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Décisions

CA Poitiers, 2e ch., 30 janvier 2024, n° 22/02892

POITIERS

Arrêt

Autre

CA Poitiers n° 22/02892

30 janvier 2024

ARRET N°40

CL/KP

N° RG 22/02892 - N° Portalis DBV5-V-B7G-GVTO

S.A.S. CARRIERES IRIBARREN

C/

Etablissement Public DIRECTION REGIONALE DES DOUANES ET DROITS INDIRECT S DE [Localité 4]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

2ème Chambre Civile

ARRÊT DU 30 JANVIER 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02892 - N° Portalis DBV5-V-B7G-GVTO

Décision déférée à la Cour : jugement du 25 octobre 2022 rendu(e) par le Tribunal Judiciaire de POITIERS.

APPELANTE :

S.A.S. CARRIERES IRIBARREN représentée par ses Président et Directeur Général en exercice.

[Adresse 1]

[Localité 3]

Ayant pour avocat postulant Me Bruno MAZAUDON de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS.

Ayant pour avocat plaidant Me Ludovic VANHOVE de la SELARL JURICA , avocat au barreau de POITIERS.

INTIMEE :

ETABLISSEMENT PUBLIC DIRECTION REGIONALE DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS DE [Localité 4].

Service du Contentieux - [Adresse 2]

[Localité 4]

Ayant pour avocat postulant Me Yann MICHOT de la SCP ERIC TAPON - YANN MICHOT, avocat au barreau de POITIERS

Ayant pour avocat plaidant Me Anne Claire MOYER, avocat au barreau de PARIS.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 Décembre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Claude PASCOT, Président

Monsieur Fabrice VETU, Conseiller

Monsieur Cédric LECLER, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

La société par actions simplifiée Carrières Iribarren (la société) exploite plusieurs carrières.

La société a fait l'objet d'un contrôle par le bureau des douanes pour la période s'écoulant du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2018 relativement à son assujettissement à la taxe générale sur les activités polluantes, qui a donné lieu à un procès-verbal du 27 avril 2021, ayant déterminé une taxe due au titre de l'émission de substances polluantes dans l'atmosphère d'un montant de 24.166 euros en principal, et suscité un avis de mise en recouvrement corrélatif en date du 18 mai 2021 d'un montant de 25.577 euros.

La société a contesté cet avis de recouvrement et sa contestation a été rejetée.

Le 1er octobre 2021, la société a attrait la Direction régionale des Douanes de [Localité 4] (les Douanes) devant le tribunal judiciaire de Poitiers.

Dans le dernier état de ses demandes, la société a demandé :

- d'annuler l'avis de mise en recouvrement en date du 18 mai 2021 pour un montant de 25.577 euros au titre de la taxe générale ;

- de la voir dire non redevable de cette somme ;

- de condamner les Douanes à lui payer la somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles.

En dernier lieu, les Douanes ont demandé de débouter la société de ses demandes, et de la condamner à lui payer la somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par jugement contradictoire en date du 25 octobre 2022, le tribunal judiciaire de Poitiers a :

- rejeté les demandes formulées par la société ;

- condamné la société à payer aux Douanes la somme de 3500 euros au titre des frais irrépétibles.

Le 21 novembre 2022, la société a relevé appel de ce jugement, en intimant les Douanes.

Le 8 février 2023, la société a demandé :

- d'infirmer jugement déféré en toutes ses dispositions ;

- d'annuler l'avis de mise en recouvrement n°0927/073/21/0163 du 18 mai 2021 pour un montant de 25.577 euros ;

- de la déclarer non redevable de la somme de 25.577 euros au titre de la taxe générale sur les activités polluantes composante « Emissions polluantes » (Tgap-Pts) ;

- de débouter les Douanes de l'ensemble de ses demandes ;

- de condamner les Douanes à lui payer une somme de 3500 € au titre des frais irrépétibles des deux instances.

Le 25 avril 2023, les Douanes ont demandé de :

- confirmer le jugement déféré ;

en conséquence,

- débouter la société de l'ensemble de ses demandes ;

- déclarer bien-fondés la décision de rejet en date du 3 août 2021 et l'avis de mise en recouvrement n° 0927/073/210163 en date du 18 mai 2021 ;

- déclarer la société redevable de la somme de 25.577 € au titre de la tgap « émissions polluantes » et des intérêts de retard ;

- condamner la société à lui verser la somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

Pour plus ample exposé, il sera expressément renvoyé aux écritures des parties précitées déposées aux dates susdites.

Le 20 novembre 2023, a été ordonnée la clôture de l'instruction de l'affaire.

MOTIVATION :

Sur la notion de poussières totales en suspension :

Selon l'article 266 sexies du code des douanes,

- I. Il est institué une taxe générale sur les activités polluantes qui est due par les personnes physiques ou morales suivantes :

....

2. Tout exploitant d'une installation soumise à autorisation ou enregistrement au titre du livre V (titre Ier) du code de l'environnement dont la puissance thermique maximale lorsqu'il s'agit d'installations de combustion, la capacité lorsqu'il s'agit d'installations de traitement thermique d'ordures ménagères, ou le poids des substances mentionnées au 2 de l'article 266 septies émises en une année lorsque l'installation n'entre pas dans les catégories précédentes, dépasse un certain seuil fixé par décret en Conseil d'État.

Selon l'article 266 septies du même code,

Le fait générateur de la taxe mentionnée à l'article 266 sexies est constitué par :

...

2. L'émission dans l'atmosphère par les installations mentionnées au 2 du I de l'article 266 sexies d'oxyde de soufres et autres composés soufrés, d'oxydes d'azotes et autres composés oxygénés de l'azote, d'acide chlorhydrique, d'hydrocarbures non méthaniques, solvants, de benzène et d'hydrocarbures aromatiques polycycliques et autres composés organiques volatiles, d'arsenic, de mercure, de sélénium, de plomb, de zinc, de chrome, de cuivre, de nickel, de cadmium, de vanadium ainsi que de poussières totales en suspension.

Selon l'article 266 octies du même code la taxe susdite est assise sur :

- 2. Le poids des substances émises dans l'atmosphère par les installations mentionnées au 2 du I de l'article 266 sexies.

Depuis le 1er janvier 2013, toute installation émettant plus de 5 tonnes par an de poussières totales en suspension (pts) est assujettie à la taxe générale sur les activités polluantes (tgap).

Selon l'article R. 4222-3 7° du code du travail, la poussière totale est définie comme :

toutes particules solides dont le diamètre aérodynamique est au plus égal à 100 µm ou dont la vitesse limite de chute, dans les conditions normales de température, est au plus égal à 0,25 m/s.

La norme NF EN 480 considère que les 'particules totales en suspension dans l'air'incluent les particules jusqu'à 100 µm.

La société soutient que seules peuvent être assujetties à la taxe litigieuse les particules d'une taille inférieure ou égale à 10 microns, demeurant indéfiniment en suspension, et non pas celles d'une taille supérieure à 10 microns, finissant par retomber au sol et être sédimentables.

Elle ajoute que seules les poussières canalisées puis rejetées (car permettant d'en mesurer les quantités) entrent dans le champ de la tgap.

Elle en déduit que les émissions diffuses ne sont pas concernées, et notamment pas celles émises à l'air libre sans recours à un dispositif conçu pour leur évacuation.

Elle entend en voir conclure son non assujettissement à la taxe litigieuse.

* * * * *

Il n'y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas.

Les circulaires n'intéressent que les rapports des administrations avec leurs agents, sans être revêtues d'une quelconque valeur normative, notamment à l'égard des tiers.

La société fait grief à l'administration d'avoir arrêté la notion de particules totales en suspension, assiette de l'imposition litigieuse, par voie de circulaire, en confondant la notion légale stricte avec la notion plus large de poussières totales, alors même que celles-ci ne constituent pas toutes des poussières en suspension.

Elle soutient que le champ d'application de l'imposition discutée doit s'interpréter au regard de l'article L. 220-2 du code de l'environnement, définissant la notion de pollution de l'air, ainsi qu'au regard de l'article R. 221-21 du même code, relatif à la surveillance de l'air ambiant, définissant les normes de qualité de l'air par nature de polluant, et distinguant sur ces points les particules PM 10 et PM 2,5, en fixant des valeurs seuils et des objectifs de réduction de l'exposition destinés à réduire la pollution.

Elle fait valoir en ce sens l'appréciation de l'organisme scientifique Citepa, selon lequel seules les particules en suspension les plus grosses (supérieures à 10 microns) ne sont pas les plus inquiétantes pour la santé, dans la mesure où elles ne pénètrent pas dans l'appareil respiratoire.

Mais il ressort des termes de la loi susdite que le fait générateur de l'imposition est constitué par l'émission, par les installations qu'elle énumère, notamment de poussières totales en suspension.

Et ses termes, généraux et inconditionnels, qui ne distinguent pas la poussière par sa taille, ni par le temps de sa suspension passée dans l'atmosphère, englobe nécessairement les poussières les plus grosses, qui après avoir été en suspension dans l'atmosphère, retombent au sol et sédimentent.

Pas plus, la loi ne distingue selon les critères avancés par la société, tenant aux poussières canalisées puis rejetées, ou bien encore s'agissant des émissions diffuses.

Enfin, il se déduit du rapprochement du texte fiscal susdit avec celui susdit issu du code de travail et de la norme scientifique susdite que la poussière totale en suspension se définit notamment comme des particules aérodynamiques dont le diamètre est au plus égal à 100 micromètres.

Au surplus, le centre interprofessionnel d'études techniques de la pollution atmosphérique a retenu que si les particulières supérieures à 10 micromètres n'étaient pas les plus dangereuses pour la santé, elles n'en restaient pas moins polluantes pour l'environnement en se déposant sur les feuilles des végétaux qu'elles pouvaient étouffer en entravant la photosynthèse.

Alors que l'objectif de la loi fiscale tendait à la limitation d'activités polluantes, mais encore à l'application du principe pollueur-payeur, il ne peut de plus fort qu'en être déduit que les poussières d'un diamètre supérieur à 10 micromètres, polluantes pour l'environnement, entraient nécessairement dans son champ d'application.

C'est donc exactement, sans dénaturation de la loi, que l'administration a inclus dans l'assiette de l'imposition l'émission, par la société, de poussières en suspension d'une taille supérieure à 10 microns.

* * * * *

La société fait encore grief à l'administration d'avoir enfreint l'article 34 de la Constitution, définissant le domaine de la loi, en étendant le champ d'application de celle-ci par voie de circulaire, alors que le législateur est tenu en vertu de ce texte non seulement à observer l'étendue de sa compétence, mais encore est tenu au principe de clarté de la loi et à un objectif à valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi

Mais d'une part, la cour s'est bornée au cas d'espèce à la seule application de la loi, exactement exécutée par l'administration, sans considération aucune pour les circulaires administratives invoquées par les parties.

Et de deuxième part, l'invocation de dispositions ou principes ou objectifs de nature constitutionnelle, qui ne peut porter que sur la loi elle-même, est sans emport dans le présent litige, alors que le juge judiciaire ne peut pas directement procéder à l'interprétation de la Constitution, et que la cour n'a été saisie d'aucune demande de transmission de question prioritaire de constitutionnalité portant sur la disposition législative applicable au litige.

* * * * *

Selon l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa version en vigueur depuis le 12 août 2018, résultant de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018, et applicable aux contrôles dont les avis sont adressés à compter du 1er janvier 2019, conformément à l'article 9 II de cette même loi, applicable au litige,

Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration.

Il en est de même lorsque, dans le cadre d'un examen ou d'une vérification de comptabilité ou d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, et dès lors qu'elle a pu se prononcer en toute connaissance de cause, l'administration a pris position sur les points du contrôle, y compris tacitement par une absence de rectification.

Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapporté à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales.

L'interprétation que les redevables peuvent opposer à l'administration est celle en vigueur à la date du fait générateur du droit ou de la taxe en cause (Cass. com., 7 janvier 1997, n°95-15.687, Bull. IV, n°7).

Selon le commentaire publié le 12 janvier 2022 au bulletin officiel des impôts, l'administration fiscale considère que :

Pour les besoins de la composante de la TGAP, les poussières totales en suspension (PTS) s'entendent des particules suivantes, définies à l'article R. 221-un du C. envi. :

- Les particules de diamètre compris entre 2,5 et 10 µm, appelées PM 10 (particulate matter 10):

Remarque : ces particules sont essentiellement composées de matériaux terrigènes (oxyde d'aluminium, silice), de carbone, de sulfates, de nitrates et d'ammonium, ainsi que d'éléments issus de l'érosion (fer, embruns, chlorure d'hydrogène).

- Les particules de diamètre inférieur à 2,5 micromètres, appelées PM 2,5(particulate matter 2,5)

Remarque : ces particules sont essentiellement composées de carbone, de nitrates, de sulfates de composés organiques comme les hydrocarbures aromatiques polycycliques. Elles proviennent principalement des moteurs diesels, des installations de combustion et des procédés industriels tels que les cimenteries, les fonderies et les verreries.

Les poussières entrant dans le champ d'application de la composante de la TGAP sont celles qui sont rejetées dans l'atmosphère par l'intermédiaire de dispositif conçu pour leur évacuation.

Remarque : la présence d'un dispositif de filtrage ne remet pas en cause l'application de la taxe pour la fraction des substances non filtrées.

Ne sont donc notamment pas taxées:

- les poussières émises à l'air libre lors de la circulation des véhicules des engins, y compris de travaux publics ;

- les poussières émises par des dispositifs ayant une autre fonction : dispositif dédié à l'aération (y compris les puits ou cheminée d'aération), puits de lumière ou entrées de galeries souterraines.

De plus fort en s'appuyant sur ce document de l'administration publié, la société soutient que le champ d'application des poussières totales en suspension est limité aux seules particules d'un diamètre égal ou inférieur à 10 microns, soit les PM 10 et PM 2,5.

Mais alors que l'interprétation dont entend se prévaloir la société, objet d'une publication en date du 12 janvier 2022, n'était pas en vigueur au moment du fait générateur de l'imposition en cause, portant sur les années 2017 et 2018, le moyen tiré de l'invocation de ce texte est donc inopérant.

Sur le mode de calcul des poussières totales en suspension:

Aucune disposition légale ne détermine la modalité de mesures des poussières totales en suspension.

Selon le procès-verbal de constat établi le 27 avril 2021 par les douanes, la société n'a pas déposé de déclaration 2017-2018 relativement au calcul des poussières totales en suspension, estimant que celles-ci étaient inférieures au seuil de déclaration de 100 tonnes par an.

Le 23 février 2021, la société a saisi ses données d'émission pour les années 2017-2018 à la demande du service des Douanes dans le logiciel Gerep, afin de calculer les poussières totales en suspension pour la période susdite, et la taxation litigieuse est intervenue au vu de sa propre déclaration.

La société conteste le résultat la concernant issu de ce logiciel, ayant servi à la taxation litigieuse.

* * * * *

D'une part, la société soutient que ce logiciel intégrerait la mesure de l'ensemble des émissions polluantes de ses installations, alors que la législation fiscale ne porterait que sur les seules particules en suspension les plus fines et les plus nocives pour l'homme, et exclurait certaines sources d'émission de l'établissement concerné.

Mais sous couvert de critique des mesures réalisées par ce logiciel, ce moyen ne tend qu'à discuter de nouveau le champ d'application de la législation fiscale en litige, dont il a été déjà été fait plus haut litière.

Ce premier moyen est donc inopérant.

* * * * *

Selon l'avis de contrôle du 8 mars 2021 (page cinq):

- la société a déposé des déclarations annuelles d'activité 2017 et 2018 pour les carrières exploitées;

- en revanche, elle n'a pas déposé de déclarations Gerep 2017 et 2018 relatives au calcul des poussières totales en suspension, issu des fiches prévues par le « guide méthodologique d'aide à la déclaration annuelle des émissions polluantes et des déchets », estimant que les poussières produites étaient inférieures au seuil de 100 t par an, seuil de déclaration Gerep ;

- le 23 février 2021, la société, à la demande et en présence du service des douanes, a saisi les données 2017 et 2018 nécessaires dans le logiciel Gerep afin de calculer les poussières totales en suspension 2017 et 2018.

La société entend voir déduire des termes de l'avis de contrôle que les Douanes lui ont imposé l'utilisation du logiciel Gerep.

Mais alors que la méthode d'évaluation des poussières en suspension, pour l'application de la législation fiscale litigieuse, n'est pas imposée ni définie par un texte normatif, il était loisible à la société d'user d'autres méthodes d'évaluation.

Or, les termes de l'avis de contrôle ne font ressortir ni que la redevable ait usé de cette faculté, ni qu'elle ait été contrainte par l'administration à utiliser le logiciel Gerep.

Ce deuxième moyen est donc inopérant.

* * * * *

Selon le règlement européen n° 166/2006 du 18 janvier 2006, concernant la création d'un registre européen des rejets et des transferts des polluants, en son article 2, les autorités compétentes en la matière pouvaient être l'autorité ou les autorités nationales ou tous autres organismes compétents désignés par les Etats membres.

Créé en application de l'arrêté du 31 janvier 2008, le site internet Gerep est l'outil de télé-déclaration des émissions polluantes relatives au registre et à la déclaration annuelle des émissions de polluants, devant être adressée à la direction régionale de l'environnement.

Il ressort de l'article 59 octies du code des douanes, modifié par l'article 6 de la loi n°2018-898 du 23 octobre 2019, que les agents des douanes et les agents de la direction générale de la prévention des risques et de ses services déconcentrés sont autorisés, dans le cadre de leurs missions respectives, à procéder à des échanges d'informations.

L'article 7 3° du décret n°99-508 du 17 juin 1999, instituant la taxe générale sur les activités polluantes, prévoit que les personnes qui y sont assujetties doivent adresser les déclarations y afférentes avant le 30 avril de l'année suivant l'expiration de chaque année civile.

La société allègue que la réglementation en matière environnementale, relative notamment à la déclaration d'émissions polluantes, ne peut avoir aucune finalité ni incidence fiscale ou douanière.

Mais il ressort des textes précités, en particulier de l'article 59 octies du code des douanes, que les Douanes étaient investies d'un droit de communication portant sur les déclarations annuelles auprès de la direction régionale de l'environnement auxquelles la société était astreinte,

Et plus largement, il se déduit de la combinaison de ces différents textes une incidence des obligations environnementales de l'assujetti sur ses obligations fiscales.

Ce troisième moyen est donc inopérant.

* * * * *

L'arrêté du 31 janvier 2008 fait ressortir que le ministère de l'écologie et du développement durable a demandé au Citepa de réaliser une grille d'évaluation des émissions, indispensable pour remplir la déclaration Gerep.

Il résulte de l'arrêté du 24 août 2011, relatif au système national d'inventaire des missions et de bilans dans l'atmosphère, que le Citepa s'est vu confier la réalisation des inventaires des missions atmosphériques polluantes prévues par les conventions internationales sur le climat.

Il ressort des éléments produits que s'agissant des émissions de poussière de l'industrie extractive, le Citepa a effectué la mission qui lui a été confiée en concertation avec l'union nationale de producteurs de granulats, composante principale de l'union nationale des industries de carrières et matériaux d'extraction.

Il est ainsi établi que la méthode d'évaluation de référence à ce jour dans le domaine de l'estimation des poussières émises, établie par le Citepa, est basée sur les facteurs des missions définies par l'agence américaine de protection de l'environnement dans son registre AP 42, en concertation avec les organismes professionnels.

Il est constant entre parties que le guide méthodologique Gerep a été rédigé par la direction générale de la prévention des risques, le centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (Citepa), et ce en concertation avec les syndicats de professionnels représentant de nombreux exploitants de carrières.

Les extraits du guide méthodologique d'aide à la déclaration annuelle des émissions polluantes et des déchets à l'attention des exploitants de carrières et d'installations de premier traitement des matériaux précisent, pour les poussières quelle que soit leur taille, les postes d'émissions de poussière devant être pris en compte.

Les différentes fiches méthodologiques annexées précisent la formule de calcul approprié au poste d'émission permettant de fournir une estimation des rejets atmosphériques

Ainsi, l'ensemble des postes des missions au sein d'une carrière fait l'objet d'une méthodologie propre de calcul de rejet des poussières atmosphériques.

La société soutient que le mode de calcul issue de ce logiciel, à la finalité essentiellement statistique, ne serait pas adapté pour les mesures des émissions visées par la tgap.

Elle avance en particulier que les formules de calcul employées sont basées sur des facteurs d'émission établis par grandes familles de roches, à partir d'une base de données issue des Etats-Unis, tandis que la prise en compte d'une facture unique d'émission pour l'ensemble de ses roches aboutirait à un calcul approximatif, ne tenant pas compte de la nature exacte de la roche exploitée sur la carrière considérée.

Elle remarque que la méthodologie retenue ne prend pas en compte les caractéristiques précises de chaque matériel constituant une installation de concassage et de criblage.

Elle relève que les équipements particuliers présents sur chacune des carrières concernées ne seraient pas plus pris en compte.

Elle critique les autres biais selon elle retenus par cet outil de mesure, notamment s'agissant de l'efficacité des aspirations sur le concasseur tertiaire, ou sur la charge utile des camions transportant le produit fini, qui ne prendraient pas systématiquement en compte les différents dispositifs de rétention ou d'abattage de poussières présents sur ses carrières.

Mais alors que la mesure réalisée par le logiciel Gerep ne revêt aucun caractère obligatoire, la société, à laquelle il était loisible de proposer des résultats fondés sur d'autres méthodes d'évaluation, n'en a alors fourni strictement aucun.

Et en rappelant que les résultats issus de ce logiciel découlent des déclarations réalisées par la société elle-même, cette dernière ne produit aucun élément technique remettant en cause la validité ou l'exactitude des résultats ainsi obtenus.

Cette appréciation vaudra d'autant plus que sur la base des déclarations de la société par le biais du logiciel Gerep, les Douanes avaient retenu, des émissions polluantes à hauteur de 41,495 et 5,211 tonnes en 2017, et de 43,471 tonnes en 2018, alors que le seuil d'assujettissement est de 5 tonnes d'émission par an.

Ce quatrième moyen est aussi inopérant.

* * * * *

A l'issue de cette analyse, il y aura lieu de valider l'avis de recouvrement émis par les Douanes le 18 mai 2021 pour un montant total de 25 755 euros, de rejeter les demandes formulées par la société, et le jugement sera confirmé de ce chef.

* * * * *

Le jugement confirmé en ce qu'il a condamné la société aux dépens de première instance et à payer aux Douanes la somme de 3500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, et pour avoir débouté la société de sa demande formée au même titre.

La société sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel.

La société sera condamnée aux entiers dépens d'appel et à payer aux Douanes la somme de 3500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS:

La cour,

statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

Déboute la société par actions simplifiée Carrières Iribarren de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne société par actions simplifiée Carrières Iribarren aux entiers dépens de d'appel et à payer à la Direction régionale des Douanes de [Localité 4] la somme de 3500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,