifiant de « surcroît d'activité ».

Les MMA concluent au débouté de la demande, arguant que ce préjudice n'existe pas dans la nomenclature Dintilhac, que la manœuvre de l'épouse est purement spéculative, et que le surcroît de travail allégué par cette dernière est déjà indemnisé par les besoins en tierce personne.

Mme [I] réclame une somme de 100 000 euros réparant la perte de l'exécution du devoir de secours et d'assistance par son mari, celle-ci ne pouvant à l'avenir compter sur l'aide physique et morale de ce dernier pour affronter ses propres fragilités liées à l'âge ou la maladie.

Sur ce, le préjudice de surcroît d'activité de Mme [I] du fait du handicap de son conjoint est déjà indemnisé par les sommes accordées à la victime directe au titre de la tierce personne.

S'agissant de la perte de chance de bénéficier de l'assistance viagère de son époux, Mme [I] ne démontre pas en quoi la situation de son conjoint l'empêchera pour l'avenir de subvenir à ses besoins, et de lui apporter secours et assistance au sens de l'article 212 du code civil.

Il s'agit ici d'un préjudice purement hypothétique qui n'est pas démontré en son principe.

Le jugement attaqué est confirmé en ce qu'il a débouté Mme [I] de sa demande de ce chef.

5 - Sur la perte de perspectives d'évolution de carrière et de droits à la retraite

Mme [I] n'avait formé aucune demande de cette nature devant le premier juge.

Elle réclame en appel une somme de 40 000 euros en réparation d'un préjudice résultant de la perte de perspective d'évolution de carrière et de droits à la retraite, arguant avoir mis son travail entre parenthèses pendant dix ans en diminuant son temps de travail.

Les MMA concluent au débouté de la demande, qui n'est fondée sur aucun élément.

Sur ce, la cour retient que Mme [I] ne fonde sa demande d'indemnisation sur aucune pièce justificative, qu'elle a déjà reçu une indemnisation en réparation de la perte de salaires imputable à l'accident de son époux, qu'un tel poste n'est pas répertorié au rang des préjudices patrimoniaux subis par les proches de la victime directe, et qu'enfin, elle ne fournit aucun élément de nature à apprécier son déroulement de carrière, sa perte alléguée de droits à la retraite, ni l'impact du fait dommageable sur ceux-ci.

Elle sera purement et simplement déboutée de sa demande sur ce point.

Mme [I] ne conteste pas avoir déjà reçu des MMA une provision de 10 000 euros le 9 octobre 2017 à valoir sur la liquidation de ses préjudices personnels.

En conséquence, au vu de l'ensemble des éléments énoncés, il lui revient, sauf à déduire la provision de 10 000 euros qu'elle a déjà reçue, les sommes suivantes en réparation de son entier préjudice :

15 000 euros au titre de son préjudice d'affection et d'accompagnement ;

29 257,71 euros au titre de sa perte de revenus professionnels ;

5 000 euros au titre de son préjudice sexuel ;

débouté au titre de la perte de chance de bénéficier du devoir de secours et d'assistance du mari ;

débouté au titre de l'absence de perspectives d'évolution de carrière et de sa perte de droits à la retraite.

B - Sur l'indemnisation du préjudice des enfants

Le premier juge a accordé à chacun des deux enfants devenus majeurs une somme de 10 000 euros réparant leur préjudice moral.

Les MMA concluent au débouté de la demande adverse, considérant que le bouleversement des conditions d'existence des enfants et leur souffrance morale en lien avec l'accident de leur père ne sont pas démontrés.

Mme [Y] [J] et M. [M] [J] sollicitent la confirmation du jugement déféré, indiquant que, très jeunes au moment de l'accident, ils ont grandi aux côtés de leur père gravement handicapé, privés de leur insouciance et de leurs joies d'enfants.

Sur ce, il s'agit d'indemniser le préjudice des proches de la victime blessée, lesquels ont été exposés à la souffrance de celle-ci et justifient avec elle d'un lien affectif réel.

Le premier juge a fait une exacte analyse des faits et de la cause en retenant pour les enfants, compte tenu de leur jeune âge (9 et 6 ans au moment du fait dommageable), la crainte initiale liée à la sédation prolongée de leur père, l'angoisse et l'inquiétude générées par la séparation prolongée durant son hospitalisation et sa longue rééducation, ses troubles de l'humeur au retour à domicile, et le fait d'être privés de son accompagnement dans leurs activités de la vie courante.

Le jugement querellé sera confirmé en ce qu'il a alloué à chacun d'eux 10 000 euros de dommages et intérêts en réparation de leur entier préjudice moral.

V - Sur les autres demandes

A - Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

Mme [I], Mme [Y] [J] et M. [M] [J], victimes indirectes qui ne peuvent se prévaloir du bénéfice des articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances, réclament en cause d'appel la somme de 15 000 euros chacun en réparation de leur préjudice pour résistance abusive de l'assureur.

Les MMA concluent au débouté de la demande des victimes indirectes.

Sur ce, en application de l'article 1240 du code civil dans sa rédaction postérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, d'erreur grossière équipollente au dol, de faute, même non grossière ou dolosive, ou encore de légèreté blâmable, dès lors qu'un préjudice en résulte.

L'assureur ne commet pas de faute lorsqu'il conteste l'étendue de sa garantie et le quantum de l'indemnisation en opposant des moyens sérieux, même si ses prétentions sont rejetées. Sa résistance ne peut en effet dégénérer en abus, susceptible d'engager sa responsabilité vis-à-vis des victimes indirectes, que lorsqu'elle présente un caractère dolosif ou malveillant.

En l'espèce, les consorts [J] et [I] ne rapportent pas la preuve du caractère dolosif ou malveillant de l'absence de présentation par les MMA d'une offre d'indemnisation à leur égard, ni la preuve que la résistance alléguée de celles-ci leur a causé un préjudice distinct du simple retard d'indemnisation.

En conséquence, Mme [I], Mme [Y] [J], M. [M] [J] seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.

B - Sur la sanction du doublement des intérêts au taux légal

Le premier juge a ordonné sursis à statuer sur le montant définitif de l'assiette de la pénalité due par la société MMA Iard en application des articles L. 211-9 et suivants du code des assurances, et condamné la société MMA Iard à payer à M. [J], à titre provisionnel, les intérêts au double du taux légal sur la somme de 1 349 853,51 euros, et ce du 31 mai 2007 jusqu'au jugement, et ordonné la capitalisation des intérêts tels qu'échus sur cette somme par année entière à compter du 16 juillet 2015.

Les MMA sollicitent la réformation du jugement attaqué sur ce point, faisant valoir que :

- la MAAF, assureur de M. [J], qui avait pris le mandat d'indemnisation en vertu de la convention Irca, lui a formulé une offre provisionnelle, et versé une provision de 3 100 euros le 24 octobre 2006 ;

- une offre provisionnelle a bien été faite à M. [J] dans le délai de huit mois suivant l'accident ;

- sur la base du rapport d'expertise amiable du 8 mars 2020, il a été présenté à la victime, avec un retard limité, une offre d'indemnisation le 4 avril 2011, laquelle reprenait l'intégralité des postes retenus par les experts, et réservait les autres dans l'attente de justificatifs ;

- cette offre ne peut être qualifiée de dérisoire en 2011, dans la mesure où elle tient compte d'une réduction de 25% du droit à indemnisation, comprend le versement d'une rente viagère pour la tierce personne définitive, ne peut anticiper l'évolution ni de la jurisprudence ni des barèmes de capitalisation, et ne peut prendre en considération l'aggravation postérieure de l'état séquellaire de la victime ; elles ont attendu de nombreuses années pour que M. [J] fournisse les justificatifs de ses préjudices ;

- en tout état de cause, la sanction du doublement des intérêts au taux légal ne peut courir que du 8 août 2010 au 4 avril 2011 ;

- à titre infiniment subsidiaire, en application de l'article L. 211-13 du code des assurances, la cour peut réduire la pénalité en raison des circonstances qui ne leur sont pas imputables.

M. [J] demande à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts au double du taux légal au titre des articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances dont l'assiette était constituée de la créance indemnitaire de la victime et de la créance de la CPAM sans déduction des provisions à compter du 16 juillet 2015, date de délivrance de l'assignation à l'assureur en cause, et ayant énoncé pour la première fois cette prétention) ;

- infirmer pour le surplus le jugement dont appel ;

- juger que les MMA n'ont pas présenté d'offre provisionnelle dans le délai de huit mois de l'accident survenu le 30 septembre 2006, soit avant le 31 mai 2007, ni d'offre définitive dans le délai de cinq mois à compter de la connaissance de la consolidation de l'état de santé de la victime, le rapport des docteurs [S] et [X] étant daté du 3 mars 2010, soit avant le 3 août 2010, et juger que la proposition d'indemnisation du 4 avril 2011 à hauteur de 126 694,48 euros est dérisoire ;

- en conséquence, condamner les MMA à payer les intérêts au double du taux légal échus sur la créance indemnitaire de la victime et la condamnation au titre des débours de la CPAM, sans déduction des provisions, sur la période du 31 mai 2007 jusqu'à l'arrêt ;

- juger que les intérêts au double du taux légal seront capitalisés à compter du 16 juillet 2015, date de l'assignation délivrée à l'assureur en cause et ayant énoncé pour la première fois la demande d'anatocisme.

Sur ce, il résulte de l'article L. 211-9 du code des assurances :

- tout d'abord, que quelle que soit la nature du dommage, dans le cas où la responsabilité n'est pas contestée et où le dommage a été entièrement quantifié, l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter à la victime une offre d'indemnité motivée dans le délai de trois mois à compter de la demande d'indemnisation qui lui est présentée ; lorsque la responsabilité est rejetée ou n'est pas clairement établie, ou lorsque le dommage n'a pas été entièrement quantifié, l'assureur doit, dans le même délai, donner une réponse motivée aux éléments invoqués dans la demande ;

- ensuite, qu'une offre d'indemnité doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximum de huit mois à compter de l'accident ; en cas de décès de la victime, l'offre est faite à ses héritiers et, s'il y a lieu, à son conjoint ; l'offre comprend alors tous les éléments indemnisables du préjudice, y compris les éléments relatifs aux dommages aux biens lorsqu'ils n'ont pas fait l'objet d'un règlement préalable ;

- enfin, que cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime ; l'offre définitive d'indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation.

Il résulte aussi de l'article L. 211-13 du code des assurances que lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis à l'article L. 211-9, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif ; cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l'assureur.

Il ressort de la combinaison de ces textes que :

- la circonstance qu'une instance oppose la victime à la personne tenue à réparation et à son assureur n'exonère pas ce dernier de son obligation de présenter une offre d'indemnité dans le délai imparti par l'article L. 211-9 du code des assurances, sous la sanction prévue par l'article L. 211-13 du même code, de sorte que l'introduction d'une procédure à l'initiative de la victime ne dispense pas l'assureur de faire, dans le délai requis, l'offre imposée par l'article L. 211-9 ;

- le paiement d'une provision en exécution d'une décision de justice n'exonère pas l'assureur de son obligation de présenter une offre ;

- en cas de contestation de la responsabilité, l'assureur n'est pas dispensé de faire une offre dans les délais fixés par l'article L. 211-9 ;

- la sanction prévue par l'article L. 211-13 s'applique sans distinction, selon ce texte, en cas de non-respect des délais fixés par l'article L. 211-9.

=> Sur le point de départ des intérêts au double du taux légal

Les MMA versent au débat la copie de quittances provisionnelles acceptées par M. [J] à hauteur de 3 100 euros le 24 octobre 2006, 5 000 euros le 21 janvier 2007, 15 000 euros le 7 mai 2009, 10 000 euros le 6 novembre 2013, et 200 000 euros le 9 octobre 2017.

Si M. [J] n'est pas resté sans provision, cela ne dispensait pas l'assureur, en l'absence de connaissance de la date de consolidation de la victime dans les trois mois de l'accident, de respecter son obligation de formuler une offre provisionnelle dans le délai de huit mois à compter de l'accident, soit au plus tard le 30 mai 2007.

L'assureur ne s'est exécuté que suivant offre tardive du 4 avril 2011 envoyée par lettre recommandée avec accusé de réception en dehors du délai légal qui lui était imparti.

Il s'ensuit que l'accident de la circulation s'étant produit le 30 septembre 2006, l'indemnité allouée à la victime directe produira, conformément à la demande, intérêts au double du taux légal à compter du 31 mai 2007.

=> Sur le point d'arrivée des intérêts au double du taux légal

S'agissant du point d'arrivée des intérêts au double du taux légal, il ressort de la combinaison des articles L. 211-9 et L. 211-13 que, d'une part, une offre d'indemnisation définitive doit être formulée dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de la consolidation de la victime, d'autre part qu'une offre manifestement insuffisante équivaut à une absence d'offre et enfin, qu'une offre incomplète, qui ne comprend pas tous les éléments indemnisables du préjudice, équivaut à une absence d'offre.

En l'espèce, les MMA ne contestent pas avoir reçu le rapport amiable du 8 mars 2010 des experts [X] et [S], qui ont fixé la date de consolidation au 1er février 2010.

Il s'ensuit que les assureurs devaient formuler une offre dans le délai de 5 mois prévu par l'article L. 211-9, soit au plus tard le 8 août 2010.

Les MMA ont présenté l'offre d'indemnisation définitive à M. [J] par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 avril 2011, laquelle n'a été réceptionnée par ce dernier que le 9 avril 2011 en dehors du délai légal imparti.

Cette offre d'indemnisation d'un montant global de 126 694,48 euros, avant déduction des provisions et hors créances du tiers payeur, proposée le 4 avril 2011 sur les bases du rapport des experts amiables, si elle comprend tous les éléments indemnisables du préjudice tel que retenus par ces derniers, est manifestement dérisoire et notoirement insuffisante au regard de la gravité des séquelles visées par le rapport d'expertise ayant permis d'établir cette offre, notamment l'impotence fonctionnelle sévère du membre supérieur droit, le raccourcissement et l'enraidissement très important du membre inférieur droit, notamment du genou, et des cheville et pied en position vicieuse, et des troubles mnénisques s'intriquant avec le retentissement psychologique de l'accident.

De plus, l'offre présentant certains postes de préjudice « en attente » de justificatifs ne peut être déclarée complète et suffisante, dès lors que l'assureur ne démontre pas avoir sollicité, dans les formes prescrites par l'article R. 211-33 du code des assurances, les renseignements dont l'absence l'empêchait de chiffrer ces postes de préjudice.

Par conséquent, cette proposition qui équivaut en réalité à une absence d'offre n'est pas de nature à interrompre le cours de la pénalité.

Il s'ensuit que la sanction du doublement de l'intérêt au taux légal s'appliquera à compter du 31 mai 2007 jusqu'au jour où le présent arrêt deviendra définitif.

=> Sur l'assiette du doublement de l'intérêt légal

L'offre du 4 avril 2011 étant jugée manifestement insuffisante, il convient de prendre en considération l'indemnité fixée par la cour.

La sanction du doublement des intérêts au taux légal a pour assiette la totalité de l'indemnité allouée par la cour à la victime à titre de dommages-intérêts, avant imputation des créances des organismes sociaux déclarées à l'assureur et avant déduction des provisions éventuellement versées.

En conséquence, au vu du relevé de débours définitifs du 20 mars 2023 de la CPAM de Roubaix-Tourcoing, le doublement des intérêts au taux légal s'appliquera du 31 mai 2007 jusqu'au jour où l'arrêt deviendra définitif, sur la somme de 3 207 761,49 euros (soit 2 864 019,48 euros correspondant à l'indemnité arbitrée par la cour + 343 742,01 euros correspondant à la créance de l'organisme de sécurité sociale).

C - Sur le point de départ des intérêts au taux légal

En application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier, « en cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision. ['] »

Aux termes de l'article 1231-7 du code civil, en toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement.

En cas de confirmation pure et simple par le juge d'appel d'une décision allouant une indemnité en réparation d'un dommage, celle-ci porte de plein droit intérêt au taux légal à compter du jugement de première instance. Dans les autres cas, l'indemnité allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d'appel. Le juge d'appel peut toujours déroger aux dispositions du présent alinéa.

En l'espèce, les intérêts au taux légal sur les sommes indemnitaires allouées à Mme [I], M. [M] [J] et Mme [Y] [J] seront dus à compter du jugement à concurrence des sommes allouées par le jugement, et à compter de l'arrêt pour le surplus.

D - Sur la capitalisation des intérêts

L'article 1343-2 du code civil qui dispose que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise, n'impose pas au créancier de formuler une demande d'anatocisme pour faire courir le délai d'un an.

Si la demande en justice n'est plus une condition d'application de l'anatocisme judiciaire, le cours des intérêts constitue toutefois la condition préalable d'une telle capitalisation annuelle.

Il en résulte que la capitalisation des intérêts au taux légal échus, dus au moins pour une année entière, courra à compter du jugement critiqué à concurrence des sommes allouées par celui-ci, et à compter de l'arrêt pour le surplus.

Conformément à la demande de M. [J], la capitalisation des intérêts au double du taux légal échus, dus pour au moins une année entière, courra quant à elle à compter du 16 juillet 2015, date de l'assignation délivrée à l'assureur et énonçant pour la première fois la demande d'anatocisme.

E - Sur l'imputation des paiements sur les intérêts

Aux termes de l'article 1343-1 alinéa 1 du code civil, lorsque l'obligation de somme d'argent porte intérêt, le débiteur se libère en versant le principal et les intérêts. Le paiement partiel s'impute d'abord sur les intérêts.

En conséquence, en application de ces dispositions, les paiements effectués par les MMA s'imputent d'abord sur les intérêts.

F - Sur les frais de recouvrement forcé

Il n'y a pas lieu de se prononcer sur les frais éventuels d'exécution forcée, qui, en application de l'article L. 111-8 du code des procédure civiles d'exécution, sont à la charge du débiteur, sauf s'il est manifeste qu'ils n'étaient pas nécessaires au moment où ils sont exposés.

Enfin, les émoluments proportionnels de recouvrement ou d'encaissement des huissiers de justice sont en application de l'article R. 444-55 du code de commerce à la charge du débiteur pour ceux mentionnés au numéro 128 du tableau 3-1 annexé à l'article R. 444-3 du code de commerce (recouvrement ou encaissement après avoir reçu mandat ou pouvoir à cet effet, des sommes dues en application d'une décision de justice, d'un acte ou d'un titre en forme exécutoire) et à la charge du créancier pour ceux mentionnés au numéro 129 du tableau 3-1 annexé à l'article R. 444-3 du code de commerce (recouvrement ou encaissement, après avoir reçu mandat ou pouvoir à cet effet, des sommes dues par un débiteur).

Cette répartition ne peut être remise en cause par le juge, sauf dans les litiges nés du code de la consommation en application de l'article R. 631-4 du code de la consommation.

Le présent litige n'étant pas un litige de consommation, la demande des consorts [J] tendant à voir inclure dans les dépens l'intégralité du droit de recouvrement ou d'encaissement prévu par l'article R. 444-55 du code de commerce sera rejetée.

G - Sur la sanction au profit du FGAO

En application de l'article L. 211-14 du code des assurances, si le juge qui fixe l'indemnité estime que l'offre proposée par l'assureur était manifestement insuffisante, il condamne d'office l'assureur à verser au fonds de garantie prévu par l'article L. 421-1 une somme au plus égale à 15% de l'indemnité allouée, sans préjudice des dommages et intérêts dus de ce fait à la victime.

En l'espèce, au vu des motifs précédemment énoncés, étant rappelé qu'une offre manifestement insuffisante ou incomplète équivaut à une absence d'offre, c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné l'assureur à verser au FGAO la somme de 50 000 euros.

Le jugement sera confirmé de ce chef et en ce qu'il a dit qu'une copie de sa décision sera adressée à cet organisme par le greffe de la juridiction.

H - Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement dont appel sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.

Les MMA qui succombent sont condamnées in solidum aux entiers dépens d'appel, en ce compris les frais des expertises judiciaires

L'équité conduit à condamner in solidum les MMA à payer à M. [J] une indemnité de procédure d'appel de 5 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme, en ses dispositions soumises à la cour, le jugement rendu le 19 octobre 2018 par le tribunal de grande instance de Lille, en ce qu'il a :

- dit que M. [E] [J] avait droit à l'indemnisation intégrale des conséquences de l'accident survenu le 30 septembre 2006 ;

- dit que le paiement des sommes indemnitaires mises à la charge de la société MMA Iard intervenait sous déduction des provisions déjà versées et dûment quittancées ;

- condamné la société MMA Iard à payer à Mme [R] [I] épouse [J] les sommes suivantes :

15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice sexuel ;

- condamné la société MMA Iard à payer à M. [M] [J] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

- condamné la société MMA Iard à payer à Mme [Y] [J] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

- ordonné la capitalisation des intérêts à échoir au titre des sommes précitées par année entière à compter du jugement ;

- condamné la société MMA Iard à verser au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) la somme de 50 000 euros au titre de l'article L. 211-14 du code des assurances et dit qu'une copie du jugement serait adressée à cet organisme par le greffe du tribunal judiciaire de Lille ;

- condamné la société MMA Iard aux dépens de Mme [R] [I] épouse [J], M. [M] [J], Mme [Y] [J] ;

- condamné la société MMA Iard aux dépens exposés par M. [E] [J] au titre du jugement ;

- condamné la société MMA Iard à payer à M. [E] [J] la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire à hauteur de 750 000 euros ;

- avant dire droit, confié à Mme [V] [G] une mesure d'expertise médicale de M. [E] [J] pour décrire et quantifier ses besoins en assistance par une tierce personne après le 1er février 2010, pour dire si son licenciement prononcé pour inaptitude au poste le 2 décembre 2016 trouvait son origine dans les séquelles de l'accident, et pour chiffrer le montant des frais médicaux futurs hors pension d'invalidité ;

- avant dire droit, confié à M. [E] [L] une mesure d'expertise en ergothérapie portant sur le logement et l'adaptation des matériels de la victime hors véhicule automobile ;

- réservé les dépens futurs ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

Le réforme pour le surplus ;

Prononçant à nouveau des chefs réformés et y ajoutant,

Reçoit l'intervention volontaire de la société MMA Iard assurances mutuelles ;

Condamne in solidum les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles à payer à M. [E] [J] les sommes suivantes, sauf à déduire les provisions d'un montant total de 983 100 euros qu'il a déjà reçues, en réparation de son entier préjudice à la suite de l'accident de la circulation routière survenu le 30 septembre 2006 :

5 859,87 euros au titre des dépenses de santé actuelles restées à sa charge ;

12 754,32 au titre des pertes de gains professionnels actuels ;

9 831,08 euros au titre des frais divers proprement dits ;

111 681 euros au titre de l'assistance temporaire par une tierce personne ;

86 080,72 euros au titre des dépenses de santé futures restées à sa charge ;

642 231,99 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs ;

150 000 euros au titre de l'incidence professionnelle ;

212 502,77 euros au titre des frais d'aménagement du logement ;

74 850,86 euros au titre des frais de véhicule adapté ;

1 182 049,37 euros au titre de l'assistance permanente par une tierce personne ;

31 177,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

60 000 euros au titre des souffrances endurées ;

10 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

220 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

40 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

5 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;

10 000 euros au titre du préjudice sexuel ;

Déboute M. [E] [J] de sa demande au titre du préjudice d'établissement ;

Fixe la créance de débours définitifs de la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix-Tourcoing à la somme de 343 742,01 euros ;

Condamne in solidum les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles à payer les intérêts au double du taux légal sur la somme de 3 207 761,49 euros du 31 mai 2007 jusqu'au jour où le présent arrêt deviendra définitif ;

Ordonne la capitalisation des intérêts au double du taux légal échus, dus pour au moins une année entière, à compter du 16 juillet 2015 ;

Condamne in solidum les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles à payer à Mme [R] [I] épouse [J] la somme de 29 257,71 euros en réparation de ses pertes de revenus, sauf à déduire la provision de 10 000 euros qu'elle a déjà reçue ;

Ordonne la capitalisation des intérêts au taux légal échus, dus au moins pour une année entière, à compter du jugement critiqué à concurrence des sommes allouées par celui-ci, et à compter de l'arrêt pour le surplus ;

Déboute les parties de leurs plus amples prétentions ;

Condamne in solidum les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles aux entiers dépens d'appel, en ce compris les frais d'expertises judiciaires ;

Condamne in solidum les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles à payer à M. [E] [J] la somme de 5 000 euros à titre d'indemnité de procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

F. Dufossé G. Salomon