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Décisions

CA Nîmes, 5e ch. soc. ph, 23 janvier 2024, n° 21/00142

NÎMES

Arrêt

Autre

CA Nîmes n° 21/00142

23 janvier 2024

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/00142 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H455

MS EB

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AUBENAS

17 décembre 2019

RG :19/00062

[Z]

C/

SA ELECTRICITE DE FRANCE

Grosse délivrée le23 janvier 2024 à :

- Me

- Me

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 23 JANVIER 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AUBENAS en date du 17 Décembre 2019, N°19/00062

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Monsieur Michel SORIANO, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

M. Michel SORIANO, Conseiller

Madame Leila REMILI, Conseillère

GREFFIER :

Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l'audience publique du 20 Avril 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 06 juillet 2023 prorogé à ce jour

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANT :

Monsieur [G] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Pauline GARCIA de la SELARL PG AVOCAT, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Loubna HASSANALY, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉE :

SA ELECTRICITE DE FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Nicolas CHAVRIER de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de LYON

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 05 Janvier 2023

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 23 janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

M. [G] [Z] a été engagé à compter du 3 janvier 1994 en qualité de jeune technicien supérieur sur un réacteur nucléaire par la société EDF.

En janvier 2000, suite à la fermeture du réacteur nucléaire, M. [G] [Z] a été muté sur un autre site où il a occupé le poste de technicien électricien de maintenance.

Par la suite, M. [G] [Z] a postulé à plusieurs appels à candidature, pour lesquels il n'a pas été sélectionné.

Par requête du 23 mai 2019, M. [G] [Z] a saisi le conseil de prud'hommes d'Aubenas aux fins de dire et juger qu'il a été victime de harcèlement moral, dire et juger que la société EDF a manqué à son obligation de sécurité de 'résultat', qu'elle a exécuté de manière lourdement fautive le contrat de travail, qu'elle a rompu l'égalité de traitement entre ses salariés, de voir annuler la mutation imposée au 1er mars 2017, d'enjoindre à la société EDF de proposer un poste en adéquation avec le profil professionnel et les préconisations du médecin du travail et condamner la société EDF au paiement de diverses sommes indemnitaires.

Par jugement du 17 décembre 2020, le conseil de prud'hommes d'Aubenas a:

- condamné la société électrique de France (EDF) prise en la personne de son représentant légal à verser à M. [G] [Z] les sommes suivantes:

- 7.000,00 euros au titre de dommages et intérêts pour réparation à la mutation forcée,

- 1.500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,

- débouté M. [G] [Z] du surplus de ses autres demandes,

- débouté la société électrique de France (EDF) en la personne de son représentant légal du surplus de ses demandes,

- dit qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par jugement, en cas d'exécution par voie extrajudiciaire. les sommes retenues par huissier instrumentaire en applications du décret du 12 décembre 1996 devront être supportées par la société électrique de France, en sus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondernent des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société électrique de France (EDF) aux entiers dépens de l'instance.

Par acte du 8 janvier 2021, M. [G] [Z] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 29 décembre 2022, M. [G] [Z] demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Aubenas en date

du 17 décembre 2020 dans ses dispositions ayant retenu les faits constitutifs de mutation forcée dont a été victime M. [G] [Z],

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Aubenas en date du

17 décembre 2020 dans ses dispositions n'ayant pas retenu les faits constitutifs d'inégalité de traitement et de harcèlement moral dont a été victime M. [G] [Z],

En conséquence,

- dire et juger que M. [G] [Z] a été victime de harcèlement moral,

- dire et juger que la société EDF SA a manqué à son obligation sécurité,

- dire et juger que la société EDF SA a exécuté lourdement fautive le contrat de

travail,

- dire et juger que la société EDF SA a rompu l'égalité de traitement en ses salariés,

- annuler la mutation imposée du 1er mars 2017,

- enjoindre à la société EDF SA charge pour la Société de proposer un poste en

adéquation avec le profil professionnel et les préconisations du médecin du travail,

- condamner en conséquence la société EDF SA au paiement des sommes suivantes :

- 7 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour absence d'évolution professionnelle et rupture d'égalité de traitement,

- 15 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et violation de l'obligation de sécurité de résultat,

- 14 000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la mutation forcée,

- 6 132,50 euros bruts au titre de la prime d'adaptation outre les congés payés y afférents à hauteur de 613,25 euros, sommes qui devront être mises à jour en cas de correction du NR,

- 15 691,70 euros bruts à titre de rappels de compensation de la perte de primes d'astreinte à compter du mois de mars 2018 jusqu'à la date de l'arrêt de la cour, outre les congés payés y afférents à hauteur de 247,55 euros bruts, à parfaire jusqu'au jour de la décision de la cour d'appel. A titre subsidiaire, 15 408,90 euros bruts au titre de la compensation de la perte de primes d'astreinte, outre les congés payés y afférents d'un montant de 1 540,89 euros, sommes qui devront être mises à jour en cas de correction du NR,

- 29 333.11 euros bruts à titre de rappels de salaire causés par l'inégalité de traitement pour la période de mai 2016 à mai 2019, outre les congés payés y afférents, soit 2933,31 euros bruts, sur lesquels devront être produits les intérêts légaux,

- ordonner la société EDF SA de produire les C01 de MM [M] [J], [N] [S], [O] [Y] et [U] [Y],

- condamner société EDF SA au paiement de 3 000 euros sur le fondement de l'article

700 du code de procédure civile,

- dire et juger que l'intégralité des sommes allouées à M. [G] [Z] produira

intérêts de droit à compter de la demande en justice avec capitalisation, en application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil,

- dire et juger qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le jugement, et en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par la société EDF SA, en sus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société EDF SA aux entiers dépens.

M. [G] [Z] soutient que :

- sur l'absence d'évolution professionnelle et la rupture d'égalité de traitement

- en 2004, il occupe un poste de préparateur électricien sans évolution professionnelle et avec une évolution salariale bien inférieure à celle de ses collègues,

- en 2014, deux postes de chargés d'affaires et de projet (dénommés responsables de sous projet) ont été créés sur le site de Tricastin,

- il a postulé à ces emplois mais son supérieur hiérarchique a néanmoins bloqué sa mutation, en avril 2014 (plus de dix ans après sa prise de poste de préparateur), en le notifiant comme étant « non disponible » et ce, sans justification,

- le 25 novembre 2015, la société a soumis trois propositions de poste qui ne correspondaient aucunement aux échanges des parties, ayant fait part de son souhait d'évoluer à un poste de conduite nucléaire dès l'été 2014 auprès de son chef de service,

- il a néanmoins, de bonne volonté, accepté une période d'immersion au service protection de site afin de découvrir l'ensemble des postes mais il a finalement refusé ce poste qui ne correspondait pas à son évolution professionnelle,

- en mai 2016, il lui a été demandé de réaliser une période d'immersion au service conduite sur Tricastin,

- à l'issue, un rapport considérant entre autres, qu'il n'aurait pas les capacités intellectuelles pour suivre une formation d'opérateur lui a été remis le 26 octobre 2016,

- de nouveaux postes ne correspondant toujours pas à son profil et ses besoins d'évolution

professionnelle lui ont été proposés à une date bien choisie, la veille de ses congés de fin

d'année en 2016, tout en le menaçant d'une mutation d'office en cas de refus,

- ces propositions vont à l'encontre des préconisations émises par le psychiatre Dr [WD] spécialisé dans les psychopathologies du travail, rencontré à la demande de la médecine du travail,

- avec son niveau de diplôme, son investissement professionnel et ses compétences techniques, il aurait tout à fait pu atteindre, s'il n'avait pas été entravé dans sa progression professionnelle, en fin de carrière un NR 220 ou 240 à l'instar de ses collègues, MM [SM] [W], [F] [K] et [I] par exemple qui ont atteint ou devraient atteindre un niveau NR 210-215 sans être en possession d'un bac +2, parfois même avec un nombre d'année de carrière bien moindre,

- la société est incapable de prouver par des éléments concrets, pertinents et vérifiables ses compétences supposément moyennes,

- sur le harcèlement moral

- il a subi un comportement managérial et humain totalement inadapté, dégradant depuis plusieurs années la relation de travail,

- il va ainsi subir :

Des convocations quotidiennes et au pied levé par Mme [B],

Des critiques infondées,

Des suppressions de primes injustifiées,

Des injures,

Des invitations pour prendre note de décisions devenues des convocations

hiérarchiques afin d'étudier de nouvelles propositions,

Des dates de courriers ou de reproches judicieusement choisies (veille de weekend, veille ou avant-veille de vacances, de Noël, de la Saint Valentin),

Des mises sous pressions diverses notamment pour annuler en son nom des écarts avérés qu'il avait constatés et alors que la hiérarchie pouvait tout à fait le faire en son propre nom et donc engager sa propre responsabilité plutôt que la sienne devant l'Autorité de Sureté,

Aucun aménagement de poste et même l'inverse, seul et devant répondre à une charge de travail prévue pour trois agents,

Des absences de réponse à ses questions (motif légal de mutation, motif absence de prime PVA, motif des rejets de ses postulations à la conduite, etc').

- les premiers faits de harcèlement datent de 2008,

- il a été victime d'une hiérarchie incapable d'estimer sa charge de travail,

- il s'est aussi vu retirer une partie de ses fonctions,

- il subissait du dénigrement concernant sa personne et ses compétences,

- malgré ses dénonciations à 3 reprises, dont deux à travers des emails adressés, entre autres, aux 2 responsables éthiques de Cruas, la direction ne diligentera aucune enquête,

- sur le non-respect des préconisations du médecin du travail et la mutation forcée

- l'employeur a mis ses menaces à exécution en lui imposant une mutation forcée, sur un poste ne correspondant pas du tout à son profil et sans aucune évolution professionnelle possible, qui s'apparente davantage à une mesure disciplinaire plutôt qu'à une mesure individuelle en réponse aux préconisations émises par le médecin du travail,

- le motif de cette mutation ne lui a jamais été communiqué en dépit de ses demandes notamment par email avant la commission secondaire du 29 mars 2017,

- cette mutation d'office ne permettait en rien de répondre aux préconisations du médecin du travail et à l'amélioration de son état de santé,

- l'employeur s'est en outre abstenu d'appliquer les dispositions conventionnelles relatives aux mesures d'accompagnement de la mobilité fonctionnelle,

- sa pathologie, l'arrêt de travail, puis sa longue maladie sont exclusivement imputables à son employeur,

- sur l'obligation de sécurité

- l'employeur n'a procédé à aucune évaluation ou identification des risques, ni à la moindre obligation de traitement. Il ne procèdera à aucune enquête interne, n'effectuera aucun aménagement de poste, multipliera par trois sa charge de travail et procèdera à une mutation disciplinaire infondée.

En l'état de ses dernières écritures en date du 4 janvier 2023, contenant appel incident, la société EDF demande de :

- infirmer le jugement rendu le 17 décembre 2020 par le conseil de prud'hommes d'Aubenas dans ses dispositions ayant retenu l'existence de faits constitutifs de mutation forcée dont aurait été victime M. [G] [Z] et ayant ce faisant condamnée la société EDF au paiement de la somme de 7 000 euros à titre de « dommages et intérêts pour

réparation à la mutation forcée »,

- infirmer le jugement rendu le 17 décembre 2020 par le conseil de prud'hommes d'Aubenas dans ses dispositions ayant condamnée la société EDF au paiement de la somme

de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'ayant déboutée du surplus de ses demandes et l'ayant condamnée aux entiers dépens de l'instance,

- confirmer le jugement rendu en date du 17 décembre 2020 par le conseil de prud'hommes d'Aubenas dans ses dispositions ayant jugé de l'absence de tout fait constitutif d'inégalité de traitement, de manquement à l'obligation de sécurité et à l'exécution loyale du contrat de travail par la société EDF et de harcèlement moral dont aurait été victime M. [G] [Z],

- confirmer le jugement rendu en date du 17 décembre 2020 par le conseil de prud'hommes d'Aubenas dans ses dispositions ayant débouté M. [G] [Z] de ses autres demandes,

Et, en conséquence, statuant à nouveau :

- juger que M. [G] [Z] n'a jamais été victime d'une inégalité de traitement, qu'il ne démontre pas le contraire, et que ses accusations d'absence d'évolution professionnelle sont infondées et injustifiées,

- juger que M. [G] [Z] n'a pas été victime de harcèlement moral au sein de

la société EDF,

- juger que les demandes de M. [G] [Z] formulées au titre de l'obligation de sécurité sont prescrites et qu'en tout état de cause, la Société EDF a respecté son obligation de sécurité,

- juger que la société EDF a exécuté loyalement le contrat de travail de M. [G] [Z],

- juger qu'il n'y a pas lieu « d'enjoindre à la société EDF (') de proposer un poste en adéquation avec le profil professionnel et les préconisations du médecin du travail », la société EDF ayant parfaitement respecté ses obligations en ce domaine,

- juger que les demandes concernant l'annulation de la mutation d'office et celles en

résultant sont prescrites,

- juger que les demandes de M. [G] [Z] formulées au titre de la prime d'adaptation et des congés payés y afférents sont infondées et injustifiées,

- juger que les demandes de M. [G] [Z] formulées à titre de rappels « de

compensation de la perte de primes d'astreinte » et les congés payés y afférents sont infondées et injustifiées,

Si, par extraordinaire, la prescription de ces demandes n'était pas retenue,

- juger que les textes statutaires applicables à la mutation d'office de M. [G] [Z] ont été respectés,

- juger que la mutation d'office de M. [G] [Z] n'est pas une sanction disciplinaire,

- juger que la demande de M. [G] [Z] d'annulation de la « mutation imposée du 1er mars 2017 » est injustifiée,

En conséquence,

- débouter M. [G] [Z] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [G] [Z] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de

l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le même aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La société EDF fait valoir que :

- sur l'inégalité de traitement et l'évolution de carrière

- il revient à M. [Z] d'apporter les éléments démontrant qu'il aurait été lésé en comparaison à d'autres salariés placés dans une situation identique à la sienne,

- sur la période allant de 2004 à 2015, l'appelant a bénéficié d'une évolution de 3 GF et 13 NR,

- il ressort des entretiens annuels d'évaluation, que bien que M. [Z] soit un agent «rigoureux dans son travail», il se contentait de faire ce qui lui était demandé, ni plus, ni moins,

- sur la période postérieure aux avis d'aptitude avec demande de mutation de 2015, le salarié s'est vu proposer, dès le mois de novembre 2015, pas moins de trois postes conformes aux préconisations médicales,

- ces postes caractérisaient une opportunité d'évolution professionnelle dans la mesure où ils permettaient au salarié de changer de GF,

- pourtant, M. [Z] a refusé ces postes sans même prendre la peine d'échanger avec sa hiérarchie,

- puis, le salarié a finalement accepté une période d'immersion au sein du service protection de site sur une période allant du 11 au 14 janvier 2016, mais a persisté dans son refus,

- l'appelant se contente d'énoncer de manière laconique que ces postes « ne répond[ai]ent pas à ses souhaits »,

- que depuis 2004, M. [Z] a refusé pas moins de 4 postes caractérisant une évolution professionnelle,

- celui-ci avait pour seul objectif de se voir proposer le poste de technicien à la conduite, poste qui ne correspondait cependant pas à son profil,

- le salarié a été convoqué le 22 décembre 2016 dans l'objectif d'étudier la proposition de deux nouveaux postes, lesquels ont également été refusés,

- M. [Z] se compare à des agents qui n'ont pas la même ancienneté que lui, n'ayant pas été embauché sur le même poste que lui, à savoir « jeune technicien état major », qui n'ont pas eu le parcours professionnel de l'appelant (ce dernier ayant choisi une carrière de préparateur),

- en outre, les agents de comparaison n'ont pas évolué de manière automatique durant leur carrière professionnelle,

- M. [Z] soutient qu'il aurait atteint en fin de carrière le NR 220 ou 240 alors qu'il n'a postulé qu'à des postes de technicien conduite, soit, pour mémoire, des postes au NR « cible » en fin de carrière 150,

- les trois agents de comparaison n'ont pas atteint un NR 220 ou 240 et leurs situations ne sont en rien comparables avec celle de l'appelant,

- sur le harcèlement moral

- ce n'est que quelques mois après sa mutation que M. [Z] dénonçait subitement une prétendue situation de harcèlement moral par une lettre recommandée bien vague et générale du 23 juin 2017,

- les éléments caractérisant un harcèlement moral, sont tous, sans exception, datés de l'époque pendant laquelle le salarié travaillait au sein du service AEO, service auquel il n'appartient plus, de sorte que toute prétendue situation de harcèlement a, à date, cessé,

- elle a mis en place toutes les mesures utiles au respect de son obligation de sécurité et a recherché tous les postes disponibles, dans l'objectif de respecter les avis de la médecine du travail des 23 juin et 9 octobre 2015,

- les nombreuses pièces produites par le salarié ne démontrent aucun fait de harcèlement,

- sur l'obligation de sécurité

- les demandes du salarié sont prescrites, les griefs datant de 2008 ou 2013 ou 2014, voire 2015, alors qu'il a saisi le conseil de prud'hommes le 23 mai 2019, et ce d'autant que celui-ci est en arrêt de travail depuis le 13 mars 2017,

- elle a en outre respecté son obligation à ce titre,

- sur la validité de la mesure de mutation d'office

- M. [Z] a, pour la première fois, demandé l'annulation de sa mutation d'office intervenue le 1er mars 2017, par requête introductive d'instance en date du 22 mai 2019,

- cette mutation est intervenue le 13 février 2017. M. [Z] disposait donc de deux ans pour agir, soit jusqu'au 13 février 2019 inclus,

- sa demande est dès lors prescrite,

- subsidiairement, la mutation d'office est parfaitement fondée, les dispositions statutaires applicables ayant été respectées, et les prescriptions du médecin du travail ayant été suivies,

- elle peut en effet, en application de la PERS 212, texte réglementaire de branche pris en application du statut, décider de procéder à une mutation d'office de ses agents dans certains cas,

- ce poste était conforme au contrat de travail, n'entraînant aucune modification, ni du contrat de travail, ni de la rémunération, s'agissant d'un même emploi, simplement exercé au sein d'un service différent, avec des activités confiées de même nature,

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par ordonnance en date du 25 octobre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 5 janvier 2023 à 16 heures et fixé l'examen de l'affaire à l'audience du 19 janvier 2023.

MOTIFS

La cour rappelle que les demandes de 'constater', de 'dire et juger' ne constituent pas des prétentions mais des moyens et ne saisissent la cour d'aucune demande.

Sur l'absence d'évolution professionnelle et la rupture d'égalité de traitement

Selon le principe « à travail égal, salaire égal » dont s'inspirent les articles L.1242-14, L. 1242-15, L. 2261-22-9°, L. 2271-1-8° et L. 3221-2 du code du travail, tout employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

Sont considérés comme ayant une valeur égale par l'article L. 3221-4 du code précité, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

Il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe d'égalité de traitement de soumettre au juge, qui est tenu d'en contrôler concrètement la réalité et la pertinence, les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération ou de traitement entre des salariés placés dans une situation identique ou similaire, afin que l'employeur apporte à son tour la preuve d'éléments objectifs et pertinents justifiant cette différence.

M. [Z] soutient que l'absence d'évolution professionnelle dont il s'estime victime constitue une inégalité de traitement.

Il se compare aux salariés suivants :

- M. [A] [H] et M. [VE] [P] qui ont accédé à la classification NR160 en janvier 2015 après 3 ou 4 ans au poste de chargé d'affaire et une ancienneté moindre que la sienne

- M. [SM]

- M. [F]

- M. [L]

M. [Z] produit les fiches C01 de ces trois salariés desquelles il résulte que:

- M. [F] est entré au service de EDF en juillet 1993 en tant que AG en formation avec un GF 08 et un NR 090 échelon 22.

En juillet 2019, il bénéficiait d'un GF 13 et un NR 215

- M. [L] est entré au service de EDF en novembre 1986 en tant que releveur compteur avec un NR 020 échelon 22.

En juillet 2019, il bénéficiait d'un GF 12 et un NR 195

- M. [A] [T] est entré au service de EDF en septembre 2001 en tant que technicien électricien de maintenance avec un GF 08 et un NR 090 échelon 30.

En juillet 2019, il bénéficiait d'un GF 11 et un NR 160

M. [Z] est quant à lui entré au service de EDF en janvier 1994 en tant que jeune technicien avec un GF 08 et un NR 090 échelon 22, avec un BAC Technicien électrotechnique F3 et un DUT 'génie élec., électrotechnique'.

En juillet 2019, il bénéficiait d'un GF 11 et un NR 155

Il convient de relever que M. [F] et l'appelant ont été embauchés à 6 mois d'écart à l'avantage du premier, M. [L] a une ancienneté plus importante que M. [Z] et ce dernier ayant une ancienneté plus importante que M. [A] [T].

Pour autant, il résulte de l'examen de la situation de M. [F] qu'il a bénéficié de quatre mutations suite à candidature alors que M. [Z] n'en a bénéficié que d'une seule sur candidature.

Ces mutations ont ainsi permis à M. [F] d'acquérir une expérience professionnelle, lui permettant d'avoir des responsabilité en rapport, à l'inverse de M. [Z].

M. [Z] compare sa situation à celle de M. [SM], sans produire sa fiche C01, laquelle figure néanmoins au dossier de l'intimée et de laquelle il résulte que ce salarié est entré au service de EDF en 1981, soit 13 ans avant l'appelant, sa situation n'étant ainsi pas comparable.

Il se compare de la même manière à M. [P] sans produire sa fiche C01, figurant néanmoins au dossier de l'intimée, la cour formulant les mêmes remarques que pour celles de M. [F].

Au mois d'octobre 1994, M. [Z] obtient l'échelon 50. Il change de NR en avril 1995 pour passer à 100 et en octobre 1997, il obtient un reclassement : GF 09 NR 110.

Par la suite sa carrière se déroule comme suit :

- en janvier 2002 : passage en GF 09 NR 120

- en janvier 2006 : passage en GF 10 NR 130

- en janvier 2008 : passage en GF 10 NR 140

- en juillet 2010 : passage en GF 11 NR 150

- en janvier 2014 : passage en GF 11 NR 155

M. [Z] soutient qu'il occupe depuis 2004 un poste de préparateur électricien sans évolution professionnelle et avec une évolution salariale bien inférieure à celle de ses collègues.

Il résulte cependant du déroulement de carrière de l'appelant que ce dernier a bénéficié de 3GR et 13 NR.

Il résulte de la comparaison avec l'évolution de carrière de M. [A] [T], entré au service de EDF 7 ans et 8 mois après M. [Z], que le premier a eu une évolution plus rapide.

En effet, les deux salariés bénéficiaient à leur embauche du GF 08 et du NR 090 échelon 30.

M. [T] a obtenu le GF 09 et le NR 120 au bout de six ans et quatre mois, M. [Z] l'ayant obtenu au bout de huit ans.

M. [T] passera au GF 10 NR 130 deux ans et six mois plus tard, puis au NR 140 six mois après, et ainsi de suite :

- GF 11 NR 150 après un an et six mois

- NR 160 après trois ans et six mois

Ainsi qu'il a été relevé ci-dessus, M. [Z] a bénéficié de l'évolution suivante:

- GF 10 NR 130, quatre ans après son passage en GF 09 NR 120

- NR 140, deux ans après son passage en NR 130

- GF 11 NR 150, deux ans et six mois après son passage en NR 140

- NR 155, trois ans et six mois après son passage en NR 150.

La cour relève encore que les diplômes obtenus par ces deux salariés sont équivalents :

- M. [T] : un BAC 'techn. STI génie électrotechnique' et un BTS électrotechnique

- M. [Z] : un BAC technicien électrotechnique F3 et un DUT 'génie élec. électrotechnique'.

L'employeur indique dans ses écritures que M. [T] a candidaté sur un poste de « chargé d'affaires » en mai 2008 avant d'évoluer sur un poste de « chargé d'affaires projets ».

M. [Z] justifie avoir postulé le 29 avril 2014 sur un poste de responsable de projet électricité, son supérieur hiérarchique ayant émis l'avis suivant le 4 mai 2014 : 'non disponible'.

La société EDF justifie sa décision par le départ prévu 'de longue date' des deux préparateurs référents de l'équipe au sein de laquelle était affecté M. [Z], à savoir MM [SM] et [N].

Le dossier de l'employeur comporte en effet les lettres de ces deux salariés, du 28 août 2012 pour M. [SM] pour un départ le 1er novembre 2014, et du 10 juin 2013 pour M. [N] pour un départ le 1er juillet 2014.

Les dispositions de la directive PERS 212 précisent que la mutation désigne tout déplacement d'agent consécutif à un changement de poste. La mutation à la demande de l'intéressé contrairement à la mutation d'office (pour nécessités du service et qui n'entrainent pas d'avancement) fait suite à la publication d'un poste à pourvoir auquel l'intéressé a posé sa candidature et lorsque ces mutations entraînent un changement d'affectation ou d'unité d'exploitation, les candidatures étant soumises à la commission secondaire qui examine les aptitudes de chaque candidat à occuper le poste à pourvoir et formule son avis.

En l'espèce, les nécessités du service auquel était affecté M. [Z] ne permettaient pas d'accepter la demande de mutation de ce dernier, la cour rappelant que la mutation n'est pas un droit, seuls des refus injustifiés et abusifs de l'employeur pouvant entraîner sa responsabilité.

L'employeur invoque également les entretiens professionnels de l'appelant pour justifier l'évolution professionnelle de ce dernier, ajoutant que M. [Z] 'se contentait de faire ce qui lui était demandé, ni plus, ni moins.'

Il résulte ainsi des entretiens annuels de 2011 à 2014, M. [Z] ayant refusé par courriel du 8 décembre 2015 de participer à tout nouvel entretien pour l'avenir, que :

- entretien du 12 décembre 2011 :

'...

Mobilité fonctionnelle : NON

Mobilité géographique : NON

Ouverture à l'international : NON

...

En ligne avec les objectifs :

[G] est un agent rigoureux dans son travail qui fournit des livrables de qualité.

Il doit toutefois faire confiance à ses compétences pour prendre des responsabilités.

...

AGENT : L'agent constate qu'il a fait le mauvais choix en postulant préparateur, notamment en terme de déroulement de carrière.

MANAGER : J'encourage [G] à prendre confiance en lui pour s'affirmer au sein de son collectif de travail en prenant en charge le pilotage d'affaire technique ou organisationnelle.'

Sur les 5 domaines professionnels (dont 4 pris en compte par l'évaluateur), M. [Z] en maîtrise deux (la moyenne étant de 2 sur 4), un est au dessus de la moyenne ('optimisation') et un est juste 'pris en charge' (en dessous de la moyenne), soit celui relatif à 's'engager et mobiliser'.

- entretien du 14 décembre 2012 :

'...

Mobilité fonctionnelle : Oui sur un poste à 100% de service actif

Mobilité géographique : limitée à Tricastin, CNR, ERDF

...

En ligne avec les objectifs :

[G] est un agent rigoureux dans son travail qui fournit des livrables de qualité.

Il doit toutefois faire confiance à ses compétences pour prendre des responsabilités.

...

AGENT :

A fait le mauvaix choix en devenant préparateur. [G] souhaiterait qu'on lui explique avec les investissements personnels qu'il a du faire durant sa carrière se retrouve avec un niveau de rémunération aussi bas. Il constate que les promesses qui lui ont été faites à sa prise de poste de préparateur en 2004 n'ont pas été tenues.

MANAGER :

Après trois trimestres difficiles, [G] a su reprendre le dessus pour assurer la préparation des fortuits dimensionnants ... Je l'invite à poursuivre dans cette direction afin de faire bénéficier le plus grand nombre de ses connaissances et de son aide.

Le dernier trimestre 2012 est encourageant en ce sens.'

Sur les 5 domaines professionnels (dont 4 pris en compte par l'évaluateur), M. [Z] en maîtrise trois (moyenne) et un est juste 'pris en charge' (en dessous de la moyenne), soit celui relatif à 's'engager et mobiliser'.

- entretien du 18 décembre 2013 :

'...

Mobilité fonctionnelle : Oui sur un poste 100% de service actif

Mobilité géographique : limitée à 30 km autour de [Localité 4]

...

En ligne avec les objectifs :

[G] est un agent rigoureux dans son travail qui fournit des livrables de qualité.

Il doit toutefois faire confiance à ses compétences pour prendre des responsabilités.

...

AGENT :

[G] souhaiterait qu'on lui explique qui dans le service et dans sa carrière au sein d'EDF a du s'investir plus que lui et qui aurait eu à ancienneté et diplôme équivalent, une évolution moindre.

MANAGER :

[G] ne doit pas hésiter à faire partager ses connaissances aux autres préparateurs et à apporter son appui si le besoin se présente.

J'encourage aussi [G] à être force de proposition pour pouvoir faire avancer les travaux du collectif'

Sur les 5 domaines professionnels (dont 4 pris en compte par l'évaluateur), M. [Z] en maîtrise trois (moyenne) et un est juste 'pris en charge' (en dessous de la moyenne), soit celui relatif à 's'engager et mobiliser'.

- entretien du 11 décembre 2014 :

'...

Mobilité fonctionnelle : Oui dépendra des propositions

Mobilité géographique : limitée à 30 km autour de [Localité 4]

...

En ligne avec les objectifs :

[G] est un agent rigoureux dans son travail qui fournit des livrables de qualité.

...

AGENT :

MANAGER :

J'encourage aussi [G] à être force de proposition pour pouvoir faire avancer les travaux du collectif. Il doit profiter de l'opportunité de la réorganisation au sein de la section pour montrer ses compétences dans le domaine BT qu'il voulait rejoindre.

Pour répondre à la question de [G] : il est libérable à partir du 01/06/2016.'

Sur les 5 domaines professionnels (dont 4 pris en compte par l'évaluateur), M. [Z] en maîtrise trois (moyenne) et un est juste 'pris en charge' (en dessous de la moyenne), soit celui relatif à 's'engager et mobiliser'.

Il apparaît à la lecture de ces évaluations que M. [Z] devait s'investir dans les responsabilités et l'animation, ce qu'il n'a pas su faire, notamment en 2014, où il est noté l'absence de toute 'action du projet d'équipe' à sa charge.

Par ailleurs, il n'est pas contesté par l'appelant qu'il a refusé en 2012 un poste de préparateur référent, les raisons qu'il invoque dans ses écritures étant d'une part contestées par EDF et d'autre part non démontrées.

La cour relève qu'en 2012, MM [Z] et [T] bénéficiaient des mêmes GF et NR, le refus du premier ayant nécessairement impacté son évolution de carrière.

De plus, le salarié faisait part de son refus de toute mobilité tant fonctionnelle que géographique lors de l'entretien de décembre 2011.

M. [Z] ne peut dès lors invoquer une absence d'évolution à laquelle il a lui-même participé.

Par la suite, M. [Z] a fait l'objet, en 2015, de deux avis médicaux avec demande de mutation en dehors du service AEO (fiches d'aptitude médicale des 23 juin et 3 octobre 2015).

Il résulte des explications développées supra que la carrière de M. [Z] s'est déroulée dans des conditions normales jusqu'en 2015, même si elle n'était pas celle souhaitée par le salariée.

Dès le 18 novembre 2015, l'employeur proposait à M. [Z] les postes suivants :

- Service Protection de site : Chargé d'affaires et de projet (plage E GF 10/12) avec

maintien de l'astreinte ;

- Service Equipe Commune : Chargé d'affaires et de projet Electricité (plage E GF 10/12)

avec maintien de l'astreinte ;

- Service Ingénieur Fiabilité : Préparateur composant référent (plage E GF 10/12) sans

maintien d'astreinte à court terme.

M. [Z] acceptait une période d'immersion au sein du service protection de site sur une période allant du 11 au 14 janvier 2016. A l'issue, il va finalement refuser ce poste 'qui ne correspondait pas à son évolution professionnelle'.

Cependant, la mutation de M. [Z] avait été rendue indispensable suite aux conclusions de la médecine du travail, celle-ci n'entraînant pas de facto une promotion.

L'employeur va ainsi proposer à M. [Z] une nouvelle immersion au service conduite sur Tricastin, laquelle a donné lieu à un rapport porté à la connaissance du salarié par courriel du 28 octobre 2016 :

'... nous vous avons fait faire une immersion au service conduite de Tricastin fin mai et début juin 2016, qui n'a pas eu une suite positive.

Dans le retour du management de Tricastin, nous retenons que :

'... - Vous avez une sensibilité sûreté correcte, que vous avez été transparent sur vos difficultés actuelles, que vous avez fait preuve de rigueur, vos connaissances techniques de bases sont correctes, avec une bonne connaissance en thermographie.

- Votre projet professionnel à la conduite n'est pas abouti, vous n'avez pas de connaissance de la composition des équipes de conduite en quart, des objectifs de la conduite, tant sur le volet Production, sûreté, que sur le volet noyau de cohérence conduite, mais aussi sur l'implication inhérente aux nouveaux entrants.

Vous ne souhaitez pas aller sur le terrain, vos connaissances sur la neutronique et sur le poste d'eau ne sont pas à l'attendues. Vous n'avez pas démontrer de capacité à aller chercher naturellement les compétences complémentaires à acquérir afin d'être plus transverse ou plus performant, de fait, votre capacité à tenir un rythme d'apprentissage rapide n'est pas prouvé. Votre manière d'être avec les autres et votre posture lors de l'entretien montrent des difficultés à s'intégrer dans une équipe en quart où le collectif est essentiel pour le travail. Tous ces éléments sont importants pour atteindre les habilitations nécessaires pour l'emploi.

Le rythme en quart vous a affecté, votre état de fatigue lors de l'entretien montre des difficultés quant à votre capacité physique à récupérer.

- Vous n'affichez pas de motivation réelle pour l'entreprise, le contexte du groupe EdF, la DPNT ou même votre unité. Votre motivation exprimée fermement est de sortir de votre service actuel et vous ne souhaitez pas rejoindre le site du Tricastin même sur un poste conduite. Vous n'avez pas de potentiel d'évolution au delà d'un poste d'opérateur.'

Pour travailler sur un projet professionnel, il faut que l'agent concerné soit acteur. Il s'agit de trouver un emploi en adéquation à vos compétences et aux besoins de l'entreprise. Nous regrettons votre posture peu constructive.

Actuellement, nous vous avons agencé votre environnement de travail afin prendre en compte l'avis médical.

Pour autant, aujourd'hui vous refusez de dire 'Bonjour' à votre manager et Chef de Service, ainsi qu'à certains de vos collaborateurs.

Vous ne participez plus aux réunions de sections qui donnent les priorités techniques et de sûreté des activités de la section pour la semaine à venir.

Je suis confiant sur le fait que vous mesurez l'importance du respect des règles de vie et que vous les respecterez à l'avenir.

Je vous demande de vous conformer aux règles de vie collective et de respecter l'ensemble de l'équipe de travail.'

La cour observe que ces conclusions confirment celles contenues dans les divers entretiens repris ci-dessus, à savoir un manque de confiance en lui, le domaine professionnel relatif à 's'engager et mobiliser' en dessous de la moyenne, des difficultés à partager ses connaissances et apporter son appui.

Il convient de tenir compte de la spécificité du poste d'agent de terrain conduite et de la nature de l'activité (nucléaire), justifiant une sélection rigoureuse. L'employeur produit à ce titre la fiche de description de la formation nécessaire à ce métier, à savoir 536 heures réparties sur 90 jours, chaque module faisant l'objet d'une évaluation.

Ainsi, il ne saurait être reproché à l'employeur de prendre toutes les précautions pour le recrutement d'un agent de conduite, le rejet de la candidature de M. [Z] ne pouvant ainsi être considéré comme abusif.

Ce faisant, par courrier du 22 décembre 2016, l'employeur va proposer deux nouveaux postes à M. [Z] en ces termes :

'...

Malgré nos échanges, vous avez postulé sur un emploi de technicien conduite au service CD12 lors de la CS du 1er décembre 2016, pour lequel vous êtes hors profil. L'emploi est destiné à des agents qui ont suivi le cursus de professionnalisation conduite comme déjà expliqué à plusieurs reprises.

Pour travailler sur un projet professionnel, vous devez en être acteur. Il s'agit de trouver un emploi en adéquation à vos compétences et aux besoins de l'entreprise. Nous regrettons votre posture peu constructive sur les précédents propositions.

Nous vous avons convoqué une nouvelle fois le 22 décembre pour vous proposer deux nouveaux emplois en adéquation avec vos compétences et la Gestion Prévisionnelle des Emplois et Compétences du CNPE de Cruas- Meysse.

- Service SAE : Préparateur section SAM (plage F GF 9/10/11) avec après formation et aptitude

- Service S3P : Chargé de planification en Etoffement Formation (place F GF 9/10/11) avec après formation et aptitude.

Nous vous informons que les deux chefs de service concernés se tiennent à votre disposition pour un entretien exploratoire et répondre à vos questions éventuelles sur le contenu des deux emplois en question. Nous comptons sur un retour de votre part pour le 31 janvier 2017 au plus tard. Sans retour de votre part, nous serons contraints de vous muter d'office sur un poste en adéquation avec nos besoins et vos restrictions médicale en accord avec le médecin du travail.

Vous avez refusé cette convocation sans aucun motif, alors que votre chef de service vous a rendu disponible.

Nous vous rappelons qu'en tant que salarié vous avez obligation de vous soumettre à une convocation de la Direction. Nous vous demandons à l'avenir de vous comformer à cette règle...'

Aucun élément produit par le salarié ne vient démontrer que ces deux propositions auraient été contraires à l'avis du médecin du travail, le certificat de son médecin étant sans intérêt dans la mesure où il ne connaît pas les emplois proposés ni les lieux d'affectation, sa correspondance ayant été rédigée sur les seules déclarations de M. [Z].

Ainsi et en l'absence de toute réponse de M. [Z], ce dernier sera destinataire d'un courrier daté du 9 février 2017 :

'Monsieur,

Je fais suite à mon courrier du 22 décembre 2016, pour vous informer que vous serez muté d'office au 1er mars 2017, conformément à l'avis médical, sur un emploi de préparateur au service SAE Section Méthodes Automatismes (SAM).

Cette décision sera soumise à l'avis des membres de la CSP du 29 mars prochain.

Je me tiens à votre disposition pour tout complément d'information.'

Il résulte de ces explications qu'aucune faute ne saurait être retenue à l'encontre de l'employeur suite aux fiches d'aptitude médicale des 23 juin et 3 octobre 2015, l'argumentation et les pièces de M. [Z] démontrant seulement une opposition de ce dernier aux propositions faites, estimant que l'employeur doit obligatoirement lui proposer le poste qu'il souhaite et ce avec promotion.

De ce fait, les répercussions psychologiques sur le salarié, dont fait état son médecin, peuvent être réelles mais sans lien avec une quelconque attitude fautive de l'employeur.

Ainsi et quoi qu'il soutienne le contraire, il résulte des éléments du dossier que, si M. [Z] n'a pas fait l'objet de l'évolution qu'il a souhaitée, c'est aussi et parce qu'il n'a pas fait preuve d'aptitudes suffisantes, ainsi que le démontrent les relevés d'entretiens annuels produits et les motifs de rejet de ses différentes candidatures.

En définitive, aucune inégalité de traitement n'est démontrée par l'appelant, justifiant la confirmation du jugement querellé de ce chef.

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L. 1154-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail.

Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

La cour relève que M. [Z] détaille dans ses écritures les principes juridiques applicables à l'obligation de sécurité de l'employeur sans apporter le moindre développement sur ce point à l'encontre de la société EDF.

M. [Z] invoque les faits suivants, constitutifs, selon lui, d'actes de harcèlement :

- un comportement managérial et humain totalement inadapté, dégradant depuis plusieurs années la relation de travail

- une pression toujours plus accentuée à son égard

- des reproches infondés

- lui imputer des tâches ne relevant pas de ses fonctions ou au contraire confiant ses tâches à d'autres collaborateurs

- cette dégradation et ce harcèlement moral ont naturellement eu un impact sur la santé.

Pour étayer ses affirmations, M. [Z] produit les éléments suivants :

Un comportement managérial et humain totalement inadapté, dégradant depuis plusieurs années la relation de travail

- l'attestation de M. [V] :

« Les faits se sont produits au début de l'été 2014, j'étais employé au service AEO EDF du CNPE de CRUAS-MEYSSE depuis avril 2014.

Je partageais à cette époque le même bureau que Mr [Z].

Un jour de semaine, durant la pause méridienne, j'étais seul au bureau, trois responsables du service AEO dont Mme [B] et Mr [KF] pénètrent dans mon bureau.

Ils ne font pas cas de ma présence et se précipitent vers une affiche du christ crucifié.

Le visage du Christ est modifié, il s'agit en fait de la photo de Mr [Z].

Mr [KF] saisi un stylo et dessine un petit sexe à la place des parties génitales sur cette affiche, il dit :

« Ça lui va si bien une petite bite ! »

Cela les a bien fait rigoler entre eux, ils ont quitté le bureau curieusement gênés par ma présence. »

Il ajoute dans une nouvelle attestation :

« Les faits se sont déroulés de 2014 à 2018, j'étais employé au service AEO EDF CNPE de CRUAS-MEYSSE.

A mon arrivé en avril 2014, j'occupais le même emploi que Mr [Z], c'est en bon professionnel du nucléaire que Mr [Z] m'a aidé et transmis ses connaissances pour mener à bien ma mission.

Je ne peut pas en dire autant de bon nombre de personnes dans ce service, y compris de certains responsables qui menaient une politique de management dénigrante, ce qui engendrait une méfiance générale au quotidien.

Il y avait des clans d'un côté les personnes bien vues de la hiérarchie frayant autour des responsables influents, et d'un côté les autres. Telle une mafia tout se tramait autour et avec les mêmes personnes, laissant les autres sur la touche en les stigmatisants dès que possible.

Nous étions tous censer travailler ensemble afin de pérenniser notre outil de production, mais les responsables de ce service ont privilégié leurs carrières.

L'ambiance au travail était très instable, passant du tout ou rien en quelques instants.

La hiérarchie avait pris Mr [Z] comme bouc-émissaire, faisant de lui un exemple à ne pas suivre.

On m'a souvent reprocher de dialoguer avec Mr [Z], un jour Mr [F] m'a dit : « tu ne devrait pas être collègue avec [E], c'est pas bon pour ta carrière ».

M. [Z] fait également état d'un manque d'écoute et de communication, même une ignorance totale à son égard.

Il vise les entretiens individuels de 2012, 2013 et 2014 dans lesquels il dénonce cette situation et son incompréhension quant à son absence d'évolution professionnelle, sans qu'aucune réponse ne lui soit fournie.

Il ajoute qu'il subissait du dénigrement concernant sa personne et ses compétences :

- M. [Z] vise ses différentes candidatures et les refus de l'employeur.

- des attestations de collègues de travail décrivant leurs bonnes relations avec M. [Z].

- pièce n°73 : 'réponse compte rendu immersion compte rendu de l'entrevue et enregistrement audio légal compte rendu d'immersion oral (Octobre 2016).'

Enfin, M. [Z] indique qu'il a subi un traitement différencié pour les astreintes et qu'il n'a pas été payé de ses primes variables :

- pièce n°71 : paiement astreinte pour coupure ' Février 2016

L'échange de courriels avec Mme [B] montre une erreur du salarié et de cette dernière à ce titre, laquelle a été régularisée.

- pièce n°72 : échanges astreinte : il s'est vu supprimer son astreinte au retour d'un arrêt de travail.

Mme [B] a modifié l'astreinte du 21 au 28 juillet 2016, M. [Z] devant rentrer d'arrêt maladie le 24 juillet, soit en période d'astreinte.

- pièce n°76 : primes variables impayées : courriel de M. [Z] à Mme [B] et M. [D] du 5 février 2018 :

'...

Je vous signale que je n'ai toujours pas reçu le courrier demandé, à savoir une copie du critère que nous aurions défini ensemble et que je n'aurai pas atteint quant à ma PVA de 2016, normalement versée sur paye 2017. Peut être s'est il perdu à la poste. Le cas échéant, je vous demande une nouvelle fois, et vous en remercie, de me réexpédier une copie de cet engagement mutuel en lettre suivie ou en LRAR afin d'être certain qu'elle me parvienne.

Je vous informe également que les quatre jours d'astreinte que vous m'avez retirés lors d'un retour d'arrêt maladie et pour une raison que je considère infondée ne m'ont toujours pas été versés sur mes payes.'

- pièce n° 77 : demande justification absence de primes variables PVA 2016 (mai et juin 2017) : courriels à Mme [B] et M. [D] du 30 avril 2018, 23 mai et 20 juin 2017.

- pièce n°1 : bulletins de paie depuis 1994

Une pression toujours plus accentuée à son égard

- pièce n°60 : des courriels échangés avec certains collègues en décembre 2014, novembre 2015, septembre et octobre 2016

- pièce n°61 : un courriel de Mme [B] du 5 octobre 2015 :

'...

Les missions que je t'avais confiées font pleinement partie des travaux de la section MPA.

Pour rappel, les tâches qui t'étaient confiées éaient compatibles avec le temps pour pouvoir les réaliser.

Les trois missions confiées étaient :

...'

M. [Z] répondra le 6 octobre 2015 dans lequel il joint le travail réalisé, 'afin que, si vous le jugez nécessaire, vous le transmettiez à la personne en charge de cette tâche.

...

A l'avenir, je vous demande de faire preuve d'un peu plus de rigueur et de sérieux afin que je ne doive pas sans cesse perdre mon temps à répondre à vos critiques injustifiées.

...'

- pièce n°62 : un échange de courriels du 10 octobre 2016, s'agissant des mêmes emails que ceux de la pièce n°60 d'octobre 2016.

Il s'agit d'une divergence de point de vue sur des dossiers et la procédure les concernant.

Des reproches infondés

- pièce n° 63 : un échange de courriels avec Mme [B] du 7 août 2015 :

Cette pièce concerne un email de M. [Z] à Mme [B] du 7 août 2015 :

'...

Concernant les FSA, suite à mon entretien individuel de décembre 2014 et à un email du 03/04/2015 que je t'avais adressé, tu as une nouvelle fois oublié de me préciser les dates à partir desquelles tu ne me considereras pas comme étant trop proche de la limite.

...

J'ai bien noté que pendant mon mois d'absence, les 5 autres préparateurs avaient réussi à élaborer 9 FDR en plus des 33 FDR que j'avais moi même faites.

Il en reste donc encore 14 a élaborer, notamment les plus chronophages, celles qui portent sur de multiples OI.

Aussi, je ne t'ai pas exprimé mon envie de travailler sur le PBMP batterie à savoir l'intégration de prescriptif sur les systèmes qui m'ont été confiés mais t'ai simplement reprécisé que cela était ma mission de préparateur METHODE et que je n'appréciais guère le fait de devoir faire le travail ingrat de autres pendant que ceux ci font le travail noble qui devrait être à ma charge.

Dernier point, je te remercie de ton message mais j'aurais de loin préféré être prévenu autrement que par un email, je te rappelle qu'hier j'étais présent toute la journée, je suppose que tu as pensé à ce qui tu m'as écrit qu'après 17h35, heure de mon départ...

Cordialement.'

- pièce n°64 : un échange de courriels avec M. [C] du 05 juillet 2013 :

Cette pièce concerne un courriel de Mme [B] à M. [Z] du 6 août 2015, dans lequel il est demandé à ce dernier de poursuivre le travail entrepris avant son départ en congés d'été.

Lui imputer des tâches ne relevant pas de ses fonctions ou au contraire confiant ses tâches à d'autres collaborateurs

- pièce n°65 : un courriel à Mme [B] du 7 juillet 2015 :

'[R],

Puisque la rédaction des FDR de la tranche 2 m'a été expressément demandé par Mr le chef de service, je m'y emploie.

Néanmoins, je te reprécise que je suis préparateur méthode et non d'arrêt, ma mission principale étant l'intégration du prescriptif portant sur les différents matériels dont j'ai la charge et que je regrette tu aies décidé de modifier l'organisation concernant les FDR sur l'arrêt qui m'a été affecté alors que ce n'est nullement ce qui avait été défini en réunion de section.

Aussi, avec grand étonnement, j'ai appris que tu avais demandé à des préparateurs de travailler sur du descriptif (FSA), ma mission première, de matériels dont j'ai la charge, à savoir des batteries.

Serait il possible de me redéfinir exactement ce que l'on attend de mon poste et si je dois indéfiniment faire le travail que mes homologues ne veulent pas faire.

D'avance merci de ta réponse.

Cordialement.'

- pièce n° 66 : un échange d'emails avec Mme [B] du 3 avril 2015.

Il s'agit d'un seul courriel envoyé par M. [Z] à Mme [B] le 3 avril 2015 :

'Bonjour [R],

C'est à moi que reviens normalement cette tâche conformément à la répartition des matériels affectés à chaque préparateur. Il n'y a donc rien à partager conformément aux us et coutumes de la section.

Maintenant, comme tu devrais t'en souvenir, je subis une opération chirurgicale le 07 avril, suivie d'un arrêt de travail...

A la vue de la date d'échéance de la FSA au 22/05/2015, nonobstant le fait que je ne connaisse pas la charge de travail, autant que faire se peut, je tâcherai de tenir l'échéance mais dans cette hypothèse, je suppute que, quoi qu'il en soit, je serai considéré 'trop proche de la limite d'échéance' telle la remarque que tu as mentionnée lors de mon ultime entretien individuel sur une FSA liée à la DP255. Je te rappelle que j'avais fourni tous les éléments 15 jours avant sa date d'échéance (fin d'arrêt) ; concernant cette FSA, je ne vois pas par quel miracle, je pourrais te contenter.

In fine, je te demande de renégocier une date de fin d'échéance de cette FSA sans que je doive invoquer une quelconque entité divine afin de remplir l'objectif fixé.

Bien entendu, il faudra également me transmettre la date pour laquelle ma réponse ne saurait être considéré comme trop proche de la limite.

...'

- pièce n°69 : exemple de tâches n'entrant pas dans ses fonctions.

Il s'agit du même courriel que celui figurant en pièce n°65.

- pièce n°70 : suppression de tâches et reproches injustifés.

Il s'agit des mêmes courriels produits en pièces n°60 et 61.

Cette dégradation et ce harcèlement moral ont naturellement eu un impact sur sa santé

- pièce n°23 : courrier du Dr [WD] psychiatre du 20 mars 2017

- pièce n° 24 : déclaration d'invalidité du 1er avril 2020

- pièce n° 2 : arrêts maladie

Ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral. Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve que ses décisions étaient étrangères à tout harcèlement moral.

L'employeur soulève dans un premier temps la prescription de la demande ainsi présentée, 'les premiers faits datant de 2008 ou 2013 ou 2014, voire 2015, année au cours de laquelle il date in fine la prétendue dégradation non prouvée de ses conditions de travail.

Nul doute alors que sa demande était, lorsqu'il a saisi le Conseil de Prud'hommes d'Aubenas, soit le 23 mai 2019, prescrite, et ce d'autant que l'on sait que celui-ci est en arrêt de travail depuis le 13 mars 2017.'

Les demandes formées sur le fondement du harcèlement moral relèvent de l'article 2224 du code civil en raison de l'exclusion expresse de la matière du champ de la prescription sociale biennale ou annale, à savoir 5 ans.

Dès lors, il s'agit d'un point de départ glissant qui s'applique en la matière.

Il s'agit du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, à savoir dans l'hypothèse du harcèlement moral, la date à laquelle les faits de harcèlement invoqués par le salarié ont cessé.

Dans le cas d'un licenciement, le délai de 5 ans court à compter de la date de la rupture considérée comme le dernier acte de harcèlement.

En outre, dès lors que l'action n'est pas prescrite, le juge peut prendre en compte l'ensemble des faits invoqués par la victime permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral, quelle que soit la date de leur commission.

En l'espèce, dans la mesure où le contrat de travail est toujours en cours, il convient de rechercher la date du dernier acte de harcèlement.

Le salarié visant des courriels d'octobre 2016 ainsi que des demandes de candidature de 2017 et 2018 et ayant saisi le conseil de prud'hommes d'Aubenas en mai 2019, soit dans le délai de 5 ans, sa demande au titre du harcèlement moral est parfaitement recevable.

Sur le fond, il considère que les courriels produits par M. [Z] ne comportent aucun ton agressif ou pressant, ce que retient la cour à la lecture de ces documents.

Les courriels échangés en pièce n°62 montrent seulement une divergence de point de vue sur un dossier et la procédure à suivre, sans que cela constitue pour autant une pression ; la cour relevant d'ailleurs que le ton employé par M. [Z] est discourtois et ironique, et ce à l'encontre de sa supérieure hiérarchique, Mme [B].

L'employeur produit par ailleurs un email envoyé par l'appelant à des collègues de travail, dans lequel il porte un jugement peu flatteur sur Mme [B] :

« [R] souhaite que je fasse son travail de manager, à savoir que je demande à l'un de vous

de bien vouloir passer vérifier cette FE, donc s'il y a une bonne âme parmi vous '

Dans le cas contraire, [R] fera son travail et demandera à l'un de vous de la faire évoluer

comme je lui avait demandé, à son retour ' ».

L'employeur indique encore à raison que M. [Z], contrairement à ce qu'il indique dans ses écritures, ne produit pas des échanges de courriels mais seulement un écrit, soit qu'il a rédigé, soit qu'il a reçu, ne permettant pas un débat contradictoire et une réponse adéquate de la société.

La cour observe que les reproches infondés ne sont pas démontrés, les courriels produits ne comportant aucun reproche, fondé ou non.

Concernant les faits décrits par M. [V] dans sa seconde attestation, l'employeur produit l'attestation de M. [F] qui conteste fermement les déclarations du premier.

Cependant, il n'est donné aucune explication sur les faits décrits par M. [V] dans sa première attestation, ces faits constituant sans contestation des moqueries intolérables à l'encontre de M. [Z].

La cour relève encore qu'il ne ressort d'aucun des échanges produits un mépris ou un quelconque dédain, pas plus que des reproches ou des pressions envers le salarié.

La cour ne décèle rien dans les emails produits qui puisse constituer un acte de harcèlement moral.

Il en est de même concernant les échanges visés en pièces n°67 et 68 invoquées par M. [Z] en page 47 de ses écritures, s'agissant d'un échange entre collègues chacun ayant un point de vue différent, ce qui ne saurait s'apparanter à un acte harcelant.

Par ailleurs, la pièce n°73 : 'réponse compte rendu immersion compte rendu de l'entrevue et enregistrement audio légal compte rendu d'immersion oral (Octobre 2016).' est constituée d'une feuille dactylographiée dont il est impossible de déterminer l'origine et la sincérité.

Enfin, les pièces médicales ne sont que le reflet des déclarations de la salariée sans que les médecins n'aient constaté personnellement un lien avec la situation professionnelle de M. [Z], ledit lien n'étant évoqué qu'à travers les déclarations du patient.

Concernant le paiement des astreintes en pièce n°71, il apparaît qu'une erreur a effectivement été commise par M. [B], ainsi que par M. [Z], laquelle a été régularisée.

Concernant la suppression de l'astreinte à son retour de congés, Mme [B] l'a justifiée par un retour du salarié le 24 juillet alors que l'astreinte était du 21 au 28 juillet 2016, le fait que M. [Z] considère cette explication comme infondée ne donne pas à cet acte un caractère harcelant.

Il apparaît encore que, concernant les primes variables, l'employeur ne donne aucune explication sur les impayés soulevés par le salarié et qui sont démontrés par les courriels envoyés et les fiches de salaire.

Il en est de même concernant les demandes d'explication sur son absence d'évolution professionnelle, que son sentiment soit fondé ou non.

Ce silence de l'employeur à une revendication légitime ou non du salarié et ce à plusieurs reprises, entre 2012 et juin 2018, est fautif et constitue des actes de harcèlement moral.

Considérant les faits retenus à l'encontre de l'employeur et leur durée, il y a lieu de condamner l'intimée au paiement de la somme de 10000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi par M. [Z].

Le jugement déféré sera réformé de ce chef.

Sur la mutation d'office

L'employeur soulève la prescription de la demande présentée par M. [Z].

Aux termes des dispositions de l'article L 1471-1 du code du travail, 'toute action portant sur l'exécution se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.'

En l'espèce, la mutation litigieuse, qui porte incontestablement sur l'exécution du contrat de travail, est intervenue par courrier daté du 9 février 2017 pour une prise de fonction au 1er mars 2017.

M. [Z] ayant saisi le conseil de prud'hommes d'Aubenas par requête en date du 22 mai 2019, soit postérieurement au délai de 2 ans susvisé, est irrecevable en sa demande.

Le jugement querellé sera dans ces circonstances réformé de ce chef.

Sur la prime d'adaptation

L'employeur soulève la prescription de la demande qui doit suivre le sort de celle présentée au titre de la mutation d'office.

Or, dans ce cas précis, il s'agit d'une demande financière, s'agissant d'une prime équivalente à deux mois de salaire, de sorte qu'elle bénéficie de la prescription triennale et n'est en aucune manière prescrite.

La note d'entreprise DP 20-159, prévoyant l'attribution des primes d'adaptation, stipule :

« Les agents dont la mutation (avec ou sans mobilité géographique) se traduit par un

changement d'emploi qui nécessite :

' des actions de formation lourdes et une durée d'adaptation au nouvel emploi comprise

entre 6 mois et un an, ou

' un effort d'adaptation lourd avec une mise à niveau directement sur le poste de travail

compris entre 6 mois et 1 an,

Bénéficient d'une prime d'adaptation .

...

Le montant de cette prime est fixé à 2 mois de salaire brut (augmenté éventuellement de l'ARTT).

...

Une adaptation permettant à un agent d'évoluer au sein de son métier ne relève pas de ce dispositif ».

L'employeur considère que la mutation de M. [Z] s'est faite sur le même emploi mais dans un service différent, passage du service AEO au service SAE, Section SAM alors que l'appelant estime qu'elle s'est faite sur un métier bien différent que celui qu'il occupait, automaticien et non pas électricien.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour ne dispose pas d'éléments suffisants pour retenir que M. [Z] remplit les conditions pour bénéficier de la prime d'adaptation.

En effet les éléments de preuve qu'il invoque et produit (attestation de M. [X] qui indique que les métiers dans ce service sont très techniques) ne permettent pas de prouver qu'il a suivi des actions de formation lourdes et une durée d'adaptation au nouvel emploi comprise entre 6 mois et 1 an, ou un effort d'adaptation lourd avec une mise à niveau directement sur le poste de travail compris entre 6 mois et 1 an.

Compte tenu de ce qui précède, la cour retient que M. [Z] manque en preuve et le déboute de sa demande relative à la prime d'adaptation par confirmation du jugement entrepris.

Sur la compensation de la perte d'astreinte

M. [Z] justifie sa demande en soutenant que sa pathologie, l'arrêt de travail, puis sa longue maladie sont exclusivement imputables à son employeur.

Puis, il fait état d'une compensation de la perte des astreintes suite à mutation.

Il résulte d'un courrier de la CPAM du 2 juillet 2020 que la demande de M. [Z] en reconnaissance du caractère professionnel de la maladie hors tableau dont il est atteint a été rejetée.

Aucun lien avec le travail ne peut dès lors être retenu, M. [Z] ne rapportant pas la preuve contraire.

Ensuite, M. [Z] vise la note EDF DP 20-159 visant la compensation de la perte d'astreinte en cas de mobilité, laquelle prévoit sur ce point :

'Tout agent dont la mutation se traduit par la perte de primes et indemnités, liées à la fonction, ayant un caractère permanent de salaire bénéficie d'une compensation.

Toutefois, si l'agent retrouve dans son nouvel emploi des primes ou indemnités de même nature, celles-ci viennent en déduction de la compensation.

Cette compensation, se traduit par le versement à l'agent, en une fois, au moment de la mutation, d'un capital forfaitaire.

Ce capital est égal, en cas de mobilité naturelle, au montant des primes et indemnités afférentes à 12 mois d'exercice normal de la fonction.

Son montant est doublé en cas de mobilité encouragée, multiplié par quatre en cas de mobilité prioritaire.

Dans tous les cas, il est réduit de 25% si la durée d'exercice est comprise entre 1 et 2 ans, de 50% si elle est inférieure à 1 an.

Les agents déclarés en réforme de structures, qui bénéficient d'une compensation de perte de primes, peuvent choisir entre le dispositif de compensation prévu par la circulaire N 70-49 ou celui prévu au regard de la nature de leur mobilité.'

La compensation de la perte d'astreinte intervient seulement lorsque l'agent perd effectivement les avantages correspondant à l'astreinte réalisée dans le cadre de ses fonctions et sous certaines conditions.

Pour l'employeur, les mobilités dites « prioritaires » ne concernent que les mutations résultant d'une réforme structurelle comme, par exemple :

- Départ non remplacé se traduisant par une diminution des effectifs ;

- Fermeture d'un site ;

- Suppression de l'emploi '

et il produit en pièce n°40, la décision relative aux mobilités prioritaires et encouragées d'EDF SA pour l'année 2017.

Il résulte effectivement de ce document que pour l'année 2017, seules les points repris ci-dessus ont été considérés comme des mobilités prioritaires.

Pour autant, il s'agit d'une décision pour l'année 2017 et les cas concernés sur l'année, l'employeur s'abstenant de produire des décisions ultérieures ou antérieures.

Il convient cependant de rappeler que la mutation de M. [Z] était obligatoire, donc pas naturelle, ni encouragée, de sorte qu'il s'agit de toute évidence d'une mobilité prioritaire.

L'employeur produit encore une note N80-01 du 23 septembre 1980 concernant les conditions devant être retenues pour le versement d'un capital venant compenser la perte de l'astreinte, tel que prévu par la note du 12 juillet 1979, à savoir :

'...

La compensation intervient lorsque l'agent ayant quitté une fonction comportant une astreinte perd les avantages correspondants et est réaffecté définitivement dans un nouveau poste. Si la perte de l'astreinte n'est que provisoire le capital ne doit pas être versé.'

L'employeur fait également état de l'article 5.9 (perte définitive d'astreinte) de la note locale relative à la rémunération de l'astreinte qui est applicable au sein du CNPE de Cruas :

« les agents perdant l'astreinte suite à :

' des raisons de service,

' une inaptitude médicale définitive,

' mutation,

sont indemnisés selon les modalités de la note DP 20-159 ».

Cette disposition ainsi que celle contenue dans la note N80-01 du 23 septembre 1980 sont contredites par la DP 20-159 reprise ci-dessus, du 6 février 2003, et qui prévoit que si l'agent retrouve dans son nouvel emploi des primes ou indemnités de même nature, celles-ci viennent en déduction de la compensation, de sorte qu'il n'est aucunement exigé pour le versement d'une compensation la perte définitive des astreintes.

Il n'est pas contestable que le nouvel emploi de M. [Z] n'entraînait aucunement la perte de ses astreintes.

L'employeur reconnaît par ailleurs avoir accepté de payer au salarié, tous les mois, 1/12ème de la somme du capital d'astreinte, et ce de manière gracieuse, par courrier du 31 mars 2017 :

'Cher Monsieur,

Nous vous informons que votre mutation en date du 01/03/2017, en qualité de Préparateur, entraîne la perte temporaire des indemnités d'astreinte que vous perceviez jusqu'ici.

Toutefois, à titre de compensation, nous avons le plaisir de vous informer que vous bénéficierez d'un capital de 4951,10 euros brut dont vous trouverez le détail du calcul en annexe. Ce capital sera mensualisé à hauteur de 412,59 euros et vous sera versé jusqu'à reprise de votre astreinte.

Nous restons à votre disposition pour tout renseignement complémentaire.

Bien cordialement'

Il résulte de ces éléments que le droit à compensation de la perte d'astreintes de M. [Z] est incontestable, l'employeur n'indiquant nullement que le versement intervient à titre gracieux.

Cependant, le montant correspondant devait être multiplié par quatre ainsi qu'il a été retenu supra.

M. [Z] aurait ainsi dû percevoir la somme de 19804,40 euros bruts (4951,10 x 4), de sorte qu'il lui reste dû un reliquat de 14853,30 euros bruts, outre 1485,33 euros bruts pour les congés payés afférents, justifiant la réformation du jugement critiqué.

Sur les demandes accessoires

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'appelant.

Les dépens d'appel seront laissés à la charge de la SA EDF.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort

Confirme le jugement rendu le 17 décembre 2020 par le conseil de prud'hommes d'Aubenas en ce qu'il a :

Débouté M. [G] [Z] de :

- sa demande de rappel de salaire au titre de l'inégalité de traitement,

- de sa demande en paiement de la prime d'adaptation

Condamné la SA EDF :

- à payer à M. [G] [Z] la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- aux dépens,

Le réforme pour le surplus,

Et statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne la SA EDF à payer à M. [G] [Z] les sommes suivantes :

- 10000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral

- 14853,30 euros bruts à titre de reliquat sur la compensation de la perte d'astreinte, outre 1485,33 euros bruts pour les congés payés afférents,

Dit que la demande au titre de la mutation d'office est irrecevable,

Déboute M. [G] [Z] du surplus de ses demandes,

Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les sommes à caractère salarial à compter de la réception par l'employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation, et à défaut de demande initiale, à compter de la date à laquelle ces sommes ont été réclamées, que s'agissant des créances salariales à venir au moment de la demande, les intérêts moratoires courent à compter de chaque échéance devenue exigible, et qu'ils courent sur les sommes à caractère indemnitaire, à compter du jugement déféré sur le montant de la somme allouée par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus,

Condamne la SA EDF à payer à M. [G] [Z] la somme de 2000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rappelle que le décret n°96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale a été abrogé par l'article 10 du décret n°2016-230 du 26 février 2016 relatif aux tarifs de certains professionnels du droit et au fonds interprofessionnel de l'accès au droit et à la justice,

Condamne la SA EDF aux dépens d'appel.

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,