Décisions
CA Bordeaux, ch. soc. B, 25 janvier 2024, n° 22/02136
BORDEAUX
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE - SECTION B
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ARRÊT DU : 25 JANVIER 2024
PRUD'HOMMES
N° RG 22/02136 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MVWF
Monsieur [M] [E]
c/
S.A.S. MDS
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée aux avocats le :
à :
Me Carole LECOCQ-PELTIER, avocat au barreau de BORDEAUX
Me Claire MORIN de la SCP DACHARRY & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 avril 2022 (R.G. n°F 20/00453) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 29 avril 2022,
APPELANT :
[M] [E]
né le 19 Janvier 1974 à [Localité 7]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 2]
Représenté et assisté par Me Carole LECOCQ-PELTIER, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
S.A.S. MDS prise en la personne de son représentant légal [Adresse 1]
Représentée par Me Claire MORIN de la SCP DACHARRY & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
Assistée par Me PRECLOUX substituant Me GUY de la SELARL BGU avocats, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 907 et 805 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 15 novembre 2023 en audience publique, devant Madame Marie-Paule Menu, présidente, chargée d'instruire l'affaire et Madame Valérie Collet, conseillère, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés,.
Ces magistrats a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Paule Menu, présidente,
Madame Sophie Lésineau, conseillère,
Madame Valérie Collet, conseillère,
greffière lors des débats : Sylvaine Déchamps,
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
Le délibéré a été prorogé en raison de la charge de travail de la Cour.
EXPOSE DU LITIGE
FAITS ET PROCEDURE
La société MDS a engagé M. [G] [E] à compter du 13 janvier 2015 en qualité de Responsable de site, statut agent de maîtrise, coefficient 115 V de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950. La durée de travail était fixée à 169 heures mensuelles soit 39 heures par semaine et la rémunération à la somme de 3454,24 euros brut, en ce compris la majoration de 25% pour les heures effectuées de la 36ième à la 39ième heure. M. [E] était affecté à l'aéroport de [Localité 3]-[Localité 6].
Un arrêt de travail a été prescrit à M. [E] au motif d'un syndrome dépressif - burn out le 4 octobre 2019, jusqu'au 19 octobre 2019.
Le 8 octobre 2019, la société MDS a adressé deux courriers à M. [E], le premier pour le convoquer à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour faute grave fixé au 22 octobre 2019 et l'informer qu'il était mis à pied à titre conservatoire,le second pour lui demander de faire le nécessaire afin de restituer le véhicule de service mis à sa disposition.
M. [E] a été licencié pour faute grave par un courrier du 30 octobre 2019.
Estimant son licenciement abusif et considérant qu'il n'avait pas été entièrement rempli de ses droits en matière salariale, M. [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux le 21 avril 2020.
Le conseil de prud'hommes de Bordeaux a débouté M. [E] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens en même temps qu'il a rejeté la demande de la société MDS au titre de ses frais irrépétibles, par un jugement du 8 avril 2022.
M. [E] en a relevé appel par une déclaration du 29 avril 2022.
L'ordonnance de clôture est en date du 17 octobre 2023.
L'affaire a été fixée à l'audience du 15 novembre 2023, pour être plaidée.
PRETENTIONS ET MOYENS
Par ses dernières conclusions, transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 16 octobre 2023, M. [E] demande à la cour de :
' - infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit et jugé
* que le licenciement de M. [E] repose sur des faits caractérisés relevant de la faute grave
* qu'il n'est pas démontré l'existence d'heures supplémentaires pour la période du 23 avril 2017 au 30 septembre 2019
* qu'il n'est pas démontré l'existence d'heures de travail du dimanche, jours fériés, et de nuit
* rejeté la demande au titre de la contrepartie en repos pour dépassement du contingent d'heures supplémentaires
* rejeté les demandes au titre des jours de congés fractionnés
* rejeté la demande au titre du non respect des seuils de plafonds et des dispositions relatives à la durée du travail et du non respect de l'obligation de sécurité de résultat
* rejeté la demande au titre du non respect de l'obligation de formation, adaptation et à l'obligation des entretiens professionnels
* rejeté la demande au titre du travail dissimulé
* débouté M. [E] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions
* condamné M. [E] aux dépens
* débouté M. [E] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile; statuant de nouveau,
- condamner la société MDS à lui verser les sommes de :
* 729,84 euros au titre des heures supplémentaires de décembre 2016
* 72,98 euros au titre des congés payés afférents
* 17 199,59 euros au titre des heures supplémentaires de l'année 2017
* 1 719,96 euros au titre des congés payés afférents
* 4 177,78 euros au titre des heures supplémentaires de l'année 2018
* 417,78 euros au titre des congés payés afférents
* 8 118,44 euros au titre des heures supplémentaires de l'année 2019
* 811,84 euros au titre des congés payés afférents
* 29 278 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos pour dépassement
du contingent annuel d'heures supplémentaires
* 2 927,80 au titre des congés payés afférents
* 31 968,35 euros à titre d'indemnité forfaitaire de travail dissimulé
* 8 245,44 euros au titre des majorations pour travail le dimanche
* 824,54 euros au titre des congés payés afférents
* 1 716,77 euros au titre des majorations des jours fériés
* 171,68 euros au titre des congés payés afférents
* 1 267,33 euros au titre des majorations pour travail de nuit
* 126,73 euros au titre des congés payés afférents
* 687,49 euros au titre des jours de congés payés dus en raison du fractionnement des congés en incluant les heures supplémentaires
* 68,75 euros au titre des congés payés afférents
* 15 000 euros à titre de dommages intérêts pour non-respect des seuils et
plafond et des dispositions relatives à la durée de travail et non-respect de
l'obligation de sécurité de résultat ;
* 5 000 euros à titre de dommages intérêts pour non-respect des obligations de
formation, adaptation et à l'organisation des entretiens professionnels;
- juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et a été prononcé en l'absence de toute faute grave
- condamner la société MDS à verser à M. [E] les sommes de :
* 6 549,07 euros à titre d'indemnité de licenciement
* 3 953,08 euros au titre du salaire retenu pendant la mise à pied conservatoire
* 395,31 euros au titre des congés payés afférents
* 10 656,12 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
* 1 065,61 euros au titre des congés payés afférents
* 26 640,29 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause
réelle et sérieuse
* 4 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du caractère particulièrement vexatoire du licenciement;
- ordonner à la société M.D.S. de remettre à M. [E] sous astreinte de 100 euros par jour de retard les bulletins de salaires rectifiés mentionnant son statut d'agent de maîtrise outre les rappels de salaire dus, l'attestation pôle emploi rectifiée selon les termes du jugement à intervenir;
- condamner la société M.D.S à verser à M. [E] une somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- condamner la société M.D.S. aux entiers dépens d'instance et frais éventuels d'exécution;
- condamner la société M.D.S au règlement des intérêts légaux à compter de la convocation de l'employeur devant le conseil de prud'hommes, avec capitalisation.
M. [E] fait valoir en substance que :
- son contrat de travail ayant été rompu le 30 octobre 2019, il est fondé en application des dispositions de l'article L.3245-1 du code du travail à solliciter des rappels de salaire pour la période remontant à compter du 30 octobre 2016;
- les salariés de l'agence de [Localité 6] n'étaient pas soumis à un horaire collectif et il a dû pour sa part, compte-tenu de la nature de l'activité - offrir une prestation de stationnement aux voyageurs pendant leur séjour hors de [Localité 3], mettre un véhicule de transit temporaire (véhicule TT en suivant) à la disposition des voyageurs pendant leur séjour à [Localité 3] - et de l'organisation mise en place par la société consistant à fonctionner avec un effectif minimum, effectuer de nombreuses heures supplémentaires pour lesquelles il n'a perçu aucune rémunération et qui n'ont fait, sauf à de très rares exceptions, l'objet d'aucune récupération ;
- la société MDS, qui l'a délibérément écarté de la procédure de pointage à laquelle les autres salariés étaient soumis, ne peut pas valablement soutenir que la non inscription de la totalité des heures supplémentaires qu'il a effectuées relève d'une simple omission dès lors qu'il ressort des éléments du dossier qu'il était confronté à une surcharge de travail structurelle, les clients étant accueillis 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 ;
- il est fondé, le contingent annuel d'heures supplémentaires ayant été dépassé et se décomptant par année civile, à être indemnisé au titre de la contrepartie obligatoire en repos;
- il n'a pas perçu la majoration prévue à son contrat de travail pour les dimanches travaillés, ni celle dont les autres salariés bénéficiaient pour les jours fériés travaillés;
- il n'a pas bénéficié de la majoration de 25 % que la société MDS appliquait aux autres salariés aux heures de nuit;
- il a été contraint de prendre la totalité de ses congés en dehors de la période légale et n'a pas bénéficié des deux jours ouvrables de congés supplémentaires aussi bien en 2017 qu'en 2019 ;
- il est fondé à demander la réparation du préjudice qui a résulté des violations par l'employeur des dispositions relatives à la durée de travail quotidienne maximale, au temps de repos entre deux périodes de travail, au repos habdomadaire et aux normes applicables en cas d'exposition à des matières dangereuses, qui caractérisent autant de manquements à l'obligation de sécurité ;
- l'absence d'action de formation et l'absence d'entretien professionnel lui ont causé un préjudice - il n'a ainsi jamais été augmenté et a été privé de toute possibilité d'évolution - dont il est fondé à demander la réparation ;
- s'agissant du licenciement,
* le rapport dont la société MDS se prévaut est en réalité destiné à contourner les règles de prescription puisque Mme [J] qui était présente sur site les 23 et 24 juillet 2019 n'a pas pu ne pas entendre les doléances de Mme [I] et de Mme [L] à son encontre, dont la société se prévaut; les faits envers celles-ci allégués sont donc prescrits
* la société MDS ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de la réalité des griefs dont elle s'est saisie pour procéder à son licenciement, encore moins de leur gravité, car si un rapport d'enquête peut être utilisé comme mode de preuve c'est à la condition qu'il ne consiste pas pour l'employeur à se constituer une preuve à lui-même ; en l'espèce, M. [P] et Mme [J] étaient en réalité présents sur le site entre le 1er et le 4 octobre 2019, uniquement afin de lui permettre de prendre quatre jours de repos et ils n'ont procédé à aucune enquête; il n'a d'ailleurs pas même été entendu
* il est faux de prétendre qu'il refusait de donner aux salariés les codes d'accés au poste informatique, sauf à imaginer qu'il était dénué de bons sens
* s'il a pu rappeler l'importance des codes couleurs qui font partie des procédures en vigueur dans la société, il n'a jamais convoqué ses collaborateurs à ce titre
* la preuve d'un échange hors temps de travail avec Mme [X] le 1er octobre 2019 n'est pas plus rapportée, sachant qu'ils étaient amis avant même qu'elle ne soit engagée par la société MDS
* il n'a commis aucun des faits mentionnés en juillet 2019 par Mme [I], avec laquelle il venait de rompre, et l'employeur, qui n'a pas jugé utile d'en vérifier la matérialité car il savait que la salariée cherchait en réalité à optimiser les conditions de son départ dans le cadre de la rupture conventionnelle sur le principe de laquelle les parties étaient d'accord, n'en rapporte pas la preuve
* outre qu'il n'a pas tenu les propos que Mme [L] lui attribue, le procédé consistant à faire écouter une conversation à un tiers à l'insu de son auteur est illégal
* M.[D], qui était en poste en même temps qu'elles, atteste que Mme [I] et Mme [L] n'ont rien laissé paraître des griefs dont l'employeur se prévaut
* Mme [X] n'a aucument confirmé les propos que Mme [J] lui prête
* il n'a jamais vendu de carburant appartenant à la société à qui que ce soit ; il en récupérait en revanche à la demande de la société MDS - qu'il stockait dans des bidons - dans les réservoirs des véhicules TT appartenant aux constructeurs, l'essence alimentant le véhicule de service mis à sa disposition et le diesel les navettes servant à transporter les clients; il a donné les 60 litres mentionnés dans la lettre de licenciement parce que la capacité maximale des bidons était atteinte, ce dont l'employeur, qui s'est fait livrer une cuve de très grande capacité au mois de novembre 2019, était parfaitement avisé
* les indemnités de rupture, les dommages et intérêts pour licenciement abusif et le rappel de salaire correspondant à la mise à pied doivent être calculés sur la base de la moyenne du salaire,incluant les heures supplémentaires, des trois derniers mois d'activité
* le préjudice qui a résulté de la perte de son emploi est d'autant plus important que son parcours au sein de la société était exempt d'incident, que son état de santé dégradé l'a empêché de reprendre une activité professionnelle et qu'il n'a perçu jusqu'au mois de juin 2021 que les indemnités journalières, que la perte financière s'est poursuivie lorsque Pôle Emploi a commencé de l'indemniser, qu'il a retrouvé un emploi le 17 avril 2023 uniquement, à l'issue d'une formation et au prix d'une importante baisse de rémunération
* il est fondé à demander la réparation du préjudice moral qui a résulté de la brutalité de l'employeur à l'occasion du licenciement, qui n'a pas hésité le même jour et alors qu'il était en arrêt de travail à le sommer de lui restituer le véhicule mis sa disposition
et à le convoquer à un entretien préalable, sans avoir cherché à entendre ses explications, puis à se prévaloir d'un comportement déviant, inadapté, frauduleux et despotique;
- il serait inéquitable qu'il conserve la charge des frais qu'il a dû engager pour simplement faire valoir ses droits.
Par ses dernières conclusions, transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 13 octobre 2023, la société MDS demande à la cour de :
' - confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bordeaux en date du 8 avril 2022, en ce qu'il a :
* jugé que le licenciement de M. [E] repose sur des faits caractérisés relevant de la faute grave
* jugé qu'il n'est pas démontré l'existence d'heures supplémentaires pour la période du 23 avril 2017 au 30 septembre 2019
* jugé qu'il n'est pas démontré l'existence d'heures de travail les dimanches, jours fériés et de nuit
* rejeté la demande au titre de la contrepartie en repos pour dépassement du contingent d'heures supplémentaires
* rejeté les demandes au titre de jours de congés fractionnés
* rejeté la demande au titre de non-respect des seuils et plafond et des dispositions relatives à la durée du travail et non-respect de l'obligation de sécurité de résultat
* rejeté la demande au titre de non-respect des obligations de formation, adaptation et à l'organisation des entretiens professionnels
* rejeté la demande de M. [E] présentée au titre du travail dissimulé
* débouté M. [E] de l'ensemble de ses demandes en ce compris de sa demande au titre de l'article 700 et des entiers dépens; en conséquence,
- débouter M. [E] de toutes demandes,
- condamner M. [E] au paiement d'une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [E] aux dépens.'.
La société MDS fait valoir en substance que :
- s'agissant des heures supplémentaires,
* M. [E] confond temps de présence dans l'entreprise à des fins personnelles et temps de travail effectif
* M. [E] en fonction des périodes, soit ne produit aucun élément soit produit des éléments impropres à étayer sa demande
* pour la période antérieure au 26 juin 2017, l'agenda du centre, à supposer qu'il émane effectivement du logiciel interne à l'entreprise, ne fait ainsi état que d'interventions ponctuelles, en nombre limité, exclusives de la réalité du temps de travail effectif de M. [E]
* pour la période du 27 juin 2017 au 8 mai 2018, le tableau de type excel qu'aucun élément extérieur ne vient étayer - l'extraction de l'agenda du centre ne faisant état que d'interventions ponctuelles, en nombre limité, exclusives de la réalité du temps de travail effectif de M. [E] -, ne constitue pas un commencement de preuve, en ce que les jours au titre desquels M. [E] aurait effectué des heures supplémentaires ne sont pas clairement identifiés M. [E] se contentant d'indiquer le nombre d'heures supplémentaires prétendument exécutées chaque semaine, en ce qu'il ne mentionne ni l'heure à laquelle M. [E] embauchait ni celle à laquelle il débauchait ni les temps de pause
* pour la période du 9 mai 2018 au 30 septembre 2019, les relevés de pointage sont tout aussi impropres à établir la réalisation d'heures supplémentaires étant observé que M. [E] ne l'a jamais informée des heures dont il réclame maintenant le paiement, qu'ils sont renseignés par M. [E] lui-même, qu'ils ne mentionnent pas les temps de pause, qu'ils recèlent des incohérences majeures;
- M. [E] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'une volonté délibérée de sa part de dissimuler la réalité de son temps de travail;
- la demande de M. [E] au titre de la contrepartie obligatoire en repos est à la fois non fondée, en l'absence d'heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires conventionnel, et exorbitante puisqu'elle porte sur la totalité de l'année 2016, en violation des règles de la prescription triennale, et de l'année 2019, en dépit de son départ de l'entreprise en cours d'année, qu'elle est calculée sur un taux horaire erroné, que M. [E] y associe une demande de congés payés alors qu'elle n'a pas le caractère d'un salaire;
- M. [E] ne fournit aucun élément au soutien de sa demande au titre des dimanches si ce n'est un tableau établi pour les besoins de la cause et non étayé; il n'a d'ailleurs jamais formulé la moindre demande avant la rupture de son contrat de travail; sa demande doit donc être rejetée, à tout le moins réduite à de plus justes proportions;
- M. [E] doit être débouté sa demande au titre des jours fériés travaillés puisque la majoration n'est prévue que pour le 1er mai et qu'il n'a pas travaillé ce jour sur la période considérée;
- M. [E], dont les décomptes n'ont aucune force probante, ne remplissait pas les conditions légales prévues pour le travail de nuit;
- M. [E] prenait ses congés en dehors de la période légale par choix et il a été entièrement rempli de ses droits puisqu'il a pris 7 semaines de congés payés soit 10 jours de plus que les congés légaux en 2018 et 6 semaines de congés payés en 2019 soit 5 jours de plus que les congés légaux;
- M. [E] ne rapporte pas la preuve de la violation des dispositions relatives à la durée de travail quotidienne maximale, au temps de repos quotidien entre deux périodes de travail consécutives et au temps de repos hebdomadaire dont il se prévaut; il est malvenu, ayant exigé de prendre ses congés en dehors de la période estivale et ayant bénéficié d'un nombre de jours de congés supérieur à la duré légale, de prétendre qu'elle ne respectait pas les périodes légales de congés; il ne justifie aucunement d'avoir été exposé à des matières dangereuses; il ne rapporte pas plus la preuve que l'altération de son état de santé résulte des manquements qu'il lui prête;
- outre qu'il ne justifie pas du préjudice dont il réclame la réparation à ce titre, M. [E] n' a jamais exprimé le besoin d'une formation; les basiques comportementaux qui lui font défaut dans ses relations aux autres n'ont dans tous les cas pas vocation à être enseignés dans le cadre de formations professionnelles;
-s'agissant du licenciement de M. [E],
* M. [E] ne peut valablement se prévaloir de la prescription de l'article L.1322-4 du code du travail en ce qu'elle n'a pris connaissance de son comportement envers Mme [X], identique au demeurant à celui envers Mme [I] et Mme [L], qu'à la réception du mail que l'intéressée lui a adressé le 29 septembre 2019 pour le dénoncer
* le comportement inapproprié de M. [E] à l'égard de ses collaborateurs et ses tentatives pour s'enrichir au préjudice de la société sont d'une gravité telle qu'ils rendaient son maintien dans l'entreprise immédiatement impossible
* ce comportement indigne est établi par les alertes qu'elle a reçues de chacune des salariées concernées et a été confirmé par l'enquête diligentée par Mme [J], représentante du personnel
* leurs témoignages établissent que M. [E] s'était entendu avec Mme [R], directrice de station, et M. [F], agent d'entretien salarié de Mme [R], pour leur vendre du carburant de l'entreprise; M. [E] échoue à rapporter la preuve des consignes dont il se prévaut, les témoignages laconiques et ne reposant sur aucun élément de M. [Z] et de M.[D] présents dans la société pendant quelques mois seulement n'y suppléant pas ; il est dans tous les cas indifférent qu'il ait offert du carburant dès lors qu'elle ne l'a jamais autorisé à en disposer
* son licenciement étant fondé sur une cause réelle et sérieuse, M. [E] ne peut valablement prétendre à quelque indemnisation; les sommes qu'il réclame sont dans tous les cas exorbitantes puisque son salaire s'établissait à la somme de 3424,24 euros et qu'il ne rapporte pas la preuve des préjudices dont il demande la réparation;
- il serait particulièrement inéquitable qu'elle conserve la charge des frais qu'elle a dû engager dans le cadre de la présente instance.
MOTIFS DE LA DECISION
I - SUR LES DEMANDES AU TITRE DE L'EXECUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL
Sur les heures supplémentaires
Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016- 1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1 les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Selon la jurisprudence, constituent des éléments suffisamment précis, notamment, des attestations de tiers (Cass. Soc., 31 mai 2017, pourvoi n°16-10372), des décomptes d'heures établis par le salarié (Cass. Soc., 3 juillet 2013, pourvoi n° 12-17.594; Cass. Soc., 24 mai 2018, pourvoi n° 17-14.490), des relevés de temps quotidiens (Cass. Soc., 19 juin 2013, n° 11.27-709), un tableau (Cass. Soc., 22 mars 2012, pourvoi n° 11-14.466), des fiches de saisie informatique enregistrées sur l'intranet de l'employeur contenant le décompte journalier des heures travaillées (Soc., 24 janvier 2018, pourvoi n° 16-23.743), peu important que les tableaux produits par le salarié aient été établis durant la procédure prud'homale ou a posteriori (Cass. Soc., 12 avril 2012, pourvoi n° 10-28.090; Cass. Soc., 29 janvier 2014, pourvoi n° 12-24.858)
Au soutien de sa demande, M. [E] se prévaut:
- du mail que Mme [J] lui a adressé le 11 janvier 2019, ainsi libellé: ' Bonjour [M], je fais suite à mon passage les 9 et 10 janvier 2019 à [Localité 3] et je te remercie pour ton accueil. Comme je te l'ai évoqué cela a été très intéressant de pouvoir être sur place et voir l'évolution de votre planning au fur et à mesure de la journée. J'ai fait un rapport à [W] concernant l'amplitude horaire et les contraintes d'organisation sur le site MDS [Localité 3]. Suite à cet échange, [W] te propose un quatrième personnel à MDS [Localité 3] ( possible selon un bilan). En effet il va falloir que tu regardes de ton côté pour établir un planning avec 1 personne en plus dans votre planning. Dimanches exclus, à mi-temps ou autre, à toi de juger. Cela vous permettra d'avoir vos 2 jours de congés assurés et consécutifs en pleine et basse saison. De la même manière vous pourrez poser vos congés payés durant l'année. Je vais te renvoyer le contrat établi avec Appro Pro. Il faudra tenir compte de l'amplitude horaire mentionnée avec une personnel supplémentaire. Toutefois comme évoqué pendant ces deux jours il va falloir suivre les procédures telles que mentionnées ( TT, FullCar, Appro Pro, Auto Parc) plus de plage horaire après 18h30 si plus de client. A toi de t'organiser. (...);
- des déclarations de M. [V] recueillies le 11 mai 2020 à l'occasion de l'enquête diligentée par la caisse d'assurance maladie saisie d'une demande de reconnaissance de maladie professionnelle : ' (...) La saison 2019 a été catastrophique. On n'arrivait pas à recruter. C'était très difficile, on était sur le pôle emploi , mais ça n'allait jamais, sur indeed aussi mais le peu de personne qui s'est présenté est vite reparti. On a aussi envoyé des personnes de notre agence de [Localité 5] sur [Localité 3] pour qu'il puisse se reposer. Mais même avec des remplaçants il ne rentrait pas chez lui, il insistait pour rester et superviser. (...) C'est à cause de son organisation qu'il était amené à faire des heures supplémentaires. (...) Il gardait toutes traces papier de son travail et selon moi cela lui faisait perdre du temps, mais il n'a rien voulu entendre des remarques que je pouvais lui faire. Il est resté dans les années 80 selon moi. C'est-à-dire qu'il travaillait avec beaucoup de papiers au lieu de dématérialiser. Il faisait des tableurs EXCEL en plus de l'utilisation de notre logiciel métier ce qui lui faisait perdre beaucoup de temps.
En fait il recréait des fichiers en plus de ce logiciel pour garder des traces de tout ce qu'il faisait, donc ça lui faisait trois fois plus de travail. (...) Certes il a travaillé 6j/7 certaines fois. Mais il récupérait ses heures supplémentaires en jours de repos donc il les posait pendant les vacances d'hiver. Certes il travaille 8-9h par jour en été mais il ne pointait pas c'est lui qui organisait son emploi du temps. L'année dernière il a effectivement beaucoup travaillé suite aux problèmes de recrutement que nous avons rencontrés. Sa compagne est partie, une saisonnière aussi, la situation a été très tendue oui. (...). M. [E] était quelqu'un de désorganisé, il perdait trop de temps dans la gestion de son travail mais on pouvait tout lui demander. C'était un bon élément mais il n'a jamais voulu s'adapter.';
- des déclarations de M. [B] recueillies le 07 mai 2020 à l'occasion de la même enquête: ' J'ai travaillé avec M. [E] depuis 2001 on était voisins de comptoirs de locations de véhicules au début avant qu'il aille ensuite chez MDS. Je l'ai toujours vu avec une charge de travail importante. Sa pause repas du midi c'était à 15h par exemple. Et il avait commencé sa journée de travail à 5h du matin. Il travaillait le soir aussi, et de nuit régulièrement, à 22h je le voyais partir chercher des clients. Il pouvait commencer ses journées à 4-5 h du matin. En période de pic d'activité il travaillait 7j/7 (...) ';
- des déclarations de M. [D] recueillies dans les mêmes circonstances : ' (...) On était 4 quand je suis arrivé. Ce que je peux dire c'est que les deux jeunes filles ont arrêté en même temps leur activité vers mi juillet 2019, donc on s'est retrouvé à deux et on a eu beaucoup de travail. Une autre personne est arrivée et n'est pas restée longtemps.(...) Oui j'ai vu M. [E] faire des heures supplémnetaires, Surtout à deux, il devait rester pour travailler. Ce qui revenait toujours c'est qu'il était bien embêté de se retrouver à travailler à deux. Il a recruté quelqu'un qui n'est pas restée puis une autre jeune fille qui elle est restée. Il était fatigué. (...) Il travaillait la nuit aussi. Les gens viennent récupérer leur véhicule et notre activité est liée aux vols. Le dernier arrivait à 22h30. Il fallait aller chercher les clients à l'aéroport, faire les papiers, leur montrer le fonctionnement du véhicule. On était seul pour recevoir la nuit. Le matin, on pouvait commencer vers 4h30 car les gens rendaient les véhicules à l'aéroport et l'aéroport ouvrait à 5h. Ca arrivait régulièrement ces horaires. (...) On était en sous effectif mais il y avait une bonne ambiance. Le directeur, Monsieur [V], est aussi venu de [Localité 5] nous aider sur une journée pour que M. [E] puisse se reposer';
- des déclarations de M. [Z] en date du 11 mai 2020: ' Pour ma part j'y suis resté 6 mois, d'avril à octobre 2018. On n'a pas d'horaire en fait, on travaille selon un planning en fonction du nombre de clients et des rendez-vous pris. On peut commencer très tôt et finir très tard. (...) Sur les 6 mois où je suis resté, il (M. [E]) a du prendre un peu moins d'une semaine de repos. Les week end il pouvait être de congés mais je le sollicitais assez régulièrement; (...) On travaillait de nuit jusqu'à 22h30 pour le dernier vol et on pouvait commencer à 4h30. (...) Les heures supplémentaires, oui il y en avait.(...);
- de l'agenda de travail qui était tenu informatiquement sur le site de [Localité 3] qui mentionne pour chaque journée travaillée l'identité des clients, le nom du salarié qui les a pris en charge, l'heure à laquelle ils ont été accueillis ;
- des fiches de pointage;
- des décomptes qu'il a établis à partir de l'agenda de travail et des fiches de pointage, dont il résulte qu'il a effectué au-delà des 39 heures contractuelles, 25,08 heures supplémentaires pour la période du 30 octobre 2016 au 31 décembre 2016, 596,75 heures supplémentaires en 2017, 149,38 heures supplémentaires en 2018, 284,09 heures supplémentaires pour la période du 7 janvier 2019 au 29 septembre 2019.
Il en résulte que M. [E] présente des éléments suffisamment précis pour permettre à la société MDS de répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Pour contester les demandes de son salarié, la société MDS se contente, pour la période antérieure au 26 juin 2017 d'exposer que les interventions réalisées par M. [E] étaient ponctuelles, ne duraient que quelques minutes et ne sont nullement indicatives de la réalité de son temps de travail effectif, pour la période du 27 juin 2017 au 8 mai 2018 de souligner que les jours au titre desquels M. [E] aurait réalisé des heures supplémentaires ne sont pas identifiés l'intéressé se contentant d'indiquer pour chaque semaine les heures supplémentaires prétendument réalisées, et que les heures auxquelles M. [E] embauchait, débauchait et prenait ses pauses ne sont pas connues, pour la période du 9 mai 2018 au 30 septembre 2019 de faire valoir que M. [E] ne l'a jamais informée qu'il réalisait des heures supplémentaires et n'a formulé aucune demande à ce titre, qu'il a lui-même porté les horaires dont il se prévaut, que M. [E] agissait en réalité à sa guise la direction étant basée à [Localité 5], que les données sur lesquelles M. [E] fonde ses demandes recèlent des incohérences majeures, ce qui est manifestement insuffisant à contredire la fiabilité des informations figurant dans l'agenda du centre et les fiches de pointage, encore moins à remplir l'obligation faite à l'employeur, compte-tenu des éléments fournis par le salarié, de justifier des horaires effectivement réalisés par celui-ci, sachant que :
- il ne ressort d'aucun des éléments du dossier que la société MDS a durant la relation de travail mis en cause la réalité de la prestation de travail de M. [E];
- la société MDS ne rapporte pas la preuve que M. [E] ne s'est pas tenu à sa disposition pendant toute la durée des périodes revendiquées;
- le salarié peut revendiquer des heures supplémentaires dont il n'a jamais fait état durant la relation contractuelle ni même réclamées au titre du solde de tout compte;
- les déclarations de son dirigeant lors de l'enquête diligentée par la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde établissent que la société MDS savait que M. [E] effectuait des heures supplémentaires au-delà de celles prévues à son contrat de travail; la preuve d'un rappel à l'ordre par l'employeur à M. [E] afin qu'il change ses méthodes de travail et/ou respecte les horaires de travail convenus contractuellement et/ou ne dorme plus sur le site par convenance personnelle n'est aucunement rapportée ; M. [E] a d'ailleurs été félicité sans réserve au mois d'août 2018 à la réception par l'entreprise des résultats d'une enquête de satisfaction;
- il ne ressort aucune distorsion entre les heures figurant dans les relevés de pointage et le décompte établi par M. [E] - en séminaire pour le compte de l'entreprise les 26,27 et 28 septembre 2018 puis les 25,26 et 27 septembre 2019 - pour les périodes du 14 au 20 mai 2018, du 11 jau 17 juin 2018, du 24 au 30 septembre 2018, du 27 mai 2019 au 2 juin 2019, du 23 au 29 septembre 2019;
- les développements de la société MDS, de première part sur la liberté que M. [E] s'est prétendument octroyée, de deuxième part sur les incohérences entre l'amplitude horaire sur laquelle M. [E] fonde son rappel de salaire et les interventions dont il se prévaut, sont inopérants dès lors qu'il lui incombait en sa qualité d'employeur d'assurer le contrôle des heures de travail effectuées par M. [E];
- en l'état des pièces produites les récupérations se sont portées sur les heures effectuées entre la 36ième et la 39ième heures.
Dès lors, au regard des éléments produits par chacune des parties, il convient de retenir le volume d'heures supplémentaires accomplies par M. [E] tel que fixé dans son décompte, soit 25,08 heures pour le mois de décembre 2016, 596,75 heures pour 2017, 149,38 heures pour 2018, 284,09 heures pour la période du 7 janvier 2019 au 29 septembre 2019 ouvrant droit à un rappel de salaire de 30.225,70 euros et au réglement de la somme de 3022.57 euros pour les congés payés afférents, sommes non discutées dans leur montant, que la société MDS est condamnée à payer. Le jugement déféré est infirmé dans ses dispositions qui déboutent M. [E] de sa demande en rappel de salaire à ce titre.
Sur le travail dissimulé
L'article L.8221-2 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé par dissimulation d'activité, telle que définie par l'article L 8221-3 dudit code, ou par dissimulation d'emploi salarié dans les conditions de l'article L 8221-5.
Aux termes de l'article L 8223-1 du même code , le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L 8221-5 a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
L'indemnité est calculée en tenant compte des heures supplémentaires accomplies par le salarié au cours des six mois précédant la rupture du contrat de travail ( Cass. Soc., 18 octobre 2006, pourvoi n° 05-40.464).
La dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est toutefois caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
En l'espèce il résulte des énonciations qui précèdent que la société MDS a mentionné sur les bulletins de salaire de M. [E] un nombre d'heures supplémentaires inférieur à celui réellement effectué par le salarié.
Le comportement intentionnel de la société MDS apparaît parfaitement caractérisé au regard des déclarations de M. [V] à l'occasion de l'enquête diligentée par la caisse d'assurance maladie de la Gironde, dont il ressort que la direction savait que M. [E] effectuait plus d'heures que celles prévues au contrat de travail.
En conséquence, la société MDS est condamnée au paiement d'une indemnité de 28.763,40 euros [3454,24 + (3454,24 + 656,20) + ( 3454,24 + 1760,32 ) + ( 3454,24 + 2903,30) + ( 3454,24 + 1420,01) + ( 3454,24 + 1298,14) ]. Le jugement déféré est infirmé dans ses dispositions qui déboutent M. [E] de sa demande à ce titre.
Sur la contrepartie obligatoire en repos
Le contingent annuel d'heures supplémentaires est défini par une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche. A défaut d'accord, le contingent annuel d'heures supplémentaires est fixé à 220 heures par salarié.
Le contingent annuel d'heures supplémentaires constitue une limite au-delà de laquelle les obligations mises à la charge des employeurs sont accrues. Ainsi l'article L.3121-30 du code du travail prévoit que les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos.
Ouvrent ainsi droit à la contrepartie obligatoire en repos les heures de travail effectif ou assimilées en vertu de la loi et réellement accomplies; en sont donc ainsi exclus les jours de contrepartie en repos, de repos de remplacement, de réduction du temps de travail, les périodes de congés payés ou autre, les périodes de maladie même rémunérées, les jours fériés chômés et les périodes d'inaction prévues même si elles sont rémunérées en vertu de l'usage ou de l'accord collectif.
Pour les entreprises de moins de 20 salariés la contrepartie obligatoire en repos est de 50 % pour chaque heure effectuée au-delà du contingent.
Le salarié dont le contrat de travail prend fin avant qu'il ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il a droit ou avant qu'il ait acquis des droits suffisants pour pouvoir prendre ce repos reçoit une indemnité en espèces dont le montant correspond à ses droits acquis. Cette indemnité a la nature d'un salaire.
L'article D. 3171-11 du même code, dans sa rédaction issue du décret no2008-1132 du 4 novembre 2008, prévoit : ' A défaut de précision conventionnelle contraire, les salariés sont informés du nombre d'heures de repos compensateur de remplacement et de contrepartie obligatoire en repos portés à leur crédit par un document annexé au bulletin de paie. Dès que ce nombre atteint sept heures, ce document comporte une mention notifiant l'ouverture du droit à repos et l'obligation de le prendre dans un délai maximum de deux mois après son ouverture.'
L'article L.3245-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi no 2013504 du 14 juin 2013, dispose :' L'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.'
Le délai de prescription ne peut courir qu'à compter du jour où le salarié a eu connaissance de ses droits lorsque l'employeur n'a pas respecté l'obligation de l'informer du nombre d'heures de repos compensateur portées à son crédit par un document annexé au bulletin de salaire ( Cass. Soc., 13 février 2013, pourvoi no 11-26.901).
En l'espèce, le contingent annuel d'heures supplémentaires conventionnel est de 130 heures pour le personnel sédentaire.
Si M. [E] ne présente pas d'élément suffisamment précis quant aux heures qu'il prétend avoir effectuées en 2015, de sorte qu'il ne peut pas valablement prétendre à indemnisation pour les heures supplémentaires effectuées prétendûment au-delà du contingent annuel, il ressort des pièces communiquées qu'il a effectué des heures supplémentaires au-delà du contingent annuel, en 2016 (420,22), en 2017 (804,71), en 2018 (357,34 ) et en 2019 (440,06). M. [E], dont aucun des éléments du dossier n'établit qu'il a eu connaissance de ses droits, n'ayant pas bénéficié de la contrepartie obligatoire en repos correspondante, la société MDS est condamnée à lui payer la somme de 27.846 euros et celle de 2784,60 euros pour les congés payés afférents. Le jugement déféré est infirmé dans ses dispositions qui déboutent M. [E] de sa demande à ce titre.
Sur les dimanches et les jours fériés travaillés
Sur les dimanches
Au soutien de sa demande, M. [E] se prévaut de l'agenda de travail qui était tenu informatiquement sur le site de [Localité 3] qui mentionne pour chaque journée travaillée l'identité des clients, le nom du salarié qui les a pris en charge, l'heure à laquelle ils ont été accueillis, et d'un décompte des heures travaillées le dimanche. Il en résulte que M. [E] présente des éléments suffisamment précis pour permettre à la société MDS de répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Pour contester la demande de son salarié, la société MDS se contente de les critiquer au motif, s'agissant de 2016, de 2017 et des six premiers mois 2018 que M. [E] ne s'est jamais plaint durant la relation de travail et qu'il a établi ses décomptes unlilatéralement, s'agissant de la période postérieure que les relevés de pointage n'ont aucune valeur probante, ce qui est manifestement insuffisant à contredire la fiabilité des informations communiquées par le salarié, étant précisé qu'il ne ressort d'aucun des éléments du dossier que la société MDS a durant la relation de travail mis en cause la réalité de la prestation de travail de M. [E], que la société MDS ne rapporte pas la preuve que M. [E] ne s'est pas tenu à sa disposition pendant toute la durée des périodes litigieuses, que le salarié peut revendiquer des heures supplémentaires dont il n'a jamais fait état durant la relation contractuelle ni même réclamées au titre du solde de tout compte, qu'il ne ressort aucune distorsion entre les heures figurant dans les relevés de pointage et le décompte établi par M. [E].
Si la convention collective applicable prévoit des dispositions sur les dimanches travaillés uniquement pour les ouvriers, le contrat de travail de M. [E] mentionne expressément que ' les heures effectuées le dimanche feront également l'objet d'une majoration qui viendra s'ajouter à la rémunération précédemment fixée'. A défaut d'élément pertinent de l'intimée, il est fait droit à la demande et la société MDS est condamnée à payer à M. [E] 8245,44 euros à titre de rappel de salaire, outre 824,54 euros pour les congés payés afférents.
Sur les jours fériés
La rémunération du 1er mai, que ce jour férié soit chômé ou travaillé, est à la charge de l'employeur d'après les dispositions de l'article L.3133-5 et de l'article L.3133-6 du code du travail.
La convention collective applicable prévoit des dispositions sur les jours fériés travaillés uniquement pour les ouvriers.
M. [E] doit, compte-tenu de sa qualification agent de maîtrise et alors que ses décomptes établissent qu'il n'a travaillé un 1er mai ni en 2016, ni en 2017, ni en 2018 ni en 2019, être débouté de sa demande à ce titre, la circonstance que la rémunération de M. [Z], embauché qualification ouvrier, a été majorée au titre des jours fériés travaillés étant inopérante.
Sur les heures de nuit
Tout travail effectué au cours d'une période d'au moins neuf heures consécutives comprenant l'intervalle entre minuit et 5 heures est considéré comme du travail de nuit. La période de travail de nuit commence au plus tôt à 21 heures et s'achève au plus tard à 7 heures.
Est considéré comme travailleur de nuit tout salarié qui accomplit, soit, au moins deux fois par semaine, selon son horaire de travail habituel, au moins trois heures de travail de nuit quotidiennes, soit un nombre minimal d'heures de travail de nuit pendant une période de référence.
Lorsque, au cours d'une même période de référence, le salarié a accompli des heures de travail « en soirée » et des heures de travail de nuit, les heures seront cumulées pour savoir s'il peut être considéré comme travailleur de nuit.
Il ne ressort d'aucun des éléments du dossier que M. [E] a effectué un travail de nuit, les heures qu'il a accomplies entre 21h00 et 24h00 n'y suppléant pas. Le jugement déféré est confirmé dans ses dispositions qui le déboutent de sa demande de rappel de salaire subséquente.
Sur les jours de congés supplémentaires
L'article L.3141-13 du code du travail dispose : 'Les congés sont pris dans une période qui comprend dans tous les cas la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année'.
Selon l'article L.3141-17, la durée des congés pouvant être pris en une seule fois ne peut pas excéder vingt-quatre jours ouvrables; il peut être dérogé individuellement à cette disposition pour les salariés qui justifient de contraintes géographiques particulières ou de la présence au sein du foyer d'un enfant ou d'un adulte handicapé ou d'une personne âgée en perte d'autonomie.
Selon l'article L.3141-18, lorsque le congé ne dépasse pas douze jours ouvrables il doit être continu.
L'article L.3141-19 précise : ' Lorsque le congé principal est d'une durée supérieure à douze jours ouvrables, il peut être fractionné avec l'accord du salarié. Cet accord n'est pas nécessaire lorsque le congé a lieu pendant la période de fermeture de l'établissement. Une des fractions est au moins égale à douze jours ouvrables continus compris entre deux jours de repos hebdomadaire. '
Selon l'article L. 3141-23 du même code : 'A défaut de stipulation dans la convention ou l'accord conclu en application de l'article L. 3141-22 : 1° La fraction continue d'au moins douze jours ouvrables est attribuée pendant la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année ; 2° Le fractionnement des congés au delà du douzième jour est effectué dans les conditions suivantes : a) Les jours restant dus en application du second alinéa de l'article L. 3141-19 peuvent être accordés en une ou plusieurs fois en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année ;b) Deux jours ouvrables de congé supplémentaire sont attribués lorsque le nombre de jours de congé pris en dehors de cette période est au moins égal à six et un seul lorsque ce nombre est compris entre trois et cinq jours. Les jours de congé principal dus au delà de vingt-quatre jours ouvrables ne sont pas pris en compte pour l'ouverture du droit à ce supplément. Il peut être dérogé au présent article après accord individuel du salarié.'.
En application de ces textes, le fractionnement du congé principal de vingt-quatre jours est subordonné à l'agrément du salarié. Cet agrément n'est toutefois pas nécessaire lorsque le congé est accordé à l'occasion de la fermeture de l'établissement et que les délégués du personnel ont délivré un avis conforme.
Il n'est pas discutable, et la société MDS qui soutient que cette situation résultait de la seule demande de M. [E] ne le discute pas, que celui-ci prenait la totalité de ses congés hors la période légale.
Il ne ressort d'aucun des éléments du dossier que ce fractionnement est intervenu avec l'accord du salarié, l'absence de réclamation de sa part n'y suppléant pas.
Il est fait droit à la demande de M.[E], dont l'examen des bulletins de salaire établit qu'il a pris 24 jours de congés en 2018 et 23 jours de congés en 2019. La société MDS est condamnée au paiement de la somme de 687,49 euros et à celle de 68,75 euros pour les congés payés afférents. Le jugement déféré est infirmé dans ses dispositions qui déboutent M. [E] de ses demandes à ce titre.
Sur l'obligation de sécurité
La durée quotidienne de travail effectif par salarié ne peut, sauf exceptions limitativement énumérées par la loi, excéder 10 heures.
Tout salarié, hors les cadres dirigeants et les personnels roulants et navigants des entreprises de transport, a droit à un repos quotidien d'une durée minimale de 11 heures consécutives, sauf exceptions limitativement énumérées par la loi.
Le repos hebdomadaire pour chaque salarié, d'une semaine à l'autre, est d'au moins 24 heures consécutives auxquelles s'ajoutent les 11 heures consécutives de repos quotidien entre deux jours de travail. Dans l'intérêt du salarié, la journée de repos hebdomadaire est le dimanche sauf nécessité impérieuse.
Le non respect du temps de travail et des repos ouvre droit à réparation.
Les décomptes produits par M. [E], à l'encontre desquels la société MDS n'oppose aucun élément pertinent pour les raisons susdéveloppées, établissent que les dispositions relatives à la durée de travail quotidienne et aux repos n'étaient pas respectées.
Le témoignage de M. [Z], s'il atteste de la récupération de l'essence et du diesel dans les réservoirs des véhicules TT et de leur stockage dans des bidons entreposés dans le garage avec l'accord de la direction, est toutefois insuffisant à établir la mise en danger alléguée, étant précisé, de première part que l'arrêté du 1er juillet 2004, outre de ne pas viser l'essence mais le gazole, le fioul domestique, les fuels lourds et le combustible liquide pour les appareils mobiles de chauffage, a pour objet de fixer les prescriptions minimales qui doivent être respectées pour la construction, l'installation, la mise en service, l'entretien, l'approvisionnement et l'abandon des stockages de produits pétroliers, dans le but de préserver la sécurité des personnes et des biens, et de protéger l'environnement, de deuxième part qu'il ne ressort d'aucun des éléments du dossier qu'il était stocké plus de 60 litres à la fois, la seule livraison au mois de novembre 2019 d'une cuve 'de très grande capacité' sans plus de précision n'y suppléant pas.
En l'état des éléments du dossier, la cour dispose des éléments suffisants pour fixer le préjudice subi par M. [E] en raison des manquements de la société MDS à son obligation de sécurité à la somme de 5000 euros.
Sur l'obligation de formation, adaptation et les entretiens professionnels
Selon les dispositions de l'article L. 6321-1 du code du travail, l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail et veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.
Le fait que le salarié n'ait bénéficié d'aucune formation professionnelle continue pendant toute la durée de son emploi dans l'entreprise établit un manquement de l'employeur à son obligation de veiller au maintien de sa capacité à occuper un emploi. ( Cass. Soc., 24 juin 2015, pourvoi no 13.28-460).
Par ailleurs, aux termes de l'article L.6315-1 du code du travail, l'employeur doit faire bénéficier chaque salarié d'un entretien professionnel, tous les deux ans, consacré à l'examen de ses perspectives d'évolution, notamment en termes de qualifications et d'emploi. Cet entretien comporte des informations relatives à la validation des acquis de l'expérience, l'activation du CPF, les abondements de l'employeur à ce compte et le conseil en évolution professionnelle.
Il n'est pas discutable que M. [E] n'a, en plus de quatre années de carrière au sein de la société MDS, bénéficié d'aucune action de formation. Il en ressort que l'employeur n'a pas mis en oeuvre, à l'égard du salarié, de formation telle que prescrite par l'article L. 6321-1 du code du travail, en rapport avec son poste de travail et avec l'évolution possible de son emploi, les développements de la société MDS sur l'absence de réclamation de la part de M. [E] à ce titre et sur l'origine personnelle de ses carences en matière de management étant inopérants.
Il ne ressort d'aucun des éléments du dossier que M. [E], entré dans l'entreprise le 13 janvier 2015, a bénéficié entre le 13 janvier 2017 et son départ de la société d'un entretien professionnel.
Or, le fait de ne pas avoir bénéficié de formations pour maintenir son employabilité ni d'entretiens professionnels a fait perdre une chance à M. [E] de retrouver rapidement un emploi à la suite de son licenciement.
Par conséquent, il convient d'indemniser le préjudice de perte de chance subi par M.[E] à hauteur de 2000 euros et de condamner la société MDS à payer cette somme, à titre de dommages et intérêts.
II - SUR LES DEMANDES AU TITRE DE LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL
Sur le bien-fondé du licenciement
Il résulte des dispositions de l'article L.1235-1 du code du travail, qu'en cas de litige sur les motifs du licenciement d'un salarié, il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur et de former sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Par ailleurs la faute grave, privative du droit au délai-congé et à l'indemnité de licenciement, résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et nécessite la rupture immédiate des relations contractuelles.
Aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu, dans le même délai, à l'exercice de poursuites pénales.
Un fait antérieur de plus de deux mois à l'engagement des poursuites disciplinaires peut être invoqué par l'employeur à l'appui d'un licenciement pour d'autres faits procédant d'un comportement identique commis dans le délai de prescription, soit à moins de deux mois.
Le délai de deux mois prévu par l'article L. 1332-4 susvisé ne court à compter du jour où l'employeur a une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits fautifs reprochés au salarié.
Lorsque les faits sanctionnés par le licenciement ont été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires et que la prescription des faits fautifs est opposée par le salarié, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement des poursuites, faute de quoi les faits sont considérés comme prescrits.
En l'espèce, la lettre du 30 octobre 2019, qui fonde le licenciement et fixe les limites du litige, est libellée comme suit:
' Monsieur,
Suite à l'entretien préalable qui s'est déroulé le 22 octobre dernier, durant lequel vous étiez assisté de Monsieur [H] [P], délégué du personnel, par la présente nous vous notifions votre licenciement pour faute grave, pour les faits que nous avons évoqués lors de cet entretien et que nous vous rappelons ci-après.
Au dernier état de nos relations contractuelles vous exercez à temps plein les fonctions de Responsable du site de [Localité 6].
Vous avez, dans ce cadre, pour missions principales de manager une équipe dans le respect des basiques comportementaux inhérents à toute relation de travail et des instructions et consignes particulières qui vous sont données.
Pour autant, nous avons été alertés quant à votre comportement déviant, inadapté et fauduleux, totalement incompatible avec la nature et l'importance des missions et responsabilités qui vous sont dévolues et la confiance que suppose l'exercice de vos fonctions.
Vos fautes graves répétées se sont ainsi matérialisées, tant à l'égard des collaborateurs de l'agence dont vous êtes le Responsable qu'à l'égard de tiers, en vue de vous octroyer dans la plus grande discrétion des avantages personnels totalement indus, au préjudice de notre Société.
1- Votre comportement inadapté à l'égard des collaborateurs de l'agence de [Localité 6]
A l'occasion de plusieurs déplacements au sein de l'agence de [Localité 6], dont le dernier en date du 2 au 4 octobre 2019, afin de renforcer l'effectif de l'équipe, Madame [T] [J], déléguée du personnel, a été alertée par différents salariés de l'agence, de brimades et du comportement despotique dont ils étaient régulièrement victimes.
En effet vous rabaissez et dénigrez systématiquement le travail des collaborateurs placés sous votre responsabilité, engendant un mal-être, un stress et une anxiété non acceptables.
A titre d'illustrations topiques, les différents témoiganges que Mme [J] a recueillis mettent notamment en lumière que:
- Vous privez systématiquement et illégitimement les salariés en postes des codes d'accés au poste informatique de l'agence, exerçant ainsi un contrôle abusif de leur activité qui fait directement obstable à l'exercide de leurs missions et affecte directement le bon fonctionnement de notre agence.
Lors de l'entretien préalable, vous avez tenté de justifier votre attitude en affirmant que l'utilisation du matériel informatique ' n'est pas possible parce qu'ils sont susceptibles de faire de mauvaises manipulations et effacer des données importantes'.
Force est de constater que nous avons déjà alerté sur ce point, à plusieurs reprises.
- Vous prenez régulièrement prétexte de motifs futiles pour contacter les collaborateurs de l'agence en dehors de leurs horaires de travail.
Par exemple, le 01 octobre 2019, alors qu'au cours de semaines précédentes, vous aviez déjà dérangé Mme [I] pour des raisons similaires, vous avez contacté Mme [A] [X], qui avait terminé sa journée de travail, pour lui reprocher de ne pas avoir assez baissé le volume de la radio dans un véhicule en présence de clients.
Cette dernière vous a alors légitimement demandé de ne pas l'importuner en dehors de ses horaires de travail pour évoquer un détail aussi insignifiant.
Qui plus est, le lendemain, alors que vous étiez en congé, vous vous êtes exclusivement rendu dans les locaux de l'agence pour reprocher à Mme [X], de part la réponse qu'elle vous avait faite, d'avoir ' gâché votre nuit de sommeil' ...
- A plusieurs reprises, vous avez convoqué des salariés de l'agence dans votre bureau au seul et unique motif qu'ils n'avaient pas utilisé le bon surligneur ou celui de la couleur adéquate pour remplir un document.
- Vous tenez des propos désobligeants, excédant le cadre professionnel à l'égard de vos collaborateurs.
Un tel comportement s'était d'ores et déjà illustré à l'égard de Mmes [I] et [L] qui d'ailleurs, depuis lors, ont quitté notre société.
Per exemple, le 16 juillet 2019, vous aviez déjà tenu des propos inacceptables à l'égard de Mme [I] qui avait sollicité une rupture conventionnelle de son contrat de travail : ' quand est-ce que tu dégages (...) on n'a pas besoin de toi ici'.
Dans le même sens un message électronique du 29 septembre 2019, Mme [L] relatait une conversation téléphonique du 01 août 2019 avec Mme [I] à son sujet : ' elle est vraiment faible, ce poste n'est pas pour elle. Je voulais lui proposer la rupture d'un commun accord mais de suite elle m'a bloqué en me demandant ses heures pour son retour de travail. Et tu sais qu'elle n'a même pas eu honte de demander ses tickets restaurant , c'est du n'importe quoi'.
Dans ce cadre, vous comprendrez aisément qu'un tel comportement, particulièrement dégradant, associé à une absence totale de remise en question malgré nos multiples rappels à l'ordre, est totalement incompatible avec votre maintien au sein de notre société.
2 - Manoeuvres visant à vous enrichir personnellement
Par ailleurs, nous avons découvert vos manoeuvres consistant à détourner le matériel et les biens de l'entreprise en vue de vous octroyer des avantages personnels indus.
Précisément, pendant la première quinzaine du mois de septembre 2019, quand bien même vous n'êtes pas sans ignorer qu'il est strictement réservé au ravitaillement de nos véhicules, vous avez proposé à la responsable de la société ROADSURFER et son employé - qui partagent nos locaux - de leur vendre du carburant moyennant un paiement en espèces.
Autrement dit, sans obtenir au préalable la moindre autorisation de notre part vous avez utilisé un bien appartenant à notre Société, en vue de vous octroyer une avantage financier totalement indu au préjudice de notre entreprise.
A cet égard, lors de l'entretien préalable, vous avez reconnu les faits, tout en contestant avoir sollicité de l'argent en échange.
Néanmoins, à supposer que votre version des faits soit exacte - ce que nous contestons puisque Mme [K] [R] et Monsieur [S] [F] affirment que vous avez sollicité en contrepartie le versement d'une somme d'argent qu'ils n'ont pu matériellement vous remettre du seul fait de votre absence - votre manquement demeure gravement fautif en ce que vous avez détourné un bien appartenant à la société.
De même, nous avons découvert, qu'à l'aide du minibus de l'agence en présence de Mme [I], sans nous en informer, que vous vous êtes rendu à [Localité 4] pour récupérer un véhicule de transit temporaire mis à la disposition d'un client moyennant le paiement d'une somme en espèces.
Dans ce cadre, vous comprendrez aisément que que ne pouvons tolérer des faits d'une telle gravité, totalement inacceptables.
Dans ces circonstances, la poursuite de notre collaboration s'avère impossible y compris pendant la durée de votre préavis.
(...)'.
Il en ressort que M. [E] a été licencié, de première part en raison de son comportement envers ses collaborateurs, de deuxième part pour avoir cédé moyennant rémunération du carburant appartenant à la société MDS.
a) Sur le comportement de M. [E] à l'égard des collaborateurs de l'agence de [Localité 6]
La société MDS lui reproche à ce titre des brimades et un comportement despotique, générant un mal être, un stress et de l'anxiété, envers Mme [I], Mme [L] et Mme [X].
La société MDS ne rapporte la preuve, le rapport complémentaire établi par Mme [J] qu'aucun élément objectif ne conforte n'y suppléant pas, :
- ni du refus de M. [E] de communiquer aux intéressées les codes d'accés au poste informatique, étant précisé que ce reproche ne figure dans aucun des courriels que Mme [I] et Mme [L] ont adressés à l'employeur, le 16 juillet 2019 pour la première, le 29 septembre 2019 pour la seconde;
- ni du comportement inadapté de M. [E] envers Mme [X] les 1er et 2 octobre 2019, étant observé au surplus que les messages produits par M. [E] témoignent des relations amicales entre les deux;
- ni que M. [E], qui le conteste, a convoqué les salariées concernées pour des motifs futiles, par esprit de brimade, étant précisé que M. [E] indique sans être aucunement, contredit que les codes couleurs font partie intégrante des procédures en vigueur dans l'entreprise.
La société MDS ne rapporte pas la preuve d'avoir pris connaissance des propos sur Mme [L] prêtés à M. [E] au cours des deux mois précédant l'engagement de la procédure de licenciement, le courriel de Mme [L], qui avait déjà quitté l'entreprise à la date du 29 septembre 2019, n'y suppléant pas, étant précisé qu'il ressort par ailleurs des éléments du dossier, d'une part que Mme [I] à laquelle ils ont été tenus a été arrêtée le 18 juillet 2019 et n'a jamais repris le travail, d'autre part que Mme [J] avait reçu les doléances de Mme [L] en même temps que celles de Mme [I] lors de son séjour sur l'agence les 23 et 24 juillet 2019 et les avait rapportées à l'employeur dans un mail du 26 juillet 2019.
La société MDS, dont les échanges de mails avec l'intéressée entre le 16 et le 19 juillet 2019 établissent qu'elle en a été informée à cette date, qui ne justifie d'aucune investigation dans les deux mois qui ont suivi la visite sur site de Mme [J] les 23 et 24 juillet 2019, ne peut valablement fonder le licenciement de M. [E] sur les propos tenus à Mme [I], ces derniers étant prescrits.
b) Sur les manoeuvres d'enrichissement personnel
Dans son témoignage en date du 29 octobre 2019, Mme [R] atteste: ' Durant la semaine 38 (mi-septembre) [M] [E] et moi avons convenu d'un accord financier à moindre coût pour la vente de carburant. Contre rémunération prévue, il a rempli le réservoir de mon véhicule personnel et a noté le nombre de litres pour faire le paiement ultérieurement car il allait aussi en mettre à mon collègue Monsieur [F]. Plusieurs jours se sont écoulés et je ne l'ai jamais revu. Il n'a donc reçu mon paiement pour le carburant, mais il aurait dû s'il était revenu.(...)'.
Dans son témoignage du même jour M.[F] atteste ' (...) Avoir reçu a priori gratuitement environ 50 l de gazoil par le biais de Mr [E] ' et n'avoir ' appris que par la suite qu'il commercialisait ce carburant '.
M. [Z], en CDD pour la société MDS du 27 avril 2018 au 31 octobre 2018, et M. [D], en CDD pour la société du 20 juin 2019 au 15 septembre 2019, témoignent, pour le premier '(...) Dans notre organisation, il y avait un tri des véhicules TT de retour afin de prélever du carburant. Cette opération était effectuée par Mme [O] [I] et le carburant stocké dans de grands bidons bleus dans le garage. Ceci permettant d'alimenter les navettes ainsi que les véhicules du personnel. Durant cette période je n'ai pas eu besoin de me rendre à une station service. Cette façon de faire était validée par la direction qui vient régulièrement sur le site.(...)', pour le second ' (...) M. [E] m'a également proposé de m'offrir du carburant qui était récupéré par lui ou Melle [I] à la restitution des véhicules. Aucune somme ne m'a jamais été demandée et il en allait ainsi pour tout le personnel.(...)'. Il en ressort que seul le personnel bénéficiait avec l'accord de la direction du carburant stocké dans les locaux de l'entreprise.
Si la société MDS affirme avoir découvert que M. [E] s'était rendu en compagnie de Mme [I] à [Localité 4] afin de récupérer un véhicule pour le compte d'un client moyennant rémunération, elle ne rapporte aucunement la preuve de ce qui relève en l'état d'une simple allégation, de plus fort à la lecture du témoignage de Mme [I] produit par M. [E] ( pièce appelant n° 37).
La cession de carburant à des tiers à l'entreprise sans autorisation de l'employeur caractérise de la part de M. [E], de plus fort en sa qualité de Responsable d'agence, un manquement à ses obligations contractuelles d'une gravité telle qu'elle rendait immédiatement impossible son maintien dans l'entreprise.
Le jugement déféré est confirmé dans ses dispositions qui jugent bien fondé le licenciement pour faute grave de M. [E].
Sur les conséquences financières du licenciement
Le licenciement de M. [E] reposant sur une faute grave pour les raisons susmentionnées, le jugement déféré mérite confirmation dans ses dispositions qui déboutent M. [E] de ses demandes en rappel de salaire, au titre des indemnités de rupture et en dommages et intérêts pour licenciement abusif.
Sur les dommages et intérêts pour préjudice distinct
La demande en restitution du véhicule mis à sa disposition, l'engagement de la procédure de licenciement pendant la suspension de son contrat de travail et le libellé de la lettre de licenciement ne caractérisent aucun manquement de la part de la société MDS envers M. [E] susceptible d'engager sa responsabilité, dès lors qu'il ne ressort pas des éléments du dossier que M. [E], alors en arrêt de travail, utilisait ledit véhicule dans sa vie personnelle, que l'employeur ayant fait le choix d'engager le licenciement de M. [E] pour faute grave était soumis aux dispositions de l'article L.1332-4 du code du travail, que la qualification du licenciement relève du choix de l'employeur. Le jugement déféré est confirmé dans ses dispositions qui déboutent M. [E] de sa demande de ce chef.
III - SUR LES FRAIS DU PROCES
La société MDS, qui succombe, doit les dépens de première instance, le jugement déféré étant infirmé de ce chef, ainsi que les dépens d'appel, au paiement desquels elle est condamnée en même temps qu'elle est déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité commande de ne pas laisser à M. [E] la charge de ses frais irrépétibles. En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la société MDS est condamnée à lui payer la somme de 3500 euros.
Il n'y a pas lieu de se prononcer actuellement sur les frais d'exécution forcée d'une décision dont l'exposé reste purement hypothétique et qui sont réglementés par l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution qui prévoit la possibilité qu'ils restent à la charge du créancier lorsqu'il est manifeste qu'ils n'étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés, étant rappelé qu'en tout état de cause, le titre servant de fondement à des poursuites permet le recouvrement des frais d'exécution forcée.
IV - SUR LES AUTRES DEMANDES
Les condamnations porteront intérêts au taux légal, à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes pour les créances salariales, à compter de la présente décision pour les créances indemnitaires
En application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêts.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme la décision déférée dans ses dispositions qui déboutent M. [E] de sa demande en requalification du licenciement en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sa demande au titre des indemnités de rupture, de ses demandes en dommages et intérêts pour licenciement abusif et licenciement vexatoire, de ses demandes en rappel de salaire au titre de la mise à pied, des jours fériés et du travail de nuit;
Infirme la décision déférée pour le surplus de ses dispositions et y ajoutant,
Condamne la société MDS à payer à M. [E] :
- 30.225,70 euros au titre des heures supplémentaires effectuées au-delà de la 39ième heure et 3022.57 euros pour les congés payés afférents
- 28.763,40 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé
- 27.846 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos et 2784,60 euros pour les congés payés afférents
- 8245,44 euros au titre des dimanches travaillés et 824,54 euros pour les congés payés afférents
- 687,49 euros au titre des jours de congés supplémentaires et 68,75 euros pour les congés payés afférents
- 5000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qui a résulté des manquements de l'employeur à l'obligation de sécurité
- 2000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qui a résulté des manquements de l'employeur en matière de formation et d'entretiens professionnels;
Condamne la société MDS aux dépens de première instance et d'appel; en conséquence la déboute de sa demande au titre de ses frais irrépétibles;
Condamne la société MDS à payer à M. [E] 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
Dit n'y avoir lieu à statuer sur les frais éventuels d'exécution;
Dit que les condamnations porteront intérêts au taux légal, à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes pour les créances salariales, à compter de la présente décision pour les créances indemnitaires;
Dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêts.
Signé par Marie-Paule Menu, présidente et par Sylvaine Déchamps, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
S. Déchamps MP. Menu
CHAMBRE SOCIALE - SECTION B
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ARRÊT DU : 25 JANVIER 2024
PRUD'HOMMES
N° RG 22/02136 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MVWF
Monsieur [M] [E]
c/
S.A.S. MDS
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée aux avocats le :
à :
Me Carole LECOCQ-PELTIER, avocat au barreau de BORDEAUX
Me Claire MORIN de la SCP DACHARRY & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 avril 2022 (R.G. n°F 20/00453) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 29 avril 2022,
APPELANT :
[M] [E]
né le 19 Janvier 1974 à [Localité 7]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 2]
Représenté et assisté par Me Carole LECOCQ-PELTIER, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
S.A.S. MDS prise en la personne de son représentant légal [Adresse 1]
Représentée par Me Claire MORIN de la SCP DACHARRY & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
Assistée par Me PRECLOUX substituant Me GUY de la SELARL BGU avocats, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 907 et 805 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 15 novembre 2023 en audience publique, devant Madame Marie-Paule Menu, présidente, chargée d'instruire l'affaire et Madame Valérie Collet, conseillère, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés,.
Ces magistrats a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Paule Menu, présidente,
Madame Sophie Lésineau, conseillère,
Madame Valérie Collet, conseillère,
greffière lors des débats : Sylvaine Déchamps,
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
Le délibéré a été prorogé en raison de la charge de travail de la Cour.
EXPOSE DU LITIGE
FAITS ET PROCEDURE
La société MDS a engagé M. [G] [E] à compter du 13 janvier 2015 en qualité de Responsable de site, statut agent de maîtrise, coefficient 115 V de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950. La durée de travail était fixée à 169 heures mensuelles soit 39 heures par semaine et la rémunération à la somme de 3454,24 euros brut, en ce compris la majoration de 25% pour les heures effectuées de la 36ième à la 39ième heure. M. [E] était affecté à l'aéroport de [Localité 3]-[Localité 6].
Un arrêt de travail a été prescrit à M. [E] au motif d'un syndrome dépressif - burn out le 4 octobre 2019, jusqu'au 19 octobre 2019.
Le 8 octobre 2019, la société MDS a adressé deux courriers à M. [E], le premier pour le convoquer à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour faute grave fixé au 22 octobre 2019 et l'informer qu'il était mis à pied à titre conservatoire,le second pour lui demander de faire le nécessaire afin de restituer le véhicule de service mis à sa disposition.
M. [E] a été licencié pour faute grave par un courrier du 30 octobre 2019.
Estimant son licenciement abusif et considérant qu'il n'avait pas été entièrement rempli de ses droits en matière salariale, M. [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux le 21 avril 2020.
Le conseil de prud'hommes de Bordeaux a débouté M. [E] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens en même temps qu'il a rejeté la demande de la société MDS au titre de ses frais irrépétibles, par un jugement du 8 avril 2022.
M. [E] en a relevé appel par une déclaration du 29 avril 2022.
L'ordonnance de clôture est en date du 17 octobre 2023.
L'affaire a été fixée à l'audience du 15 novembre 2023, pour être plaidée.
PRETENTIONS ET MOYENS
Par ses dernières conclusions, transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 16 octobre 2023, M. [E] demande à la cour de :
' - infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit et jugé
* que le licenciement de M. [E] repose sur des faits caractérisés relevant de la faute grave
* qu'il n'est pas démontré l'existence d'heures supplémentaires pour la période du 23 avril 2017 au 30 septembre 2019
* qu'il n'est pas démontré l'existence d'heures de travail du dimanche, jours fériés, et de nuit
* rejeté la demande au titre de la contrepartie en repos pour dépassement du contingent d'heures supplémentaires
* rejeté les demandes au titre des jours de congés fractionnés
* rejeté la demande au titre du non respect des seuils de plafonds et des dispositions relatives à la durée du travail et du non respect de l'obligation de sécurité de résultat
* rejeté la demande au titre du non respect de l'obligation de formation, adaptation et à l'obligation des entretiens professionnels
* rejeté la demande au titre du travail dissimulé
* débouté M. [E] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions
* condamné M. [E] aux dépens
* débouté M. [E] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile; statuant de nouveau,
- condamner la société MDS à lui verser les sommes de :
* 729,84 euros au titre des heures supplémentaires de décembre 2016
* 72,98 euros au titre des congés payés afférents
* 17 199,59 euros au titre des heures supplémentaires de l'année 2017
* 1 719,96 euros au titre des congés payés afférents
* 4 177,78 euros au titre des heures supplémentaires de l'année 2018
* 417,78 euros au titre des congés payés afférents
* 8 118,44 euros au titre des heures supplémentaires de l'année 2019
* 811,84 euros au titre des congés payés afférents
* 29 278 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos pour dépassement
du contingent annuel d'heures supplémentaires
* 2 927,80 au titre des congés payés afférents
* 31 968,35 euros à titre d'indemnité forfaitaire de travail dissimulé
* 8 245,44 euros au titre des majorations pour travail le dimanche
* 824,54 euros au titre des congés payés afférents
* 1 716,77 euros au titre des majorations des jours fériés
* 171,68 euros au titre des congés payés afférents
* 1 267,33 euros au titre des majorations pour travail de nuit
* 126,73 euros au titre des congés payés afférents
* 687,49 euros au titre des jours de congés payés dus en raison du fractionnement des congés en incluant les heures supplémentaires
* 68,75 euros au titre des congés payés afférents
* 15 000 euros à titre de dommages intérêts pour non-respect des seuils et
plafond et des dispositions relatives à la durée de travail et non-respect de
l'obligation de sécurité de résultat ;
* 5 000 euros à titre de dommages intérêts pour non-respect des obligations de
formation, adaptation et à l'organisation des entretiens professionnels;
- juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et a été prononcé en l'absence de toute faute grave
- condamner la société MDS à verser à M. [E] les sommes de :
* 6 549,07 euros à titre d'indemnité de licenciement
* 3 953,08 euros au titre du salaire retenu pendant la mise à pied conservatoire
* 395,31 euros au titre des congés payés afférents
* 10 656,12 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
* 1 065,61 euros au titre des congés payés afférents
* 26 640,29 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause
réelle et sérieuse
* 4 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du caractère particulièrement vexatoire du licenciement;
- ordonner à la société M.D.S. de remettre à M. [E] sous astreinte de 100 euros par jour de retard les bulletins de salaires rectifiés mentionnant son statut d'agent de maîtrise outre les rappels de salaire dus, l'attestation pôle emploi rectifiée selon les termes du jugement à intervenir;
- condamner la société M.D.S à verser à M. [E] une somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- condamner la société M.D.S. aux entiers dépens d'instance et frais éventuels d'exécution;
- condamner la société M.D.S au règlement des intérêts légaux à compter de la convocation de l'employeur devant le conseil de prud'hommes, avec capitalisation.
M. [E] fait valoir en substance que :
- son contrat de travail ayant été rompu le 30 octobre 2019, il est fondé en application des dispositions de l'article L.3245-1 du code du travail à solliciter des rappels de salaire pour la période remontant à compter du 30 octobre 2016;
- les salariés de l'agence de [Localité 6] n'étaient pas soumis à un horaire collectif et il a dû pour sa part, compte-tenu de la nature de l'activité - offrir une prestation de stationnement aux voyageurs pendant leur séjour hors de [Localité 3], mettre un véhicule de transit temporaire (véhicule TT en suivant) à la disposition des voyageurs pendant leur séjour à [Localité 3] - et de l'organisation mise en place par la société consistant à fonctionner avec un effectif minimum, effectuer de nombreuses heures supplémentaires pour lesquelles il n'a perçu aucune rémunération et qui n'ont fait, sauf à de très rares exceptions, l'objet d'aucune récupération ;
- la société MDS, qui l'a délibérément écarté de la procédure de pointage à laquelle les autres salariés étaient soumis, ne peut pas valablement soutenir que la non inscription de la totalité des heures supplémentaires qu'il a effectuées relève d'une simple omission dès lors qu'il ressort des éléments du dossier qu'il était confronté à une surcharge de travail structurelle, les clients étant accueillis 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 ;
- il est fondé, le contingent annuel d'heures supplémentaires ayant été dépassé et se décomptant par année civile, à être indemnisé au titre de la contrepartie obligatoire en repos;
- il n'a pas perçu la majoration prévue à son contrat de travail pour les dimanches travaillés, ni celle dont les autres salariés bénéficiaient pour les jours fériés travaillés;
- il n'a pas bénéficié de la majoration de 25 % que la société MDS appliquait aux autres salariés aux heures de nuit;
- il a été contraint de prendre la totalité de ses congés en dehors de la période légale et n'a pas bénéficié des deux jours ouvrables de congés supplémentaires aussi bien en 2017 qu'en 2019 ;
- il est fondé à demander la réparation du préjudice qui a résulté des violations par l'employeur des dispositions relatives à la durée de travail quotidienne maximale, au temps de repos entre deux périodes de travail, au repos habdomadaire et aux normes applicables en cas d'exposition à des matières dangereuses, qui caractérisent autant de manquements à l'obligation de sécurité ;
- l'absence d'action de formation et l'absence d'entretien professionnel lui ont causé un préjudice - il n'a ainsi jamais été augmenté et a été privé de toute possibilité d'évolution - dont il est fondé à demander la réparation ;
- s'agissant du licenciement,
* le rapport dont la société MDS se prévaut est en réalité destiné à contourner les règles de prescription puisque Mme [J] qui était présente sur site les 23 et 24 juillet 2019 n'a pas pu ne pas entendre les doléances de Mme [I] et de Mme [L] à son encontre, dont la société se prévaut; les faits envers celles-ci allégués sont donc prescrits
* la société MDS ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de la réalité des griefs dont elle s'est saisie pour procéder à son licenciement, encore moins de leur gravité, car si un rapport d'enquête peut être utilisé comme mode de preuve c'est à la condition qu'il ne consiste pas pour l'employeur à se constituer une preuve à lui-même ; en l'espèce, M. [P] et Mme [J] étaient en réalité présents sur le site entre le 1er et le 4 octobre 2019, uniquement afin de lui permettre de prendre quatre jours de repos et ils n'ont procédé à aucune enquête; il n'a d'ailleurs pas même été entendu
* il est faux de prétendre qu'il refusait de donner aux salariés les codes d'accés au poste informatique, sauf à imaginer qu'il était dénué de bons sens
* s'il a pu rappeler l'importance des codes couleurs qui font partie des procédures en vigueur dans la société, il n'a jamais convoqué ses collaborateurs à ce titre
* la preuve d'un échange hors temps de travail avec Mme [X] le 1er octobre 2019 n'est pas plus rapportée, sachant qu'ils étaient amis avant même qu'elle ne soit engagée par la société MDS
* il n'a commis aucun des faits mentionnés en juillet 2019 par Mme [I], avec laquelle il venait de rompre, et l'employeur, qui n'a pas jugé utile d'en vérifier la matérialité car il savait que la salariée cherchait en réalité à optimiser les conditions de son départ dans le cadre de la rupture conventionnelle sur le principe de laquelle les parties étaient d'accord, n'en rapporte pas la preuve
* outre qu'il n'a pas tenu les propos que Mme [L] lui attribue, le procédé consistant à faire écouter une conversation à un tiers à l'insu de son auteur est illégal
* M.[D], qui était en poste en même temps qu'elles, atteste que Mme [I] et Mme [L] n'ont rien laissé paraître des griefs dont l'employeur se prévaut
* Mme [X] n'a aucument confirmé les propos que Mme [J] lui prête
* il n'a jamais vendu de carburant appartenant à la société à qui que ce soit ; il en récupérait en revanche à la demande de la société MDS - qu'il stockait dans des bidons - dans les réservoirs des véhicules TT appartenant aux constructeurs, l'essence alimentant le véhicule de service mis à sa disposition et le diesel les navettes servant à transporter les clients; il a donné les 60 litres mentionnés dans la lettre de licenciement parce que la capacité maximale des bidons était atteinte, ce dont l'employeur, qui s'est fait livrer une cuve de très grande capacité au mois de novembre 2019, était parfaitement avisé
* les indemnités de rupture, les dommages et intérêts pour licenciement abusif et le rappel de salaire correspondant à la mise à pied doivent être calculés sur la base de la moyenne du salaire,incluant les heures supplémentaires, des trois derniers mois d'activité
* le préjudice qui a résulté de la perte de son emploi est d'autant plus important que son parcours au sein de la société était exempt d'incident, que son état de santé dégradé l'a empêché de reprendre une activité professionnelle et qu'il n'a perçu jusqu'au mois de juin 2021 que les indemnités journalières, que la perte financière s'est poursuivie lorsque Pôle Emploi a commencé de l'indemniser, qu'il a retrouvé un emploi le 17 avril 2023 uniquement, à l'issue d'une formation et au prix d'une importante baisse de rémunération
* il est fondé à demander la réparation du préjudice moral qui a résulté de la brutalité de l'employeur à l'occasion du licenciement, qui n'a pas hésité le même jour et alors qu'il était en arrêt de travail à le sommer de lui restituer le véhicule mis sa disposition
et à le convoquer à un entretien préalable, sans avoir cherché à entendre ses explications, puis à se prévaloir d'un comportement déviant, inadapté, frauduleux et despotique;
- il serait inéquitable qu'il conserve la charge des frais qu'il a dû engager pour simplement faire valoir ses droits.
Par ses dernières conclusions, transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 13 octobre 2023, la société MDS demande à la cour de :
' - confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bordeaux en date du 8 avril 2022, en ce qu'il a :
* jugé que le licenciement de M. [E] repose sur des faits caractérisés relevant de la faute grave
* jugé qu'il n'est pas démontré l'existence d'heures supplémentaires pour la période du 23 avril 2017 au 30 septembre 2019
* jugé qu'il n'est pas démontré l'existence d'heures de travail les dimanches, jours fériés et de nuit
* rejeté la demande au titre de la contrepartie en repos pour dépassement du contingent d'heures supplémentaires
* rejeté les demandes au titre de jours de congés fractionnés
* rejeté la demande au titre de non-respect des seuils et plafond et des dispositions relatives à la durée du travail et non-respect de l'obligation de sécurité de résultat
* rejeté la demande au titre de non-respect des obligations de formation, adaptation et à l'organisation des entretiens professionnels
* rejeté la demande de M. [E] présentée au titre du travail dissimulé
* débouté M. [E] de l'ensemble de ses demandes en ce compris de sa demande au titre de l'article 700 et des entiers dépens; en conséquence,
- débouter M. [E] de toutes demandes,
- condamner M. [E] au paiement d'une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [E] aux dépens.'.
La société MDS fait valoir en substance que :
- s'agissant des heures supplémentaires,
* M. [E] confond temps de présence dans l'entreprise à des fins personnelles et temps de travail effectif
* M. [E] en fonction des périodes, soit ne produit aucun élément soit produit des éléments impropres à étayer sa demande
* pour la période antérieure au 26 juin 2017, l'agenda du centre, à supposer qu'il émane effectivement du logiciel interne à l'entreprise, ne fait ainsi état que d'interventions ponctuelles, en nombre limité, exclusives de la réalité du temps de travail effectif de M. [E]
* pour la période du 27 juin 2017 au 8 mai 2018, le tableau de type excel qu'aucun élément extérieur ne vient étayer - l'extraction de l'agenda du centre ne faisant état que d'interventions ponctuelles, en nombre limité, exclusives de la réalité du temps de travail effectif de M. [E] -, ne constitue pas un commencement de preuve, en ce que les jours au titre desquels M. [E] aurait effectué des heures supplémentaires ne sont pas clairement identifiés M. [E] se contentant d'indiquer le nombre d'heures supplémentaires prétendument exécutées chaque semaine, en ce qu'il ne mentionne ni l'heure à laquelle M. [E] embauchait ni celle à laquelle il débauchait ni les temps de pause
* pour la période du 9 mai 2018 au 30 septembre 2019, les relevés de pointage sont tout aussi impropres à établir la réalisation d'heures supplémentaires étant observé que M. [E] ne l'a jamais informée des heures dont il réclame maintenant le paiement, qu'ils sont renseignés par M. [E] lui-même, qu'ils ne mentionnent pas les temps de pause, qu'ils recèlent des incohérences majeures;
- M. [E] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'une volonté délibérée de sa part de dissimuler la réalité de son temps de travail;
- la demande de M. [E] au titre de la contrepartie obligatoire en repos est à la fois non fondée, en l'absence d'heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires conventionnel, et exorbitante puisqu'elle porte sur la totalité de l'année 2016, en violation des règles de la prescription triennale, et de l'année 2019, en dépit de son départ de l'entreprise en cours d'année, qu'elle est calculée sur un taux horaire erroné, que M. [E] y associe une demande de congés payés alors qu'elle n'a pas le caractère d'un salaire;
- M. [E] ne fournit aucun élément au soutien de sa demande au titre des dimanches si ce n'est un tableau établi pour les besoins de la cause et non étayé; il n'a d'ailleurs jamais formulé la moindre demande avant la rupture de son contrat de travail; sa demande doit donc être rejetée, à tout le moins réduite à de plus justes proportions;
- M. [E] doit être débouté sa demande au titre des jours fériés travaillés puisque la majoration n'est prévue que pour le 1er mai et qu'il n'a pas travaillé ce jour sur la période considérée;
- M. [E], dont les décomptes n'ont aucune force probante, ne remplissait pas les conditions légales prévues pour le travail de nuit;
- M. [E] prenait ses congés en dehors de la période légale par choix et il a été entièrement rempli de ses droits puisqu'il a pris 7 semaines de congés payés soit 10 jours de plus que les congés légaux en 2018 et 6 semaines de congés payés en 2019 soit 5 jours de plus que les congés légaux;
- M. [E] ne rapporte pas la preuve de la violation des dispositions relatives à la durée de travail quotidienne maximale, au temps de repos quotidien entre deux périodes de travail consécutives et au temps de repos hebdomadaire dont il se prévaut; il est malvenu, ayant exigé de prendre ses congés en dehors de la période estivale et ayant bénéficié d'un nombre de jours de congés supérieur à la duré légale, de prétendre qu'elle ne respectait pas les périodes légales de congés; il ne justifie aucunement d'avoir été exposé à des matières dangereuses; il ne rapporte pas plus la preuve que l'altération de son état de santé résulte des manquements qu'il lui prête;
- outre qu'il ne justifie pas du préjudice dont il réclame la réparation à ce titre, M. [E] n' a jamais exprimé le besoin d'une formation; les basiques comportementaux qui lui font défaut dans ses relations aux autres n'ont dans tous les cas pas vocation à être enseignés dans le cadre de formations professionnelles;
-s'agissant du licenciement de M. [E],
* M. [E] ne peut valablement se prévaloir de la prescription de l'article L.1322-4 du code du travail en ce qu'elle n'a pris connaissance de son comportement envers Mme [X], identique au demeurant à celui envers Mme [I] et Mme [L], qu'à la réception du mail que l'intéressée lui a adressé le 29 septembre 2019 pour le dénoncer
* le comportement inapproprié de M. [E] à l'égard de ses collaborateurs et ses tentatives pour s'enrichir au préjudice de la société sont d'une gravité telle qu'ils rendaient son maintien dans l'entreprise immédiatement impossible
* ce comportement indigne est établi par les alertes qu'elle a reçues de chacune des salariées concernées et a été confirmé par l'enquête diligentée par Mme [J], représentante du personnel
* leurs témoignages établissent que M. [E] s'était entendu avec Mme [R], directrice de station, et M. [F], agent d'entretien salarié de Mme [R], pour leur vendre du carburant de l'entreprise; M. [E] échoue à rapporter la preuve des consignes dont il se prévaut, les témoignages laconiques et ne reposant sur aucun élément de M. [Z] et de M.[D] présents dans la société pendant quelques mois seulement n'y suppléant pas ; il est dans tous les cas indifférent qu'il ait offert du carburant dès lors qu'elle ne l'a jamais autorisé à en disposer
* son licenciement étant fondé sur une cause réelle et sérieuse, M. [E] ne peut valablement prétendre à quelque indemnisation; les sommes qu'il réclame sont dans tous les cas exorbitantes puisque son salaire s'établissait à la somme de 3424,24 euros et qu'il ne rapporte pas la preuve des préjudices dont il demande la réparation;
- il serait particulièrement inéquitable qu'elle conserve la charge des frais qu'elle a dû engager dans le cadre de la présente instance.
MOTIFS DE LA DECISION
I - SUR LES DEMANDES AU TITRE DE L'EXECUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL
Sur les heures supplémentaires
Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016- 1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1 les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Selon la jurisprudence, constituent des éléments suffisamment précis, notamment, des attestations de tiers (Cass. Soc., 31 mai 2017, pourvoi n°16-10372), des décomptes d'heures établis par le salarié (Cass. Soc., 3 juillet 2013, pourvoi n° 12-17.594; Cass. Soc., 24 mai 2018, pourvoi n° 17-14.490), des relevés de temps quotidiens (Cass. Soc., 19 juin 2013, n° 11.27-709), un tableau (Cass. Soc., 22 mars 2012, pourvoi n° 11-14.466), des fiches de saisie informatique enregistrées sur l'intranet de l'employeur contenant le décompte journalier des heures travaillées (Soc., 24 janvier 2018, pourvoi n° 16-23.743), peu important que les tableaux produits par le salarié aient été établis durant la procédure prud'homale ou a posteriori (Cass. Soc., 12 avril 2012, pourvoi n° 10-28.090; Cass. Soc., 29 janvier 2014, pourvoi n° 12-24.858)
Au soutien de sa demande, M. [E] se prévaut:
- du mail que Mme [J] lui a adressé le 11 janvier 2019, ainsi libellé: ' Bonjour [M], je fais suite à mon passage les 9 et 10 janvier 2019 à [Localité 3] et je te remercie pour ton accueil. Comme je te l'ai évoqué cela a été très intéressant de pouvoir être sur place et voir l'évolution de votre planning au fur et à mesure de la journée. J'ai fait un rapport à [W] concernant l'amplitude horaire et les contraintes d'organisation sur le site MDS [Localité 3]. Suite à cet échange, [W] te propose un quatrième personnel à MDS [Localité 3] ( possible selon un bilan). En effet il va falloir que tu regardes de ton côté pour établir un planning avec 1 personne en plus dans votre planning. Dimanches exclus, à mi-temps ou autre, à toi de juger. Cela vous permettra d'avoir vos 2 jours de congés assurés et consécutifs en pleine et basse saison. De la même manière vous pourrez poser vos congés payés durant l'année. Je vais te renvoyer le contrat établi avec Appro Pro. Il faudra tenir compte de l'amplitude horaire mentionnée avec une personnel supplémentaire. Toutefois comme évoqué pendant ces deux jours il va falloir suivre les procédures telles que mentionnées ( TT, FullCar, Appro Pro, Auto Parc) plus de plage horaire après 18h30 si plus de client. A toi de t'organiser. (...);
- des déclarations de M. [V] recueillies le 11 mai 2020 à l'occasion de l'enquête diligentée par la caisse d'assurance maladie saisie d'une demande de reconnaissance de maladie professionnelle : ' (...) La saison 2019 a été catastrophique. On n'arrivait pas à recruter. C'était très difficile, on était sur le pôle emploi , mais ça n'allait jamais, sur indeed aussi mais le peu de personne qui s'est présenté est vite reparti. On a aussi envoyé des personnes de notre agence de [Localité 5] sur [Localité 3] pour qu'il puisse se reposer. Mais même avec des remplaçants il ne rentrait pas chez lui, il insistait pour rester et superviser. (...) C'est à cause de son organisation qu'il était amené à faire des heures supplémentaires. (...) Il gardait toutes traces papier de son travail et selon moi cela lui faisait perdre du temps, mais il n'a rien voulu entendre des remarques que je pouvais lui faire. Il est resté dans les années 80 selon moi. C'est-à-dire qu'il travaillait avec beaucoup de papiers au lieu de dématérialiser. Il faisait des tableurs EXCEL en plus de l'utilisation de notre logiciel métier ce qui lui faisait perdre beaucoup de temps.
En fait il recréait des fichiers en plus de ce logiciel pour garder des traces de tout ce qu'il faisait, donc ça lui faisait trois fois plus de travail. (...) Certes il a travaillé 6j/7 certaines fois. Mais il récupérait ses heures supplémentaires en jours de repos donc il les posait pendant les vacances d'hiver. Certes il travaille 8-9h par jour en été mais il ne pointait pas c'est lui qui organisait son emploi du temps. L'année dernière il a effectivement beaucoup travaillé suite aux problèmes de recrutement que nous avons rencontrés. Sa compagne est partie, une saisonnière aussi, la situation a été très tendue oui. (...). M. [E] était quelqu'un de désorganisé, il perdait trop de temps dans la gestion de son travail mais on pouvait tout lui demander. C'était un bon élément mais il n'a jamais voulu s'adapter.';
- des déclarations de M. [B] recueillies le 07 mai 2020 à l'occasion de la même enquête: ' J'ai travaillé avec M. [E] depuis 2001 on était voisins de comptoirs de locations de véhicules au début avant qu'il aille ensuite chez MDS. Je l'ai toujours vu avec une charge de travail importante. Sa pause repas du midi c'était à 15h par exemple. Et il avait commencé sa journée de travail à 5h du matin. Il travaillait le soir aussi, et de nuit régulièrement, à 22h je le voyais partir chercher des clients. Il pouvait commencer ses journées à 4-5 h du matin. En période de pic d'activité il travaillait 7j/7 (...) ';
- des déclarations de M. [D] recueillies dans les mêmes circonstances : ' (...) On était 4 quand je suis arrivé. Ce que je peux dire c'est que les deux jeunes filles ont arrêté en même temps leur activité vers mi juillet 2019, donc on s'est retrouvé à deux et on a eu beaucoup de travail. Une autre personne est arrivée et n'est pas restée longtemps.(...) Oui j'ai vu M. [E] faire des heures supplémnetaires, Surtout à deux, il devait rester pour travailler. Ce qui revenait toujours c'est qu'il était bien embêté de se retrouver à travailler à deux. Il a recruté quelqu'un qui n'est pas restée puis une autre jeune fille qui elle est restée. Il était fatigué. (...) Il travaillait la nuit aussi. Les gens viennent récupérer leur véhicule et notre activité est liée aux vols. Le dernier arrivait à 22h30. Il fallait aller chercher les clients à l'aéroport, faire les papiers, leur montrer le fonctionnement du véhicule. On était seul pour recevoir la nuit. Le matin, on pouvait commencer vers 4h30 car les gens rendaient les véhicules à l'aéroport et l'aéroport ouvrait à 5h. Ca arrivait régulièrement ces horaires. (...) On était en sous effectif mais il y avait une bonne ambiance. Le directeur, Monsieur [V], est aussi venu de [Localité 5] nous aider sur une journée pour que M. [E] puisse se reposer';
- des déclarations de M. [Z] en date du 11 mai 2020: ' Pour ma part j'y suis resté 6 mois, d'avril à octobre 2018. On n'a pas d'horaire en fait, on travaille selon un planning en fonction du nombre de clients et des rendez-vous pris. On peut commencer très tôt et finir très tard. (...) Sur les 6 mois où je suis resté, il (M. [E]) a du prendre un peu moins d'une semaine de repos. Les week end il pouvait être de congés mais je le sollicitais assez régulièrement; (...) On travaillait de nuit jusqu'à 22h30 pour le dernier vol et on pouvait commencer à 4h30. (...) Les heures supplémentaires, oui il y en avait.(...);
- de l'agenda de travail qui était tenu informatiquement sur le site de [Localité 3] qui mentionne pour chaque journée travaillée l'identité des clients, le nom du salarié qui les a pris en charge, l'heure à laquelle ils ont été accueillis ;
- des fiches de pointage;
- des décomptes qu'il a établis à partir de l'agenda de travail et des fiches de pointage, dont il résulte qu'il a effectué au-delà des 39 heures contractuelles, 25,08 heures supplémentaires pour la période du 30 octobre 2016 au 31 décembre 2016, 596,75 heures supplémentaires en 2017, 149,38 heures supplémentaires en 2018, 284,09 heures supplémentaires pour la période du 7 janvier 2019 au 29 septembre 2019.
Il en résulte que M. [E] présente des éléments suffisamment précis pour permettre à la société MDS de répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Pour contester les demandes de son salarié, la société MDS se contente, pour la période antérieure au 26 juin 2017 d'exposer que les interventions réalisées par M. [E] étaient ponctuelles, ne duraient que quelques minutes et ne sont nullement indicatives de la réalité de son temps de travail effectif, pour la période du 27 juin 2017 au 8 mai 2018 de souligner que les jours au titre desquels M. [E] aurait réalisé des heures supplémentaires ne sont pas identifiés l'intéressé se contentant d'indiquer pour chaque semaine les heures supplémentaires prétendument réalisées, et que les heures auxquelles M. [E] embauchait, débauchait et prenait ses pauses ne sont pas connues, pour la période du 9 mai 2018 au 30 septembre 2019 de faire valoir que M. [E] ne l'a jamais informée qu'il réalisait des heures supplémentaires et n'a formulé aucune demande à ce titre, qu'il a lui-même porté les horaires dont il se prévaut, que M. [E] agissait en réalité à sa guise la direction étant basée à [Localité 5], que les données sur lesquelles M. [E] fonde ses demandes recèlent des incohérences majeures, ce qui est manifestement insuffisant à contredire la fiabilité des informations figurant dans l'agenda du centre et les fiches de pointage, encore moins à remplir l'obligation faite à l'employeur, compte-tenu des éléments fournis par le salarié, de justifier des horaires effectivement réalisés par celui-ci, sachant que :
- il ne ressort d'aucun des éléments du dossier que la société MDS a durant la relation de travail mis en cause la réalité de la prestation de travail de M. [E];
- la société MDS ne rapporte pas la preuve que M. [E] ne s'est pas tenu à sa disposition pendant toute la durée des périodes revendiquées;
- le salarié peut revendiquer des heures supplémentaires dont il n'a jamais fait état durant la relation contractuelle ni même réclamées au titre du solde de tout compte;
- les déclarations de son dirigeant lors de l'enquête diligentée par la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde établissent que la société MDS savait que M. [E] effectuait des heures supplémentaires au-delà de celles prévues à son contrat de travail; la preuve d'un rappel à l'ordre par l'employeur à M. [E] afin qu'il change ses méthodes de travail et/ou respecte les horaires de travail convenus contractuellement et/ou ne dorme plus sur le site par convenance personnelle n'est aucunement rapportée ; M. [E] a d'ailleurs été félicité sans réserve au mois d'août 2018 à la réception par l'entreprise des résultats d'une enquête de satisfaction;
- il ne ressort aucune distorsion entre les heures figurant dans les relevés de pointage et le décompte établi par M. [E] - en séminaire pour le compte de l'entreprise les 26,27 et 28 septembre 2018 puis les 25,26 et 27 septembre 2019 - pour les périodes du 14 au 20 mai 2018, du 11 jau 17 juin 2018, du 24 au 30 septembre 2018, du 27 mai 2019 au 2 juin 2019, du 23 au 29 septembre 2019;
- les développements de la société MDS, de première part sur la liberté que M. [E] s'est prétendument octroyée, de deuxième part sur les incohérences entre l'amplitude horaire sur laquelle M. [E] fonde son rappel de salaire et les interventions dont il se prévaut, sont inopérants dès lors qu'il lui incombait en sa qualité d'employeur d'assurer le contrôle des heures de travail effectuées par M. [E];
- en l'état des pièces produites les récupérations se sont portées sur les heures effectuées entre la 36ième et la 39ième heures.
Dès lors, au regard des éléments produits par chacune des parties, il convient de retenir le volume d'heures supplémentaires accomplies par M. [E] tel que fixé dans son décompte, soit 25,08 heures pour le mois de décembre 2016, 596,75 heures pour 2017, 149,38 heures pour 2018, 284,09 heures pour la période du 7 janvier 2019 au 29 septembre 2019 ouvrant droit à un rappel de salaire de 30.225,70 euros et au réglement de la somme de 3022.57 euros pour les congés payés afférents, sommes non discutées dans leur montant, que la société MDS est condamnée à payer. Le jugement déféré est infirmé dans ses dispositions qui déboutent M. [E] de sa demande en rappel de salaire à ce titre.
Sur le travail dissimulé
L'article L.8221-2 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé par dissimulation d'activité, telle que définie par l'article L 8221-3 dudit code, ou par dissimulation d'emploi salarié dans les conditions de l'article L 8221-5.
Aux termes de l'article L 8223-1 du même code , le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L 8221-5 a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
L'indemnité est calculée en tenant compte des heures supplémentaires accomplies par le salarié au cours des six mois précédant la rupture du contrat de travail ( Cass. Soc., 18 octobre 2006, pourvoi n° 05-40.464).
La dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est toutefois caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
En l'espèce il résulte des énonciations qui précèdent que la société MDS a mentionné sur les bulletins de salaire de M. [E] un nombre d'heures supplémentaires inférieur à celui réellement effectué par le salarié.
Le comportement intentionnel de la société MDS apparaît parfaitement caractérisé au regard des déclarations de M. [V] à l'occasion de l'enquête diligentée par la caisse d'assurance maladie de la Gironde, dont il ressort que la direction savait que M. [E] effectuait plus d'heures que celles prévues au contrat de travail.
En conséquence, la société MDS est condamnée au paiement d'une indemnité de 28.763,40 euros [3454,24 + (3454,24 + 656,20) + ( 3454,24 + 1760,32 ) + ( 3454,24 + 2903,30) + ( 3454,24 + 1420,01) + ( 3454,24 + 1298,14) ]. Le jugement déféré est infirmé dans ses dispositions qui déboutent M. [E] de sa demande à ce titre.
Sur la contrepartie obligatoire en repos
Le contingent annuel d'heures supplémentaires est défini par une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche. A défaut d'accord, le contingent annuel d'heures supplémentaires est fixé à 220 heures par salarié.
Le contingent annuel d'heures supplémentaires constitue une limite au-delà de laquelle les obligations mises à la charge des employeurs sont accrues. Ainsi l'article L.3121-30 du code du travail prévoit que les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos.
Ouvrent ainsi droit à la contrepartie obligatoire en repos les heures de travail effectif ou assimilées en vertu de la loi et réellement accomplies; en sont donc ainsi exclus les jours de contrepartie en repos, de repos de remplacement, de réduction du temps de travail, les périodes de congés payés ou autre, les périodes de maladie même rémunérées, les jours fériés chômés et les périodes d'inaction prévues même si elles sont rémunérées en vertu de l'usage ou de l'accord collectif.
Pour les entreprises de moins de 20 salariés la contrepartie obligatoire en repos est de 50 % pour chaque heure effectuée au-delà du contingent.
Le salarié dont le contrat de travail prend fin avant qu'il ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il a droit ou avant qu'il ait acquis des droits suffisants pour pouvoir prendre ce repos reçoit une indemnité en espèces dont le montant correspond à ses droits acquis. Cette indemnité a la nature d'un salaire.
L'article D. 3171-11 du même code, dans sa rédaction issue du décret no2008-1132 du 4 novembre 2008, prévoit : ' A défaut de précision conventionnelle contraire, les salariés sont informés du nombre d'heures de repos compensateur de remplacement et de contrepartie obligatoire en repos portés à leur crédit par un document annexé au bulletin de paie. Dès que ce nombre atteint sept heures, ce document comporte une mention notifiant l'ouverture du droit à repos et l'obligation de le prendre dans un délai maximum de deux mois après son ouverture.'
L'article L.3245-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi no 2013504 du 14 juin 2013, dispose :' L'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.'
Le délai de prescription ne peut courir qu'à compter du jour où le salarié a eu connaissance de ses droits lorsque l'employeur n'a pas respecté l'obligation de l'informer du nombre d'heures de repos compensateur portées à son crédit par un document annexé au bulletin de salaire ( Cass. Soc., 13 février 2013, pourvoi no 11-26.901).
En l'espèce, le contingent annuel d'heures supplémentaires conventionnel est de 130 heures pour le personnel sédentaire.
Si M. [E] ne présente pas d'élément suffisamment précis quant aux heures qu'il prétend avoir effectuées en 2015, de sorte qu'il ne peut pas valablement prétendre à indemnisation pour les heures supplémentaires effectuées prétendûment au-delà du contingent annuel, il ressort des pièces communiquées qu'il a effectué des heures supplémentaires au-delà du contingent annuel, en 2016 (420,22), en 2017 (804,71), en 2018 (357,34 ) et en 2019 (440,06). M. [E], dont aucun des éléments du dossier n'établit qu'il a eu connaissance de ses droits, n'ayant pas bénéficié de la contrepartie obligatoire en repos correspondante, la société MDS est condamnée à lui payer la somme de 27.846 euros et celle de 2784,60 euros pour les congés payés afférents. Le jugement déféré est infirmé dans ses dispositions qui déboutent M. [E] de sa demande à ce titre.
Sur les dimanches et les jours fériés travaillés
Sur les dimanches
Au soutien de sa demande, M. [E] se prévaut de l'agenda de travail qui était tenu informatiquement sur le site de [Localité 3] qui mentionne pour chaque journée travaillée l'identité des clients, le nom du salarié qui les a pris en charge, l'heure à laquelle ils ont été accueillis, et d'un décompte des heures travaillées le dimanche. Il en résulte que M. [E] présente des éléments suffisamment précis pour permettre à la société MDS de répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Pour contester la demande de son salarié, la société MDS se contente de les critiquer au motif, s'agissant de 2016, de 2017 et des six premiers mois 2018 que M. [E] ne s'est jamais plaint durant la relation de travail et qu'il a établi ses décomptes unlilatéralement, s'agissant de la période postérieure que les relevés de pointage n'ont aucune valeur probante, ce qui est manifestement insuffisant à contredire la fiabilité des informations communiquées par le salarié, étant précisé qu'il ne ressort d'aucun des éléments du dossier que la société MDS a durant la relation de travail mis en cause la réalité de la prestation de travail de M. [E], que la société MDS ne rapporte pas la preuve que M. [E] ne s'est pas tenu à sa disposition pendant toute la durée des périodes litigieuses, que le salarié peut revendiquer des heures supplémentaires dont il n'a jamais fait état durant la relation contractuelle ni même réclamées au titre du solde de tout compte, qu'il ne ressort aucune distorsion entre les heures figurant dans les relevés de pointage et le décompte établi par M. [E].
Si la convention collective applicable prévoit des dispositions sur les dimanches travaillés uniquement pour les ouvriers, le contrat de travail de M. [E] mentionne expressément que ' les heures effectuées le dimanche feront également l'objet d'une majoration qui viendra s'ajouter à la rémunération précédemment fixée'. A défaut d'élément pertinent de l'intimée, il est fait droit à la demande et la société MDS est condamnée à payer à M. [E] 8245,44 euros à titre de rappel de salaire, outre 824,54 euros pour les congés payés afférents.
Sur les jours fériés
La rémunération du 1er mai, que ce jour férié soit chômé ou travaillé, est à la charge de l'employeur d'après les dispositions de l'article L.3133-5 et de l'article L.3133-6 du code du travail.
La convention collective applicable prévoit des dispositions sur les jours fériés travaillés uniquement pour les ouvriers.
M. [E] doit, compte-tenu de sa qualification agent de maîtrise et alors que ses décomptes établissent qu'il n'a travaillé un 1er mai ni en 2016, ni en 2017, ni en 2018 ni en 2019, être débouté de sa demande à ce titre, la circonstance que la rémunération de M. [Z], embauché qualification ouvrier, a été majorée au titre des jours fériés travaillés étant inopérante.
Sur les heures de nuit
Tout travail effectué au cours d'une période d'au moins neuf heures consécutives comprenant l'intervalle entre minuit et 5 heures est considéré comme du travail de nuit. La période de travail de nuit commence au plus tôt à 21 heures et s'achève au plus tard à 7 heures.
Est considéré comme travailleur de nuit tout salarié qui accomplit, soit, au moins deux fois par semaine, selon son horaire de travail habituel, au moins trois heures de travail de nuit quotidiennes, soit un nombre minimal d'heures de travail de nuit pendant une période de référence.
Lorsque, au cours d'une même période de référence, le salarié a accompli des heures de travail « en soirée » et des heures de travail de nuit, les heures seront cumulées pour savoir s'il peut être considéré comme travailleur de nuit.
Il ne ressort d'aucun des éléments du dossier que M. [E] a effectué un travail de nuit, les heures qu'il a accomplies entre 21h00 et 24h00 n'y suppléant pas. Le jugement déféré est confirmé dans ses dispositions qui le déboutent de sa demande de rappel de salaire subséquente.
Sur les jours de congés supplémentaires
L'article L.3141-13 du code du travail dispose : 'Les congés sont pris dans une période qui comprend dans tous les cas la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année'.
Selon l'article L.3141-17, la durée des congés pouvant être pris en une seule fois ne peut pas excéder vingt-quatre jours ouvrables; il peut être dérogé individuellement à cette disposition pour les salariés qui justifient de contraintes géographiques particulières ou de la présence au sein du foyer d'un enfant ou d'un adulte handicapé ou d'une personne âgée en perte d'autonomie.
Selon l'article L.3141-18, lorsque le congé ne dépasse pas douze jours ouvrables il doit être continu.
L'article L.3141-19 précise : ' Lorsque le congé principal est d'une durée supérieure à douze jours ouvrables, il peut être fractionné avec l'accord du salarié. Cet accord n'est pas nécessaire lorsque le congé a lieu pendant la période de fermeture de l'établissement. Une des fractions est au moins égale à douze jours ouvrables continus compris entre deux jours de repos hebdomadaire. '
Selon l'article L. 3141-23 du même code : 'A défaut de stipulation dans la convention ou l'accord conclu en application de l'article L. 3141-22 : 1° La fraction continue d'au moins douze jours ouvrables est attribuée pendant la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année ; 2° Le fractionnement des congés au delà du douzième jour est effectué dans les conditions suivantes : a) Les jours restant dus en application du second alinéa de l'article L. 3141-19 peuvent être accordés en une ou plusieurs fois en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année ;b) Deux jours ouvrables de congé supplémentaire sont attribués lorsque le nombre de jours de congé pris en dehors de cette période est au moins égal à six et un seul lorsque ce nombre est compris entre trois et cinq jours. Les jours de congé principal dus au delà de vingt-quatre jours ouvrables ne sont pas pris en compte pour l'ouverture du droit à ce supplément. Il peut être dérogé au présent article après accord individuel du salarié.'.
En application de ces textes, le fractionnement du congé principal de vingt-quatre jours est subordonné à l'agrément du salarié. Cet agrément n'est toutefois pas nécessaire lorsque le congé est accordé à l'occasion de la fermeture de l'établissement et que les délégués du personnel ont délivré un avis conforme.
Il n'est pas discutable, et la société MDS qui soutient que cette situation résultait de la seule demande de M. [E] ne le discute pas, que celui-ci prenait la totalité de ses congés hors la période légale.
Il ne ressort d'aucun des éléments du dossier que ce fractionnement est intervenu avec l'accord du salarié, l'absence de réclamation de sa part n'y suppléant pas.
Il est fait droit à la demande de M.[E], dont l'examen des bulletins de salaire établit qu'il a pris 24 jours de congés en 2018 et 23 jours de congés en 2019. La société MDS est condamnée au paiement de la somme de 687,49 euros et à celle de 68,75 euros pour les congés payés afférents. Le jugement déféré est infirmé dans ses dispositions qui déboutent M. [E] de ses demandes à ce titre.
Sur l'obligation de sécurité
La durée quotidienne de travail effectif par salarié ne peut, sauf exceptions limitativement énumérées par la loi, excéder 10 heures.
Tout salarié, hors les cadres dirigeants et les personnels roulants et navigants des entreprises de transport, a droit à un repos quotidien d'une durée minimale de 11 heures consécutives, sauf exceptions limitativement énumérées par la loi.
Le repos hebdomadaire pour chaque salarié, d'une semaine à l'autre, est d'au moins 24 heures consécutives auxquelles s'ajoutent les 11 heures consécutives de repos quotidien entre deux jours de travail. Dans l'intérêt du salarié, la journée de repos hebdomadaire est le dimanche sauf nécessité impérieuse.
Le non respect du temps de travail et des repos ouvre droit à réparation.
Les décomptes produits par M. [E], à l'encontre desquels la société MDS n'oppose aucun élément pertinent pour les raisons susdéveloppées, établissent que les dispositions relatives à la durée de travail quotidienne et aux repos n'étaient pas respectées.
Le témoignage de M. [Z], s'il atteste de la récupération de l'essence et du diesel dans les réservoirs des véhicules TT et de leur stockage dans des bidons entreposés dans le garage avec l'accord de la direction, est toutefois insuffisant à établir la mise en danger alléguée, étant précisé, de première part que l'arrêté du 1er juillet 2004, outre de ne pas viser l'essence mais le gazole, le fioul domestique, les fuels lourds et le combustible liquide pour les appareils mobiles de chauffage, a pour objet de fixer les prescriptions minimales qui doivent être respectées pour la construction, l'installation, la mise en service, l'entretien, l'approvisionnement et l'abandon des stockages de produits pétroliers, dans le but de préserver la sécurité des personnes et des biens, et de protéger l'environnement, de deuxième part qu'il ne ressort d'aucun des éléments du dossier qu'il était stocké plus de 60 litres à la fois, la seule livraison au mois de novembre 2019 d'une cuve 'de très grande capacité' sans plus de précision n'y suppléant pas.
En l'état des éléments du dossier, la cour dispose des éléments suffisants pour fixer le préjudice subi par M. [E] en raison des manquements de la société MDS à son obligation de sécurité à la somme de 5000 euros.
Sur l'obligation de formation, adaptation et les entretiens professionnels
Selon les dispositions de l'article L. 6321-1 du code du travail, l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail et veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.
Le fait que le salarié n'ait bénéficié d'aucune formation professionnelle continue pendant toute la durée de son emploi dans l'entreprise établit un manquement de l'employeur à son obligation de veiller au maintien de sa capacité à occuper un emploi. ( Cass. Soc., 24 juin 2015, pourvoi no 13.28-460).
Par ailleurs, aux termes de l'article L.6315-1 du code du travail, l'employeur doit faire bénéficier chaque salarié d'un entretien professionnel, tous les deux ans, consacré à l'examen de ses perspectives d'évolution, notamment en termes de qualifications et d'emploi. Cet entretien comporte des informations relatives à la validation des acquis de l'expérience, l'activation du CPF, les abondements de l'employeur à ce compte et le conseil en évolution professionnelle.
Il n'est pas discutable que M. [E] n'a, en plus de quatre années de carrière au sein de la société MDS, bénéficié d'aucune action de formation. Il en ressort que l'employeur n'a pas mis en oeuvre, à l'égard du salarié, de formation telle que prescrite par l'article L. 6321-1 du code du travail, en rapport avec son poste de travail et avec l'évolution possible de son emploi, les développements de la société MDS sur l'absence de réclamation de la part de M. [E] à ce titre et sur l'origine personnelle de ses carences en matière de management étant inopérants.
Il ne ressort d'aucun des éléments du dossier que M. [E], entré dans l'entreprise le 13 janvier 2015, a bénéficié entre le 13 janvier 2017 et son départ de la société d'un entretien professionnel.
Or, le fait de ne pas avoir bénéficié de formations pour maintenir son employabilité ni d'entretiens professionnels a fait perdre une chance à M. [E] de retrouver rapidement un emploi à la suite de son licenciement.
Par conséquent, il convient d'indemniser le préjudice de perte de chance subi par M.[E] à hauteur de 2000 euros et de condamner la société MDS à payer cette somme, à titre de dommages et intérêts.
II - SUR LES DEMANDES AU TITRE DE LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL
Sur le bien-fondé du licenciement
Il résulte des dispositions de l'article L.1235-1 du code du travail, qu'en cas de litige sur les motifs du licenciement d'un salarié, il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur et de former sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Par ailleurs la faute grave, privative du droit au délai-congé et à l'indemnité de licenciement, résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et nécessite la rupture immédiate des relations contractuelles.
Aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu, dans le même délai, à l'exercice de poursuites pénales.
Un fait antérieur de plus de deux mois à l'engagement des poursuites disciplinaires peut être invoqué par l'employeur à l'appui d'un licenciement pour d'autres faits procédant d'un comportement identique commis dans le délai de prescription, soit à moins de deux mois.
Le délai de deux mois prévu par l'article L. 1332-4 susvisé ne court à compter du jour où l'employeur a une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits fautifs reprochés au salarié.
Lorsque les faits sanctionnés par le licenciement ont été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires et que la prescription des faits fautifs est opposée par le salarié, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement des poursuites, faute de quoi les faits sont considérés comme prescrits.
En l'espèce, la lettre du 30 octobre 2019, qui fonde le licenciement et fixe les limites du litige, est libellée comme suit:
' Monsieur,
Suite à l'entretien préalable qui s'est déroulé le 22 octobre dernier, durant lequel vous étiez assisté de Monsieur [H] [P], délégué du personnel, par la présente nous vous notifions votre licenciement pour faute grave, pour les faits que nous avons évoqués lors de cet entretien et que nous vous rappelons ci-après.
Au dernier état de nos relations contractuelles vous exercez à temps plein les fonctions de Responsable du site de [Localité 6].
Vous avez, dans ce cadre, pour missions principales de manager une équipe dans le respect des basiques comportementaux inhérents à toute relation de travail et des instructions et consignes particulières qui vous sont données.
Pour autant, nous avons été alertés quant à votre comportement déviant, inadapté et fauduleux, totalement incompatible avec la nature et l'importance des missions et responsabilités qui vous sont dévolues et la confiance que suppose l'exercice de vos fonctions.
Vos fautes graves répétées se sont ainsi matérialisées, tant à l'égard des collaborateurs de l'agence dont vous êtes le Responsable qu'à l'égard de tiers, en vue de vous octroyer dans la plus grande discrétion des avantages personnels totalement indus, au préjudice de notre Société.
1- Votre comportement inadapté à l'égard des collaborateurs de l'agence de [Localité 6]
A l'occasion de plusieurs déplacements au sein de l'agence de [Localité 6], dont le dernier en date du 2 au 4 octobre 2019, afin de renforcer l'effectif de l'équipe, Madame [T] [J], déléguée du personnel, a été alertée par différents salariés de l'agence, de brimades et du comportement despotique dont ils étaient régulièrement victimes.
En effet vous rabaissez et dénigrez systématiquement le travail des collaborateurs placés sous votre responsabilité, engendant un mal-être, un stress et une anxiété non acceptables.
A titre d'illustrations topiques, les différents témoiganges que Mme [J] a recueillis mettent notamment en lumière que:
- Vous privez systématiquement et illégitimement les salariés en postes des codes d'accés au poste informatique de l'agence, exerçant ainsi un contrôle abusif de leur activité qui fait directement obstable à l'exercide de leurs missions et affecte directement le bon fonctionnement de notre agence.
Lors de l'entretien préalable, vous avez tenté de justifier votre attitude en affirmant que l'utilisation du matériel informatique ' n'est pas possible parce qu'ils sont susceptibles de faire de mauvaises manipulations et effacer des données importantes'.
Force est de constater que nous avons déjà alerté sur ce point, à plusieurs reprises.
- Vous prenez régulièrement prétexte de motifs futiles pour contacter les collaborateurs de l'agence en dehors de leurs horaires de travail.
Par exemple, le 01 octobre 2019, alors qu'au cours de semaines précédentes, vous aviez déjà dérangé Mme [I] pour des raisons similaires, vous avez contacté Mme [A] [X], qui avait terminé sa journée de travail, pour lui reprocher de ne pas avoir assez baissé le volume de la radio dans un véhicule en présence de clients.
Cette dernière vous a alors légitimement demandé de ne pas l'importuner en dehors de ses horaires de travail pour évoquer un détail aussi insignifiant.
Qui plus est, le lendemain, alors que vous étiez en congé, vous vous êtes exclusivement rendu dans les locaux de l'agence pour reprocher à Mme [X], de part la réponse qu'elle vous avait faite, d'avoir ' gâché votre nuit de sommeil' ...
- A plusieurs reprises, vous avez convoqué des salariés de l'agence dans votre bureau au seul et unique motif qu'ils n'avaient pas utilisé le bon surligneur ou celui de la couleur adéquate pour remplir un document.
- Vous tenez des propos désobligeants, excédant le cadre professionnel à l'égard de vos collaborateurs.
Un tel comportement s'était d'ores et déjà illustré à l'égard de Mmes [I] et [L] qui d'ailleurs, depuis lors, ont quitté notre société.
Per exemple, le 16 juillet 2019, vous aviez déjà tenu des propos inacceptables à l'égard de Mme [I] qui avait sollicité une rupture conventionnelle de son contrat de travail : ' quand est-ce que tu dégages (...) on n'a pas besoin de toi ici'.
Dans le même sens un message électronique du 29 septembre 2019, Mme [L] relatait une conversation téléphonique du 01 août 2019 avec Mme [I] à son sujet : ' elle est vraiment faible, ce poste n'est pas pour elle. Je voulais lui proposer la rupture d'un commun accord mais de suite elle m'a bloqué en me demandant ses heures pour son retour de travail. Et tu sais qu'elle n'a même pas eu honte de demander ses tickets restaurant , c'est du n'importe quoi'.
Dans ce cadre, vous comprendrez aisément qu'un tel comportement, particulièrement dégradant, associé à une absence totale de remise en question malgré nos multiples rappels à l'ordre, est totalement incompatible avec votre maintien au sein de notre société.
2 - Manoeuvres visant à vous enrichir personnellement
Par ailleurs, nous avons découvert vos manoeuvres consistant à détourner le matériel et les biens de l'entreprise en vue de vous octroyer des avantages personnels indus.
Précisément, pendant la première quinzaine du mois de septembre 2019, quand bien même vous n'êtes pas sans ignorer qu'il est strictement réservé au ravitaillement de nos véhicules, vous avez proposé à la responsable de la société ROADSURFER et son employé - qui partagent nos locaux - de leur vendre du carburant moyennant un paiement en espèces.
Autrement dit, sans obtenir au préalable la moindre autorisation de notre part vous avez utilisé un bien appartenant à notre Société, en vue de vous octroyer une avantage financier totalement indu au préjudice de notre entreprise.
A cet égard, lors de l'entretien préalable, vous avez reconnu les faits, tout en contestant avoir sollicité de l'argent en échange.
Néanmoins, à supposer que votre version des faits soit exacte - ce que nous contestons puisque Mme [K] [R] et Monsieur [S] [F] affirment que vous avez sollicité en contrepartie le versement d'une somme d'argent qu'ils n'ont pu matériellement vous remettre du seul fait de votre absence - votre manquement demeure gravement fautif en ce que vous avez détourné un bien appartenant à la société.
De même, nous avons découvert, qu'à l'aide du minibus de l'agence en présence de Mme [I], sans nous en informer, que vous vous êtes rendu à [Localité 4] pour récupérer un véhicule de transit temporaire mis à la disposition d'un client moyennant le paiement d'une somme en espèces.
Dans ce cadre, vous comprendrez aisément que que ne pouvons tolérer des faits d'une telle gravité, totalement inacceptables.
Dans ces circonstances, la poursuite de notre collaboration s'avère impossible y compris pendant la durée de votre préavis.
(...)'.
Il en ressort que M. [E] a été licencié, de première part en raison de son comportement envers ses collaborateurs, de deuxième part pour avoir cédé moyennant rémunération du carburant appartenant à la société MDS.
a) Sur le comportement de M. [E] à l'égard des collaborateurs de l'agence de [Localité 6]
La société MDS lui reproche à ce titre des brimades et un comportement despotique, générant un mal être, un stress et de l'anxiété, envers Mme [I], Mme [L] et Mme [X].
La société MDS ne rapporte la preuve, le rapport complémentaire établi par Mme [J] qu'aucun élément objectif ne conforte n'y suppléant pas, :
- ni du refus de M. [E] de communiquer aux intéressées les codes d'accés au poste informatique, étant précisé que ce reproche ne figure dans aucun des courriels que Mme [I] et Mme [L] ont adressés à l'employeur, le 16 juillet 2019 pour la première, le 29 septembre 2019 pour la seconde;
- ni du comportement inadapté de M. [E] envers Mme [X] les 1er et 2 octobre 2019, étant observé au surplus que les messages produits par M. [E] témoignent des relations amicales entre les deux;
- ni que M. [E], qui le conteste, a convoqué les salariées concernées pour des motifs futiles, par esprit de brimade, étant précisé que M. [E] indique sans être aucunement, contredit que les codes couleurs font partie intégrante des procédures en vigueur dans l'entreprise.
La société MDS ne rapporte pas la preuve d'avoir pris connaissance des propos sur Mme [L] prêtés à M. [E] au cours des deux mois précédant l'engagement de la procédure de licenciement, le courriel de Mme [L], qui avait déjà quitté l'entreprise à la date du 29 septembre 2019, n'y suppléant pas, étant précisé qu'il ressort par ailleurs des éléments du dossier, d'une part que Mme [I] à laquelle ils ont été tenus a été arrêtée le 18 juillet 2019 et n'a jamais repris le travail, d'autre part que Mme [J] avait reçu les doléances de Mme [L] en même temps que celles de Mme [I] lors de son séjour sur l'agence les 23 et 24 juillet 2019 et les avait rapportées à l'employeur dans un mail du 26 juillet 2019.
La société MDS, dont les échanges de mails avec l'intéressée entre le 16 et le 19 juillet 2019 établissent qu'elle en a été informée à cette date, qui ne justifie d'aucune investigation dans les deux mois qui ont suivi la visite sur site de Mme [J] les 23 et 24 juillet 2019, ne peut valablement fonder le licenciement de M. [E] sur les propos tenus à Mme [I], ces derniers étant prescrits.
b) Sur les manoeuvres d'enrichissement personnel
Dans son témoignage en date du 29 octobre 2019, Mme [R] atteste: ' Durant la semaine 38 (mi-septembre) [M] [E] et moi avons convenu d'un accord financier à moindre coût pour la vente de carburant. Contre rémunération prévue, il a rempli le réservoir de mon véhicule personnel et a noté le nombre de litres pour faire le paiement ultérieurement car il allait aussi en mettre à mon collègue Monsieur [F]. Plusieurs jours se sont écoulés et je ne l'ai jamais revu. Il n'a donc reçu mon paiement pour le carburant, mais il aurait dû s'il était revenu.(...)'.
Dans son témoignage du même jour M.[F] atteste ' (...) Avoir reçu a priori gratuitement environ 50 l de gazoil par le biais de Mr [E] ' et n'avoir ' appris que par la suite qu'il commercialisait ce carburant '.
M. [Z], en CDD pour la société MDS du 27 avril 2018 au 31 octobre 2018, et M. [D], en CDD pour la société du 20 juin 2019 au 15 septembre 2019, témoignent, pour le premier '(...) Dans notre organisation, il y avait un tri des véhicules TT de retour afin de prélever du carburant. Cette opération était effectuée par Mme [O] [I] et le carburant stocké dans de grands bidons bleus dans le garage. Ceci permettant d'alimenter les navettes ainsi que les véhicules du personnel. Durant cette période je n'ai pas eu besoin de me rendre à une station service. Cette façon de faire était validée par la direction qui vient régulièrement sur le site.(...)', pour le second ' (...) M. [E] m'a également proposé de m'offrir du carburant qui était récupéré par lui ou Melle [I] à la restitution des véhicules. Aucune somme ne m'a jamais été demandée et il en allait ainsi pour tout le personnel.(...)'. Il en ressort que seul le personnel bénéficiait avec l'accord de la direction du carburant stocké dans les locaux de l'entreprise.
Si la société MDS affirme avoir découvert que M. [E] s'était rendu en compagnie de Mme [I] à [Localité 4] afin de récupérer un véhicule pour le compte d'un client moyennant rémunération, elle ne rapporte aucunement la preuve de ce qui relève en l'état d'une simple allégation, de plus fort à la lecture du témoignage de Mme [I] produit par M. [E] ( pièce appelant n° 37).
La cession de carburant à des tiers à l'entreprise sans autorisation de l'employeur caractérise de la part de M. [E], de plus fort en sa qualité de Responsable d'agence, un manquement à ses obligations contractuelles d'une gravité telle qu'elle rendait immédiatement impossible son maintien dans l'entreprise.
Le jugement déféré est confirmé dans ses dispositions qui jugent bien fondé le licenciement pour faute grave de M. [E].
Sur les conséquences financières du licenciement
Le licenciement de M. [E] reposant sur une faute grave pour les raisons susmentionnées, le jugement déféré mérite confirmation dans ses dispositions qui déboutent M. [E] de ses demandes en rappel de salaire, au titre des indemnités de rupture et en dommages et intérêts pour licenciement abusif.
Sur les dommages et intérêts pour préjudice distinct
La demande en restitution du véhicule mis à sa disposition, l'engagement de la procédure de licenciement pendant la suspension de son contrat de travail et le libellé de la lettre de licenciement ne caractérisent aucun manquement de la part de la société MDS envers M. [E] susceptible d'engager sa responsabilité, dès lors qu'il ne ressort pas des éléments du dossier que M. [E], alors en arrêt de travail, utilisait ledit véhicule dans sa vie personnelle, que l'employeur ayant fait le choix d'engager le licenciement de M. [E] pour faute grave était soumis aux dispositions de l'article L.1332-4 du code du travail, que la qualification du licenciement relève du choix de l'employeur. Le jugement déféré est confirmé dans ses dispositions qui déboutent M. [E] de sa demande de ce chef.
III - SUR LES FRAIS DU PROCES
La société MDS, qui succombe, doit les dépens de première instance, le jugement déféré étant infirmé de ce chef, ainsi que les dépens d'appel, au paiement desquels elle est condamnée en même temps qu'elle est déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité commande de ne pas laisser à M. [E] la charge de ses frais irrépétibles. En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la société MDS est condamnée à lui payer la somme de 3500 euros.
Il n'y a pas lieu de se prononcer actuellement sur les frais d'exécution forcée d'une décision dont l'exposé reste purement hypothétique et qui sont réglementés par l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution qui prévoit la possibilité qu'ils restent à la charge du créancier lorsqu'il est manifeste qu'ils n'étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés, étant rappelé qu'en tout état de cause, le titre servant de fondement à des poursuites permet le recouvrement des frais d'exécution forcée.
IV - SUR LES AUTRES DEMANDES
Les condamnations porteront intérêts au taux légal, à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes pour les créances salariales, à compter de la présente décision pour les créances indemnitaires
En application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêts.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme la décision déférée dans ses dispositions qui déboutent M. [E] de sa demande en requalification du licenciement en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sa demande au titre des indemnités de rupture, de ses demandes en dommages et intérêts pour licenciement abusif et licenciement vexatoire, de ses demandes en rappel de salaire au titre de la mise à pied, des jours fériés et du travail de nuit;
Infirme la décision déférée pour le surplus de ses dispositions et y ajoutant,
Condamne la société MDS à payer à M. [E] :
- 30.225,70 euros au titre des heures supplémentaires effectuées au-delà de la 39ième heure et 3022.57 euros pour les congés payés afférents
- 28.763,40 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé
- 27.846 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos et 2784,60 euros pour les congés payés afférents
- 8245,44 euros au titre des dimanches travaillés et 824,54 euros pour les congés payés afférents
- 687,49 euros au titre des jours de congés supplémentaires et 68,75 euros pour les congés payés afférents
- 5000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qui a résulté des manquements de l'employeur à l'obligation de sécurité
- 2000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qui a résulté des manquements de l'employeur en matière de formation et d'entretiens professionnels;
Condamne la société MDS aux dépens de première instance et d'appel; en conséquence la déboute de sa demande au titre de ses frais irrépétibles;
Condamne la société MDS à payer à M. [E] 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
Dit n'y avoir lieu à statuer sur les frais éventuels d'exécution;
Dit que les condamnations porteront intérêts au taux légal, à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes pour les créances salariales, à compter de la présente décision pour les créances indemnitaires;
Dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêts.
Signé par Marie-Paule Menu, présidente et par Sylvaine Déchamps, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
S. Déchamps MP. Menu